Tribune. L’idée de « taxer les robots », popularisée en France par Benoît Hamon lors de la dernière campagne présidentielle, réapparaît dans le débat public (« La taxe robot est une des réponses pour que l’automatisation de l’économie contribue au progrès social », Dominique Bertinotti et Mehdi Ouraoui, Le Monde du 17 mai). Une telle taxe serait justifiée par la croyance que la robotisation aurait un impact négatif de grande ampleur sur l’emploi.
Certes, les robots détruisent des emplois, c’est même leur raison d’être. Ces destructions seront vraisemblablement massives.Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la robotisation pourrait faire disparaître environ 16 % des emplois en France d’ici 20 ans. Mais est-ce la fin de l’histoire ? La robotisation ne favorise-t-elle pas aussi l’éclosion de nouveaux emplois ?
Pour évaluer l’effet de la robotisation, les chercheurs comparent le devenir d’un groupe test, affecté par la robotisation du fait de changements technologiques, avec un groupe témoin qui ne l’est pas.Certaines études qui adoptent cette démarche trouvent effectivement que la robotisation a détruit des emplois aux Etats-Unis. Mais des études récentes s’appuyant sur de très riches bases de données trouvent des résultats différents pour l’Europe.
Un effet sur la productivité
Ainsi, en Espagne, la comparaison des trajectoires des firmes qui ont intégré des robots dès la fin des années 1990 (le groupe test) à celles qui n’en ont jamais utilisé (le groupe de contrôle) montre que l’emploi a augmenté dans les entreprises « robotisées », tandis qu’il a diminuédans les autres (« Robots and firms », par Michael Koch, Ilya Manuylov et Marcel Smolka, VOX – CEPR Policy Portal, 1er juillet 2019).
Une étude aboutit à la même conclusion sur la France en utilisant une méthodologie analogue (« What Are the Labor and Product Market Effects of Automation ? New Evidence from France », par Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel et Xavier Jaravel, Sciences Po OFCE, Working Paper n° 1, 2020). Elle montre que l’automatisation a augmenté l’emploi dans le secteur manufacturier, y compris l’emploi des non-qualifiés.
De tels résultats ont été confirmés avec des données couvrant toute l’Europe (« Don’t blame it on the machines : Robots and employment in Europe », par David Klenert, Enrique Fernández-Macías et José-Ignacio Antón, VOX, CEPR Policy Portal, 24 février 2020). Il a été ainsi estimé que l’ajout d’un robot pour 1 000 travailleurs augmentait l’emploi total de 1,3 %, sans effet négatif sur l’emploi non qualifié.
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« S’agissant de la maladie virale contractée au travail, la jurisprudence a commencé par l’exclure. » Philippe Turpin / Photononstop
Droit social. Avec le déconfinement, de nombreux Français ont repris le chemin du travail, avec des organisations souvent aménagées pour assurer le respect des gestes barrières. Si l’actualité récente a montré des exemples d’entreprises condamnées à fermer des sites faute d’avoir procédé à une évaluation suffisante des risques, une question particulièrement sensible demeure en suspens : l’employeur peut-il être inquiété en cas de contamination d’un salarié dans l’exercice de son activité professionnelle ?
La recherche de responsabilité pénale de l’employeur dans le cas de la contamination d’un salarié par le Covid-19 est un tel sujet d’inquiétude que la loi du 11 mai 2020 ajoute un article (L 3136-2) au code de la santé publique.
Il précise que, pour appliquer l’article 121-3 du code pénal relatif à la négligence, il faut tenir compte «… des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ».
Cette précaution ne bouleverse pas le fond des débats portant sur la mise en danger de la vie d’autrui, homicides et blessures involontaires. Le juge pénal vérifiera toujours les mesures mises en place dans l’entreprise et leur réactualisation régulière au gré de l’évolution des données scientifiques.
La question la plus délicate, au pénal comme en droit social, est celle de la preuve que la maladie a été contractée dans l’entreprise.
Prouver la date précise de contraction du virus
Un salarié contaminé, avec une forme sévère de la maladie, pourrait-il demander à être pris en charge au titre de la législation sur les accidents de travail ? Question majeure car, si tel est le cas, il pourrait alors solliciter une majoration de rente et la réparation de son entier préjudice en faisant juger que l’employeur a commis une faute inexcusable, car il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Par exemple, s’il y a absence d’évaluation des risques ou d’organisation du travail permettant de respecter les gestes barrières.
Selon l’article L 411-1 du code de la Sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». L’employeur ou la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) peuvent combattre cette présomption d’accident de travail en prouvant qu’il est étranger à l’activité professionnelle.
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Un employé de l’entreprise Valeo porte un masque dans l’usine du groupe, à Etaples (Pas-de-Calais), le mardi 26 mai. Emmanuel Macron visitait le site le même jour. POOL / REUTERS
En 2019, la France s’installait à la première place en Europe, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne, ses deux principaux concurrents, sur le podium de l’attractivité aux yeux des investisseurs étrangers. Qu’en sera-t-il en 2020, maintenant que le Covid-19 a plongé le Vieux Continent et le reste du monde dans la récession ? Et alors que les entreprises mondialisées tirent les conséquences de la crise sur leurs chaînes d’approvisionnement et de production pour diminuer leur dépendance à la Chine et leur vulnérabilité face aux chocs planétaires ?
« Aujourd’hui, toutes les cartes sont rebattues », constate Marc Lhermitte, associé chez EY, alors que ce cabinet de conseil publie, jeudi 28 mai, l’édition 2020 du Baromètre de l’attractivité. « Il y a une vraie compétition de la relance qui s’installe, dans laquelle la France doit absolument s’inscrire pour conserver ses parts de marchés européens. »
La tendance du « nearshoring »
L’enjeu est de taille : les entreprises étrangères en France emploient 2 millions de salariés, représentent 21 % des dépenses privées en recherche et développement (R&D) et 31 % des exportations. En forte progression en 2017 et 2018 dans le classement européen, l’Hexagone a confirmé son attractivité en 2019, avec 1 197 projets d’investissements annoncés. Juste avant que ne se déclenche la crise sanitaire, elle était encore en progression, malgré les « remous sociaux » liés aux manifestations des « gilets jaunes » et à la réforme des retraites, comme le confirme le sondage mené en février 2020 : 32 % des dirigeants estimaient, à cette date, que l’attractivité de la France était en amélioration, et 50 % la voyaient se stabiliser. « La France a un momentum supérieur à celui de ses concurrents, à elle d’en tirer parti », note M. Lhermitte.
Elle a l’occasion de le faire, puisque la crise liée au coronavirus n’a pas totalement réduit à néant les projets d’investissements des entreprises étrangères. Selon l’analyse d’EY, environ 65 % des investissements annoncés en 2019 seraient maintenus, 25 % reportés ou fortement révisés et 10 % seulement annulés. A noter que ces chiffres sont comparables dans tous les grands pays européens, à l’exception notable de la Pologne et du Portugal où huit projets sur dix sont confirmés, compte tenu des « conditions de compétitivité » de ces deux pays, précise le baromètre.
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Manifestation du personnel soignant devant l’hôpital de La Timone, à Marseille, le 26 mai. CHRISTOPHE SIMON / AFP
Deux jours après l’ouverture, lundi 25 mai, d’une concertation avec le gouvernement visant à « refonder » le système de soins français, François Salachas, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et membre du Collectif inter-hôpitaux (CIH), a répondu à vos questions lors de notre direct du 27 mai. Il avait interpellé Emmanuel Macron le 27 février, alors que ce dernier visitait l’hôpital.
Un soutient de l’hôpital : Le gouvernement avait déjà annoncé un grand plan pour l’hôpital à l’automne dernier, qu’attendre de plus avec ce « Ségur de la santé » ?
François Salachas : Il faut en attendre que les actes soient à la hauteur des promesses ! Le président a affirmé avoir sous-estimé le problème de l’hôpital public et être conscient de l’urgence d’intervenir, notamment sur les salaires les plus bas des personnels hospitaliers.
TCHAT : Si vous deviez n’en garder qu’une, quelle serait la revendication du Collectif inter-hôpitaux ?
Il y a deux revendications équivalentes en importance : la revalorisation salariale et des carrières ET le moratoire sur les suppressions de lits programmées, tant qu’il n’y a pas eu de réévaluation des besoins en termes de santé publique.
Vive les infirmiers : Comment expliquer le retard de salaire des infirmières et aides-soignantes en France par rapport aux autres pays de l’OCDE ?
Cela s’explique essentiellement en raison du sous-investissement dans l’hôpital public depuis dix ans, et peut-être aussi en raison d’un diagnostic des gouvernements successifs tablant sur le dévouement et l’abnégation des personnels leur permettant de faire l’économie d’une revalorisation : constat cynique et inadapté.
Argent : Est-ce qu’une revalorisation des salaires des soignants permettrait vraiment d’ouvrir des lits d’hôpitaux ?
Sans aucun doute. A ce stade, nous n’avons aucune garantie de pouvoir retrouver la capacité d’hospitalisation « pré-Covid » : il faut embaucher massivement des personnels qui auront été attirés à l’hôpital public par des revenus dignement réévalués et la garantie d’être en effectif suffisant pour pouvoir soigner dans de bonnes conditions.
A Marseille, le 26 mai. CHRISTOPHE SIMON / AFP
Orion : A combien se chiffre le budget annuel de l’Etat consacré à l’hôpital public et quelle hausse les professionnels de la santé espèrent-ils ?
L’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) se situe autour de 85 milliards d’euros, et la différence entre le pourcentage d’augmentation accordé cette année (2,3 %) et le « tendanciel des charges » (4 %) impose de nouvelles économies à l’hôpital et majore sa dette… Donc un minimum serait de coller aux 4 % d’augmentation. Tout cela, c’est « hors dépenses Covid ».
Un usager comme les autres : Le premier ministre a encore parlé du temps de travail à l’hôpital. Cela permettra-t-il réellement une meilleure rémunération du personnel soignant ?
Il s’agit d’un écran de fumée : ce type de communication accrédite l’idée qu’il faut se libérer du carcan des 35 heures, source de la paupérisation des soignants… En fait, il faut d’abord augmenter le salaire horaire et permettre à ceux qui veulent faire des heures supplémentaires de le faire… sans contrainte de leur hiérarchie. Sinon, c’est la vieille antienne du « travailler plus pour gagner plus ».
Fang : Comment nous, usagers de l’hôpital public, pouvons-nous soutenir le mouvement des soignants du Collectif inter-hôpitaux ?
Votre soutien est crucial et doit aller au-delà des applaudissements, qui ont fait beaucoup de bien. Il faut signer la pétition de soutien sur Change.org, répondre aux travaux du Conseil économique, social et environnemental (CESE), contacter vos élus présents et à venir en leur demandant de se positionner sur la question de la rémunération mais aussi de la capacité en lits et de la gouvernance, qui doit être plurielle. Les différentes composantes d’une gouvernance de qualité doivent être les suivantes : médecins, personnels non médicaux et usagers. Il faudra également descendre dans la rue quand ce sera possible : c’est toujours nécessaire.
Florent : Les mesures qui vont être prises semblent porter essentiellement sur les carrières. Un autre problème est le changement dans la façon de travailler : logique comptable, méthodes managériales. Ce point de vue sera-t-il pris en compte lors des discussions ?
C’est notre souhait le plus cher, une fois le socle des revendications accepté. Ce sont les effets combinés du concept de l’« hôpital-entreprise », faisant de l’équilibre budgétaire l’élément de pilotage de l’hôpital et du soin de qualité la variable d’ajustement, qui sont en cause dans le péril actuel.
Pour ce faire, les directions hospitalières ont exercé des pressions sur les soignants qui s’apparentent à une forme de maltraitance institutionnelle : ce système doit disparaître. Ce n’est pas un mauvais management avec des règles de gouvernance adaptées (comme l’a évoqué le premier ministre à l’ouverture du « Ségur de la santé ») mais bien une refonte des modalités de gouvernance qu’il faut envisager.
Gregoire : On ne parle jamais du secteur libéral ou privé, qui ne semble pas vraiment concerné par la crise. Est-il raisonnable de dire qu’il bénéficie de cette crise de l’hôpital public, ce qui explique son silence ?
Le concept de l’« hôpital-entreprise » appliqué au secteur public met de fait en concurrence le public, les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et les cliniques privées. Nos directions hospitalières n’hésitent pas à parler de« parts de marché ». La concurrence n’est pas loyale et le débauchage est de plus en plus la règle, soit grâce à une attractivité salariale, soit – et c’est plus grave – en raison de la déception des soignants qui n’acceptent plus la« double peine » liée à la dégradation des conditions de travail et des niveaux de rémunération…
La perte de sens, c’est-à-dire l’impossibilité de continuer à exercer un métier de soin dans des conditions compatibles avec les valeurs qui sont à l’origine de leur« vocation »,conduit ces soignants dépités à quitter l’hôpital public.
Devant l’hôpital Robert-Debré, à Paris, le 21 mai. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
#CIH : Pensez-vous que la réévaluation éventuelle des salaires sera globale, sans distinction, ou plutôt graduelle et se concentrant sur les bas échelons et débuts de carrière ? Quel est l’impact attendu sur les échelons des praticiens hospitaliers ?
C’est difficile à anticiper : il faut un geste global suffisant pour instaurer un climat de confiance et travailler sur un profil de carrière attractif en fonction de ce que chacun développe. Le risque est de tout contractualiser, car cela reviendrait à un paiement à l’acte inflationniste et « obligeant » à ne plus prendre en charge les actes ou les patients aux terrains complexes car non rentables.
Doc76 : Je suis médecin urgentiste et effaré de la dépense publique accrue et le temps perdu parce que les systèmes informatiques en lien avec la santé sont disparates et non communicants entre eux. Ne pensez-vous pas que cela soit un des thèmes important de cette mise à plat de notre système ?
C’est un domaine où les systèmes sont vite frappés de péremption. Il y a cependant beaucoup de progrès à faire pour améliorer les compatibilités et il faut être conscient du risque de glissement de tâches qui pèsent de plus en plus sur les soignants qui sont de plus en plus postés devant leurs écrans au détriment du contact physique, qui est la base des métiers du soin. A cet égard, la téléconsultation, très utile dans certains cas, devrait être utilisée avec discernement.
Romain : Est-il possible de comparer les systèmes français et allemand ?
Cette comparaison est souvent spécieuse : les Allemands dépensent plus que les Français en dollars par habitant mais moins en pourcentage du PIB (qui est supérieur à celui de la France). Le nombre de lits doit être analysé Land par Land, et il y a une structure hospitalière particulière, avec une part plus importante du privé et des hôpitaux communautaires. Leur meilleure gestion de la crise sanitaire s’explique par leur politique de tests massive et non par un nombre de lits de réanimation supérieur.
Pimppipi : Dans une émission télévisée, a été donné l’exemple du Quebec, qui a réévalué le métier d’infirmière grâce à un questionnaire standardisé produit conjointement par le gouvernement et les syndicats. Peut-on imaginer un tel mécanisme en France ?
C’est une piste possible : obtenir un consensus sur les métiers « vitaux » pour lesquels le pays est prêt à dégager des financements supérieurs, mais on touche là à des questions de choix et de politique générale qui dépassent l’objectif de ce tchat.
Il y a certainement une majorité de Français qui sont favorables à une revalorisation substantielle des salaires des soignants. La balle est dans le camp du gouvernement, mais le soutien actif des usagers, notamment par l’intermédiaire de la saisie des assemblées par le Conseil économique social et environnemental (CESE) qui est en cours, sera crucial.
Alors que s’est ouvert, lundi 25 mai, le « Ségur de la santé », plusieurs voix appellent à une revalorisation des salaires du personnel de santé, en première ligne de la lutte contre la pandémie de Covid-19, arguant d’une disparité avec d’autres pays qui mettrait la France en queue de classement.
Dans Le Journal du dimanche, le ministre de la santé, Olivier Véran, a affirmé que le salaire des soignants devra « rapidement » atteindre un « niveau de rémunération correspondant au moins à la moyenne européenne ». La cause d’une augmentation salariale semble légitime, mais comparer les rémunérations des infirmiers et aides-soignants relève d’un exercice délicat, tant les paramètres diffèrent d’un pays à l’autre.
Selon le classement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le salaire des infirmières et infirmiers hospitaliers français arrive à la 23e place sur 33 si l’on tient compte du coût de la vie, avec « 42 400 dollars brut annuels » (incluant cotisations sociales et impôt sur le revenu), soit environ 3 250 euros brut par mois, en 2015 – la période de collecte des données s’étale de 2013 à 2017 et varie selon les pays.
Premier problème, l’écart entre les années de référence : 2013 était encore pour certains pays, en Lettonie par exemple, une année d’austérité, ce qui a changé depuis… alors que, à l’inverse, en 2017, les agents de la fonction publique hospitalière française ont bénéficié d’une revalorisation du point d’indice, ce qui n’est pas répercuté dans la mesure de 2015 retenue pour la France.
Mais l’organisation, qui fait précéder son classement d’une méthodologie détaillée, expose d’autres nuances sur l’utilisation de ces données :
Selon le lieu d’exercice :
Dans la plupart des pays, précise l’OCDE, les statistiques se rapportent uniquement au personnel infirmier exerçant dans les hôpitaux ; au Canada, toutefois, ces données couvrent également les infirmiers exerçant dans d’autres structures, dont des structures privées (en raison du manque de personnel, les infirmiers canadiens font, par ailleurs, beaucoup d’heures supplémentaires).
Selon la qualification :
Les données portent uniquement sur le personnel infirmier « de niveau supérieur »au Canada, au Chili, en Irlande, aux Etats-Unis… où il existe des « infirmiers praticiens », réalisant des soins d’un niveau équivalent à ceux des médecins généralistes pour des patients atteints de problèmes de santé mineurs et des patients nécessitant un suivi de routine. Dès lors, ne prendre que cet échantillon amène à surestimer les niveaux de rémunération par rapport aux pays où les infirmiers « de niveau intermédiaire » sont également pris en compte, reconnaît l’organisation internationale.
A l’inverse, les données néo-zélandaises recouvrent tous les infirmiers, certifiés ou pas, et les aides-soignants dont la rémunération est sensiblement inférieure, ce qui diminue mécaniquement le revenu moyen de l’ensemble.
Selon la durée de temps de travail :
Les données ne portent que sur le personnel infirmier travaillant à plein-temps, à l’exception de la Belgique, où les données fournies prennent aussi en compte les temps partiels, ce qui donne lieu à une sous-estimation du salaire infirmier belge.
Même risque pour certains pays comme l’Italie, dont les données nationales récupérées par l’OCDE ne tiennent pas compte des revenus liés aux heures supplémentaires ou aux primes. Enfin, aucun pays ne fournit de données sur les paiements informels qui, note l’organisation, « dans certains cas, peuvent représenter une part non négligeable du revenu total ».
Devant le siège de la Banque centrale européenne, à Francfort, le 23 mai. YANN SCHREIBER / AFP
Après avoir provoqué une crise économique majeure, la pandémie de Covid-19 va-t-elle se transformer en crise financière ? La Banque centrale européenne (BCE) a tiré la sonnette d’alarme, mardi 26 mai, dans son rapport sur la stabilité financière : « La pandémie a grandement amplifié les vulnérabilités du secteur financier, des entreprises et des Etats. » Selon elle, tous les signaux sont au rouge : hausse de la dette des entreprises, des ménages et des Etats, affaiblissement du bilan des banques et risques élevés sur les fonds d’investissement les moins liquides.
A tel point que la BCE le reconnaît : à terme, si les pouvoirs publics ne sont pas vigilants, c’est l’avenir même de la zone euro qui est en jeu. « Si les mesures prises au niveau national ou européen étaient jugées insuffisantes pour préserver la viabilité de la dette, l’évaluation par les marchés d’un risque de “redénomination” [c’est-à-dire de sortie de l’euro] risque d’augmenter. »
La BCE estime que les gouvernements vont accumuler d’énormes déficits en 2020. La dette de la zone euro va passer de 86 % du produit intérieur brut (PIB) actuellement à 103 % d’ici à la fin de l’année. En particulier, plusieurs pays font face à un besoin de refinancement particulièrement urgent. L’Italie a plus du quart de sa dette à rembourser (ou à refinancer) dans les deux ans qui viennent, une proportion qui atteint près de 20 % pour la France, l’Espagne et la Belgique. « La pandémie représente un défi de moyen terme pour la soutenabilité des finances publiques. »
Le PIB de la zone euro devrait reculer entre 5 % et 12 %
L’institution de Francfort ne parle pas d’une implosion imminente. Les risques décrits dans son rapport semestriel concernent « la période à la fin de la pandémie », explique Luis de Guindos, son vice-président. Pour l’instant, souligne-t-il, les pouvoirs publics sont intervenus en masse pour éteindre l’incendie. D’un côté, les gouvernements ont multiplié les aides : chômage partiel, prêts garantis aux entreprises, moratoires sur le remboursement de certains prêts aux particuliers… De l’autre, la BCE a injecté de la liquidité et a lancé un plan de 1 000 milliards d’euros de rachat de dettes. Les économies européennes sont donc sous perfusion et les risques d’une crise financière sont limités.
La difficulté sera la phase de réveil, comme un patient qu’on sort du coma artificiel et dont on va découvrir les séquelles. La crise actuelle, provoquée par le confinement des économies, est d’une ampleur sans précédent. Le PIB de la zone euro devrait reculer entre 5 % et 12 %, selon la BCE. Un tel choc, bien plus violent que lors de la crise financière de 2008, touche tous les acteurs économiques. Pour les ménages, l’inévitable hausse du chômage et la baisse des revenus vont réduire le pouvoir d’achat. Leur endettement est un souci, mais la BCE est modérément inquiète de ce côté, estimant que les ménages avaient amélioré leur situation financière ces dernières années.
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Devant un magasin Camaïeu, à Caen, en 2007. MYCHELE DANIAU / AFP
Mardi noir dans l’habillement. Au matin du 26 mai, la direction de La Halle a annoncé aux élus du personnel qu’elle demandera la conversion de sa procédure de sauvegarde, ouverte le 21 avril, en redressement judiciaire, début juin. En jeu : l’avenir de 5 391 employés.
Quelques heures après, Camaïeu a dévoilé avoir été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lille, confirmant les informations de La Voix du Nord. L’enseigne de prêt-à-porter féminin emploie 4 263 personnes, dont 3 884 en France et 451 à Roubaix, au sein de son siège.
C’est un poids lourd du marché en Europe, avec 832 magasins, dont 634 dans l’Hexagone. La direction de Camaïeu espère présenter un plan de continuation. L’enseigne au chiffre d’affaires de 677 millions d’euros rejoint ainsi le sort de Naf Naf, autre figure de l’habillement placée en redressement judiciaire le 15 mai. Plus de 1 170 salariés attendent de savoir qui de SY International ou de Beaumanoir sera retenu, début juin, par le tribunal de commerce de Bobigny, pour reprendre cette enseigne de 380 succursales.
Mardi, devant les juges du tribunal de commerce de Montpellier, se déroulait aussi une audience d’Orchestra Prémaman, distributeur de mode enfantine, placé en redressement judiciaire le 29 avril. Près de 2 900 salariés sont concernés.
Enfin, les 600 salariés d’André ont appris, mardi 26 mai, qu’ils devront patienter. Les juges ont repoussé le dépôt des offres de reprise de l’enseigne de chaussures au 22 juin. La chaîne est en redressement judiciaire depuis début avril.
Manque à gagner
En tout, ce sont plus de 14 000 salariés qui sont concernés par la crise dans laquelle s’enfonce le secteur de la mode de grande diffusion. Nombre de ces enseignes se débattaient déjà avant la mise en place des mesures de confinement pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Car le marché est en recul depuis une douzaine d’années. Dès lors, la fermeture imposée par l’Etat pendant deux mois a accéléré leur chute.
Camaïeu, groupe détenu, depuis 2019, par les fonds Farallon, Carval, Pimco et CVC, ses anciens créanciers, martèle qu’il était en train de « mettre en place son plan de transformation » et de boucler un « accord de financement avec ses actionnaires et ses banques », début mars. Mais la fermeture de ses 834 magasins pendant deux mois lui a fait perdre 162 millions d’euros de recettes. Et le groupe affirme ne pas être parvenu à obtenir un prêt garanti par l’Etat pour surmonter ses problèmes de trésorerie.
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Dans un magasin Sephora, avenue des Champs-Elysées, à Paris, le 11 mai. CAMILLE MILLERAND /Divergence Pour Le Monde
Les files d’attente devant les magasins sont un trompe-l’œil. Depuis la levée des mesures du confinement, le 11 mai, en France, la reprise de la consommation s’avère timide. Après deux mois de fermeture, les commerces dits « non essentiels » ont rouvert leurs portes, à l’exception de ceux situés dans les centres commerciaux de plus de 40 000 m². Certes, les plus téméraires des consommateurs sont venus faire des emplettes chez Zara, Sephora et Kiabi. Quitte à enfiler un masque, se désinfecter les mains et, surtout, à patienter devant les portes des magasins pour faire leurs achats.
Cet afflux aurait presque donné l’illusion d’une frénésie d’achats post-confinement. Il n’en est rien. Les mesuressanitaires pour limiter la propagation du virus dans les points de vente imposent aux commerces de limiter le nombre de clients dans les magasins, et donc de les faire patienter à l’extérieur. Et la priorité ne serait pas au lèche-vitrines. Seuls 2 % des Français souhaitaient faire du shopping, à la veille du 11 mai, selon un sondage réalisé par l’institut Nielsen.
Quinze jours après, « les flux de clientèle sont très loin de ceux d’avant » la pandémie de Covid-19, déplore Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération de trois cents grandes enseignes. Lenombre de clients en magasins serait « en baisse de 30 % à 50 %, selon les chaînes », estime-t-il. A Paris, Le BHV Marais, grand magasin de la rue de Rivoli,déplore unefréquentation de 20 % en deçà des standards habituels.Certaines foncièresle constatent aussi. Dans les onze centres commerciaux de la société immobilière Eurocommercial – dont Grand A, à Amiens, et le Passage du Havre, à Paris –, le flux lors de la semaine du 11 au 16 mai serait de « deux tiers de la fréquentation de la même semaine en 2019 ». Ceux de Klépierre – quarante-six de ses cinquante-cinq centres commerciaux en France sont ouverts – drainent 30 % de visiteurs en moins.
« Les gens qui se déplacent viennent pour acheter »
Toutefois, « les gens qui se déplacent viennent pour acheter », précise Eurommercial. « Les taux de transformation [c’est-à-dire la proportion d’achat par rapport à la fréquentation] sont très bons », prétend aussi une porte-parole de Klépierre. Entre 30 % et 40 % des magasins des enseignes de la fédération Procos enregistrent même un chiffre d’affaires supérieur à la même période en 2019.
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Les comptes de l’assurance-chômage continuent de se dégrader à vue d’œil. A l’heure actuelle, la dette du régime est estimée à un peu plus de 47 milliards d’euros, soit 10 milliards de plus qu’à la fin décembre 2019. Ces chiffres ont été présentés, mardi 26 mai, lors d’une réunion du bureau de l’Unédic, l’association paritaire qui pilote le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Ils confirment la violence du choc infligé par la crise liée à l’épidémie de Covid-19.
Le problème tient, en grande partie, aux dépenses qui s’emballent, principalement à cause du recours massif à l’activité partielle (ou chômage partiel) : l’Unédic participe à son financement à hauteur d’un tiers, le solde étant pris en charge par l’Etat. Or, le coût d’une telle mesure est élevé puisqu’elle a été utilisée en avril pour environ 8,6 millions de personnes, soit un peu plus de 40 % des salariés du privé.
L’évolution de la dette correspond aux précédentes projections qui avaient été faites, à la fin avril, affirme Michel Beaugas, administrateur représentant Force ouvrière. « L’activité partielle pèse effectivement sur les finances du régime, admet-il, mais si ce dispositif n’avait pas été mis en place, il y aurait des milliers de demandeurs d’emploi supplémentaires : est-ce que ça ne coûterait pas plus cher ? » D’après Jean-François Foucard (CFE-CGC), l’endettement de l’assurance-chômage pourrait osciller entre 55 et 57 milliards d’ici à la fin de l’été. L’une des questions qui se pose, ajoute-t-il, est de savoir s’il ne conviendrait pas d’« isoler » le passif causé par l’épidémie, et de le transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), afin de « le résorber sur un temps plus long ».
Aucune ressource prévue
« Il faut une conférence sur le financement de l’assurance-chômage », estime Denis Gravouil (CGT) car le trou de l’Unédic se creuse, « essentiellement du fait de l’activité partielle ». Or, aucune ressource spécifique n’est, à l’heure actuelle, prévue pour ce dispositif : celui-ci est « légitime » pour limiter la progression du nombre de demandeurs d’emploi, complète M. Gravouil, mais des solutions budgétaires doivent être trouvées. « Sinon, pronostique-t-il, nous aurons de nouveau droit à un magnifique chantage à l’endettement, dans quelque temps, des menaces sur les droits des chômeurs et sur l’existence de l’Unédic. »
Le niveau atteint par la dette pose « des questions politiques majeures quant à son portage », déclare Patricia Ferrand, la vice-présidente (CFDT) de l’Unédic : « Il ne doit en aucun cas être utilisé comme un argument pour justifier une baisse des droits des centaines de milliers de demandeurs d’emploi supplémentaires qui commencent à s’inscrire à Pôle emploi. » A ses yeux, des « discussions avec le gouvernement doivent s’ouvrir rapidement », afin de traiter ces problématiques.
Pour le moment, le ministère du travail est focalisé sur son idée de « dispositif alternatif » à l’activité partielle, dont les contours doivent être précisés prochainement. La mesure fait l’objet d’un amendement que le gouvernement a défendu, mardi, lors des débats au Sénat sur le projet de loi urgence sanitaire. La disposition en question a été rejetée par cette chambre où la droite et le centre-droit sont majoritaires. « Nous n’y sommes pas opposés pour des raisons de principe mais de méthode », explique René-Paul Savary (LR, Marne) : l’élu met en avant le fait que l’exécutif n’a pas apporté suffisamment de « clarifications » sur un mécanisme qui a vocation à s’inscrire dans la durée.
La rue de Vesle, dans le centre commerçant de Reims (Marne), lors du premier week-end du déconfinement, le 16 mai. FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
Depuis le 11 mai, date du déconfinement, l’économie a redémarré de manière nette, mais encore prudente, selon le diagnostic livré par l’Insee dans son point de conjoncture publié mercredi 27 mai. Alors que l’activité, début mai, était aux deux tiers de la normale, elle se situe aujourd’hui aux quatre cinquièmes de son niveau d’avant la crise. Le déconfinement aura notamment permis aux ménages de retrouver le chemin des commerces et autres coiffeurs : la consommation a connu un net sursaut et se situe « seulement » en retrait de 6 % par rapport au niveau habituel. L’industrie a elle aussi récupéré la moitié de ce qu’elle avait perdu : l’activité se situe à – 38 % par rapport à la normale, au lieu de – 75 % pendant le confinement.
Il n’en reste pas moins que l’impact du confinement sur le PIB du deuxième trimestre reste extrêmement lourd. L’institut de statistiques estime que l’activité a reculé de 20 %, « la perte la plus élevée depuis que les statisticiens font des comptes nationaux », constate Julien Pouget, directeur des études économiques de l’Insee. Au premier trimestre, le PIB s’établissait en chute de 5,8 %. Dans ces conditions, l’Institut national de la statistique a fait le choix de ne pas faire de prévision sur l’ensemble de l’année. Mais, « même si l’activité économique revenait intégralement à son niveau d’avant-crise dès le mois de juillet, le PIB français diminuerait de 8 % sur l’année 2020, notent les statisticiens nationaux. Or un retour aussi rapide à la normale semble peu réaliste ».
Alors que de nombreux secteurs n’ont pas encore repris, comme le tourisme, la restauration ou les lieux culturels et de loisirs, les contraintes sanitaires pèsent sur le fonctionnement et la productivité des entreprises qui ont repris. De plus, il demeure toujours un certain nombre de personnes, jugées fragiles face au risque de contamination, qui ne sont pas encore retournées travailler.
Attentisme
Les données de Google Mobility indiquent que la fréquentation des lieux de travail était inférieure de 41,8 % dans la semaine du 11 au 16 mai par rapport à un niveau normal. Autre élément qui incite à la prudence, l’indicateur de confiance des ménages, également publié mercredi par l’Insee. L’opinion sur le niveau de vie futur en France se situe « à son plus bas niveau depuis que la série existe ». Les ménages sont de plus en plus nombreux à estimer que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois. Sur le plan personnel, les Francais jugent que, dans ces conditions, il est opportun d’épargner, ce qui ne laisse pas augurer d’une forte poussée de la consommation de nature à alimenter la relance dans les mois à venir. « Au vu de la situation, les ménages peuvent être tentés par l’attentisme », concède Julien Pouget.
Même attentisme dans les entreprises. Un nombre important d’entre elles, représentant un quart du total des salariés, disent ne pas connaître à ce jour leur rythme de reprise. Selon une analyse de l’institut Xerfi, « une entreprise sur deux estime revenir à ses pleines capacités de production dès septembre et 72 % d’ici à la fin de 2020 ». Il faudra attendre la moitié de l’année 2021 pour que neuf entreprises sur dix aient repris une activité normale.
Cette reprise lente et progressive recèle des risques pour les entreprises. « La crainte aujourd’hui est celui d’un effet de deuxième tour », souligne Mathieu Plane de l’OFCE. La diminution de la prise en charge du chômage partiel par l’Etat va alourdir le coût de la sous-activité, tandis qu’il faudra bien payer un jour les charges et les loyers reportés et rembourser les prêts garantis par l’Etat. De même, le coût des immobilisations du capital (machines, équipements, informatique…) qui n’est pas utilisé n’est pas anodin pour les sociétés. Dans ces conditions, le risque de faillites et de licenciements est important. Le calendrier de la relance est plus que jamais crucial.