Archive dans 2020

L’intégration des jeunes en temps de Covid s’invente en marchant

« Certaines entreprises ont fait le choix de ne pas recruter les mêmes profils que d’habitude »

Les rencontres RH. Dans l’entreprise, « les nouveaux entrants ont besoin de créer leur réseau. On a besoin de transmettre, de les intégrer, et nous avons une responsabilité de bien gérer cette période d’intégration », déclarait Diane Deperrois, la directrice des ressources humaines d’Axa France, lors des rencontres RH de la rentrée de septembre.

Un mois après une dizaine de DRH se sont retrouvés le 14 octobre au Monceau Rio, à Paris, pour ce rendez-vous mensuel d’actualité du management organisé par Le Monde en partenariat avec LinkedIn et Manpower, afin de débattre du sujet auquel ils sont tous confrontés depuis la crise due au Covid.

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Les « nouveaux entrants », ce sont les stagiaires, les alternants et les jeunes recrues. En période de crise, l’accès des jeunes à l’entreprise est toujours difficile, c’est une population qui sert de variable d’ajustement sur le marché du travail. Fabienne Arata, responsable France de Linkedin, fait état d’une réduction de plus de la moitié des offres de stages sur le site entre mars et août.

Pas de diminution du nombre de stagiaires

« Une plongée dans les vingt dernières années permet d’analyser l’insertion des jeunes sur le marché du travail en contexte très défavorable, sans catastrophisme, relativise Isabelle Recotillet. En période difficile, les jeunes sont les premiers mis de côté, mais temporairement. Ils finissent par intégrer l’entreprise, mais plus lentement », explique l’économiste du travail. Avec le Covid et l’extension du télétravail, c’est, au-delà de leur insertion, leur intégration dans l’organisation qui se complique.

« Dans les grandes entreprises, ce sont les services des ressources humaines qui accompagnent les périodes les plus compliquées », poursuit l’économiste. Aucun des DRH présents aux rencontres du 14 octobre n’a fait état de baisse du nombre de stagiaires ni d’alternants cette année.

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En revanche, ils ont pris conscience de l’importance de l’apprentissage par mimétisme, en voyant les autres travailler : « Pour la promotion arrivée en juillet, on a tout fait à distance, mais les stagiaires pouvaient venir une fois par semaine, car lorsqu’on arrive en entreprise, c’est en voyant qu’on apprend », témoigne Camille Felician, responsable des ressources humaines chez Kellogg’s.

De nouveaux profils

Le DRH de Devoteam, Matthieu Rivière, a fait le même constat : « On a des stagiaires qui découvrent le métier sur place. Dans l’organisation en mi-distanciel, mi-présentiel, les jeunes décrochent vite. Il leur manque l’écoute de ce que dit le collègue d’à côté. On a demandé aux manageurs d’organiser au moins deux rencontres physiques par mois et de faire un point hebdomadaire. »

Certaines entreprises ont fait le choix de ne pas recruter les mêmes profils que d’habitude. Pour faciliter l’intégration des jeunes en cette période où de nombreux salariés sont en télétravail, « on a privilégié les stagiaires qui étaient chez nous avant le confinement, car ils connaissaient l’entreprise de l’intérieur, explique Juliette Couaillier la directrice « talents » du groupe Havas. Ceux qui n’étaient pas résidents à Paris ne sont pas venus, car avec le Covid, ils ne pouvaient pas trouver le petit boulot nécessaire pour compenser la faiblesse de la rémunération des débutants ».

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A la Caisse nationale d’assurance vieillesse, « pour les non-diplômés, on mise sur le côté apprenant d’organisation. On les forme en alternance. Avant le Covid, on retenait des candidats aguerris au service client. Aujourd’hui, on choisit plutôt des moins qualifiés, mais fléchés sur les jeunes. On essaie progressivement de rééquilibrer notre pyramide des âges et on est sensible au plan jeunes », a expliqué son DRH, Jérôme Friteau. Lancé par le gouvernement Castex en juillet, ce dispositif favorise l’embauche des moins de 25 ans avec une prime de 4 000 euros destinée à compenser les cotisations salariales. « Pour accompagner les jeunes, on demande aux manageurs de limiter le télétravail durant la première période d’accueil », précise M. Friteau.

Un impact sur la dimension sociale de l’entreprise

La plupart du temps, l’intégration s’est opérée en deux temps : une première période en distanciel pour présenter l’écosystème de l’entreprise, la culture maison, et une deuxième période réservée à l’opérationnel avec une mise en place variable selon les organisations, que la DRH du cabinet de conseil Deloitte, Géraldine Segond, a résumé par une formule qui dit tout du paradoxe de la situation : « Dans la seconde période, on développe le management de proximité à distance. »

Pour compenser le manque de présentiel, plusieurs entreprises se sont appuyées sur des organismes extérieurs : « On est passé par Oreegami [spécialisée sur les métiers du marketing] pour préparer les jeunes à l’opérationnel », note Mme Couaillier. Quant à la Marine nationale et la CNAV, elles ont fait appel à My Job Glasses. « Les sessions de formation ont été reportées, mais avec My Job Glasses, les conseillers en recrutement ont pu garder le lien avec leurs prospects », explique la chargée des projets de recrutements de la Marine, Audrey Diot.

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Cette start-up de mise en relation d’étudiants avec des professionnels « permet aux jeunes d’être en contact avec des salariés volontaires, qui tiennent un rôle d’ambassadeur de l’entreprise. Les jeunes ne sont pas les plus demandeurs en télétravail, car ils ont un fort besoin de sociabilisation », commente M. Friteau. Le Covid a affecté la dimension sociale de l’entreprise.

Les invités du 14 octobre

Ont participé aux Rencontres RH du 14 octobre : Fabienne Arata, Country Manager France de LinkedIn ; Juliette Couaillier, Chief Talent Officer du groupe Havas ; Audrey Diot, chargée de projet recrutement de la marine nationale ; Amélie Dupuy, responsable talents Manpower ; Céline Fabre, DRH DomusVi ; Camille Felician, Talent Acquisition Manager de Kellogg’s ; Jérôme Friteau, DRH de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse ; Line Pélissier, directrice des itinéraires professionnels d’Orange ; Isabelle Recotillet, économiste du travail, membre associée du Laboratoire d’économie et de sociologie du travail ; Matthieu Rivière, DRH de Devoteam ; Géraldine Segond, DRH de Deloitte ; Anne Rodier, journaliste, Le Monde ; Philippe Escande, éditorialiste économique, Le Monde.

« En l’absence d’une stratégie globale, nous allons voir se constituer une vaste classe d’entrepreneurs précaires, un “entreprécariat” »

Dans un bar parisien, le 28 septembre 2020.

Chronique. La décennie 2009-2019 a vu une spectaculaire inversion de la courbe de l’emploi indépendant. Alors qu’il était en déclin depuis des décennies, l’emploi « principalement indépendant » pesait 12,1 % du total des emplois en 2019, contre 10,6 % en 2008, selon l’enquête emploi de l’Insee. Il faut y ajouter les centaines de milliers de salariés qui cumulent une activité secondaire non salariée.

Si le développement de plates-formes numériques offrant des jobs rémunérés à la tâche a participé à cet essor, il est avant tout le résultat d’une politique initiée par Nicolas Sarkozy et poursuivie par ses successeurs : construire une France de petits entrepreneurs dont le fer de lance est le régime fiscalo-social simple et attractif d’auto-entrepreneur (devenu micro-entrepreneur). Face à des perspectives d’emploi dégradées par la crise de 2008-2009, le régime a connu un succès immédiat. S’y sont ensuite engouffrés des travailleurs voulant échapper au poids de la subordination ou qui souffrent de discriminations sur le marché du travail.

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D’après les chiffres de l’Acoss, on comptait, au dernier trimestre 2019, 1,7 million de micro-entrepreneurs « administrativement actifs », soit une hausse de 20 % en une année. Près d’un million d’entre eux avait déclaré un chiffre d’affaires positif. Cette nouvelle France entrepreneuriale a même gagné en maturité. Le revenu des micro-entrepreneurs s’est envolé, avec la constitution d’une clientèle : au quatrième trimestre 2019, les micro-entrepreneurs économiquement actifs ont ainsi déclaré en moyenne plus de 4 000 euros de chiffre d’affaires, soit le double du niveau observé cinq ans auparavant ! Malgré des tensions persistantes, les micro-entrepreneurs avaient fini par cohabiter avec les indépendants classiques, qui restent majoritaires, notamment dans l’artisanat. Mais cet équilibre est désormais fracassé par l’ampleur du choc de la crise sanitaire.

L’emploi salarié déstabilisé

Certes, il faudra attendre plusieurs mois pour dresser le portrait complet du paysage après la bataille, pour l’instant contrasté. Par exemple, parmi les indépendants « classiques », les boucheries de proximité ont bénéficié d’une demande accrue, alors que la crise de 2008-2009 s’était traduite par la fermeture de nombreuses boucheries ! A l’inverse, d’autres segments d’activité, d’ordinaire résilients lors d’une récession standard, sont durement touchés par les contraintes et les craintes sanitaires : restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs de la culture le sont directement. Le petit artisanat du bâtiment et des services à la personne a été également touché par la peur d’introduire dans son logement des personnes extérieures, potentiellement contaminées…

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Le pays de Gex, dernier paradis du centre commercial

Il faut traverser des ronds-points, longer les installations de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), sur de grandes lignes droites, avant d’apercevoir le terrain, route de la Faucille. Derrière les palissades de bois brut, l’herbe est encore grasse. D’ici à deux ans, elle aura disparu sous une nappe de parking de 2 000 places, cinquante boutiques et quinze restaurants. « Un projet durable et écologique exceptionnel », annonce le panneau au bord de la route. En fait, une vaste zone commerciale à 2,5 km du centre-ville de Saint-Genis-Pouilly, dans l’Ain. « Je ne fais pas de centre commercial. Je crée un lieu de centralité et d’échanges, une machine à fabriquer du lien social », rectifie Antoine Frey, PDG du groupe Frey, le futur exploitant.

A 9 km de là, un peu plus à l’Est en allant vers Genève, c’est au pied de la « grande douane » de Ferney-Voltaire (Ain), l’un des trois passages vers la Suisse, que 150 boutiques, dix-sept restaurants, 1 600 places de stationnement et près de 4 000 m² consacrés aux sciences et à la culture doivent voir le jour d’ici à 2025. Là encore, « l’expérience shopping augmentée » d’Altarea Cogedim n’aurait rien à voir avec une virée du samedi dans les rayons du H&M et Decathlon de Val Thoiry, 70 enseignes, à sept minutes de là. Ni d’ailleurs avec les allées plus chics de l’espace Candide, à l’entrée de Ferney-Voltaire.

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Bienvenue en pays de Gex, paradis des centres commerciaux, où le moratoire décrété cet été par Emmanuel Macron sur les nouvelles zones de périphérie ne semble ici perturber personne. Des habitants ont bien fait le voyage jusqu’à Bourg-en-Bresse, début juillet – à deux heures de route, autant dire un autre monde –, pour interpeller le préfet d’alors, Arnaud Cochet, sur la pertinence d’installer deux complexes, dont l’un sur une zone humide, dans une région où le nombre de mètres carrés de commerces est déjà 50 % supérieur à la moyenne nationale. Le projet de Ferney-Voltaire « est réalisé sur un tènement déjà artificialisé », balaie la nouvelle représentante de l’Etat, Catherine Sarlandie de la Robertie, en éludant la question du gigantisme.

Une mine d’or pour la grande distribution

Ce territoire est un lieu à part ; tourné vers la Suisse ; un îlot de prospérité relié à la France par le seul défilé de l’Ecluse (cluse séparant les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie). Les institutions internationales de Genève sont à un quart d’heure en voiture. Le CERN a installé ses laboratoires à cheval sur la frontière.

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La mort d’Aimée Moutet, historienne spécialiste de l’entreprise

Aimée Moutet, en avril 1972.

Exploratrice de la boîte noire qu’est l’entreprise et de ce qu’elle fait des salariés, l’historienne Aimée Moutet est morte le 5 octobre, à 84 ans. De son père Marius Moutet, un des 80 parlementaires qui avaient dit non à Pétain en 1940, elle tenait une grande fermeté d’esprit grâce à laquelle elle ne s’en laissait pas conter par la communication des organisations ou la séduction des personnalités. Elle a mené trois vies successives.

Dans la première, professeure d’histoire en lycée, elle s’est intéressée au syndicalisme ouvrier, montrant que, contrairement à ce que l’on croyait, après la répression de la Commune de 1871 le mouvement syndical à Paris n’avait pas tardé à se reconstituer. Pédagogue appréciée, elle a été touchée par 1968, et a appartenu à un petit groupe d’enseignantes qui se définissaient comme contestataires, féministes et chrétiennes.

Dans une seconde vie, en lycée puis à l’Université Paris-XIII, elle est passée à l’étude du camp d’en face : les patrons et les ingénieurs de 1880 à 1939. Les entreprises françaises les plus dynamiques, qui pouvaient s’inscrire dans deux traditions nationales d’organisation, l’une civile, l’autre militaire, ont ensuite été amenées à traduire deux modèles de production et de travail venus d’Amérique : ceux de Taylor et de Ford. C’est à ce grand enjeu pour tous les acteurs de l’économie, de la société et de l’Etat qu’est consacré son premier livre : Les logiques de l’entreprise (éd. de l’EHESS, 1997).

Retentissement international

Histoire des reconceptions de l’espace, des machines, de l’information et des méthodes de contrôle du personnel dans les ateliers et les bureaux pour obtenir des femmes et des hommes une activité plus régulière et plus intense et des flux productifs croissants, ce livre met en évidence les différences, débats ou conflits entre les acteurs concernés : ingénieurs, industriels, experts, ouvriers, contremaîtres. Il restitue l’importance des mouvements de pensée qui animent ou opposent les acteurs de cette rationalisation. Il montre comment ces mutations obligent les syndicats, les associations d’ingénieurs ou de consultants, les universitaires à enquêter, prendre position et à reconstruire stratégies, savoirs et doctrines. Ce livre a eu un retentissement international.

Dans une troisième vie, Aimée Moutet a franchi la barrière de 1939 et, allant jusqu’aux années 1990, est devenue un pilier de recherches collectives sur les risques des formes modernes du travail et les savoirs qui veulent les déminer. Il en est d’abord résulté un livre sur une nouvelle institution publique à gestion tripartite : Histoire de l’ANACT : vingt ans au service de l’amélioration des conditions de travail (Syros, 1994). Puis elle a été partie prenante de tous les livres lancés par Catherine Omnès et Anne-Sophie Bruno sur la santé au travail, étudiant la psychologie appliquée à la détection de l’inaptitude, les ingénieurs et les services de sécurité, la place de l’ergonomie dans la politique du patronat et des syndicats.

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Les petites et moyennes entreprises ont remobilisé leurs salariés cet été

« De l’avis du porte-parole du Cercle Perspectives, les « grandes vacances » qui ont suivi le déconfinement des Français ont aussi contribué à relancer certains secteurs affectés par la crise sanitaire. »

Une accalmie avant la tempête. Selon le baromètre social des TPE-PME édité par le Cercle Perspectives, les salariés des petites et moyennes entreprises ont repris du service cet été. Regroupant dix-sept grands cabinets d’expertise-comptable et près de quinze mille professionnels du secteur, cette association a cherché à déterminer le « taux d’inactivité » moyen des TPE-PME dans cette période de post-déconfinement.

Au vu du nombre d’heures travaillées et non travaillées mentionnées sur les bulletins de paie de 470 000 salariés issus de 76 000 entreprises employant de 1 à 250 collaborateurs, le baromètre fait ressortir une chute significative du recours au chômage partiel cet été.

Alors qu’en juin, le taux des heures non travaillées au motif du chômage partiel s’établissait à 8 % en moyenne nationale sur le panel d’entreprises étudiées, ce taux retombe à 2 % en août. Signe, selon les auteurs du baromètre, qu’un début de reprise économique a suivi la fin du confinement. « Dans le BTP, le commerce ou l’artisanat, l’activité a repris cet été », constate Antoine de Riedmatten, porte-parole de l’association et président du cabinet d’expertise-comptable In Extenso.

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Cette baisse estivale du chômage partiel s’explique aussi par les caractéristiques du marché du travail en période estivale : dans les entreprises étudiées, le taux d’heures non travaillées pour congés payés s’élève à 21 % en août. Les TPE-PME ont aussi fait l’impasse sur les travailleurs en contrat court, alors que leur recrutement connaît habituellement un pic en été. Selon le baromètre de Prism’emploi, les embauches dans l’intérim ont chuté de 20 % en août 2020 par rapport à la même période l’année précédente. « Le recours à la main-d’œuvre saisonnière, notamment transfrontalière, a été fortement ralenti », ajoute Antoine de Riedmatten.

Désertion des touristes étrangers

Malgré un taux significatif de jours posés pour congés payés, les TPE-PME ont mobilisé leurs salariés pour rattraper le retard pris sur leur activité pendant le confinement. De l’avis du porte-parole du Cercle Perspectives, les « grandes vacances » qui ont suivi le déconfinement des Français ont aussi contribué à relancer certains secteurs affectés par la crise sanitaire. C’est dans les zones touristiques, en particulier, que les entreprises ont remis leurs salariés au travail. La Corse a vu le taux d’heures de chômage partiel tomber de 6 % en juin à 0,5 % en août dans les TPE-PME interrogées pour le baromètre.

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Comment le chômage affecte-t-il le calcul de la retraite ?

Une période de chômage indemnisé de cinquante jours donne droit à un trimestre pour la retraite.

Question à un expert

Mon chômage pénalisera-t-il ma future retraite ?

Les personnes au chômage ou qui ont peur de l’être sont souvent inquiètes car elles pensent qu’en plus de perdre du pouvoir d’achat immédiat leur future retraite en pâtira. Or, très souvent, une période de chômage n’impacte qu’à la marge la pension.

Attention, on parle ici du chômage indemnisé « normal » – car chômage partiel ou non indemnisé peuvent, quant à eux, avoir de réels effets négatifs.

50 jours de chômage indemnisé = 1 trimestre

Pour comprendre, il faut savoir que la retraite des salariés du privé comporte un régime de base, l’assurance-retraite, et un complémentaire, l’Agirc-Arrco. Pour le régime de base, cinquante jours de chômage donnent droit à un trimestre (jusqu’à quatre par an) : aucun préjudice, donc, par rapport aux quatre trimestres qu’aurait rapportés un an de travail.

Pour l’Agirc-Arrco, pas de perte non plus : les points sont attribués sur la base du dernier salaire brut annuel avant le chômage, pas de l’allocation-chômage.

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Le seul manque à gagner pourra se situer au niveau du calcul du salaire moyen des vingt-cinq meilleures années, pour la retraite de base, car les périodes de chômage sont exclues. Mais l’impact sera marginal.

A savoir toutefois : le chômage peut vous pénaliser si vous avez commencé à travailler tôt et si vous comptez profiter du départ anticipé pour carrière longue car quatre trimestres de chômage seulement peuvent compter pour ce dispositif.

Covid-19 : le Conseil d’Etat suspend les nouveaux critères de vulnérabilité pour accéder au chômage partiel

Le gouvernement vient de subir un revers dans sa gestion de la crise sanitaire et économique. Saisi en référé, le Conseil d’État a suspendu, jeudi 15 octobre, plusieurs articles d’un décret du 29 août, qui restreignait les catégories de personnes ayant droit au chômage partiel en raison de leur vulnérabilité face au Covid-19. Faisant suite à un recours de la Ligue nationale contre l’obésité et de plusieurs requérants individuels, cette décision contraint l’exécutif à revoir sa copie.

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Le texte contesté devant la haute juridiction administrative remplaçait un autre décret, en date du 5 mai, qui avait la vocation suivante : énumérer les situations où des salariés peuvent bénéficier du chômage partiel au motif qu’ils risquent de « développer une forme grave d’infection au SARS-CoV-2 ». Onze cas de figure avaient été prévus : être atteint d’un « cancer évolutif sous traitement » ou d’une « immunodépression », « présenter une insuffisance rénale chronique dialysé », etc.

Manque de justifications

Durant l’été, le gouvernement avait décidé de réduire la portée de la mesure, en se prévalant notamment d’un avis du Haut Conseil de la santé publique. Le décret du 29 août avait donc eu pour effet de soustraire de la liste les personnes souffrant, entre autres, d’un diabète non équilibré, d’une pathologie chronique respiratoire ou d’obésité.

Sitôt publié au Journal officiel, le texte avait suscité de vives critiques. Un tel arbitrage « pourrait avoir de graves répercussions », avait déploré la Société de pneumologie de langue française. L’écrivain et médecin Christian Lehmann s’en était également ému dans une chronique mise en ligne sur le site du journal Libération.

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Dans l’ordonnance qu’il a rendue jeudi, le Conseil d’État a considéré que le gouvernement n’avait pas suffisamment justifié la cohérence des nouveaux critères choisis. Sa décision a pour effet de rétablir, provisoirement, les dispositions – plus protectrices – du décret du 5 mai. Jeudi, Olivier Véran, le ministre des solidarités et de la santé, a indiqué qu’il allait rectifier le texte incriminé, en concertation avec les associations concernées.

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Covid-19 : « Il n’existe à ce jour aucun système de vigilance sanitaire spécifique à la santé au travail »

Tribune. Dans un monde du travail en constante évolution et de plus en plus confronté à des enjeux sanitaires, la politique publique aujourd’hui menée ne protège pas suffisamment les travailleurs. Le droit à la santé au travail dépasse la simple obligation de conformité de l’entreprise à la loi. Le SARS-CoV-2 et les risques sanitaires collatéraux, notamment en matière de santé mentale, nous le démontrent : il s’agit également d’un enjeu de santé publique.

Au moment où les partenaires sociaux mènent d’importantes négociations pour réformer notre système de santé au travail, il est utile de rappeler que la prévention et la gestion des risques sanitaires liés à l’activité professionnelle (risques physiques, risques psychosociaux, risques majeurs) font d’abord partie des obligations de l’Etat à garantir efficacement et effectivement le respect du droit fondamental à la vie et à la dignité de l’être humain, y compris au travail. Figurant dans les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), dans le droit de l’Union européenne et le droit national, la santé au travail, particulièrement dans le contexte de pandémie actuelle, ne fait pas l’objet d’une protection à la hauteur de cet enjeu.

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Les négociations en cours font craindre que la santé au travail ne soit ni élevée au rang de problématique de santé publique ni, par conséquent, dotée des moyens qu’exigent les principes de sécurité sanitaire.

C’est donc encore sur les seules entreprises que risque de peser la responsabilité de la santé des travailleurs, alors qu’elle nécessite d’abord une action publique forte et organisée. De la même façon qu’il est exigé des entreprises la mise en place d’organisations du travail saines et tournées vers la prévention, l’Etat doit se doter d’une politique, d’une organisation et de moyens conformes à ses obligations de protéger la santé de nos concitoyens au travail.

Le paysage institutionnel actuel, illisible pour le commun des mortels, laisse entrevoir désorganisation, manque de moyens, absence de volonté forte affichée par l’Etat, entraves à l’action publique, par exemple celle de l’inspection du travail, sans compter les messages contradictoires qui, en cette période de Covid-19, égarent les entreprises. L’Etat ne fait preuve d’exemplarité ni en termes d’organisation institutionnelle ni même en tant qu’employeur.

« Sociovigilance »

Le droit de la santé publique exige que les dimensions sanitaires du travail fassent l’objet d’une gestion publique. L’action de l’Etat est, dans d’autres domaines de la santé, organisée au sein de systèmes de vigilance sanitaires spécifiques : la pharmacovigilance pour les médicaments, la biovigilance pour les organes humains, la cosmétovigilance pour les produits cosmétiques, etc. Chacun de ces systèmes comprend des missions de veille, de surveillance, de signalement, de gestion, de traitement et de prévention des risques sanitaires spécifiques. Or, il n’existe à ce jour aucun système de vigilance sanitaire spécifique à la santé au travail.

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Covid-19 : « Sur la réforme de la médecine du travail, un accord entre patronat et syndicats semble loin d’être en vue »

Tribune. Tous concernés ! Salariés, agents de l’Etat ou des entreprises publiques, soignants, fonctionnaires territoriaux, ont peu de chances de ne pas avoir besoin, au moins une fois dans leur vie professionnelle, de recourir à la médecine du travail. Ce ne sont pas les raisons qui manquent : l’épidémie de Covid-19, qui touche aussi des travailleurs et a des conséquences sur la prévention des risques en entreprise ; la pénibilité, dont les effets sont démultipliés avec le recul de l’âge de la retraite et le vieillissement de la population ; l’explosion des risques psychosociaux… Ce que peut ou ne peut pas faire un service de santé au travail (SST) pour gérer la situation sanitaire, mais aussi sociale, des salariés est lourd de conséquences pour l’avenir personnel et professionnel de chacun d’entre eux.

C’est dire si les négociations entre partenaires sociaux sur la prochaine réforme de la santé au travail, qui se sont ouvertes au mois de juin et devraient se conclure d’ici quelques semaines, sont importantes. C’est une seconde tentative, après l’échec de la précédente négociation en 2019, lancée à la suite du rapport de la députée (LRM) du Nord Charlotte Lecocq.

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Or, un accord entre patronat et syndicats semble loin d’être en vue. Les employeurs ne veulent pas entendre parler de la fin de la gestion patronale des SST, que le rapport Lecocq proposait de remplacer par une gestion tripartite d’établissements régionaux. Les syndicats, eux, se méfient de la priorité que la députée du Nord suggère de donner à l’amélioration de la prestation de service et de conseil à la seule disposition des employeurs.

Sentiment d’impuissance

Quand on interroge les médecins et infirmiers du travail, les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), leur constat est sans appel (« Leur réforme de la santé au travail », Santé & Travail, octobre 2020). Face à des contraintes qui n’ont cessé de se renforcer depuis une trentaine d’années, avec notamment l’intensification des rythmes de travail, face à des salariés de plus en plus souvent malades de leurs expositions à ces risques, les professionnels de la santé au travail se disent impuissants. Impuissants à impulser une dynamique de prévention primaire, alors que c’est l’un des fondements de leur mission. Impuissants à faire agir les entreprises pour réduire les risques à la source, aménager l’organisation, changer les modes de management. Impuissants, trop souvent, à faire accepter des aménagements de poste pour des salariés atteints, par exemple, de troubles musculosquelettiques (TMS) dus aux gestes répétitifs sous contraintes de temps. Et finalement impuissants à éviter les licenciements pour « inaptitude ».

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