Carnet de bureau.« En 2020, je me suis dit que c’était le moment de rentrer en France. Ça s’était très bien passé avec mon ancien employeur. J’ai repris contact et tout s’est fait très vite : en novembre, je signais mon contrat de “réembauche” chez Meritis, dans la technopole de Sophia Antipolis », raconte François Bonavitacola. Spécialiste des systèmes d’information dans la finance, ce trentenaire est ce qu’on appelle un salarié « boomerang », à nouveau embauché par la société de conseils où il avait passé plus de quatre ans avant de partir aux Etats-Unis, recruté par Natixis en 2016.
Cette pratique est à la hausse, indique le cabinet de recrutement Hays, qui dès son étude de janvier avait remarqué la tendance. En cette fin de troisième trimestre, le bilan est net : tandis que « 15 % de nos 1 500 entreprises clientes avaient réembauché des salariés en 2019, sur les neuf premiers mois de l’année 2020, on est déjà à 22 % », assure Oualid Hathroubi, le directeur de Hays Paris.
« Ce n’est pas une pratique nouvelle, mais traditionnellement, les entreprises y recouraient plutôt en période faste, quand elles ne pouvaient pas faire autrement. Les DRH y sont souvent défavorables par souci d’équité à l’égard des salariés loyaux, rappelleAntoine Morgaut, directeur général du cabinet de recrutement Robert Walters pour l’Europe et l’Amérique. Dans un contexte de crise, le recrutement boomerang est moins fréquent, sauf pour certains profils pénuriques ou de gestion de crise. »
« Contexte d’incertitude »
La pénurie des compétences est toujours là, malgré un taux de chômage passé de 7,1 % à 9 %, entre le deuxième et le troisième trimestre. Mais pour Oualid Hathroubi, l’augmentation s’explique autrement :
« Il y a certes davantage de recrutements boomerang qu’ailleurs dans les nouvelles technologies, l’ingénierie, la finance, mais le confinement a surtout obligé les DRH à recruter différemment, mettant de côté l’affect habituellement associé aux départs. En contexte d’incertitude, ils cherchent à avoir des salariés rapidement opérationnels et qui connaissent l’ADN de l’entreprise. »
Le recrutement boomerang est rassurant à la fois pour l’employeur et pour le salarié. « Ce sont des gens en qui j’ai confiance. La structure d’encadrement de Meritis, je la connais, j’en sais la valeur et elle me plaisait. Avec le Covid, on a besoin d’être rassuré », témoigne François Bonavitacola, enthousiaste à l’idée de retrouver « une petite boîte ».
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Quand l’épidémie de Covid-19 a fermé les bureaux de la PME Avrobio en mars, l’expert en thérapie génique du Massachusetts (Etats-Unis) a paré au plus pressé. Ses employés ont reçu 750 dollars (environ 630 euros) pour installer chez eux une chaise, un nouvel écran, un casque… bref de meilleurs équipements. Et les parents ont touché 1 000 dollars par mois pour payer la baby-sitter. Le message ? « Nous nous engageons massivement auprès d’eux », explique Georgette Verdin, la responsable des ressources humaines de l’entreprise. Mais le travail à distance qu’on croyait temporaire s’est installé dans la durée. Une bonne partie des 130 salariés d’Avrobio gardent un pied chez eux. Et Mme Verdin s’est demandé comment préserver à terme la culture de la société.
Chez Avrobio, comme dans beaucoup d’autres entreprises, les réunions à distance via Zoom, Microsoft Teams ou Cisco Webex se sont multipliées. La responsable des ressources humaines (RH) organise une assemblée publique avec le numéro un tous les quinze jours pour parler stratégie, budget ou encore résultats du dernier sondage interne. Elle a aussi créé des sessions plus intimes entre cadres et employés, sans agenda. « C’est l’occasion de vraiment écouter, dit-elle. Ce sont des conversations intenses sur ce qui se passe dans leur vie. » A cela s’ajoutent les fêtes d’anniversaire. On déguste ensemble un morceau de gâteau à la carotte envoyé par l’entreprise au domicile de chacun.
« Enorme pression »
Les compagnies ont vu leurs rencontres virtuelles s’envoler pendant la pandémie. Seth Patton, directeur général et responsable marketing de Microsoft 365, constate ainsi une hausse de 55 % du nombre de réunions hebdomadaires des usagers de Microsoft Teams et deux fois plus de discussions virtuelles en dehors des heures de travail. L’employé reste certes loin des yeux, mais toujours au cœur de l’entreprise.
Cette explosion des rassemblements à distance suffit-elle cependant à maintenir l’esprit maison ? Peter Cappelli, professeur de management de la Wharton School de l’université de Pennsylvanie, en doute. « Les symboles, les signaux visuels que le salarié perçoit normalement au bureau ont disparu, explique-t-il. Les discussions informelles entre collègues sur qui est promu, pourquoi et quand ne sont plus là. » Il existe donc une « énorme pression sur les chefs de service » afin de compenser. « Ils doivent communiquer beaucoup plus à distance, accueillir les nouveaux, faire remonter les informations pour que l’employé se sente partie prenante de l’entreprise », conseille le professeur.
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Le livre. Le travail est une donnée extrêmement complexe : « un contrat » pour le juriste, « des objectifs » pour l’employeur, « des procédures » pour l’ingénieur, et « des conséquences de l’organisation du travail sur la santé des salariés » pour le médecin du travail. C’est ce dernier point qu’observe le docteur Marielle Dumortier depuis plus d’un quart de siècle dans un service interentreprises de la banlieue parisienne. Le Monde du travail est devenu fou ! (Cherche Midi) raconte comment la santé des salariés a été perdue de vue au fil de la déshumanisation des relations interprofessionnelles.
En trente-cinq ans, elle a vu l’organisation du travail se transformer et les conditions se dégrader : perte d’identité dans des métiers dont les noms n’évoquent plus rien, densification et complexification de la charge de travail.
En chiffres, le travail dégradé, ce sont 30 % à 50 % des infarctus du myocarde qui n’ont pas d’autres facteurs de risque que le stress. « Bernard [un de ses patients] en est mort », écrit-elle. Les syndromes de karoshi (stress chronique) et de takotsubo (du cœur brisé) ont fait leur entrée dans nos open spaces, provoquant des morts brutales. « La surcharge mentale est devenue la première plainte des salariés » qui disent aimer leur travail et leur entreprise.
Un exemple ? Travailler comme personnel soignant dans un service de dialyse équipé de matériel défectueux pour remplacer des collègues absents peut rendre malade, illustre-t-elle. « Le travail est un puissant opérateur de construction de santé ». Mais l’inverse est également vrai : « Il faut bien que les couleuvres avalées ressortent », écrit la médecin du travail.
Management délétère
L’ouvrage, consultation après consultation, interroge avant tout le rôle du médecin du travail et son impact pour la santé des salariés. Le médecin dénonce les méthodes de management délétères, tente de faire bouger les lignes. « Mais de quoi se mêle ce médecin du travail à l’origine de toutes ces déclarations ! »
Dans le bureau des services de santé de l’entreprise, la responsabilité de l’employeur crève les yeux. Marielle Dumortier est témoin de leur déni face à la surcharge de travail, de déclarations mensongères pour éviter d’œuvrer à la protection des salariés, d’attitudes déshumanisées et finalement de leur mauvaise volonté quand il s’agit de réparer les dégâts, mais aussi du gain réel de ceux qui améliorent les conditions de travail.
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Tribune. A l’heure où, comme le déclarait récemment notre ministre du travail, « le télétravail n’est pas une option », la déconnexion, elle, est-elle une option ? L’article L 1222-11 du code du travail stipule bien qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Le protocole du 29 octobre sur le télétravail prévoit que celui-ci soit obligatoire à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer leurs tâches à distance. Il précise l’utilisation de l’audio conférence ou l’interdiction des moments de convivialité, mais rien sur le droit à la déconnexion. Alors qu’il est bel et bien inscrit dans la loi travail (dite aussi « loi El Khomri ») du 8 août 2016.
Dans certains pays et certaines entreprises, le télétravail est perçu par les employeurs comme une excuse pour travailler moins, notamment en raison de l’absence de supervision, selon une étude du cabinet Okta.Cependant, des travaux de recherche contredisent cette vision négative et démontrent que les salariés en télétravail consacrent 48,5 minutes de plus par jour à leur profession (« You’re Right ! You Are Working Longer and Attending More Meetings », Raffaella Sadun, Jeffrey Polzer et al., Harvard Business School, 14 septembre 2020).
L’absence de déconnexion, un harcèlement silencieux
Toujours selon l’étude Okta, bien que les salariés apprécient de plus en plus le télétravail, ils sont en revanche nombreux à souligner qu’il leur est plus difficile de déconnecter… La déconnexion n’a rien à voir avec les congés annuels, mais bien avec le contrat signé entre l’entreprise et le salarié : il s’agit, dit la loi, d’« assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale » des employés. Mais rien, dans le code du travail, ne précise de mesure concrète pour assurer l’effectivité de ce droit, alors que l’impact positif sur la productivité de l’entreprise est indéniable et qu’il permet également une protection psychologique des salariés.
Au regard des dispositifs mis en place actuellement autour de l’aménagement du télétravail, refuser de mettre en place le droit à la déconnexion serait une faute pour l’entreprise. Or on a l’impression que peu de personnes perçoivent l’utilité de la déconnexion, surtout en cette période de plein télétravail. Ne serait-il pas logique de pouvoir utiliser son ordinateur à des fins privées pendant le confinement et aux heures non travaillées, sans être perturbé par des e-mails professionnels ?
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Droit social. La pandémie de Covid-19 a remis en lumière « le risque pénal » de l’employeur, sa possible condamnation pour avoir exposé un salarié au risque de contamination. La survenance d’une incapacité temporaire de travail (ITT) d’un salarié pourrait en effet inciter le ministère public à ouvrir une enquête préliminaire pour atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité d’un salarié.
L’infraction est constituée si le salarié a contracté le Covid sur son lieu de travail en raison de mesures de protection inadaptées. S’appliquent alors des peines d’amendes et de prison en fonction de la durée d’incapacité de travail. En cas de décès, la qualification d’homicide involontaire pourrait être retenue.
Pour s’exonérer de toute responsabilité, l’employeur devra justifier de l’adéquation des mesures adoptées et de leur suivi rigoureux par les salariés. Mais comment savoir si une personne a contracté la maladie sur son lieu de travail ou dans le cadre privé ? Le débat judiciaire posera la question du caractère certain du lien de causalité.
Une autre infraction figurant également au code pénal, dite « de mise en danger d’autrui », est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il n’est pas besoin d’une atteinte à l’intégrité physique du salarié. Il s’agit du simple « fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Cette infraction a été retenue dans le cas de chantiers en présence d’amiante : le non-respect de prévention du risque biologique sur les lieux de travail peut être à l’origine de risques infectieux ou allergiques.
Un an d’emprisonnement en cas de récidive
Tel peut également être le cas si les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies par décret ne sont pas respectées. Toutefois, dans une affaire Amazon Lauwin-Planque d’avril 2020, peu médiatisée, la plainte pénale déposée par des salariés et leur organisation syndicale pour ce motif a été classée sans suite par le procureur de la République du tribunal judiciaire de Douai. Il n’est pas à exclure que d’autres plaintes, peut-être plus étayées, conduisent employeurs ou dirigeants devant le juge pénal.
Le code du travail réprime aussi les atteintes à la santé et à la sécurité des travailleurs. Les obligations de l’employeur comprennent des actions de prévention des risques, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Le document unique d’évaluation des risques (DUER) doit être régulièrement mis à jour, spécifiquement dans le cadre de la protection contre le Covid. A défaut, une amende de 1 500 euros pour une personne physique et de 7 500 euros pour l’entreprise pourra être infligée. Nombre de procès-verbaux de constatation de cette infraction ont déjà été dressés par l’inspection du travail.
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Tribune. Passé l’emballement parfois angélique des premiers mois pour le télétravail, de nombreuses voix se sont élevées pour en critiquer les nombreuses limites. Mais comme un retour au temps d’avant ne sera pas possible, employeurs et salariés doivent explorer les voies qui leur permettront de s’accorder. Une négociation paritaire est en cours au niveau national, mais c’est aussi au niveau de chaque entreprise que les moyens et les conditions d’une mise en œuvre sereine doivent être réunis.
Depuis des années, le télétravail est pratiqué dans les entreprises, même s’il est plutôt l’apanage des indépendants, des cadres supérieurs et des salariés nomades naturellement équipés en matériel mobile. La crise sanitaire l’a généralisé. Il est apparu dans les premiers temps comme une solution miracle à conserver absolument une fois le déconfinement venu, que ce soit côté employeurs ou côté salariés, qui y ont vu le moyen d’accéder à la liberté de s’organiser à leur gré, et d’éviter de nombreuses heures de transport pour se rendre sur leur lieu de travail, voire de quitter cette grande ville dont la qualité de vie ne leur convient plus.
Les mois passant, des revendications sont apparues, les salariés demandant principalement un droit au télétravail et la participation de l’employeur aux frais engagés pour l’activité à domicile (électricité, quote-part d’assurance, de loyer…). Comme, de leur côté, les entreprises ne peuvent pas financer en parallèle des bureaux vides la majeure partie du temps, elles risquent fort de mettre en place du « flex office » – des bureaux non individualisés.
Quid de l’obligation de sécurité au travail de l’employeur ?
Mais les salariés sont-ils prêts à accepter de ne plus avoir leur bureau attitré avec photos des enfants et décoration personnelle ? En poussant le raisonnement à l’extrême, pourquoi l’employeur ne prendrait-il pas en charge les Tickets Restaurant, les titres de transport en commun, voire le versement transport, au prorata du temps de présence au bureau ? Pourquoi les entreprises continueraient-elles à payer à 100 % pour un service que leurs salariés n’utilisent plus que partiellement ?
Une autre question se pose, sur le plan réglementaire cette fois : l’obligation de sécurité au travail de l’employeur ne s’arrêtant pas à la porte du bureau, comment la garantir avec un télétravail généralisé ? Comment s’assurer que les salariés ne sont pas sujets à des comportements addictifs ? Comment faire de la prévention à distance des risques psychosociaux ? Ou encore identifier les cas de harcèlement sans le témoignage ou le signalement des collègues de bureau ? Les salariés devront-ils, finalement, accepter d’ouvrir la porte de leur logement à leur employeur pour qu’il puisse remplir ses obligations réglementaires ? Sujet hautement sensible…
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Avec les cours en ligne, l’attention des étudiants est plus difficile à maintenir. Beaucoup admettent avoir du mal à suivre autant d’heures devant un écran et éprouver une fatigue physique et cognitive.
Mobilier, fournitures de bureau, connexion Internet, forfait téléphonique, électricité, chauffage… Les entreprises sont-elles tenues de rembourser les frais engendrés par le télétravail ? C’est une des questions qui animent les négociations en cours entre les partenaires sociaux pour établir un accord national interprofessionnel destiné à mieux encadrer le travail à distance qui, depuis la crise causée par le Covid-19, s’est imposé aux entreprises.
Pour les syndicats, la prise en charge des frais relève du bon sens, alors même que les entreprises font des économies grâce au télétravail : « PSA, par exemple, va faire des gains énormes sur l’immobilier, c’est un rapport de force où ils n’ont pas le choix de rembourser de nombreux frais. Mais beaucoup d’entreprises ne considèrent pas vraiment cela comme un dû… », observe Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de Force ouvrière.
« Un des éléments fondateurs du salariat, c’est que l’employeur apporte les outils et éventuellement le lieu de travail. Normalement, tous les frais du télétravail doivent être à la charge de l’entreprise, puisqu’on ne se pose pas la question quand on va travailler en entreprise », affirme de son côté Francis Kessler, juriste et maître de conférences à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne.
La règle est claire concernant les avantages déjà perçus par un salarié sur son lieu de travail : ceux qui reçoivent des titres-restaurant en temps normal doivent continuer à en profiter en télétravail. Et un salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que ses collègues (article L. 1222-9 du code du travail). Si ces derniers reçoivent des titres-restaurant, il doit également en recevoir. En revanche, pour les salariés qui bénéficient en temps normal d’une subvention au restaurant d’entreprise, le code du travail n’oblige pas la prise en charge des frais de repas en télétravail. De même, concernant les indemnités de transport, tout employeur a l’obligation de prendre à sa charge 50 % du coût total des titres de transport de ses salariés, à partir du moment où ils utilisent ceux-ci, ne serait-ce qu’un jour par semaine ou par mois.
Mais aucun texte ne contraint formellement une entreprise sur la question de l’ensemble des frais professionnels, qui correspondent aux dépenses directement engagées par le salarié pour l’exécution de ses tâches en télétravail. C’était le cas jusqu’en 2017, mais, du fait des « ordonnances Macron », le code du travail ne prévoit plus d’obligation de prendre en charge tous ces coûts. « L’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit », peut-on lire dans la Foire aux questions du site du ministère du travail.
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Eligibilité des postes, réversibilité, remboursement des frais, règles en matière d’hygiène et de santé… le projet d’« accord interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail », de nouveau modifié par le patronat, est encore en négociation. Ce dernier prévoit toutefois d’envoyer mardi en fin de journée un « texte définitif » sur le télétravail aux syndicats.
« Il sera difficile de donner un avis formel mercredi car nous devons consulter nos instances », a prévenu Fabrice Angéi, le négociateur de la CGT, ajoutant que la CGT pourra donner « au mieux son sentiment » sur le nouveau texte. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a déclaré mardi, sur France 2, qu’il croyait « encore à l’aboutissement des négociations ». Sur Public Sénat, son homologue de FO, Yves Veyrier, a regretté que « ce qui bloque depuis le début, c’est que les employeurs y sont rentrés à reculons ».
Depuis fin octobre, le protocole sanitaire en entreprise fait du télétravail « la règle » dans les entreprises qui le peuvent. Faute d’accord, « l’Etat peut reprendre la main », relèvent les syndicats. Retour sur les principaux points de blocage.
Cette négociation doit en principe aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI), traditionnellement formalisé par une loi. Plusieurs années peuvent s’écouler : le précédent ANI de 2005 – que l’accord doit compléter – a été transposé très partiellement dans une loi sept ans plus tard. Dans tous les cas, l’ANI s’impose à l’employeur membre d’un syndicat patronal signataire (Medef, CPME et l’U2P sont à la table de la négociation).
C’est un des principaux points de blocage : le patronat veut que ce texte ne soit « ni normatif », « ni prescriptif », mais les syndicats menacent de ne pas signer un document non contraignant, s’apparentant à « un guide de bonnes pratiques ».
Eligibilité des postes au télétravail
C’est également un point dur : pour le patronat, ce sujet relève uniquement de la responsabilité de l’employeur. Pour les syndicats, cela doit relever du dialogue social en entreprise, figurer dans l’accord collectif sur le télétravail et dans l’ANI.
Télétravail en temps de crise
La mise en place du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de « force majeure » (pandémie, catastrophes naturelles, destructions des locaux d’une entreprise) laisse toujours toute latitude à l’employeur de faire basculer ses salariés en télétravail. FO juge « important » que cette décision relève des pouvoirs publics et non de l’employeur.
La CFDT souhaite que cette partie soit « musclée », notamment avec des « points de repères sur la mise en place d’un plan de continuité de l’activité négocié ou concerté » ou des mesures de prévention pour les salariés qui peuvent « mal vivre » le télétravail.
Volontariat, réversibilité
Le texte propose de remplacer les articles 2 (volontariat) et 3 (réversibilité) de l’ANI 2005. La CGT estime que la formulation utilisée dans le nouveau texte entérine « l’absence d’avenant au contrat de travail qui précise les modalités de passage en télétravail ».
Le texte reprend la notion du double volontariat (salarié et employeur), point important pour les syndicats, qui considèrent toutefois que la formulation sur la réversibilité ne garantit pas le retour du salarié sur son même poste ou sur un poste à qualification égale.
Les syndicats veulent que le refus de télétravail par l’employeur soit fait par écrit.
Les accords salariés/employeurs
La mise en place du télétravail va toujours passer par un accord collectif, une charte ou un accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié. Les syndicats veulent que l’ANI définisse la négociation (en vue d’un accord collectif) en première intention car ils craignent la poursuite du développement du télétravail « gris », à travers les accords de gré à gré.
Prise en charge des frais
Les frais engagés par un salarié « doivent être supportés » par l’employeur et ce « peut être » le sujet d’un dialogue social en entreprise. Les syndicats estiment qu’il doit l’être « obligatoirement ». La CGT regrette qu’il n’y ait pas de prise en charge des frais d’internet, de chauffage ou d’électricité.
Une éventuelle allocation forfaitaire sera exonérée de cotisations, propose le texte. Les syndicats pointent qu’il n’y a pas de garantie de prise en charge de l’employeur du matériel professionnel.
Plusieurs autres points sur la table des négociations
– Dialogue social : possibilité d’utilisation des visioconférences dans la consultation des instances représentatives. Les syndicats veulent les limiter aux situations de crise.
– Droit à la déconnexion : le document rappelle qu’il doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte, et que les managers doivent être formés, point positif pour les syndicats, qui souhaitent toutefois des obligations en termes de prévention et protection de la vie privée des salariés.
– Egalité femmes/hommes : la CGT réclame un droit au télétravail pour les femmes enceintes, de même que des mesures contre les violences sexistes.
– Handicap : le texte établit que le télétravail « peut être utilisé comme un outil de prévention de la désinsertion professionnelle pour les salariés en situation de handicap ou atteints d’une maladie chronique », mais, selon la CGT, n’apporte aucun droit nouveau.
– Accident du travail : plus question d’assouplir la législation sur les accidents du travail (actuellement imputables à l’employeur), « ligne rouge » pour les syndicats, mais les syndicats estiment que dans sa formulation, le texte tente de « dédouaner » l’employeur, en indiquant qu’il « ne peut avoir la complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail ».
Le groupe Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM), fleuron de l’économie française et premier employeur privé dans le Var, va-t-il bientôt devoir céder une de ses branches à un groupe chinois ? L’entreprise détenue par la holding Soluni de la famille Dmitrieff, qui a réalisé 588,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, emploie quelque 2 600 personnes en France et à l’étranger, dont 1 200 à La Seyne-sur-Mer.
Après cent soixante-quatre ans d’existence, ce fournisseur sensible de la défense est en grande difficulté depuis la défaillance d’un partenaire britannique, en 2019. Pour sauver l’ensemble du groupe, un pool bancaire et l’Etat lui ont consenti au printemps un financement à court terme de 44 millions d’euros, à un taux d’intérêt d’environ 6 %. En contrepartie, la holding familiale et principal actionnaire a dû entamer la cession de son siège parisien et accepter, de fait, le découpage du groupe.
Sa branche environnement, leader européen de retraitement des déchets, intéresserait notamment des investisseurs chinois, dont le nom n’a pour l’instant pas filtré, la direction de CNIM ne souhaitant pas communiquer. « Je ne pense pas que dans la rade du premier port militaire d’Europe, à deux pas des sous-marins nucléaires d’attaque et du porte-avions Charles-de-Gaulle, on laisse s’implanter des Chinois », estime cependant Hubert Falco, maire (LR) de Toulon et président de la métropole Toulon Provence Méditerranée, alerté récemment par les syndicats du groupe.
« Impératifs de sécurité nationale »
« Si c’est le cas, alors, je ne comprends plus rien à la défense de mon pays », assure cet ancien secrétaire d’Etat à la défense sous Nicolas Sarkozy, qui suit le dossier de près depuis plus d’un an. Parce que l’entreprise héritière des chantiers navals est une spécialiste des hautes technologies, à la réputation d’excellence industrielle, qui travaille pour Ariane, le programme de recherche nucléaire ITER, ou encore le secteur de l’armement, notamment dans les tubes lance-missiles pour les sous-marins français.
Dans un courrier adressé au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, daté du mardi 17 novembre, l’ancien secrétaire d’Etat écrit : « (…) il me semble indispensable qu’une solution alternative soit élaborée dans les meilleurs délais avec l’ensemble des créanciers et l’Etat » pour permettre au groupe de poursuivre ses activités, « en préservant son intégrité et sa souveraineté, plus que jamais essentielle dans la période que nous vivons ».
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