Archive dans 2020

Covid-19 : « En médecine du travail, la concurrence est un moteur essentiel du progrès »

Tribune. Nous sommes face à un bouleversement profond de la médecine, qui va prendre de l’ampleur avec l’irruption massive et rapide du numérique et le développement de la télémédecine. Nous devrons maîtriser la convergence du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle dans ce domaine. Par ailleurs, la montée des risques, notamment sanitaires et psychosociaux, et des addictions devrait inciter la médecine du travail à donner la priorité à la prévention, avant d’être obligé de soigner. En quinze ans, le nombre de salariés indemnisés par l’Assurance-maladie pour maladie professionnelle a augmenté de 7,5 %. Et le très fort taux d’accidents du travail place la France au 25e rang sur 28 de l’accidentologie en Europe. Nous devons également apporter des solutions contre l’absentéisme, le plus important en Europe à part l’Espagne et l’Italie.

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Pour apporter les meilleures réponses, assurer les évolutions nécessaires et préserver la santé des salariés, il nous apparaît comme une priorité de regrouper les services de santé au travail interentreprises (SSTI), afin que, d’ici au 1er janvier 2022, chaque service suive au moins 100 000 salariés, un chiffre modulable au niveau régional. Seul un tel regroupement permettra d’avoir les moyens humains et financiers de mettre en place des outils numériques uniques et des process uniformisés avec des données consolidées au niveau régional ou national. Ces SSTI auraient une compétence régionale, afin d’éviter le lourd système des agréments territoriaux. Quant à l’organisme régional préconisé par le rapport de la députée (LRM) du Nord Charlotte Lecocq, il contracterait avec les SSTI sur des objectifs et des moyens.

Développer la télémédecine

En revanche, la création d’un monopole semi-public serait une erreur : un pareil organisme ne peut être disruptif et innovateur. Le tarif imposé sans possibilité d’adaptation et le prélèvement des cotisations par l’Urssaf, également prévus par le rapport Lecocq, seraient tout aussi néfastes. Les chefs d’entreprise des TPE et PME considéreraient ces prélèvements comme un nouvel impôt. Il faut laisser la négociation libre, et permettre aux entreprises de lancer des appels d’offres donnant aux SSTI la liberté de proposer leurs tarifs et leurs prestations à partir du moment où il existe une offre de services de base et un tarif qui lui correspond. La formule de l’appel d’offres préserve et stimule les facultés d’innovation et de réactivité des SSTI, loin du « confort » qu’induirait un monopole semi-étatique.

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Covid-19 : « La crise sanitaire a été propice à la mise en place de nombreux changements au travail »

Tribune. La crise sanitaire inédite que nous traversons, spécialement dans les milieux professionnels, invite à examiner ses conséquences sur les relations entre santé et travail, à court comme à plus long terme. Les enquêtes épidémiologiques soulignent que certaines catégories socioprofessionnelles, les « premiers de corvée » – personnels soignants, grande distribution, maintenance des infrastructures, etc. –, ont été particulièrement exposées au virus durant le confinement, et l’ont payé au prix fort. Les mêmes enquêtes ont montré, en creux, que les conditions de travail dans ces emplois ne les ont pas prémunies des risques sanitaires inhérents à l’exercice de leur métier. Ces analyses ont toutefois pu laisser penser qu’il suffisait d’être confiné pour rester en bonne santé, et déconfiné selon les règles sanitaires en vigueur pour que les risques disparaissent. Le tableau des relations entre santé et travail est évidemment plus nuancé que cela, tant les questions relatives à la santé ne peuvent se réduire à la maladie, mais doivent être analysées par le biais de l’expérience des situations antérieures comme de la période actuelle, avec ses épreuves, ses aventures et ses apprentissages.

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La crise sanitaire a, de fait, été propice à la mise en place de nombreux changements au travail, que ce soit en matière d’organisation, de contenus et de technologies d’appui. Les équipes de travail comme l’encadrement ont dû, dans ces conditions, revoir les priorités entre les tâches à faire, redéfinir les modes de prescription et de collaboration, inventer des modalités de socialisation respectueuses des règles sanitaires, revoir – ou créer – leurs espaces de travail. Tous ont dû se familiariser avec de nouveaux outils d’information et de communication pour assurer les interactions professionnelles.

Les premiers retours des milieux professionnels durant cette période à rebondissements permettent de distinguer deux grandes tendances en matière de santé au travail.

Coupure brutale et durable

D’un côté, les changements techniques et organisationnels, menés bien souvent dans l’urgence, ont pu conduire à des processus d’isolement, du fait de la coupure brutale et durable avec les collègues et la hiérarchie, ou à l’impossibilité de travailler chez soi, faute de conditions matérielles adaptées ou de système d’information suffisamment fiable. Ces ruptures semblent moins liées à la nature de l’activité qu’à la robustesse de l’organisation des équipes : des liens qui étaient déjà ténus avant la pandémie se sont alors encore distendus, voire disloqués. Cette relégation a pu induire un sentiment d’abandon, dont les traces durables sont à craindre dans le fonctionnement de ces équipes et pour la santé des personnes concernées.

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Les employeurs « invités » à mettre en place le télétravail partiel

Il faut une dose de télétravail dont le volume est laissé à l’appréciation des patrons et des élus du personnel. Jeudi 15 octobre, l’exécutif a formulé cette demande, lors d’une conférence de presse à laquelle participaient – entre autres – le chef du gouvernement, Jean Castex, et la ministre du travail, Elisabeth Borne. Le but de l’exercice était de détailler les annonces faites la veille par Emmanuel Macron, lors d’un entretien télévisé, pour contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19.

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Dans les métropoles soumises au couvre-feu, les pouvoirs publics veulent que soit désormais fixé « un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent ». Cette valeur plancher sera déterminée « dans le cadre du dialogue social de proximité », précise une version quasi définitive du nouveau protocole sanitaire pour les « salariés en entreprise », qui a été présentée jeudi aux syndicats et au patronat.

Mercredi soir, le président de la République avait évoqué « deux à trois jours » par semaine – un ordre de grandeur qui n’a donc qu’une valeur indicative. Par ailleurs, là où le couvre-feu n’est pas instauré, les employeurs sont seulement « invités » à le faire.

Pour l’exécutif, il n’est nullement question de pousser les actifs à exercer à 100 % leur activité à distance, même dans les zones d’alerte maximale. L’objectif est de trouver un équilibre, comme l’a expliqué, mercredi, M. Macron : d’un côté, « réduire un peu la pression collective » dans les établissements et les transports en commun ; de l’autre, éviter de « réisole[r] les gens ».

Jeudi, Mme Borne a rappelé que le protocole sanitaire pour les entreprises, mis à jour plusieurs fois depuis le début de l’épidémie, s’inscrit dans une « démarche de prévention du risque d’infection » : dès l’instant qu’il est appliqué, il est « efficace » et empêche, selon elle, que les lieux de travail deviennent « une chaîne de contamination ». « Les salariés peuvent [prendre leur poste] en toute sérénité », a-t-elle assuré.

Risques psychosociaux

La nouvelle mouture du protocole devait être publiée vendredi, après consultation des partenaires sociaux. Les changements apportés à ce vade-mecum sont jugés favorablement par Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Pour lui, le seuil de « deux ou trois jours de télétravail par semaine », cité par M. Macron, lui semble bon. Il n’est pas forcément partisan d’aller au-delà : « Il n’y a pas une demande uniforme des salariés », avance le responsable cédétiste, tout en mettant en exergue les risques psychosociaux, en particulier pour les jeunes et les célibataires.

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Les éditeurs diversifient à bon compte les revenus de leurs auteurs

Dans une librairie de Mulhouse (Haut-Rhin), le 11 mai 2020.

Comment arrondir les fins de mois des auteurs sans grever le porte-monnaie des éditeurs ? Le numéro deux français de l’édition, Editis, vient de mettre en place un « bureau des auteurs ». Deux cents écrivains de quarante-huit maisons du groupe ont donné leur accord pour participer à des conférences au sein d’entreprises ou de collectivités. Un service « pour les entreprises friandes de donner du sens à leurs salariés », explique Michèle Benbunan, directrice générale d’Editis.

Pour l’heure, L’Oréal, Bel et une banque d’affaires ont donné leur feu vert. Les auteurs seront payés entre 5 000 euros et 10 000 euros la conférence, un tarif sur lequel Editis prélèvera 10 %. Ce revenu dépasse largement les à-valoir payés à un jeune romancier. Depuis plus de deux ans, Hachette Livre organise le même type de prestations pour des entreprises. Sauf cette année, où ce marché s’est effondré avec la crise sanitaire.

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Toujours pour diversifier les revenus des auteurs, Editis a créé, fin avril, des sessions mensuelles de présentation virtuelle d’ouvrages destinés à des adaptations audiovisuelles ou cinématographiques. « Plus de 200 producteurs y participent et trois projets sont en négociations très avancées », détaille Clément Pelletier, directeur du développement.

Opacité des ventes

Aiguillonnés par le rapport de Bruno Racine, « L’auteur et l’acte de création », publié en janvier par le ministère de la culture, les éditeurs se préoccupent enfin de l’épineuse question de l’opacité des ventes. Depuis septembre, Hachette Livre propose à ses auteurs de littérature générale un portail qui leur donne accès à des informations sur les tirages et les ventes de leurs livres, recensées par l’institut GfK. Cette plate-forme, déjà proposée au Royaume-Uni, sera déployée dans les autres maisons d’édition du groupe, au-delà de la littérature. Chez Editis, Michèle Benbunan souhaite mettre en œuvre un système identique, donnant les ventes en temps réel et le montant des droits d’auteurs.

Le reste de l’édition devrait suivre. D’ici à 2021, « nous allons créer un GIE [groupement d’intérêt économique], regroupant les éditeurs, les plates-formes, les libraires et les auteurs, avec un tiers de confiance qui pourrait redistribuer l’information aux éditeurs et aux auteurs », indique Pierre Dutilleul, le directeur général du syndicat national de l’édition (SNE). D’ores et déjà, « tous les flux ont déjà été recensés, chez les éditeurs, les libraires, les distributeurs, GfK, etc. », indique-t-il, en sachant que les libraires disposent de trois mois pour retourner aux éditeurs les livres qu’ils n’ont pas vendus.

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« Pourquoi aide-t-on tout le monde et pas nous ? » : le désarroi des extras de la restauration événementielle

Manifestation d’extras de la restauration évenementielle à l’appel de la CGT, à Paris, le 30 juin.

Son texto est arrivé à 14 h 42, juste après la déclaration du premier ministre, jeudi 15 octobre. Une simple photo de son écran de télé, branchée sur BFM-TV, qui suffisait à décrire son drame. « Mesures partout en France : toutes les fêtes privées (mariages, soirées étudiantes…) interdites », disait l’infographie à l’image. « Je suis K.-O. debout », a dit le texto suivant.

La veille, Yann (les témoins ont requis l’anonymat), 49 ans, maître d’hôtel spécialisé dans les réceptions de mariage, partageait encore sa joie de pouvoir enfin travailler ce week-end, lors d’une cérémonie en Eure-et-Loir. Jusqu’aux annonces de Jean Castex. « Le seul truc qui me restait, c’est fini… », commente-t-il, sonné.

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Ses neuf derniers mois, comme ceux de tous ses collègues de la restauration dans l’événementiel, ressemblent à l’un de ces cauchemars qui réveillent la nuit : ceux où l’on glisse dans un monde parallèle oppressant, qu’on a hâte d’oublier au matin, soulagé de retrouver sa « vraie » vie.

Il y a un an encore, ils orchestraient fièrement cocktails, réceptions, cérémonies, salons. Servant champagne, plats ou petits-fours de Roland-Garros à l’Elysée, du Stade de France à la Foire de Paris, en passant par tous les « clubs de direction » des groupes du CAC 40. Ils vivaient confortablement d’un système pourtant inconfortable, et très peu connu, qui concernerait de 15 000 à 20 000 personnes : celui des extras ou « permittents ».

Ni chômage partiel, ni fonds de solidarité

Employés depuis parfois vingt ou trente ans en contrats à durée déterminée (CDD) d’usage, ils alternent contrats courts – avec beaucoup d’heures sur peu de jours – et périodes d’inactivité. Un genre d’intermittence qui ne dit plus son nom, depuis 2014 et la perte de leur régime spécifique d’assurance-chômage, qui était plus favorable que le régime général auquel ils sont soumis aujourd’hui.

Mais, en février, tout bascule : leur secteur est le premier arrêté par les mesures anti-Covid-19 limitant les rassemblements. Suivent le confinement puis le déconfinement. Et l’annulation de tous les événements qui font d’habitude du printemps la période faste qui leur permet de recharger leurs droits au chômage. Depuis, comme dit Yann, ils ont « mangé » leurs jours d’indemnisation. Tablant sur une reprise à l’automne.

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Les mesures annoncées cette semaine, couplées à l’annulation du Salon de l’agriculture fin février 2021, font figure de coup de grâce. C’est à plus d’un an sans travail dans leur branche qu’il faut qu’ils se préparent. Et cela, jusqu’ici, sans aucune aide de l’Etat, qui a soutenu les entreprises du secteur mais n’a rien prévu pour ces CDD d’usage. Pour eux, ni gel des droits, ni chômage partiel, ni fonds de solidarité, ni prêt garanti par l’Etat. Rien non plus de la part de leurs employeurs.

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Les salariés de Technicolor interpellent l’Etat sur les licenciements

Manifestation de salariés de Technicolor, à Rennes, le 17 septembre.

« L’argent de [la banque publique d’investissement] Bpifrance va-t-il permettre à la direction de Technicolor de délocaliser en Inde ? Comment l’Etat peut-il financer des délocalisations ? » Ce sont les questions que posent aux pouvoirs publics les salariés du site Technicolor de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), spécialisé dans les décodeurs numériques, depuis qu’ils ont appris, le 2 juillet, la suppression de 110 postes (sur 286). Les représentants des salariés soutiennent que l’activité de développement de logiciel sera transférée en Inde, avec embauche d’ingénieurs localement et transmission de savoir-faire. Une délocalisation, en somme, que la direction de Technicolor aurait reconnue lors de la première réunion du comité social et économique (CSE) cet été, mais qu’elle n’a voulu ni confirmer ni infirmer au Monde.

L’entreprise replace ces licenciements dans « un plan de transformation » ayant pour objectif de « poursuivre la rationalisation » de ses sites R&D, dont beaucoup ont déjà été fermés à l’étranger. Ces licenciements interviennent surtout à un moment critique pour Technicolor, placée sous procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce cet été alors que, très endettée, elle risquait de ne pouvoir rembourser une échéance de prêt. Le plan de sauvetage s’est déroulé en deux temps : une restructuration de ses créances et l’entrée d’argent frais. C’est là qu’intervient Bpifrance.

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Actionnaire de Technicolor (ex-Thomson) depuis 2013, la banque publique détenait, avant les opérations financières de l’été, 7,58 % du capital, et des droits de vote proportionnels. Dans le cadre de la procédure de sauvegarde, elle s’est engagée, comme tous les actionnaires, à souscrire de nouvelles actions. Elle a ainsi réinjecté 20 millions d’euros dans l’entreprise fin août. Après, donc, l’annonce du plan de licenciements, s’indignent les salariés. « Bpifrance a remis au pot en sachant qu’ils délocalisaient !, insiste Nicolas Grelier, porte-parole de l’intersyndicale. Comment a-t-elle pu soutenir le plan financier sans plus de conditions sur l’emploi ? On est surpris qu’ils aient laissé passer cela si facilement. » « On a du mal à comprendre le rôle de Bpifrance », renchérit la députée LRM d’Ille-et-Villaine Laurence Maillart-Méhaignerie, qui a été reçue avec les salariés et le maire de Cesson-Sévigné, le 2 septembre, au ministère de l’économie.

« Restructuration financière »

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Baisse record des recrutements de cadres en 2020

A la Défense, près de Paris, en novembre 2017.

« L’emploi des cadres marquera un nouveau record en 2020 », annonçait en février 2020 l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Record il y aura, mais pas celui attendu : « Sur les recrutements, le choc est de 30 % à 40 %. Le niveau d’incertitude sur la fin d’année laisse présager un recul de 40 % plutôt que de 30 % par rapport à 2019 », analyse Gilles Gateau, le directeur général de l’APEC.

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L’association qui ajuste habituellement ses prévisions de recrutements annuels au cours de l’été a réinterrogé les entreprises en septembre, pour faire un bilan qui tienne compte des conséquences économiques de la pandémie. L’enquête révèle que seuls 170 000 à 200 000 cadres seraient recrutés en 2020. Entre 37 000 et 47 000 recrutements sont encore prévus pour le quatrième trimestre, mais ils restent à confirmer, l’enquête ayant été faite avant la nouvelle dégradation de la situation sanitaire.

« Il faut remonter à la guerre du Golfe pour retrouver une baisse similaire, étalée sur quatre ans »

La forte progression des embauches ininterrompue depuis 2016 était pourtant appelée à se poursuivre durant plusieurs années. L’emploi cadre porté par la transformation numérique et l’investissement des entreprises n’avait d’ailleurs pas ressenti l’essoufflement de la croissance en 2019. « Les entreprises savent que la pénurie des cadres sur le marché peut constituer un frein à leur croissance », explique Gaël Bouron, responsable adjoint du pôle études de l’APEC. Un dépassement du seuil de 300 000 recrutements était même annoncé pour 2022, lors de la présentation en février des intentions d’embauches. Mais l’investissement des entreprises a reculé de 14,9 % au deuxième trimestre et les offres d’emploi se sont effondrées, passant dès le mois d’avril de 90 000 à moins de 50 000. La perspective de 296 600 embauches prévues en février pour 2020 n’a pas survécu au Covid.

Les précédentes crises économiques n’avaient pas eu le même impact : la baisse des recrutements enregistrée en 2013 avait été de 10 %, et même la crise financière de 2008 n’avait provoqué qu’un recul de 28 % en 2009. « Il faut remonter à la guerre du Golfe pour retrouver une baisse similaire, étalée sur quatre ans. De 1991 à 1994, le nombre de recrutements de cadres avait reculé de 13 % par an en moyenne, et sur des volumes qui n’ont rien à voir. Le point bas avait été de 76 000 embauches en 1993, contre 170 000 attendues cette année », explique M. Gateau.

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« Nous nous opposons avec vigueur à toute idée d’une directive européenne sur les salaires minimums »

Tribune. Depuis quelques années, la France s’est lancée dans un vaste programme de réforme, en particulier sur le marché du travail. C’est un projet ambitieux dont l’un des objectifs est de rendre les relations entre les partenaires sociaux plus fortes mais aussi plus flexibles, dans le but de renforcer la compétitivité et la capacité d’adaptation au changement du pays. Le président Emmanuel Macron a cité les pays scandinaves en exemple.

En tant que représentants des organisations syndicales et patronales du secteur privé en Suède, nous sommes surpris et très préoccupés par le fait que la France ne s’oppose pas au projet de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen de présenter une proposition juridiquement contraignante portant sur les salaires minimums dans l’Union européenne (UE). Cette proposition devrait être rendue publique le 28 octobre.

L’intention de la Commission est bonne. En Suède, les organisations syndicales et patronales collaborent depuis longtemps pour faire évoluer et améliorer les conditions des travailleurs et des entreprises. Il reste naturellement encore beaucoup à faire, mais notre modèle a fait ses preuves.

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Ce n’est pas l’ambition, mais la méthode choisie par la Commission qui nous préoccupe. Les employeurs, les syndicats et les gouvernements des pays scandinaves membres de l’UE sont tous d’accord sur ce point : une directive européenne, instrument juridiquement contraignant pour les Etats membres, est une voie très mal choisie.

Innovation et cohésion sociale

En 2017, la France et la Suède ont conclu un partenariat stratégique pour l’innovation, où figurent des objectifs de prospérité durable, de création d’emplois et de cohésion sociale. Ce partenariat s’étend aussi au développement de stratégies communes au niveau de l’UE. Sur la base de ce partenariat, il serait étrange que la France agisse à l’opposé du point de vue du gouvernement suédois en ce qui concerne les salaires minimums ; une question qui joue un rôle très important quant à la capacité d’innovation, à la création d’emplois et à la cohésion sociale.

En 2019, Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen ont annoncé dans une déclaration commune que l’UE devait aller vers l’articulation de salaires minimums. Selon eux, ces salaires devaient être « fixés chacun selon ses règles » dans les vingt-sept Etats membres. Ceux qui connaissent le modèle du marché du travail dans les pays nordiques comprennent que cette condition exclut automatiquement une directive. Pour respecter l’ambition déclarée du président Macron – renforcer le dialogue entre syndicats et patronat –, les partenaires sociaux doivent disposer d’une grande autonomie.

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Plan de relance, assurance chômage… Les syndicats dictent leurs exigences dans une lettre au gouvernement

C’est une initiative rare. Les cinq numéros uns syndicaux – Laurent Berger (CFDT), Philippe Martinez (CGT), Yves Veyrier (FO), François Hommeril (CFE-CGC) et Cyril Chabanier (CFTC) – ont pris la plume, mercredi 14 octobre, pour s’adresser au premier ministre, Jean Castex, dans un courrier, avec copie au président de la République, Emmanuel Macron. A quelques heures de l’interview télévisée du chef de l’Etat, la démarche est d’autant plus notable que le ton de cette lettre est très offensif.

Dialogue social, plan de relance, assurance chômage, retraites : ils formulent un certain nombre d’exigences afin que le gouvernement tienne compte des conséquences de la crise sanitaire et économique qui s’avèrent « dramatiques » et « violentes pour l’emploi, les perspectives d’emplois, les salaires et les conditions de vie d’une partie importante de la population, la moins favorisée, les jeunes en particulier ».

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Si la plupart de ces dirigeants syndicaux s’étaient félicités, à l’arrivée de M. Castex à Matignon en juillet, de son esprit d’ouverture, leur regard a changé depuis. « Dans une telle période d’incertitude et d’inquiétude tant pour la santé que pour l’emploi, il nous paraît essentiel que le dialogue social se traduise par une écoute et une réponse effective de la part des pouvoirs publics et le respect de l’autonomie de la négociation collective. »

« Rétablir les droits de représentation collective »

Pour les cinq responsables confédéraux, les délégués syndicaux et représentants du personnel, qui ont « joué un rôle important » depuis le début de la crise, voient leurs capacités d’initiative entravées par « des restrictions importantes, notamment en matière syndicale, en ce qu’elles limitent de fait l’exercice régulier du droit de réunion et de manifestation ». Il faut une « réunion rapide » pour évaluer les conséquences des ordonnances travail, votées en 2017, « afin de rétablir les droits de représentation collective des salariés à la hauteur des enjeux actuels ».

Autre préoccupation : instaurer des obligations aux entreprises qui perçoivent des aides « massives » dans le cadre du plan de relance. « De véritables engagements doivent être exigés en contrepartie et contrôlés quant à leur mise en œuvre effective à court, moyen et long terme, a contrario de ce que nous avons connu et constatons trop souvent, critiquent-ils. Ce contrôle doit être exercé de l’entreprise aux territoires jusqu’au niveau national. »

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