Archive dans 2020

Accord sur le télétravail : « Le texte fait du bien-être des salariés un enjeu managérial »

« L’accord sur le télétravail explique que le salarié ne doit pas subir une dégradation des conditions de travail et doit être disponible pour l’entreprise », explique Nicole Maggi-Germain.

Alors que l’activité à distance s’est fortement développée depuis le début de la crise sanitaire, jeudi 26 novembre, quatre syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) ont approuvé le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, qui leur avait été soumis en fin de matinée par les trois mouvements patronaux (CPME, Medef, U2P). Seule la CGT s’est montrée défavorable. Le texte n’est pas encore formellement signé : chaque organisation a jusqu’au 23 décembre pour le faire avaliser par ses instances dirigeantes.

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Nicole Maggi-Germain, enseignante-chercheuse en droit social à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, salue les mesures pour prendre en compte l’isolement des employés.

Quel est le but de cet accord national interprofessionnel sur le télétravail ?

Nicole Maggi-Germain : L’accord n’est pas révolutionnaire, mais il vise à clarifier le cadre dans lequel le télétravail peut entrer en vigueur au sein d’une entreprise. Le texte regroupe un certain nombre de points qui étaient jusque-là dispersés dans plusieurs documents : le précédent ANI de 2005, le code du travail et la jurisprudence.

En 2005, un premier ANI a été signé concernant le télétravail, mais jusqu’ici, le télétravail était pensé pour être une exception et non un mode d’organisation généralisé, comme c’est le cas depuis le début de la pandémie en France.

L’expérience du confinement a amené les pouvoirs publics et les entreprises à reconsidérer ce mode d’organisation. Finalement, l’accord est peu contraignant pour les employeurs, mais sa souplesse permet aux partenaires sociaux de chaque entreprise concernée par le télétravail de s’en emparer et de l’adapter à leur situation. Dans l’article 2.2 du texte, les auteurs insistent sur l’importance de faire de la mise en place du télétravail « un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l’entreprise ».

Quelles sont les mesures fortes du texte ?

Ce qui est intéressant est l’appel à la prise en compte du bien-être des salariés. Le texte en fait un enjeu managérial. Par le biais de l’accord sur le télétravail, les partenaires sociaux demandent de prendre en considération les particularités de l’environnement de chacun. C’est la première fois qu’on le formalise dans un texte. Ainsi, les employeurs sont appelés à organiser des formations, car le télétravail nécessite une aptitude plus forte à utiliser les outils numériques.

L’article 5 souligne que le télétravail peut isoler le salarié, il est essentiel d’en parler. Le texte est l’occasion de mettre à plat des pratiques sociales. Dans le cas du télétravail, l’accord explique que le salarié ne doit pas subir une dégradation des conditions de travail et doit être disponible pour l’entreprise, cela fonctionne dans les deux sens.

Un autre point important est celui du remboursement des frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur. On ne se pose pas la question quand on va travailler en entreprise.

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Quels sont les cas où le télétravail peut être imposé ?

La particularité du télétravail reposait jusqu’ici sur le double volontariat : pour que le télétravail soit mis en place, il fallait que l’employeur et les salariés se mettent d’accord. Ce principe est conservé, mais désormais, l’accord national interprofessionnel sur le télétravail distingue bien le travail à distance pendant les périodes habituelles et celui dans le cadre de circonstances exceptionnelles. Dans ce second cas, comme pendant la pandémie, l’employeur est en droit d’imposer le télétravail.

En règle générale, il est stipulé dans l’ANI que dès lors qu’un salarié informe l’employeur de sa volonté de passer au télétravail, l’employeur « peut, après examen, accepter ou refuser sa demande ».

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La Cour de cassation accepte une preuve illicite aux prud’hommes

Dans le procès prud’homal, le principe est que la preuve est libre. Cependant, contrairement au procès pénal, la preuve doit être licite, tant au stade de son recueil qu’au stade de son usage.

La règle est que les moyens de preuve doivent avoir été obtenus loyalement. Ainsi, sont des preuves irrecevables l’enregistrement, au moyen d’une caméra, du comportement et des paroles de la salariée à son insu (Cass. soc. 20-11-1991 n° 88-43.120) ou l’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué à l’insu de la personne intéressée (Cass. ass. plén. 7-1-2011 nos 09-14.316 et 09-14.667). Au stade de son usage, la règle est que la preuve ne doit pas porter atteinte au respect de la vie privée.

Par conséquent, même si l’accès à la preuve a été opéré loyalement, la preuve peut être irrecevable. Ainsi, si l’employeur peut consulter un fichier présent sur l’ordinateur du salarié qui n’a pas été identifié par ce dernier comme personnel, il ne peut l’utiliser à son encontre dans une procédure prud’homale s’il s’avère que son contenu relève de la vie privée du salarié (Cass.soc., 18 octobre 2011 n°10-25.706).

C’est en application de ces principes que la Cour de cassation a jugé – à l’époque où les dispositifs de contrôles individuels devaient avoir été déclarés préalablement par l’employeur à la CNIL en application de la loi Informatique et Libertés (ce qui n’est désormais plus le cas depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD) – que les éléments de preuve obtenus à l’aide d’un tel dispositif non déclaré étaient irrecevables. Il s’agit d’un moyen de preuve illicite entraînant automatiquement le rejet des éléments obtenus par ce biais (Cass.soc., 8 octobre 2014, 13-14.991). En conséquence, si la faute à l’origine du licenciement n’était établie qu’au moyen de cette preuve illicite, le licenciement se trouvait nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Le caractère équitable de la procédure

Mercredi 25 novembre, la chambre sociale de la Cour de cassation a, semble-t-il, « changé son fusil d’épaule ». Dans cette affaire, un salarié, licencié par l’AFP pour usurpation de données informatiques, remettait en cause la licéité du moyen de preuve produit par l’employeur dans la mesure où les fichiers litigieux n’avaient pas été déclarés préalablement à la CNIL. Comme dans l’arrêt précité du 8 octobre 2014, s’appliquait à l’époque des faits la loi Informatique et Libertés dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du RGPD.

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Télétravail : le compromis quasi unanime des partenaires sociaux

La fumée blanche est enfin sortie. Jeudi 26 novembre, quatre syndicats sur cinq (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) ont donné leur assentiment au projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail qui leur avait été soumis en fin de matinée par les trois mouvements patronaux (CPME, Medef, U2P). Le texte n’est pas encore formellement signé, chaque organisation ayant jusqu’au 23 décembre pour le faire avaliser par ses instances dirigeantes. Mais il est clair, désormais, que les négociations ont débouché sur un compromis quasi unanime – seule la CGT ayant émis un avis défavorable.

Une telle issue paraissait très incertaine, compte tenu du gouffre qui séparait, au départ, les protagonistes. Alors que l’activité à distance s’est fortement développée depuis le début de la crise, les partenaires sociaux se sont installés autour de la table, à partir du 3 novembre, après avoir péniblement établi un « diagnostic partagé ». Pour le patronat, l’ANI ne devait être « ni prescriptif ni normatif ». Autrement dit, pas de nouvelles règles contraignantes, les dispositions actuellement en vigueur permettant de déployer le télétravail dans des conditions satisfaisantes. Les organisations d’employeurs tenaient en particulier à préserver les ordonnances de septembre 2017, qui ont donné plus de latitude aux entreprises pour s’organiser. Les syndicats, au contraire, voulaient conquérir des droits supplémentaires pour les salariés.

Après un début laborieux et des poussées de mauvaise humeur, tout s’est accéléré cette semaine. Au final, le texte de 19 pages vise à « expliciter l’environnement juridique applicable au télétravail » et à proposer « un outil d’aide au dialogue social » : sa vocation est d’être un « appui à la négociation » afin de permettre aux patrons « de favoriser une mise en œuvre réussie du télétravail ». Une sorte de vade-mecum qui balaie les différentes questions susceptibles de se poser. Il n’énonce – presque – pas de nouvelles obligations, mais rappelle celles qui existent déjà : droit à la déconnexion, prise en charge des frais professionnels, durée du travail et temps de repos…

« Il y avait une vraie attente »

« Le texte précise un certain nombre de points que l’on trouvait éparpillés dans le précédent ANI de 2005, le code du travail et la jurisprudence, commente MStéphane Bloch, membre d’AvoSial, une association d’avocats qui conseille les ­employeurs. C’est un exercice salutaire de regroupement dans un même document de dispositions éparses. » L’une des nouveautés consiste à fournir un guide détaillé « en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure » – comme une pandémie. Par ailleurs, l’accord remplace deux articles de l’ANI de 2005, sur le caractère volontaire du télétravail et sur sa réversibilité – c’est-à-dire le fait de permettre au salarié de retourner à son poste : est ainsi souligné que l’activité à distance implique l’adhésion du travailleur et de son manageur, sauf en période exceptionnelle où le second peut l’imposer au premier.

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Télétravail : le point sur les principales mesures du texte validé par les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT

Une femme travaille depuis chez elle à Vertou, près de Nantes, le 14 mai.

Définition, éligibilité des postes, double volontariat, remboursement des frais, comité de suivi… quelles sont les principales mesures du projet d’« accord interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail », qui a obtenu l’avis favorable de la CFDT, de Force ouvrière, de la CFE-CGC et de FO – mais pas de la CGT ?

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  • Le cadre légal

Un accord national interprofessionnel (ANI) est traditionnellement formalisé par une loi. Plusieurs années peuvent s’écouler : le précédent ANI de 2005, que l’accord doit compléter, a été transposé très partiellement dans une loi sept ans plus tard. Un ANI s’impose à l’employeur membre d’un syndicat patronal signataire (Medef, CPME et l’U2P sont à la table de la négociation).

Dès le début, le patronat a prévenu que ce texte ne serait « ni normatif » « ni prescriptif », mais il souligne qu’un ANI « est un accord qui s’installe dans le paysage juridique des entreprises et du pays ». Par exemple, ce projet impose des obligations en matière de prise en charge des frais ou de mise en place du télétravail en situation de crise, mais se limite à des incitations en ce qui concerne le handicap, la prise en compte des alternants et nouveaux salariés, ou encore les aidants familiaux et l’égalité femmes-hommes.

  • Définition du télétravail

C’est « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Il peut s’exercer sur le lieu d’habitation du salarié ou dans un tiers lieu, de façon régulière, occasionnelle ou en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. Par ailleurs, « la mise en œuvre du télétravail doit être compatible avec les objectifs de performance économique et sociale de l’entreprise ».

  • Eligibilité des postes au télétravail

Ce sujet a sensiblement bougé en faveur des syndicats. Alors que le patronat considérait que l’éligibilité relevait uniquement de la responsabilité de l’employeur, la version finale accorde une place aux syndicats : « La définition des critères d’éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social ». Le comité social et économique (CSE) « est consulté sur les décisions de l’employeur ».

  • Volontariat, réversibilité

Les articles 2 (volontariat) et 3 (réversibilité) de l’ANI 2005 sont remplacés. Le texte reprend la notion du double volontariat (salarié et employeur), dit que le télétravail peut être institué dès l’embauche et que l’employeur peut accepter ou refuser, par écrit.

Le refus du salarié de télétravailler n’est pas un motif de rupture du contrat de travail. La réversibilité est garantie au salarié sur son poste ou à qualification égale.

  • Prise en charge des frais

Les frais « doivent être supportés » par l’employeur et ce « peut être » le sujet d’un dialogue social en entreprise. Une éventuelle allocation forfaitaire doit être exonérée de cotisations sociales.

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  • Télétravail en temps de crise

La mise en place du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de « force majeure » (pandémie, catastrophe naturelle, destruction des locaux d’une entreprise) doit être anticipée dans le cadre d’« un accord ou, à défaut, d’une charte » relatifs au télétravail. Le repérage « en amont » des activités télétravaillables est recommandé.

Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et de CSE, l’accord « encourage les employeurs à organiser des concertations avec les salariés ». Le principe de double volontariat ne s’applique pas. Le manager « a un rôle-clé dans la fixation des objectifs et la priorisation des activités ».

Une vigilance est portée sur la prévention de « l’isolement que peuvent ressentir certains salariés », en télétravail ou en entreprise. Les frais sont pris en charge par l’employeur comme dans le cas du télétravail classique.

  • Les accords salariés-employeurs

Le texte prévoit la mise en place, toujours par un accord collectif, d’une charte ou d’un accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié. La fréquence est déterminée par accord entre l’employeur et le salarié.

En dehors de circonstances exceptionnelles, l’« importance d’équilibrer le temps de télétravail et le temps de travail sur site », « pour garantir la préservation du lien social » et « limiter l’émergence de difficultés organisationnelles » est mentionnée.

  • Droit à la déconnexion, vie privée

Il est rappelé que l’employeur doit contrôler la durée du travail du salarié, fixer, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter.

Si un moyen de contrôle de l’activité du salarié et du temps de travail est mis en place, il doit être « justifié » et « proportionné au but recherché », « et le salarié doit en être informé ». Une consultation préalable du CSE est nécessaire.

Le droit à la déconnexion doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte. L’employeur organise chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité et la charge de travail du salarié en télétravail.

  • Accidents du travail

Les accidents du travail sont imputables à l’employeur.

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Le Monde avec AFP

Chez les jeunes diplômés, la recherche délicate d’un emploi aligné avec ses valeurs

Danielle, 27 ans, avait un parcours de « première de la classe ». Diplômée de CentraleSupélec et de l’Essec, elle a commencé sa carrière dans un prestigieux cabinet de conseil parisien. Mais l’expérience, difficile, tourne court. Elle ne se reconnaît pas dans ce travail. Sa dernière mission auprès du ministère de l’éducation belge agit comme un déclencheur : il existe des secteurs, comme l’éducation, qui permettent de changer les choses positivement, et découvre que c’est dans ce domaine qu’elle souhaite œuvrer. Elle songe d’abord à devenir enseignante, et même à monter son école, avant de postuler dans une start-up de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui met en lien des jeunes avec des associations pour qu’ils effectuent des missions pro bono.

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Prise de conscience écologique et sociale, nouveau sentiment de responsabilité, nombreux sont les jeunes diplômés de grandes écoles ou d’universités qui souhaitent avant tout exercer un travail qui a du sens ou qui a un impact, avec une utilité sociale ou une influence jugée positive sur la société. Quitte à rogner sur ses prétentions salariales ou renoncer prestige d’une entreprise reconnue. Selon le dernier baromètre BCG-CGE-Ipsos qui date de janvier « Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi », sept jeunes interrogés sur dix aimeraient travailler ou faire un stage dans l’ESS.

La crise sanitaire et économique, qui n’épargne ni le secteur de l’ESS ni les emplois des jeunes, va-t-elle exacerber cette tendance ? Elle semble accélérer l’envie de s’engager dans cette direction. En témoigne l’explosion du nombre de visiteurs sur le site d’emplois de Makesense, association qui rassemble notamment des offres d’emplois dans l’économie sociale. Au sortir du premier confinement, 90 % des salariés jugeaient important, voire essentiel que leur entreprise « donne un sens à leur travail », selon le 14Observatoire social de l’entreprise (CESI-Ipsos-Les Echos).

Métiers porteurs de sens

« Le déclic, c’était pendant ma dernière année de prépa, raconte Dinh-Long, 26 ans, diplômé d’HEC en 2019. Je venais d’atterrir dans un lycée très élitiste, totalement étranger à mon univers et à celui de mes parents qui connaissent à peine les écoles de commerce. C’est là que j’ai découvert l’ampleur de l’inégalité des chances et de l’accès à l’éducation. Une fois à HEC, je me suis dit que c’était dans ce domaine que je voulais agir. » En poste au bureau régional du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à Bangkok, il assure la coordination d’un projet de lutte contre le chômage et le sous-emploi des jeunes, et accompagne des entrepreneurs sociaux. « Ce que j’aime, c’est que je vois mon impact, que je me sens aligné avec mes valeurs. »

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Une aide pour garantir 900 euros par mois aux travailleurs précaires

Le premier ministre, Jean Castex et la ministre du travail, Elisabeth Borne, en conférence de presse, le 26 novembre à Paris.

L’Etat vient à la rescousse d’une catégorie d’actifs durement frappés par la crise : les « permittents » – c’est-à-dire ces salariés qui, en temps ordinaire, enchaînent en permanence contrats courts et périodes de chômage (indemnisé ou non).

Jeudi 26 novembre, lors d’une conférence de presse sur la situation économique et sanitaire, le chef du gouvernement, Jean Castex, et la ministre du travail, Elisabeth Borne, ont dévoilé les contours d’une aide temporaire garantissant à ces travailleurs précaires un revenu de 900 euros net par mois. Le dispositif est ciblé sur des personnes qui, depuis la mi-mars, sont tombées dans un « trou d’air » et n’ont plus ou presque plus d’activité : employés en « extra » dans la restauration ou l’événementiel, saisonniers, intérimaires…

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Cette décision confirme une annonce faite huit jours plus tôt par Mme Borne et dont Emmanuel Macron avait parlé, mardi soir, durant son allocution télévisée.

Pour être éligible au dispositif, il faut remplir deux conditions : avoir travaillé au moins 60 % du temps en 2019 et se situer, aujourd’hui, sous un niveau de ressources de 900 euros par mois (qu’il s’agisse d’un salaire, d’une prestation sociale, etc.).

« Personne ne sera laissé au bord de la route »

C’est une aide différentielle, versée pour la période allant de novembre à février 2021 : elle atteindra, par exemple, 900 euros pour la personne n’ayant rien perçu ou 100 euros pour celle qui a touché 800 euros. La mesure cherche également à soutenir ceux qui reprennent un emploi : dans ce cas de figure, elle est calculée en comptabilisant 60 % de la rémunération issue de l’activité. Ainsi, une personne payée 1 000 euros par mois sera considérée comme ayant reçu 600 euros et aura donc droit à 300 euros d’aide.

Le nombre de bénéficiaires potentiels « est difficile à évaluer », a indiqué, jeudi, l’entourage de Mme Borne, lors d’une conférence de presse téléphonique, mais il pourrait se situer entre 300 000 et 400 0000. « Personne ne sera laissé au bord de la route », a-t-on ajouté au ministère du travail, précisant que l’enveloppe budgétaire sera « ouverte » – autrement dit, son montant s’adaptera aux demandes.

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Secrétaire nationale de la CFDT, Inès Minin a salué, jeudi, dans un communiqué, cette annonce qui « répond en partie à une situation d’urgence ». « C’est plutôt une bonne initiative », confie au Monde Cyril Chabanier, le président de la CFTC.

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Sur le télétravail, un accord est en bonne voie

Le texte « définitif » remis par le patronat jeudi ajoute des précisions sur la mise en place du télétravail en situations de crise (pandémie, catastrophes naturelles, destruction des locaux d’une entreprise) ou encore sur la prise en charge des frais.

Le Medef a réussi à arracher, jeudi 26 novembre, l’« avis favorable » de la CFDT, de Force ouvrière, de la CFE-CGC et de la CFTC, pour son projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail. Seule la CGT ne l’a pas validé.

« Cette négociation s’achève positivement », a estimé Hubert Mongon, le négociateur social du Medef, à l’issue d’une ultime réunion de près de trois heures, qui a mis fin à quatre journées de tractations intenses et trois semaines de négociations.

Le texte « définitif » remis par le patronat jeudi ajoute des précisions sur la mise en place du télétravail en situations de crise (pandémie, catastrophe naturelle, destruction des locaux d’une entreprise) ou encore sur la prise en charge des frais. Portant aussi sur le télétravail classique, il est censé compléter le précédent ANI, signé en 2005.

Les organisations syndicales favorables, mais aussi la CGT, doivent encore recueillir le blanc-seing de leurs instances respectives et ont jusqu’au 23 décembre pour parapher le document.

Le texte est-il contraignant ?

Louant « un texte opérationnel », M. Mongon a listé quelques « points importants », comme le double volontariat (de l’employeur et du salarié) ou la réversibilité – qui permet à un salarié de revenir sur son lieu de travail si le télétravail ne lui convient pas –, qui existaient pourtant déjà dans l’ANI 2005. Il a toutefois refusé de répondre à une question qui fâche : ce texte est-il contraignant ? Le patronat s’était fixé l’objectif, contesté par les syndicats, de rendre ce texte « ni normatif ni prescriptif ».

Un ANI « par définition, lorsqu’il est signé par une majorité d’organisations professionnelles et patronales, est un accord qui s’installe dans le paysage juridique des entreprises et du pays », a-t-il souligné. « A ce titre, ça devient un accord de référence et qui a vocation à être étendu » par la loi, a-t-il ajouté. Or c’est sur ce point que la CGT continue de focaliser ses critiques, alors que les autres organisations n’en font plus un casus belli.

Mercredi, Fabrice Angéi, le négociateur de la CGT, avait prévenu qu’il voyait mal comment signer un accord non contraignant. « Tout ce qui est écrit dedans peut être contourné. C’est un gros souci », avait-il regretté.

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Texte revu quatre fois

Le patronat a revu sa copie quatre fois en moins d’une semaine, pour arriver à convaincre les syndicats qui voyaient dans le projet surtout « des reculs » pour les salariés. Mais faute d’accord, le gouvernement se serait chargé de légiférer, certains voyant cette reprise en main comme « un échec ».

Dès mercredi, la CFDT et la CFTC s’étaient dites prêtes à signer la précédente version du texte, qui faisait une série de concessions, tout en considérant que le projet n’était « pas révolutionnaire » en matière de droits des salariés.

L’accord proposé « n’est pas normatif, pas contraignant, mais il donne un cadre, ça servira de guide dans certaines entreprises », avait estimé mercredi Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.

Cet accord « fera la part belle au dialogue social, ce qui est crucial quand on voit la diversité des situations de travail. Chaque entreprise pourra désormais se servir de ce cadre pour mettre en place de manière durable le télétravail », a estimé la ministre du travail, Elisabeth Borne, dans un communiqué.

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Quelques nouveautés

Le document rappelle le cadre juridique existant, notamment que la mise en place du télétravail passe par un accord collectif, une charte ou un accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié.

Parmi les nouveautés, les syndicats ont réussi à obtenir que l’éligibilité des postes télétravaillables ne soit pas du ressort unique de l’employeur mais fasse l’objet d’un dialogue social en entreprise. En ce qui concerne le télétravail en temps de crise, les conditions de sa mise en place passeront par « un accord » ou « une charte ».

En revanche, pas de prise en charge des frais d’Internet, de chauffage ou d’électricité, comme réclamé par la CGT, mais rappel que les frais « doivent être supportés » par l’employeur et que ce « peut être » le sujet d’un dialogue social en entreprise.

Depuis fin octobre, le télétravail est « la règle » dans les entreprises qui le peuvent. Le premier ministre, Jean Castex, a souligné jeudi qu’il devait rester « le plus massif possible » dans les prochaines semaines.

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Le Monde avec AFP

Les hommes « souffrent quand ils gagnent moins que leurs épouses », selon une étude britannique

C’est l’une des inquiétudes des économistes : en fragilisant l’emploi des femmes, la crise due à la pandémie du Covid-19 pourrait, comme le télétravail prolongé, creuser un peu plus les écarts de revenus entre les deux sexes.

Selon Eurostat, le salaire horaire brut moyen des femmes était déjà, avant la crise, en 2018, de 14,1 % inférieur à celui des hommes dans l’Union européenne. Un fossé en partie alimenté par la surreprésentation des premières dans les métiers moins bien payés, par les interruptions de carrière liées aux maternités, ou encore par le poids des normes dans les entreprises.

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Des sociologues de la City University of London viennent de publier une surprenante étude confirmant à quel point ces normes sont particulièrement dures à faire bouger, et ce au sein même des couples. Les auteurs tentent d’y mesurer « les implications de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes sur le bien-être psychologique de ces derniers ».

Pour ce faire, ils ont analysé les données de l’« étude longitudinale sur les ménages britanniques » (« UK Household Longitudinal Study »), une vaste enquête menée auprès de 40 000 ménages britanniques depuis 2009, financée par le gouvernement.

Effet dopant

Résultat : la plupart des hommes « souffrent quand ils gagnent moins que leurs épouses », résume la sociologue Vanessa Gash, principale autrice de l’étude. Ils déclarent en effet « une satisfaction dans la vie moindre que les hommes ayant un revenu plus élevé ou égal à celui de leurs épouses », « tandis que le bien-être subjectif des femmes ne semble pas être affecté par le fait d’être moins bien rémunérées ».

Une augmentation permettant de creuser l’écart avec le salaire de leur compagne a un effet dopant sur le moral des hommes, mais l’inverse n’est pas vrai : les femmes ne sont pas plus satisfaites lorsqu’elles gagnent plus que leur conjoint. « Ces résultats suggèrent que l’écart de rémunération entre les partenaires est renforcé par les normes du modèle traditionnel où l’homme est le principal apporteur de revenus du ménage », écrit Vanessa Gash.

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Et pour cause, explique-t-elle : les hommes heureux car mieux payés sont, consciemment ou non, réticents à donner la priorité à l’emploi de leur femme ou à mieux partager les tâches parentales si cela peut nuire à leur carrière… et donc à leur bien-être.

Une enquête du même genre menée de l’autre côté de la Manche offrirait-elle des résultats similaires ? Sans doute. Car si les écarts salariaux entre les sexes sont un peu moins élevés en France (15,8 %, contre 19, 8 % au Royaume-Uni, selon Eurostat), ils restent supérieurs à la moyenne européenne, et au score des vertueux Suédois (12,6 %).

« La tendance dans la rémunération des patrons est claire : de moins en moins de part fixe, de plus en plus de performances »

Façade de l’ancienne bourse de Paris, le 18 mai 2020.

Pertes et profits. Bernard Charlès reste le patron le mieux payé de France. Le directeur général de la pépite Dassault Systèmes, numéro un mondial des logiciels 3D, a perçu 24,7 millions d’euros pour 2019, dont 21,7 millions en actions de performance, indique le rapport annuel du cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, publié mercredi 25 novembre.

A l’inverse, on ne peut pas parler de performance pour le patron du parapétrolier TechnipFMC, deuxième du classement, mais la fusion ratée entre Technip et l’américain FMC, la perte de 2,4 milliards d’euros et l’éviction du CAC 40 n’ont pas empêché Douglas Pferdehirt de toucher 13,7 millions. Daniel Julien, de Teleperformance, arrive en troisième position, avec 13,2 millions d’euros.

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La rémunération moyenne globale des patrons du CAC 40 a baissé de 10 %, notamment en raison d’un recul de 8 % des bonus, tout en restant « la deuxième moyenne la plus élevée sur dix ans » avec 5,18 millions d’euros – contre 5,77 millions en 2018 (+ 12 %). Huit dirigeants l’ont vue baisser, tandis que ceux d’Atos, EssilorLuxottica et Sanofi ont dû renoncer à leur bonus pour diverses raisons. Le départ de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, parmi les mieux lotis jusqu’alors, a aussi pesé, tout comme le recul de la rémunération en actions.

Actions à long terme

Proxinvest juge la hausse de 2,7 % de la part salariale fixe « beaucoup trop rapide par rapport à l’inflation moyenne de 2019 » (+ 1,1 %). Si l’on retient les 120 plus grandes sociétés françaises inscrites à l’indice SBF 120, la hausse moyenne est sensible, puisque la moitié des patrons a gagné plus de 3 millions d’euros, contre 2,7 millions un an plus tôt. La moyenne atteint 3,7 millions, proche du record de 3,8 millions deux ans auparavant.

Mais la tendance est claire : de moins en moins de part fixe, de plus en plus de performances, notamment d’actions à long terme. Elle représentait 35,8 % du total, soit 9 points de plus qu’en 2010, et 41,8 % pour le CAC 40. En dépit de progrès, la mesure de cette performance doit être améliorée, réclame Proxinvest. Par ailleurs, le cabinet indépendant note que la rémunération des salariés augmente (+ 5,8 %) pour la première fois depuis 2014, même si la hausse a été moins forte pour eux (+ 17 %) que pour leur patron (+ 28 %) sur les six dernières années.

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Il scrute désormais le ratio d’équité, qui mesure l’écart de rémunérations entre dirigeants et salariés. Dans les sociétés du SBF 120, le dirigeant a perçu 73 fois le salaire moyen des employés et 43 fois le salaire médian. En cette période de crise, où des millions de salariés souffrent d’une perte de revenus, Proxinvest prévient qu’il sera vigilant sur les dividendes et la part variable, puisque les objectifs fixés avant la crise seront rarement atteints.