Archive dans 2020

Avec « L’entreprise des possibles », Alain Mérieux prend sa part dans la lutte contre la grande précarité

Le patron de l’Institut Mérieux, Alain Mérieux, à Veyrier-du-Lac (Haute-Savoie), en septembre 2017.

A l’ouest de Lyon, on dirait un village reconstitué. Sept petits chalets disséminés dans un grand parc boisé avec des animaux en semi-liberté accueillent des femmes et des enfants, victimes de violences, de pauvreté, ou des deux. Le temps de se ressourcer et de prendre un nouveau départ. Ouvert en novembre 2020 près de Tassin-la-Demi-Lune, ce havre de paix fait partie d’une des réalisations de « L’entreprise des possibles », un modèle inédit de mécénat social, lancé par l’industriel Alain Mérieux.

Constituée de quatre salariés, la structure sollicite les entreprises pour venir en aide aux plus pauvres. En deux ans, elle a réuni un budget de 1,1 million d’euros, pour financer une quinzaine de projets concrets. Cette brigade entrepreneuriale d’un genre nouveau a aidé près de 1 550 personnes en situation de grande précarité, par une activité, un soutien ou un logement transitoire.

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En 2021, elle prévoit d’appuyer onze projets, afin de tendre la main à plus d’un millier de personnes, en mettant l’accent sur le soutien aux jeunes et aux femmes en difficulté, qui représentent 30 % des personnes sans abri. « Dans la région lyonnaise, plus de deux cents femmes sortent de maternité sans toit. Elles sont plus vulnérables et invisibles », confirme Maud Bigot, directrice du Samusocial de Lyon.

« On ne peut pas réussir de façon égoïste »

L’entreprise des possibles puise ses ressources exclusivement dans le secteur privé. L’idée est de colliger des fonds pour soutenir des projets concrets et efficaces, dont la mise en œuvre et le suivi sont assurés par des organismes ou associations spécialisés dans la lutte contre la grande précarité. Cinquante-cinq sociétés, représentant 32 000 collaborateurs, ont répondu à l’appel de L’entreprise des possibles pour fournir des moyens utiles.

« Nous n’en sommes qu’au début. Il faut aller beaucoup plus loin, beaucoup plus fort. Nous avons rapproché deux mondes que je connais bien : le monde de l’entreprise, que j’ai longtemps servi, et le monde associatif, particulièrement actif dans la région lyonnaise », confie Alain Mérieux. Le patron de l’Institut Mérieux, treizième fortune française selon le magazine Forbes, a lancé ce concept solidaire par conviction personnelle et avec la liberté de parole de ceux qui ont traversé les plus dures épreuves familiales. En 1975, son fils avait été enlevé par un gang, puis libéré contre rançon.

« L’entreprise des possibles » développe une méthode professionnelle de mécénat, en parlant le langage des entreprises

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Logistique urbaine : l’impact social et environnemental de la livraison

Un livreur de la plate-forme Uber Eats, à Paris, le 24 avril.

Les grands sites d’e-commerce, d’Amazon à Cdiscount, en font un argument de vente : la livraison est le plus souvent « gratuite ». Cette mention figure en bonne place à côté du prix de vente des articles. Les supermarchés Monoprix ou Casino promettent également de livrer les courses sans frais si le montant du chariot atteint un certain montant. Début décembre, le service de livraison de plats cuisinés Uber Eats lançait aussi un abonnement mensuel « pour des frais de livraisons gratuits ».

Pourtant, comme le rappelle Lydia Mykolenko, géographe-économiste chargée des études sur la logistique à l’Institut Paris Region, « la livraison gratuite n’est pas gratuite, elle a un coût social et environnemental ». « On ne veut plus de pollution ni de camions en ville, mais on exige son colis tout de suite, ajoute-t-elle. Cette schizophrénie nous concerne tous. Il faudrait que les gros consommateurs de colis connaissent l’impact de leur clic sur leur cadre de vie. »

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A titre d’exemple, le prix du colis livré par La Poste s’établit en moyenne autour de 4 à 5 euros. Le patron de FM Logistic estime, lui, à une trentaine d’euros – 15 euros de préparation de commande et 15 euros de transport – le chariot de supermarché livré à domicile. La livraison, loin d’être gratuite, est donc « offerte » par le marchand, qui limite ses frais et ferme souvent les yeux sur les conditions de travail et les revenus des livreurs, sous-traitants pour la plupart. « A l’inverse du transport routier par gros camions, le transport léger n’est soumis à aucune règle. Les prix défient donc toute concurrence », précise Mme Mykolenko.

« Conflit entre le consommateur et le citoyen »

Parmi les plus précaires figurent les livreurs de repas, de courses alimentaires et de colis qui travaillent pour une application smartphone. En menant une enquête de terrain, en janvier 2020, auprès de 300 livreurs de l’Est parisien, la chercheuse Laetitia Dablanc, associée au Laboratoire ville, mobilité, transport, a découvert que 37 % d’entre eux partageaient un compte d’autoentrepreneur, et se répartissaient donc les recettes, a priori parce qu’ils se trouvent en situation irrégulière.

La coopérative Olvo s’est associée avec des restaurateurs parisiens qui ont décidé de boycotter les Deliveroo, Uber Eats et autres Amazon Prime

« Il existe un conflit entre le consommateur et le citoyen, confirme le patron d’un opérateur logistique. Des gens bien-pensants commandent à des livreurs qui sont des marchands d’esclaves. » La coopérative Olvo s’est associée avec des restaurateurs parisiens qui ont décidé de boycotter les Deliveroo, Uber Eats et autres Amazon Prime. La livraison coûte 5 euros, mais les livreurs sont tous salariés.

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Des livreurs de repas remettent le couvert de la grève

Un livreur de la plate-forme Uber Eats, à Paris, le 22 mars 2020.

Après des mouvements de grève de livreurs de repas dans quelques villes, dont Lyon, le 12 décembre (avec la CGT) et le 13 décembre à Strasbourg ou Saint-Etienne – deux cités où les applications Uber Eats et Deliveroo ont dû être fermées –, certains de ces travailleurs de « seconde ligne » ont remis le couvert, ce week-end.

Dimanche 20 décembre, à 18 heures, en face du complexe commercial Centre Deux de Saint-Etienne, une quarantaine de livreurs sont rassemblés pour écouter Sami, 20 ans, leur porte-parole, qui leur annonce de bonnes nouvelles : Uber Eats s’est engagé à garantir, dès le 21 décembre, à Saint-Etienne, un minimum horaire de 10 euros pour les courses effectuées entre 11 h 30 et 13 h 30, et de 12 euros entre 19 heures et 21 heures, tous les jours de la semaine, à condition de réaliser deux courses minimum dans l’heure. Corollaire : le blocage prévu ce soir-là est annulé. La plate-forme a également promis de rétablir la « prime de pluie » : 15 euros nets par créneau, de 11 heures à 15 heures et de 19 heures à 23 heures, sous réserve d’avoir effectué au moins trois livraisons et trois heures de connexion.

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Il n’aura fallu que sept jours à ces jeunes livreurs pour obtenir ces concessions de la part d’Uber Eats, qui couvre 75 % des commandes passées à Saint-Etienne, le reste étant partagé entre Deliveroo et Stuart, filiale de La Poste. Tout s’est joué en deux étapes. D’abord, une grève surprise lancée le 13 décembre, à 18 heures. « La rémunération de la commande a baissé d’au moins 50 % depuis que j’ai commencé », explique Marwan, 26 ans, livreur depuis plus de deux ans. Un constat corroboré par ses collègues. « Je gagne environ une dizaine d’euros de l’heure, souligne Sami. Et comme les plates-formes embauchent plus de livreurs qu’il y a de commandes, je passe une vingtaine d’heures par semaine à attendre ». Pendant ce temps, il ne gagne rien.

Alors, le 13 décembre, ils ont entrepris de faire la grève des commandes. Avec un outil, WhatsApp, et un objectif : chaque livreur gréviste devait en « recruter » un autre. Résultat, leur groupe WhatsApp a atteint 180 membres en quelques heures, sur un total d’environ 250 livreurs à Saint-Etienne, d’après leurs estimations. Les chaînes de fast-food ont perdu des dizaines de commandes et les médias ont donné de l’écho au mouvement, jetant une lumière crue sur leurs conditions de travail.

Vulnérables face aux pressions des plates-formes

Percevant une très faible rémunération, les livreurs ont le statut d’autoentrepreneur qui ne leur garantit quasiment aucun droit social et les rend vulnérables face aux pressions des plates-formes. Vendredi 18 décembre, une grève avait déjà été organisée entre 18 heures et 21 heures. Samedi, à 14 heures, la pression était cette fois en leur faveur, pour une étape décisive du mouvement : rassemblés autour de Sami, ils étaient cinq sur le parking d’un Burger King de la périphérie de Saint-Etienne, à négocier âprement au téléphone avec le responsable régional d’Uber Eats.

Uber Eats indique qu’il poursuit ses échanges avec les livreurs sur d’autres points tels que la notation des livreurs

L’échange a duré près d’une heure, avec comme unique proposition d’Uber Eats un minimum horaire de 12 euros le dimanche de 19 heures à 21 heures. Inacceptable pour Sami et ses amis, qui sont parvenus, au cours des vingt-quatre heures suivantes, à faire céder le géant américain. Uber Eats indique qu’il poursuit ses échanges avec les livreurs sur d’autres points tels que la notation des livreurs, pour qu’elle soit basée sur les 500 dernières livraisons, et non plus les 100 dernières.

Autres points de friction : la revendication d’un tarif minimum de 5 euros par commande et des négociations avec Deliveroo et Stuart. Aucun responsable de ces deux sociétés n’a contacté les livreurs stéphanois. Des actions sont envisagées à leur encontre. En revanche, à Strasbourg, dimanche, le résultat a été contrasté : « On a défilé dans le centre-ville à une quarantaine seulement. C’est un peu décevant, estime Marine. Beaucoup ont travaillé car Deliveroo avait mis un bonus de 3 euros par commande, un montant jamais vu. »

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Ces bonus sont appelés « bonus antigrève » par les livreurs car les plates-formes les décident fréquemment dès qu’une action se profile. « Il y a eu des bonus partout en France le 13 décembre chez Deliveroo, de 1, 2 ou 3 euros », un mouvement national ayant été annoncé, précise Jérôme Pimot, président du Collectif des livreurs autonomes de Paris, qui fait office de trait d’union entre les collectifs locaux. Leurs revendications, qui incluent celles des livreurs stéphanois, portent notamment sur la « régulation des recrutements et l’instauration d’un protocole de déconnexion plus juste » avec des motifs clairs et des possibilités de recours contre ces décisions.

« Les entreprises ont tout à gagner à embrasser une transformation volontaire vers des modèles d’affaires décarbonés »

Tribune. L’année n’est pas terminée, mais pour tous elle restera l’annus horribilis. Pourtant, en parallèle d’une économie à genoux, certains décideurs politiques semblent se réengager dans la dynamique qui a suivi la COP21, les quatre premières économies mondiales ayant désormais confirmé leurs ambitions vers la neutralité carbone. Mais que valent ces engagements ?

Rappelons que l’entrée en vigueur de l’accord de Paris de 2015 n’a eu aucun effet sur les émissions de CO2 mondiales, qui continuent d’augmenter. Seuls 16 pays sur les 197 signataires ont engagé une stratégie carbone crédible. Les autres – dont la France – n’ont rien fait. Notre système économique étant configuré pour la prédation du vivant, son efficacité dépend de sa capacité à faire dysfonctionner le climat !

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Joe Biden, le nouveau président démocrate des Etats-Unis, ne remettra pas en cause l’American way of life, qui produit de la valeur économique de manière inversement proportionnelle à sa capacité à détruire le capital naturel. Et en France ? Affirmer vouloir contribuer à sauver l’humanité du péril climatique implique de remettre en question nos modes de vie… Ce qui concerne en premier chef ceux qui, précisément, portent l’essentiel des responsabilités du dérèglement climatique.

Un sujet abstrait pour des décideurs publics et privés

Raison pour laquelle les décideurs proposent plus de discours que de radicalité. Peur du changement, travail de sape des marchands de doute et propension à aller vers la facilité et le court terme en tant que citoyen, entreprise ou Etat… tout est bon pour remettre les actions à plus tard sans pour autant cesser de claironner des engagements à 2050, qui fixent en réalité un nouvel horizon pour ne rien faire de concret jusqu’en 2049 minuit moins le quart, à part peut-être créer des instances de réflexion.

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Force est de constater que pour la plupart des décideurs, privés comme publics, le sujet du climat est encore abstrait. Il provoque toujours les haussements d’épaules de ceux qui pensent que la technologie et le « génie » humain triomphent de tous les défis. Quant au sujet de l’avènement du « monde de demain », poussé par une jeune génération, il fait encore sourire les cyniques et les gens dits sérieux.

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Comment sortir de l’inaction alors que l’évidence est sous nos yeux ? Ne rien faire aujourd’hui pour le climat et la destruction des écosystèmes, c’est précipiter les mouvements sociaux, les migrations désespérées, les décès par maladies respiratoires et auto-immunes, c’est abattre des pans entiers de nos libertés, encore plus sournoisement que ne l’aura fait le virus, et c’est faire le lit du populisme en même temps que celui d’autres Covid.

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Pôle emploi obtient de nouveaux pouvoirs pour combattre la fraude

De nouvelles armes viennent d’être fournies à Pôle emploi pour combattre la fraude. Définitivement adopté, jeudi 17 décembre, par le Parlement, le projet de loi de finances (PLF) 2021 permet, en effet, à l’opérateur public de réclamer de nouvelles informations sur des demandeurs d’emploi soupçonnés d’avoir triché – principalement dans l’optique de percevoir indûment des allocations. Parmi les éléments qui lui seront communicables, il y a notamment les relevés bancaires et les données de connexion liées à la téléphonie mobile.

Cette extension du champ de contrôle découle de deux dispositions. L’une a été adoptée le 4 décembre au Sénat, grâce à un amendement porté par des élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires. Elle vise à conférer à Pôle emploi un pouvoir dont bénéficient déjà les Urssaf et d’autres organismes de Sécurité sociale : le « droit de communication ». L’objectif est d’autoriser la transmission de renseignements émanant d’entreprises comme les établissements de crédit, les fournisseurs d’énergie ou les opérateurs de téléphonie, « sans que s’y oppose le secret professionnel, notamment bancaire », précise l’amendement. Ainsi, Pôle emploi sera en mesure de vérifier l’authenticité des documents fournis par un chômeur et l’exactitude des déclarations que celui-ci a faites afin de se voir verser des prestations.

Recommandation de la Cour des comptes

Ce droit de communication sera exercé exclusivement par les agents assermentés de Pôle emploi chargés de prévenir et de lutter contre la fraude – soit environ un peu de plus cent personnes. Il ne pourra pas être invoqué dans le cadre du contrôle de la recherche d’emploi ou du recouvrement d’indus – ces sommes perçues en trop par le demandeur d’emploi, à la suite d’erreurs qui ne sont pas toujours de son fait. Il s’agit de « ne pas laisser croire que certains profitent du système », a justifié le sénateur Jean-Louis Lagourgue (Les Indépendants, La Réunion), durant les débats au Palais du Luxembourg.

Cette initiative fait suite à une recommandation émise à plusieurs reprises par la Cour des comptes. Dans un rapport publié en septembre, la haute juridiction avait, à nouveau, préconisé que Pôle emploi se voit octroyer le droit de communication « dont sont dotés, depuis déjà douze ans, avec des résultats démontrés », plusieurs organismes de Sécurité sociale.

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L’autre mesure qui étoffe les prérogatives de l’opérateur public résulte d’un amendement défendu par le gouvernement et adopté le 13 novembre à l’Assemblée nationale. Il offre la faculté aux limiers de Pôle emploi « d’avoir accès au fichier de contrats d’assurance-vie (le Ficovie) », a expliqué Olivier Dussopt, le ministre délégué aux comptes publics.

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« Les dirigeants d’entreprise doivent résister à la tentation de retomber dans une vision purement financière de leur performance »

Tribune. Pendant des années, la politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) ambitieuse de Danone lui a assuré les bonnes grâces de la presse économique. Et si certains acteurs du marché demeuraient dubitatifs face à ses importants engagements sociaux ou environnementaux, ces derniers lui permettaient aussi d’attirer de nombreux investisseurs, intéressés par cette politique industrielle rassurante.

Mais la crise du Covid-19 est passée par là, réduisant considérablement les marges du groupe français tandis que ses actionnaires réclamaient subitement plus de rentabilité. La politique de RSE du groupe, qui fait quasiment partie de l’ADN de Danone et que son PDG, Emmanuel Faber, a accentué ces dernières années, est subitement pointée du doigt par de nombreux actionnaires, qui l’accusent d’être trop coûteuse et de ne pas être pertinente d’un point de vue industriel.

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Ce qui était considéré un atout il y a encore quelques mois serait subitement devenu un boulet ? Pourtant, dans de nombreux secteurs, et en particulier l’agroalimentaire, conserver une telle démarche est un impératif pour traverser la tempête actuelle et gagner des parts de marchés dans les prochaines années. Ce qui était jusque-là pour l’entreprise qu’un simple avantage risque de devenir un élément indispensable pour assurer sa croissance.

Une forte pression sur les entreprises irresponsables

D’abord, le cadre législatif et juridique européen resserre son étau sur les entreprises irresponsables sur le plan social, environnemental ou des droits de l’homme. Une tendance amorcée depuis de nombreuses années, mais qui s’est accélérée ces derniers mois avec la crise économique et sanitaire, qui a offert une nouvelle légitimité à ces problématiques.

Les plans de relance français et européens, tout comme la Banque européenne d’investissement (BEI), conditionnent de plus en plus leurs mesures de soutien aux entreprises à des pratiques plus vertueuses, tout en plaçant la transition écologique et bas carbone au cœur des activités de demain.

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Une directive européenne spécifique sur la RSE devrait d’ailleurs aboutir dès 2021. A ce titre, les entreprises ayant entamé une politique de RSE claire et ambitieuse ont déjà un coup d’avance.

Des consommateurs et des salariés plus exigeants

Ensuite, les consommateurs deviennent de plus en plus exigeants vis-à-vis des marques et des produits alimentaires qu’ils consomment, de plus en plus sensibilisés aux labels et autres certifications qui reconnaissent les engagements sociétaux et environnementaux. Les consommateurs, bien informés et désormais de plus en plus conscients du risque de greenwashing associé au marketing des marques, font également de plus en plus le tri entre, d’une part, des engagements durables et cohérents, d’autre part, la communication environnementale opportuniste ou le stop-and-go suspect qui instille le poison du soupçon de greenwashing dans leur esprit.

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Le Covid n’a pas découragé la création d’entreprise

Jérome Auriac a créé une société de maroquinerie. Il confectionne ses produits chez lui, et prévoit d’ouvrir un atelier-boutique à Paris (11ème).

Créer une maison d’édition début 2020, ouvrir une salle de sport en avril ou un restaurant parisien entre les deux confinements… Des paris fous ? Plutôt des projets lancés par des entrepreneurs décidés à aller contre vents et marées pour mener l’aventure à son terme. De manière surprenante, en effet, le cru 2020 en matière d’entrepreneuriat s’annonce excellent. Sur les douze derniers mois, le nombre de créations a augmenté de 4,5 % par rapport à 2019, qui était déjà une bonne année. Pas moins de 770 176 entreprises ont vu le jour entre le 1er janvier et le 30 novembre 2020, selon les chiffres publiés le 16 décembre par l’Insee.

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Ce bon résultat s’explique en partie par l’essor des services de livraison à domicile, lié aux deux confinements et aux restrictions sanitaires. Environ trois entreprises sur quatre, en effet, sont des entreprises individuelles et un quart seulement sont des sociétés. De septembre à novembre, 14 000 entreprises relèvent de la catégorie « transport et entreposage » : c’est le secteur qui contribue le plus à la hausse sur les trois derniers mois. Mais on compte malgré tout près de 13 000 créations d’établissements de restauration et hébergement, deux activités cruellement frappées par la crise, plus de 55 000 créations de services aux entreprises, près de 25 000 dans le secteur de la construction… Et l’année devrait se terminer en beauté, avec « un mois de décembre très fort », prévoit Guillaume Pepy, président d’Initiative France, un réseau associatif qui accompagne les projets de création.

Comment expliquer cette dynamique dans le contexte actuel ? « Le confinement du printemps a gelé ou retardé par mal de projets qui étaient lancés en début d’année, mais dès qu’il a pris fin, les créations sont reparties », avance M. Pepy. La situation du marché du travail a aussi incité de nombreuses personnes à lancer leur propre affaire, plutôt que de chercher un emploi salarié.

La situation du marché du travail a aussi incité de nombreuses personnes à lancer leur propre affaire, plutôt que de chercher un emploi salarié

« On commence à voir deux publics qui existaient de manière marginale, poursuit M. Pepy. Les jeunes diplômés qui se rendent compte qu’ils n’ont aucune chance de trouver un poste dans une grande entreprise, en tout cas pour le moment, qui ont une idée et décident de la mettre à exécution. Ce n’est pas forcément un projet pour toute la vie, mais c’est un antidote à la déprime. » Le deuxième public, selon le président d’Initiative France, est plutôt constitué de personnes qui ont bénéficié d’un plan de départs volontaires de leur entreprise et qui profitent de cette occasion pour lancer une idée depuis longtemps caressée, souvent pour mettre en œuvre leurs convictions autour du « monde d’après ». Ainsi, les créateurs se tournent-ils souvent vers des activités autour du local – produits ou savoir-faire –, autour du recyclage, de l’environnement ou de l’essor du vélo.

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Le gouvernement confirme qu’il n’y aura pas de coup de pouce au smic

La ministre du travail, Elisabeth Borne, le 15 octobre, à Paris.

La messe avait été dite avant même le début de l’office. Mercredi 16 décembre, lors du conseil des ministres, il a été décidé que le smic augmentera de 0,99 % début 2021, sans que cette hausse soit assortie d’un coup de pouce. Concrètement, le salaire minimum passera à 10,25 euros brut de l’heure, soit 1 554 euros brut par mois, ce qui équivaut à un relèvement de 15 euros brut par mois. « Ça peut paraître peu », a reconnu, mercredi sur LCI, la ministre du travail, Elisabeth Borne. Mais « il faut aussi avoir en tête qu’on a une inflation qui est proche de zéro et donc, c’est la plus forte hausse de pouvoir d’achat depuis les dix dernières années », a-t-elle complété.

Cette annonce confirme de récents propos de Jean Castex : le 3 décembre, le chef du gouvernement avait affirmé que le smic serait « vraisemblablement » revalorisé selon la seule règle d’indexation obligatoire et qu’aucun bonus ne serait ajouté.

Chaque année, peu avant Noël, l’Etat fixe le montant auquel est porté le salaire minimum à partir du 1er janvier suivant. Les textes prévoient une progression, tous les douze mois, calée sur la combinaison de deux valeurs : l’inflation (telle qu’elle est mesurée pour les 20 % de ménages les plus modestes) et la moitié des gains de pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et des employés (SHBOE). En plus de cet accroissement, qui est donc de droit, l’exécutif a la possibilité d’accorder une majoration supplémentaire, ce qu’il a fait, pour la dernière fois, au début du quinquennat de François Hollande, en 2012. Depuis, le smic a évolué uniquement en vertu de la formule de « revalorisation automatique » (hausse des prix + SHBOE, donc).

Défense de l’emploi

Les choix du gouvernement sont éclairés par un groupe d’experts qui remet, chaque année, un rapport dont les recommandations sont d’une grande constance. Présidé par l’économiste Gilbert Cette, ce comité de sachants a, comme lors des précédents exercices, préconisé de « s’abstenir de tout coup de pouce ». Si le gouvernement en donnait un, cela « risquerait d’être préjudiciable à l’emploi des personnes les plus vulnérables », soulignent les experts dans leur rapport, car le renchérissement du coût du travail pourrait avoir un impact négatif sur les embauches des personnes payées au smic (ou proches du smic). Autrement dit, dans un contexte de récession exceptionnelle et avec une économie française qui était déjà « fragile » avant la crise liée à l’épidémie de Covid-19, la défense de l’emploi doit primer sur l’amélioration du pouvoir d’achat. Des arguments auxquels l’exécutif s’est rallié.

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Ibis Batignolles : les salariées du nettoyage demandent leur intégration dans l’hôtel parisien

Manifestation des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, à Paris, le 17 octobre 2019.

« Dix-sept mois sans dialogue, ce n’est pas tout à fait normal ! ». Au dix-septième mois de leur lutte pour faire reconnaître leurs droits, la révolte de Sylvie Kamissa, femme de chambre à l’hôtel Ibis Batignolles de Paris, et de dix-neuf de ses collègues ne faiblit pas. Malgré le jugement défavorable du conseil de prud’hommes de Paris, notifié le 26 novembre – dont elles ont fait appel –, qui ne reconnaît pas l’existence d’un prêt de main-d’œuvre illicite entre STN, le sous-traitant du nettoyage qui les emploie, et l’exploitant de l’hôtel, les employées enclenchent, ce 16 décembre, une nouvelle action judiciaire, avec le soutien syndical et financier de la CGT des hôtels de prestige et économiques (CGT-HPE).

Devant le conseil de prud’hommes de Paris, elles assignent, cette fois, le groupe Accor, dont fait partie la société Paris Clichy qui exploite cet hôtel, afin de faire reconnaître la qualité de coemployeur du groupe aux côtés de STN, ainsi que de l’hôtel. L’espoir est que l’implication d’Accor, qui n’était pas partie à la précédente procédure, « fasse bouger les choses », souligne Mme Kamissa.

« On demande l’internalisation de nos emplois, et si ce n’est pas possible, qu’on améliore nos conditions de travail », revendiquent ces personnels, actuellement placés en activité partielle. Pour Claude Lévy, responsable du syndicat CGT-HPE, le nettoyage dans un hôtel doit être intégré car il fait partie de « son cœur de métier. On ne peut pas louer des chambres sales à des clients ». Pour lui, l’externaliser, c’est pratiquer du dumping social qui, finalement, pèsera sur les conditions de travail des employées, contraintes d’accélérer les cadences, privées d’avantages que possèdent les salariés en propre de l’hôtel, comme la prime de panier ou de nettoyage des tenues à l’Ibis Batignolles.

« Demande d’égalité de traitement »

Avec cette nouvelle procédure, appuyée sur une revendication autour de l’égalité de traitement entre salariés de l’hôtel et ceux de STN, est pointée la discrimination dont ces employées estiment être victimes. L’externalisation se traduit par un traitement désavantageux de salariées « particulièrement vulnérables, ici des femmes d’origine africaine », observe Slim Ben Achour, leur avocat, spécialiste des questions de discrimination au travail.

« Notre objectif, ajoute-t-il, est de dénoncer la sous-traitance de la discrimination raciale et sexuelle mise en place par Accor en matérialisant cette demande d’égalité de traitement par la reconnaissance d’un contrat de travail » avec l’hôtel. La plainte souligne que le contrat de prestation est renouvelé chaque année entre STN et Paris Clichy, et que les obligations consistent « principalement à respecter le contrat-cadre signé entre Accor et STN ».

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« Le risque d’écroulement du revenu des ménages les plus fragiles comme de ceux de la classe moyenne est élevé en 2021 »

Tribune. Bien que contenu par les mesures d’urgence adoptées par le gouvernement, le choc sur le revenu des Français causé par la crise actuelle est déjà rude.

Certes, la dynamique salariale au second semestre laisse davantage penser à une pause qu’à un effondrement : dans le secteur privé, les salaires ont continué d’augmenter de + 0,2 % au troisième trimestre 2020 et de + 1,4 % sur un an selon les dernières données, livrées par la Dares, la direction de la recherche du ministère du travail.

Par ailleurs, les salariés au smic ayant préservé leur emploi ont aussi préservé leur niveau de vie, avec un taux de remplacement de 100 % de leur salaire dans le cadre du dispositif de chômage partiel.

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Mais le risque d’écroulement du revenu des ménages les plus fragiles comme de ceux de la classe moyenne est particulièrement élevé pour l’an prochain.

L’arbitrage des employeurs entre salaires et emplois, dans cette période de baisse d’activité – plus encore dans les services que dans l’industrie – se fait déjà au détriment des premiers. Et cela commence à grincer dans les entreprises.

Montée des inégalités

Chez Valeo, Lisi, STMicroelectronics ou encore Derichebourg, tous soumis à d’importantes réductions de commandes, les démarches entamées par la direction pour conclure avec les syndicats un accord de performance collective (APC) ont suscité une forte inquiétude et des résistances. Une partie des représentants des salariés refusent de signer un texte qui aboutirait à geler les salaires, même en contrepartie de garanties de préservation de l’emploi, comme chez Aéroports de Paris il y a quelques semaines.

Un peu partout, le climat social au sein des entreprises se dégrade. Une étude conduite mi-novembre par l’institut de sondage Viavoice (« Le baromètre des décideurs », 5 octobre 2020) montre clairement que tant les décideurs que l’échantillon « grand public » interrogés sont certes prêts à quelques menus efforts pour préserver l’emploi (flexibilité du temps de travail par exemple), mais certainement pas à des coupes salariales, que seuls 14 % des répondants se déclarent disposés à consentir.

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Une réticence qui montre bien que, structurellement, moins d’un salarié sur deux (46 % précisément) considère déjà son niveau de rémunération comme « équitable », selon une étude récente de Cegos (« Climat social 2020 », Baromètre Cegos 2020, novembre 2020). Derrière cette perception, une réalité implacable : la montée des inégalités de revenus au cours des dernières années.

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