Archive dans 2020

En Californie, la « gig economy » soumise à référendum

Un chauffeur dénonce la « proposition 22 » défendue par Uber, Lyft et d’autres plates-formes de livraison, lors d’une manifestation à Los Angeles (Californie), le 20 août.

Si l’issue du match Trump-Biden ne fait aucun doute en Californie, Etat majoritairement démocrate, le suspense est entier, en revanche, sur le sort de la « proposition 22 », le référendum sur le statut des travailleurs de l’économie à la carte qui doit être soumis aux électeurs mardi 3 novembre, en même temps que le scrutin présidentiel. Une mesure qui relance le débat opposant la Californie, terreau de la Silicon Valley, aux entreprises technologiques qui ont propulsé le travail à la demande au rang de phénomène mondial : les travailleurs de la « gig economy » (« l’économie à la tâche ») doivent-ils être considérés comme des employés ou des contractuels free-lance ?

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La Californie croyait avoir soldé le débat en 2019, lorsque ses élus, à une large majorité, avaient adopté une loi requalifiant les contractuels en employés. Entrée en vigueur le 1er janvier 2020, la loi AB5 impose aux plates-formes d’accorder aux chauffeurs, livreurs et autres intérimaires de l’économie numérique une partie des prestations accordées aux employés « classiques » : assurance-chômage, congé maladie, salaire minimum…

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Les entreprises concernées ne l’ont jamais appliquée, estimant qu’elle imposerait une augmentation de 30 % de leurs coûts d’exploitation. Après moult péripéties devant les tribunaux, et la menace d’Uber et de Lyft de se retirer de Californie, le contentieux a été mis entre parenthèses, en août, par la justice, le temps de connaître le résultat du référendum de novembre sur la proposition 22.

Un compromis

L’initiative est soutenue par Uber, Lyft, Instacart, DoorDash et autres plates-formes de livraison. Elle se présente comme un compromis : les patrons de la gig economy offrent de subventionner l’assurance-maladie des chauffeurs, de leur procurer un revenu minimum garanti et une assurance contre les accidents de travail. Pour échapper au débat employés versus contractuels, ils préconisent de créer une nouvelle catégorie de travailleurs : les « chauffeurs dépendant d’une application » (« app-based drivers »), une formule alliant flexibilité des horaires et (modestes) avantages sociaux.

Les parrains de la proposition 22 ont déployé des moyens sans précédent : 186 millions de dollars en publicité, soit 158 millions d’euros, ce qui en fait, selon le site Ballotpedia, le référendum le plus coûteux jamais organisé aux Etats-Unis – cela, alors que les chauffeurs ont dû batailler pour obtenir des équipements de protection contre le Covid-19. Uber et Lyft, qui n’ont jamais dégagé de bénéfices, ont, ensemble, mis 100 millions de dollars sur la table. DoorDash a mis 47,5 millions, Instacart, 27,5 millions, et Postmates 10 millions.

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Le plan de relance n’aura qu’un effet limité sur la croissance en 2021, estime l’OFCE

Malgré son ampleur – 100 milliards d’euros – le plan de relance mis en place à la rentrée 2020 ne fera pas de miracle, en tout cas pas en 2021. Du fait de la multiplicité des mesures qu’il contient, de leur étalement dans le temps et, surtout, du délai nécessaire à leur mise en œuvre, l’effet sur la croissance serait de 1,1 point l’an prochain, selon les estimations réalisées par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et rendues publiques mercredi 14 octobre.

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En tenant compte de cette impulsion supplémentaire, la croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2021 serait de 7 %, alors qu’elle aurait été de 6 % en son absence. Le PIB de la France reviendra ainsi, à la fin de l’année 2021, à un niveau proche de celui atteint fin 2019, mais « cela ne veut pas pour autant dire que l’économie française aura comblé ses pertes », avertissent les experts de l’OFCE. En effet, par rapport à la croissance potentielle qui avait été estimée en 2019, le recul sera de 2,7 points de PIB à la fin de l’année prochaine. D’une manière générale, l’Observatoire estime que la crise du Covid aura fait perdre deux années de croissance à l’économie mondiale.

« Lenteur du lancement »

En comparaison au plan de relance, les mesures d’urgences prises dès le début de la crise et régulièrement prolongées – activité partielle, dispositifs d’aide aux PME-TPE en difficulté à travers le fonds de solidarité, aides aux indépendants et exonérations de cotisations sociales pour les secteurs les plus touchés – auront eu un impact bien plus significatif, puisqu’elles ont permis de réduire la chute d’activité de 3,4 points de PIB.

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Pour expliquer cet impact relativement faible des mesures de relance, l’OFCE note qu’en 2021, une proportion significative du plan, à savoir 38 %, sera concentrée sur un soutien, non ciblé, aux entreprises, en particulier à travers la baisse des impôts de production. « Ces mesures, dans un contexte de forte incertitude, seront peu efficaces pour redynamiser l’investissement à court terme », note l’Observatoire. L’effet sur la croissance sera donc faible l’année prochaine.

Au passage, ces mesures viendront amputer les recettes publiques de l’ordre de 9 milliards d’euros. De même, « si le plan de relance fait le pari de l’investissement public » – 36 % des montants en jeu – l’ampleur sera limitée en 2021, en raison de « la lenteur du lancement des projets ».

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Dernière ligne droite pour le bilan des six ans d’évolution professionnelle

« La date butoir initiale était le 7 mars 2020 mais, crise sanitaire oblige, un délai a été accordé aux entreprises. »

Il reste peu de temps. D’ici au 31 décembre, les entreprises devront avoir mené les entretiens professionnels pour tous leurs salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté et avoir dressé le tout premier état des lieux récapitulatif pour ceux présents depuis au moins six ans. La date butoir initiale était le 7 mars 2020 mais, crise sanitaire oblige, un délai a été accordé. « Une chose est sûre, ce n’est pas le Covid-19 qui sera responsable des manquements des entreprises en la matière, estime Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT chargé de la formation professionnelle. C’est tout simplement qu’elles n’auront pas inscrit le sujet dans leur agenda social. »

Né de la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, complétée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de septembre 2018, l’entretien professionnel doit se tenir tous les deux ans. Il est destiné à envisager les perspectives d’évolution professionnelle du salarié (qualification, changement de poste, promotion…) et les formations qui peuvent y contribuer. Le bilan professionnel, lui, doit avoir lieu tous les six ans.

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C’est l’occasion de s’assurer que le salarié a bien bénéficié de trois entretiens professionnels et de faire un état des lieux de son parcours. Philosophie : développer l’employabilité des salariés et faire en sorte que chacun soit acteur de son évolution professionnelle. « Si cet état d’esprit est classique chez les cadres, ce n’est pas toujours le cas pour les autres populations, constate Mathilde Bourdat, manageuse chargée de l’expertise formation chez Cegos. Il s’agit de donner à tous les salariés les moyens de mener une réflexion sur leur parcours. » L’entreprise, quant à elle, peut bâtir son plan de développement des compétences en faisant le lien entre sa stratégie et les aspirations de ses salariés.

Une contrainte juridique supplémentaire

Les entreprises seront-elles prêtes dans les temps ? « Nous sommes bien partis pour être dans les clous », se réjouit Margaux Salitot, responsable du développement des ressources humaines (RH) de Pileje, fabricant et distributeur de solutions de santé (micronutrition, phytothérapie…), qui compte 500 salariés en France. Même son de cloche dans le groupe Stago, spécialisé dans le diagnostic biologique. « Le confinement a été un élément perturbant, mais nous faisons tout pour être prêts fin décembre », explique Odile Pellier, directrice du développement RH de la société, qui compte environ 1 300 salariés en France.

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Vaccin antigrippal pour tous, pas avant deux mois

« La campagne de vaccination contre la grippe hivernale, commencée le 13 octobre, arrive en entreprise dans le contexte bien particulier lié au Covid-19 »

Carnet de bureau. Vacciner plus largement ? Poursuivre uniquement sur des critères de vulnérabilités, comme le recommande la Haute Autorité de santé ? La campagne de vaccination contre la grippe hivernale, commencée le 13 octobre, arrive en entreprise dans le contexte bien particulier lié au Covid-19. « Il y a une dizaine d’années, on vaccinait beaucoup », se souvient le docteur Marielle Dumortier. Mais depuis la pandémie H1N1, les salariés étaient frileux à l’idée de se faire vacciner. Pour les entreprises, c’était devenu un non-sujet.

Cette année, « les premières demandes de vaccination ont commencé à arriver une dizaine de jours avant le lancement de la campagne, et surtout de la part d’entreprises qui n’avaient pas l’habitude de nous appeler : un garage, le siège social d’une entreprise industrielle », témoigne la médecin du travail, également autrice de Le monde du travail est devenu fou ! (Cherche Midi).

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Avec le Covid, il s’agit de ne pas ajouter de la crise à la crise, de poursuivre l’activité et d’échapper aux foyers épidémiques. « La vaccination antigrippale n’est pas naturelle dans les entreprises. L’intérêt avec le Covid est d’éviter la confusion avec des symptômes trop proches et la désorganisation de l’entreprise », explique Benjamin Laurent, directeur de la prévention santé en entreprise du groupe de protection sociale Klesia.

Engouement en Australie

Le mutualiste dont les entreprises clientes doivent déclarer à l’avance si elles vaccineront leurs salariés a enregistré 4,5 fois plus de candidats qu’en 2019. « On s’attend à quelque 40 000 demandes surtout dans la pharmacie et le secteur du transport, très exposés [au Covid]», commente M. Laurent.

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L’entreprise International SOS, qui met à disposition sur tous les continents une équipe médicale et les vaccins, a déjà constaté cet engouement en Australie (où l’hiver est passé), ce qui a réduit la période de grippe d’un mois. « Sept millions d’Australiens se sont fait vacciner contre 3,5 millions en 2019. Le taux de volontaires à la vaccination de nos entreprises clientes (CAC 40 et S&P 500) est en moyenne de 10 % », rapporte Philippe Guibert, le directeur médical, responsable des activités de conseils aux entreprises d’International SOS.

En France, « on a peur de ne pas avoir assez de vaccins », confie le docteur Dumortier. Dans un courriel du 8 octobre, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a indiqué que pendant les deux premiers mois de la campagne, il fallait donner la priorité aux « personnes les plus à risque de grippe sévère (…) et qui sont aussi à risque de forme grave de Covid-19 », ainsi qu’aux personnels de santé.

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Le télétravail , nouveau mode de garde ?

« On en reste donc à l’institutionnalisation d’un nouveau principe : il convient de garder ses enfants tout en télétravaillant, sauf au cas où la nature de l’activité rendrait impossible le télétravail »

Droit social. Les parents doivent veiller à la sécurité de l’enfant et contribuer à son entretien matériel et moral. C’est là l’article 371-2 du code civil. S’ils sont mariés, l’article 203 du code dispose que « les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ». Ces textes ne préjugent pas la façon dont s’exerce cette manifestation de la solidarité familiale. Le modèle familial traditionnel, baptisé « Monsieur Gagne-Pain », veut que cette tâche incombe à celui des parents qui n’a pas d’activité rémunérée, statistiquement la femme ou l’épouse.

Le droit français du travail, à travers divers congés, parfois accompagnés d’une indemnisation, parfois non, permet aux salariés de ne pas travailler pendant un certain temps pour se consacrer aux enfants. Le droit de la sécurité sociale accompagne aussi ces catégories de la population à travers plusieurs dispositifs de prise en charge partielle d’une perte de revenu ou d’un coût engendré par la garde d’un enfant.

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Inclus dans la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PréPare) compense partiellement la diminution de revenu de celui qui a choisi de cesser ou de réduire son activité professionnelle pour élever son(ses) enfant(s), et le complément de libre choix de mode de garde (CMG) finance, partiellement, sous condition de ressources, la garde de l’enfant de moins de 6 ans par un assistant maternel agréé, une garde à domicile, une entreprise habilitée ou une micro-crèche lorsque le(les) parent(s) travaille(nt).

Attestation sur l’honneur

La fermeture des crèches et écoles en réponse à la pandémie de Covid-19 a fait apparaître un nouveau mode de garde des enfants : celui de la garde par le télétravailleur. C’est là une constante, tant les règles qui ouvraient le droit à l’arrêt de travail dérogatoire Covid-19 et le versement corollaire d’indemnités journalières d’assurance-maladie que les textes spéciaux du droit du chômage partiel, posent le principe du télétravail pour tous ceux dont l’activité le rend possible.

Le 9 septembre 2020, le gouvernement a annoncé que « les salariés du privé contraints de garder leurs enfants en raison de la fermeture de leur crèche, école ou collège et qui seront dans l’impossibilité de télétravailler seront placés en activité partielle » mais aussi que « cette indemnisation pourra bénéficier à un parent par foyer, en cas d’incapacité de télétravail des deux parents et sur présentation d’un justificatif ». Chose dite, chose faite et même de façon rétroactive au 1er septembre.

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Une intuition de régression techno-féodale

« Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique », de Cédric Durand. La Découverte, 256 pages, 18 euros.

Le Livre. Des firmes géantes, dont la puissance excède celle des Etats, se constituent en forces sociales dominantes. Ces puissants monopoles privés sont devenus des îlots de stabilité dans un monde chaotique, et se dressent au-dessus des gouvernements. Les directions des grandes entreprises exercent un pouvoir politique et économique sur les espaces sociaux qu’elles contrôlent et sur les individus qui les habitent.

Voici, en quelques lignes, la fiction cyberpunk conçue par le hackeur Loyd Blankenship en 1990. Si ce scénario n’a aucune valeur prédictive, il est difficile de ne pas noter, quelques décennies plus tard, l’actualité de certaines des intuitions formulées dans cet imaginaire, souligne Cédric Durand dans son essai Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique (La Découverte).

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Les entreprises transnationales ont considérablement accru leur emprise sur les sociétés contemporaines, rappelle l’économiste à l’université Sorbonne-Paris Nord. Et ce n’est pas qu’une question de taille. « Avec la télématique, les droits de propriété intellectuelle et la centralisation des données, c’est un contrôle beaucoup plus serré qui s’exerce sur les territoires et sur les individus. » Les Etats montrent des signes d’affaiblissement par rapport aux grandes corporations.

Ainsi, le taux effectif d’imposition des multinationales est passé de plus de 35 % dans les années 1990, à moins de 25 % dans la seconde moitié des années 2010. La capacité d’influence des milieux d’affaires sur le politique « s’est considérablement renforcée, notamment avec l’augmentation des dépenses de lobbying et l’étendue de jeux d’influence de moins en moins discrets, loin des procédures démocratiques formelles ».

Un changement de logique systémique

Autant d’indices qui font écho à l’intuition d’une régression techno-féodale et conduisent à se poser l’une des principales questions d’économie politique de notre temps : qu’est-ce que le capitalisme et le numérique se font l’un à l’autre ? Se pourrait-il qu’un changement de logique systémique soit en train d’advenir et que nos yeux, troublés par l’enchevêtrement des crises du capitalisme, ne l’aient pas encore bien perçu ?

C’est cette hypothèse qu’explore l’ouvrage, organisé en quatre temps. Le premier chapitre revient sur la généalogie du récit qui annonce un nouvel âge d’or du capitalisme grâce au numérique. La Silicon Valley et ses start-up « exercent une attraction magnétique sur l’imaginaire politique, offrant le lustre d’une jeunesse mythique au capitalisme tardif ». Quels sont les soubassements théoriques et les failles de cette idéologie ?

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Les dérives du management de McDonald’s en France : sexisme, harcèlement, agressions sexuelles

Une plainte avait déjà été déposée par une coalition internationale de syndicats devant l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le 18 mai. Les enquêtes de Mediapart et Streetpress viennent confirmer des situations de sexisme, d’agressions sexuelles et de harcèlement moral et sexuel chez McDonald’s. Durant deux mois d’enquête, les deux médias ont recueilli 78 témoignages de salariés dans différents restaurants de l’entreprise. Quarante proviennent du vaste travail de recensement du collectif McDroits, composé de salariés dénonçant le management de la chaîne de fast-food.

Tous décrivent un environnement de travail où la violence professionnelle, souvent sexiste, est systémique, s’invitant jusqu’au siège français du numéro un mondial de la restauration rapide. « Dans le détail, 37 ont subi des harcèlements sexuels (48,7 %), 32 ont enduré du harcèlement moral (43,6 %), qui dans de très nombreux cas a provoqué des dépressions. Neuf racontent des faits qui peuvent être qualifiés d’agression sexuelle (12,8 %) », énumère Streetpress.

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L’entreprise a refusé de répondre aux questions de Mediapart et Streetpress. Dans un courriel, la direction commente simplement :

« McDonald’s ne peut cautionner que de fausses accusations soient publiquement proférées envers ses collaborateurs (…). McDonald’s France condamne avec une grande fermeté tous comportements à connotation sexuelle ou sexiste, tous comportements qui porteraient atteinte à la dignité des personnes en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, et tous comportements qui créeraient une situation intimidante, hostile ou offensante. »

Remarques et humiliations

Des dizaines de témoignages font pourtant état de remarques déplacées, d’insultes racistes, grossophobes, sexistes, lesbophobes, transphobes, mais aussi de violences sexuelles graves, énumère Médiapart. Selon plusieurs témoignages, cette culture d’entreprise sexiste et raciste se constate dans l’organisation du travail. « En gros, si tu étais une fille blanche, tu étais en caisse. Si tu étais un homme et racisé, tu étais en cuisine », souligne une salariée.

Un salarié assure que l’insulte « bamboula » était fréquente dans son restaurant. Une autre rapporte avoir été « recrutée pour la taille de [s]a poitrine », citant les propos de son manager. Ayant changé de genre il y a quelques années, Ana se faisait appeler par son nouveau prénom par ses collègues, alors que ses managers employaient volontairement son prénom de naissance masculin. Une salariée dénonce les classements sur le physique réalisés dans certains restaurants à l’arrivée de nouvelles recrues. Sur YouTube, plusieurs anciennes salariées ont pris la parole pour raconter les sempiternelles remarques et humiliations de leurs collègues ou managers.

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Dans certains restaurants, les phrases embarrassantes s’accompagnent de gestes déplacés, qui émaillent le quotidien des salariées, comme le raconte une jeune femme de 21 ans, équipière dans un McDonald’s de la région parisienne. « Il se colle à nous. Quand il passe, il frôle souvent mes seins et mes fesses », rapporte-t-elle à Mediapart au sujet de son manager – un récit confirmé par d’autres employés.

De nombreux témoignages font clairement état de harcèlement sexuel ou moral, d’agressions sexuelles et de viols. « Je me retrouve seule avec P. Il me parle de ma poitrine, il me touche les seins, alors que je répète que je ne veux pas et que je le repousse. J’ai peur qu’il se venge de mon refus au travail (…). Puis il se met derrière moi. Il retire ma culotte et il me doigte, toujours sans mon accord. J’étais pétrifiée, je ne voulais pas, je n’arrivais plus à parler », rapporte la salariée, évoquant des faits survenus lors d’une soirée entre membres du personnel.

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Plainte aux prud’hommes

Face à ces situations, dont certaines sont remontées à la direction des restaurants concernés, la hiérarchie n’a pris aucune sanction, proposant au mieux aux victimes présumées des mutations dans d’autres restaurants. « A aucun moment je ne me suis sentie protégée, ni par les managers, ni par la directrice », raconte une salariée qui avait fait remonter à la direction les propos et gestes à connotation sexuelle d’un collègue âgé d’une soixantaine d’années.

Bien souvent, ce sont les victimes présumées qui finissent par quitter l’entreprise lorsqu’elles trouvent un autre travail. Les travailleurs qui restent décrivent l’omerta au sein des restaurants, notamment parce que les salariés, souvent précaires, craignent de perdre leur emploi. En janvier 2010, Jeanne, elle, a décidé de porter plainte aux prud’hommes pour « harcèlement moral » contre un de ses collègues, dont elle dénonce les remarques sur son physique et les insultes. Ana, elle, confie n’avoir pas eu la force de saisir la justice : « Ils se payeront un bon avocat et moi je n’ai pas les moyens. »

Au lendemain de la publication de ces deux enquêtes, le groupe McDonald’s France a posté un message sur Twitter, dans lequel il assure « avoir à cœur d’offrir dans [ses]1 490 restaurants un environnement de travail sain, épanouissant et agréable ». Un message accompagné d’une vidéo reprenant les chiffres d’un sondage positif sur l’entreprise. Dans la foulée, le collectif McDroits a publié une réponse regrettant « aucune remise en question, aucun projet, juste des chiffres pour nier les faits ».

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Le Monde

Il faut « laisser les universités ouvertes » pour « assurer la réussite des étudiants et leur insertion »

Fermer les campus universitaires serait prendre le risque d’un décrochage massif des étudiants, déjà fragilisés depuis le début de l’année par des ruptures dans leur formation et par l’isolement social, estiment Jean Chambaz, président de Sorbonne Université et Thomas Clay, administrateur provisoire de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, dans une tribune au « Monde ».

Des salariés bloquent les expéditions de carburant de la raffinerie Total de Grandpuits

Les expéditions de carburant étaient fortement perturbées mardi 13 octobre dans la matinée à la raffinerie Total de Grandpuits (Seine-et-Marne), bloquées par des salariés qui manifestent contre le projet de reconversion du site, a fait savoir la Confédération générale du travail (CGT) à l’Agence France-Presse (AFP). Total a annoncé en septembre que le raffinage à Grandpuits cesserait « fin 2023 ».

« On a créé un barrage de fortune avec des palettes pour bloquer l’entrée de la raffinerie » dès 4 heures, a déclaré Adrien Cornet, délégué CGT, syndicat majoritaire à l’initiative de cette action. « Les expéditions de produits sont perturbées mais Total continuera à assurer les approvisionnements de son réseau de stations-service et de ses clients », a déclaré Total.

Deux cent soixante-dix poids lourds, dans l’impossibilité de récupérer leurs chargements – soit 35 000 litres de carburants chacun –, ont dû être détournés vers d’autres dépôts, ce qui représente presque la totalité des quelque trois cents camions de passage chaque jour sur le site, selon la CGT.

Grandpuits : Total ferme la raffinerie et promet une plate-forme « zéro pétrole »

Projet de reconversion

Cette action s’inscrit dans le cadre de la grève votée lundi lors d’une assemblée générale qui a rassemblé plus de deux cents salariés, et doit se poursuivre jusqu’en début d’après-midi, « au minimum », avant un rendez-vous avec la direction, a souligné M. Cornet.

Selon les projets de Total, le raffinage sur ce site doit laisser place à un projet de reconversion centré sur la production d’agrocarburants et de bioplastiques, ainsi qu’à l’exploitation de deux centrales solaires photovoltaïques, selon le géant pétrolier.

D’un budget de 500 millions d’euros, ce redéploiement n’entraînera aucun licenciement mais des départs à la retraite anticipée et des mobilités internes vers d’autres sites, avait assuré Total. Deux cent cinquante postes, sur les quatre cents que comptent aujourd’hui la plate-forme de Grandpuits et le dépôt associé de Gargenville (Yvelines), seront maintenus, avait détaillé l’entreprise dans un communiqué.

Mais la CGT craint la suppression de « sept cents emplois », directs et indirects. « On veut un projet d’ampleur pour la raffinerie, vraiment vert et pas du “greenwashing” », a souligné M. Cornet, dénonçant un « projet macabre » qui inquiète de nombreux salariés. « On demande des écrits, des engagements » pour préserver l’emploi, a-t-il ajouté.

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Le Monde avec AFP