Les organisations patronales et syndicales vont engager, mardi 3 novembre, une négociation pour encadrer davantage le télétravail dans un contexte qui renforce les attentes. Les Français sont, en effet, à nouveau contraints d’y recourir massivement depuis qu’Emmanuel Macron a appelé à généraliser le travail pour contenir l’épidémie de Covid-19.
Le rendez-vous avait été fixé le 22 septembre, bien avant l’allocution du président de la République du 28 octobre et l’annonce d’un reconfinement. Il avait été arraché au forceps au patronat par les syndicats, qui réclament une négociation en vue d’un accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail depuis le printemps. A l’époque, cinq millions de salariés se sont retrouvés à travailler depuis leur domicile du jour au lendemain.
La ministre du travail, Elisabeth Borne, a exhorté les partenaires sociaux à « avancer rapidement sur cet accord » qui « pourra donner des repères à toutes les entreprises ».
En octobre, avant la demande du président de la République de le généraliser, 1,8 million de salariés étaient encore en télétravail, selon le service de statistiques du ministère du travail (Dares).
Le patronat réticent
Longtemps, le Medef a refusé toute négociation, considérant le « corpus de règles et de normes juridiques parfaitement applicables ». Et contrairement aux syndicats, le patronat veut que le futur accord, s’il y en a un, ne soit « ni normatif », « ni prescriptif », c’est-à-dire pas contraignant. Hubert Mongon, le négociateur du Medef, a expliqué cette position par « la diversité des situations : cinq millions de salariés [concernés par le télétravail], cinq millions de situations différentes ».
Les autres organisations patronales sont sur la même ligne. Pour Michel Picon, de l’U2P, la négociation doit aboutir « à un guide de bonnes pratiques, afin que chaque employeur puisse s’emparer du télétravail avec une marge de manœuvre au plus près de sa situation ».
Eric Chevée, de la CPME, est, quant à lui, ouvert à « un guide ou un accord-cadre ». Surtout, la CPME souhaite que la négociation porte sur le télétravail « en situation d’urgence » (sanitaire, environnementale, accident industriel), « pour que les entreprises ne soient pas prises de court comme aujourd’hui ».
En revanche, il n’a « pas la même appétence » pour revoir les règles encadrant le télétravail en situation « normale ». « Nous allons à la négociation pour avoir un accord prescriptif et normatif », répond Jean-François Foucard (CFE-CGC).
Les syndicats ne veulent pas « n’importe quel accord »
« Je ne vois pas pourquoi il faut dissocier télétravail en situation de crise et télétravail classique. Nous ne signerons pas n’importe quel accord », prévient Eric Courpotin (CFTC), qui juge « inévitable un accord prescriptif et normatif dans le contexte actuel ».
« La CFDT demande (…) qu’on se quitte quand on a bouclé cette négociation », a insisté vendredi Laurent Berger (CFDT). « On ne va pas prendre un mois et demi ou deux mois dans cette période de télétravail massif pour se mettre d’accord », prévient-il.
Les discussions risquent donc d’être tendues mardi, où les négociateurs vont se retrouver à partir de 9 heures en visioconférence, Covid-19 oblige.
Parmi les sujets sur la table, les syndicats souhaitent aborder la charge de travail, le droit à la déconnexion, la prise en charge des frais liés au télétravail, les personnes en situation de handicap ou encore l’égalité femmes-hommes. Côté patronal, les attentes portent sur le volontariat, la réversibilité du télétravail, l’anticipation de sa mise en place, la diversité des lieux de travail (coworking, tiers lieux…), la formation des manageurs et les pratiques managériales, l’intégration des nouveaux collaborateurs.
La deuxième réunion est programmée le 23 novembre, et d’autres pourraient suivre.
Actuellement, le cadre légal sur le télétravail repose en partie sur l’ANI de 2005, qui notamment lui donne une définition, pose le principe du volontariat. Il a été partiellement transposé dans la loi de simplification de 2012. Les ordonnances réformant le code du travail de 2017 simplifient le recours au télétravail, mais « reviennent aussi sur certains acquis » de 2005, comme la prise en charge des frais, selon les syndicats.