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L’inspection du travail recrute de nouveaux profils pour favoriser le dialogue social

« L’inspection du travail veut diversifier ses recrutements, en intégrant davantage de profils ayant déjà une expérience significative du monde du travail et des relations sociales »
« L’inspection du travail veut diversifier ses recrutements, en intégrant davantage de profils ayant déjà une expérience significative du monde du travail et des relations sociales » Tom Merton/Ojo Images / Photononstop

L’inspection du travail veut diversifier ses recrutements, en intégrant davantage de profils ayant déjà une expérience significative du monde du travail et des relations sociales. « Au global, nous allons recruter quelque trois cents inspecteurs du travail sur trois ans, dont quatre-vingts cette année », annonce Anouk Lavaure, directrice de projet à la direction générale du travail (DGT).

Jusqu’à présent, seules 10 % des nouvelles recrues étaient issues de la troisième voie réservée aux actifs ayant au moins huit ans d’expérience professionnelle, les autres provenant soit du concours externe dédié aux étudiants, soit du concours interne pour les fonctionnaires et agents publics. « Notre objectif est d’atteindre les 20 % à 30 % issus du troisième concours », poursuit Anouk Lavaure.

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Les titulaires d’un mandat syndical ou électif sont les bienvenus, de même que des avocats en droit social, des ergonomes ou encore des directeurs des ressources humaines. Une diversification que François Cochet, directeur des activités santé au travail chez Secafi, cabinet spécialisé dans l’assistance et le conseil auprès des instances représentatives du personnel, juge particulièrement « pertinente. La diversité des profils est toujours un élément positif ». Parmi les compétences recherchées, outre l’expérience terrain : un bon relationnel, le sens de l’écoute et de l’observation, des talents de pédagogue, une forte adaptabilité et du pragmatisme.

Un rôle d’accompagnement

Ces nouveaux profils sont censés accompagner la montée en puissance du dialogue social au sein de l’entreprise. Car « si le rôle traditionnel de l’inspection du travail est le contrôle, le conseil aux entreprises sur la réglementation du travail et l’application de sanctions si nécessaire, le contexte a beaucoup évolué avec les ordonnances Travail. Le rôle de l’inspecteur du travail est moins régalien que par le passé », explique Guy Groux, sociologue, directeur de recherches au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et directeur de l’Executive Master Dialogue social et stratégie d’entreprise.

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L’inversion de la hiérarchie des normes – des accords au niveau de l’entreprise peuvent être moins favorables que les dispositions négociées au niveau de la branche d’activité – fait que l’entreprise produit de plus en plus ses propres règles. Et, en parallèle, on assiste à un développement du dialogue social avec, par exemple, les procédures de référendum. « La dimension pédagogique du métier est de plus en plus importante pour aider à bâtir un dialogue constructif, estime François Cochet. Les inspecteurs du travail doivent combiner le rappel à la règle avec une approche pragmatique vis-à-vis des employeurs de bonne foi. Ils doivent veiller davantage au respect de l’esprit de la loi qu’à celui de la lettre. »

« Le manageur face à la pandémie de Covid-19 »

Carnet de bureau. « Le management est à la fois une technologie et une humanité. Il combine – ou devrait combiner – rationalité et responsabilité », peut-on lire au Musée du management du Cercle de l’innovation, à l’université Paris-Dauphine. Face au Covod-19, les grandes entreprises ont organisé, en cellules de crise, des plans de continuité à chaud, out le monde ayant été pris de court par les annonces gouvernementales.

Cette crise sanitaire est inédite. Le défi a été de recréer des processus d’organisation immédiatement opérationnels où le comité de direction (Codir) reste maître-d’œuvre, d’identifier les postes-clés pour l’activité, les salariés polyvalents, d’établir une chaîne de décisions qui anticipe l’éventuel remplacement au pied levé d’un manageur malade, afin d’assurer à la fois le maintien de l’activité et la santé des salariés. Des plans de crise sans précédent ont ainsi été adoptés dans tous les secteurs, de Total à Radio France par exemple, qui ont limité au maximum le nombre de salariés sur site.

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Mais, la prolongation du confinement et son durcissement posent de nouveaux défis aux entreprises. L’interaction physique limitée du confiné provoque de la fatigue, la communication redoublée par la collaboration à distance expose le salarié à une surcharge cognitive, et la crise sanitaire elle-même génère un stress ambiant. L’enjeu est de taille, car les conséquences vont de la multiplication des pratiques addictives aux décisions fautives.

Le rôle essentiel de l’employeur

Or, qu’il s’agisse de consommation de produits psychoactifs, de jeux vidéo ou de dépendance au travail, l’addiction n’a pas attendu le SARS CoV-2 pour affecter les salariés. L’étude Impact des pratiques addictives au travail menée en septembre 2019 par GAE Conseil, auprès de plus de 1 000 salariés du privé et du public, indiquait que 44 % des salariés jugent les pratiques addictives fréquentes dans leur milieu professionnel.

« Les expériences de la NASA ont démontré que le stress provoqué par le confinement pouvait conduire les personnes les mieux préparées à prendre de mauvaises décisions, rappelle Eric Goata, administrateur de la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps). Ce n’est donc pas le moment pour un manageur de prendre des décisions, autrement que concertées et mûries avant d’être déployées. Car tout le monde est déstabilisé par les annonces successives. »

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La responsabilité de l’employeur de garantir la sécurité et la santé des salariés l’oblige à anticiper les facteurs de risques, à expliquer les bonnes pratiques du télétravail, à renforcer sa communication auprès des collaborateurs. Mais comment un manageur peut-il reconnaître les salariés à risque à distance ? « En repérant les alertes, explique M. Goata, une agitation verbale, un silence inhabituel, un comportement automatique de gestes routiniers sans utilité pour l’organisation sont autant de signaux faibles à prendre en considération. »

Gestion des risques : « La solidarité doit précéder la crise »

Gouvernance. Avec la pandémie virale, chacun découvre les règles de confinement qu’impose la lutte pour la protection collective. Mais cette gestion de crise est d’autant plus perturbante qu’elle inverse les priorités et les valeurs qui dominent en temps normal.

D’une part, les pouvoirs publics doivent agir autoritairement tout en reconnaissant qu’ils affrontent l’inconnu et s’adapteront aux circonstances. D’autre part, la liberté individuelle est suspendue et chacun est sommé d’agir dans l’intérêt de tous. Or, on sait que l’efficacité de telles mesures d’exception dépend aussi de ressources sociales et matérielles préparées, avant la crise, par la gestion normale.

L’étude systématique des méthodes de gestion de crise date des années 1980 (Le Risque technologique majeur. Politique, risque et processus de développement, Patrick Lagadec, Pergamon 1981). A l’époque, les dangers considérés relevaient surtout de l’accident technologique majeur : nucléaire, pétrolier, chimique. Une leçon paradoxale s’était dégagée des enquêtes : il fallait anticiper autant que possible la crise mais avec la certitude que celle-ci ne se déroulerait pas comme prévu et exigerait une organisation spéciale capable de réagir à l’inconnu !

Pour mieux affronter l’imprévisible

Ce paradoxe se dissipe lorsqu’on comprend que le travail d’anticipation est bien plus qu’un exercice de prévision. Au-delà des mesures préventives, c’est pendant cette phase que l’on peut consolider les schémas de coordination et les solidarités humaines, sociales et économiques qui seront nécessaires pendant la crise. Chacun apprend ainsi ce que l’ensemble lui doit et ce qu’il recevra des autres. Un acquis précieux !

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Car, quand la crise survient et plonge tout le monde dans l’inconnu, les autorités disposeront de réseaux d’information fiables, d’intervenants préparés et de citoyens solidaires. Il y a un siècle, Henri Fayol, le pionnier de la science administrative, faisait déjà de la « prévoyance » l’essence de la bonne gestion, et voulait désigner avec un même terme aussi bien l’effort de prévision que la formation d’un corps social solidaire qui seul permet d’affronter l’imprévisible.

La crise épidémique n’échappe pas à cette nécessité. Mais si le système de santé s’est, en principe, doté de plans d’urgence et de professionnels aguerris, il n’en va pas de même du grand public, sur lequel repose pourtant le sort collectif. Car, en temps normal, la gestion de la société civile met surtout l’accent sur la croissance, la concurrence économique et les vertus de l’intérêt individuel.

« Les Nouveaux Cobayes » : le rôle de la Silicon Valley dans l’infantilisation au travail

« Les Nouveaux Cobayes. Comment les entreprises génèrent précarité et mal-être au travail », de Dan Lyons (FYP, 2019, 290 pages, 22 euros).
« Les Nouveaux Cobayes. Comment les entreprises génèrent précarité et mal-être au travail », de Dan Lyons (FYP, 2019, 290 pages, 22 euros). DR

Le livre. Un matin de juin 2017, Dan Lyons se retrouve à Menlo Park, en Californie, attablé avec Julia, une femme qui anime des ateliers en entreprise. Depuis deux ans, le journaliste américain tente de comprendre le monde du travail moderne et pourquoi il semble rendre tant de gens malheureux. Sa théorie est la suivante : « Au moins une partie de ce mal-être vient du fait que les salariés doivent assister à des ateliers stupides, où on les gave d’un tas d’absurdités complaisantes sur le développement personnel et l’autoamélioration. »

Son interlocutrice déverse six briques Lego sur la table et lui demande de faire un canard en 30 secondes. Il s’agit de l’exercice le plus connu du Lego Serious Play, une activité en plein essor : de grandes entreprises comme Unilever, Johnson & Johnson ou encore Google l’ont adoptée. L’atelier laissera l’essayiste pour le moins sceptique. Pourquoi le lieu de travail est-il devenu un mixte de jardin d’enfants et de centre de tests de personnalité ? Pourquoi le travail implique-t-il une telle infantilisation ? Et que génèrent toutes ces pressions psychologiques ? Autant de questions soulevées dans son ouvrage Les Nouveaux Cobayes (FYP).

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« Autrefois, les RH étaient de simples manageurs, mais depuis qu’ils ont des MBA, (…) ils sont friands de neurosciences de comptoir, et bien que la plupart ne feraient pas la différence entre les amygdales et les hémorroïdes, ils sautent sur tout ce qui peut reconfigurer le cerveau de leurs employés », déplore Dan Lyons. Exercices avec de la pâte à modeler, équipes qui s’affrontent pour trouver le moyen le plus rapide de se passer des balles de tennis et de les mettre dans un seau… les exemples d’ateliers témoignant de l’absurdité qui envahit le monde du travail ne manquent pas.

Priorité aux besoins des employés

Inutiles, ces exercices sont aussi facteur de stress : « Pour les travailleurs âgés, ces ateliers augmentent la crainte qu’ils ont déjà d’être évincés de leur emploi. Mais les jeunes les ont aussi en horreur. » Ainsi de ce développeur de logiciels dont le service a passé une journée à faire un atelier Lego : il a l’impression d’avoir « rejoint une secte ».

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L’auteur souligne la responsabilité de la Silicon Valley dans le malheur de ces travailleurs. « D’une part, parce que c’est là que la plupart des nouvelles technologies de l’information utilisées au travail se sont développées. D’autre part parce qu’au-delà de la production de puces et de logiciels, la Silicon Valley vise à redéfinir la notion même d’entreprise, en amenant des idées radicalement nouvelles sur la manière de créer et manager les organisations. Malheureusement, bon nombre de ces idées sont épouvantables. »

L’Etat d’urgence sanitaire ne limite pas le recours au droit de retrait, sauf pour le personnel réquisitionné

« Le droit de retrait n’est pas une liberté publique mais un droit des salariés », rappelle Francis Kessler, avocat en droit social et chroniqueur au Monde »
« Le droit de retrait n’est pas une liberté publique mais un droit des salariés », rappelle Francis Kessler, avocat en droit social et chroniqueur au Monde » Philippe Turpin / Photononstop

Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de coronavirus a été adopté dimanche 22 mars par le Parlement et la loi publiée au Journal officiel mardi 24 mars. Elle limite un certain nombre de libertés publiques : la liberté de circuler, de se rassembler, etc. Mais réduit-elle le recours au droit de retrait, alors que les salariés qui travaillent en « présentiel » – dans les commerces, la logistique, l’agroalimentaire – envisagent d’y recourir, lorsqu’ils estiment que leur santé n’est pas suffisamment garantie par l’employeur ?

« Le droit de retrait n’est pas une liberté publique mais un droit des salariés », rappelle Francis Kessler, avocat en droit social et chroniqueur au Monde. Le projet de loi adopté dimanche va au-delà de la limitation des libertés publiques, puisqu’il prévoit de modifier, pour la période d’état d’urgence sanitaire, le code du travail sur la disponibilité des salariés : RTT, congés payés, durée du travail, etc.

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Mais la loi n’évoque pas le droit de retrait. Il est donc maintenu. « La protection de la santé est garantie à tous, selon le préambule de la Constitution de 1946. On peut donc considérer que l’exercice du droit de retrait constitue l’exercice d’un droit fondamental. Il ne paraît donc pas possible de supprimer ou de suspendre expressément ce droit », explique Jacqueline Cortès, avocate à la Cour.

Un règle spécifique pour le personnel réquisitionné

Toutefois, le contexte du coronavirus change le cadre et les conditions de recours au droit de retrait. Par application de la circulaire de la direction générale du travail du 18 décembre 2007 sur la continuité de l’activité des entreprises et la santé des salariés en cas de pandémie grippale, le droit de retrait ne peut s’appliquer qu’en tenant compte de trois « impératifs : la sécurité des salariés, le fonctionnement des entreprises et la continuité de la vie économique et sociale », indique Me Cortès. Le coronavirus seul n’est pas une justification suffisante pour recourir au droit de retrait, dès lors que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour protéger ses salariés.

Si le retrait est légitime, le salaire est maintenu et le salarié ne peut faire l’objet d’aucune sanction. En revanche, si le retrait est illégitime, l’employeur est en droit d’opérer une retenue sur salaire correspondant à la période durant laquelle le salarié n’a pas travaillé. En cas de litige, c’est au salarié de saisir le conseil de prud’hommes pour trancher.

Droit : « Une épidémie n’autorise pas le non-paiement d’une créance »

« L’obligation de pratiquer les « gestes barrières », présentés par les autorités sanitaires comme suffisantes pour se prémunir de toute contamination, pourrait interdire à nombre de salariés d’exercer valablement leur droit de retrait. »
« L’obligation de pratiquer les « gestes barrières », présentés par les autorités sanitaires comme suffisantes pour se prémunir de toute contamination, pourrait interdire à nombre de salariés d’exercer valablement leur droit de retrait. » DPA / Photononstop

Tribune. Pour aider les entreprises à faire face aux mesures de confinement qui entravent leur activité, le Parlement a voté le 22 mars un projet de loi autorisant le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles en leur faveur.

Les entreprises pourront notamment déroger aux règles relatives à la durée du travail, étaler le paiement des loyers, des factures d’eau et d’électricité pour les très petites entreprises, assouplir le régime des pénalités en cas non-exécution des obligations contractuelles.

Déjà, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, avait indiqué le 28 février que l’épidémie du coronavirus sera considérée comme « un cas de force majeure » pour les entreprises au regard des marchés publics de l’Etat.

Mais, en dépit de ces mesures exceptionnelles, de nombreux créanciers voient leurs débiteurs tentés de se défausser de leurs obligations en invoquant à leur tour la force majeure. A tort le plus souvent.

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La « force majeure » est définie juridiquement comme un évènement « incontrôlable et imprévisible » qui empêche un débiteur d’exécuter son obligation contractuelle et l’autorise à se délier de ses engagements.

Une telle situation ne saurait être invoquée comme un simple prétexte pour se dégager de ses obligations. L’empêchement doit être radical et ne saurait se caractériser par un coût plus onéreux ou une difficulté accrue dans l’exécution de sa mission.

Qu’en est-il du coronavirus ?

Si le débiteur est personnellement affecté, la force majeure est bien entendu envisageable puisqu’il n’est plus en mesure de fournir la prestation prévue, encore que l’incapacité totale de fournir la prestation dans le temps requis devra être démontrée devant les juridictions.

Pour le reste, invoquer une épidémie, des restrictions de circulation ou de confinement pourront parfois justifier la suspension de l’exécution de ses obligations, mais n’autoriseront pas le non-paiement d’une créance, si l’on en croit les décisions de justice déjà rendues au sujet des virus chikungunya, Ebola ou H1N1. De surcroît, une épidémie étant par définition temporaire, en toute hypothèse, elle ne légitimera jamais une rupture contractuelle irrévocable entre deux partenaires.

Certes, le gouvernement a interdit par décret le déplacement de toute personne hors de son domicile. Mais le télétravail est vivement encouragé, et les trajets entre le domicile et le lieu de travail sont autorisés. Les mesures de confinement n’interdisent donc pas l’accomplissement de sa tâche professionnelle.

Pour Teleperformance, le télétravail, c’est pour les clients

Le virus a frappé Teleperformance (TP). Le groupe français, leader mondial des centres d’appel, a abandonné, lundi 23 mars, ses prévisions d’une hausse de 7 % de son chiffre d’affaires et a reporté de plus de deux mois l’assemblée générale des actionnaires, au 26 juin. Mais que ces derniers se rassurent : l’entreprise, indique Reuters, ne remet en pas en cause le paiement d’un dividende de 2,40 euros par action au titre de l’année 2019.

Toutefois, d’autres événements pourraient encore alourdir le climat chez TP, après l’exercice du droit d’alerte pour danger grave et imminent par les syndicats pour huit centres d’appel sur treize. Des contrôles d’inspecteurs du travail ont eu lieu sur plusieurs sites en France et leurs conclusions sont sévères.

Par exemple, à Blagnac, près de Toulouse, dont le site a fait l’objet d’un droit d’alerte, l’inspecteur a adressé à l’employeur, lundi, une mise en demeure après avoir constaté que la distanciation sociale d’un mètre n’est pas respectée dans les salles de pause et de restauration, que les locaux n’étaient pas suffisamment nettoyés ni les postes de travail. Et que ceux qu’occupaient les personnes testées positives au Covid-19 ou suspectées de l’être n’ont pas été désinfectés… L’inspecteur a donné 48 heures à la société pour remédier à ces manquements.

« Rupture de gel hydroalcoolique »

Malgré les consignes sanitaires du gouvernement, la plupart des 1 800 salariés de TP ne sont pas en télétravail et se retrouvent encore à plusieurs centaines dans les open spaces, en France, mais aussi en Colombie ou en Grèce. Dans le même temps, le groupe vante, sur son blog, les bienfaits du télétravail, « solution de travail » qu’il commercialise depuis longtemps. « Le gouvernement recommande de recourir au télétravail, et nous, nous travaillons en open space avec moins d’un mètre de distance entre les postes », a dénoncé à l’AFP Samira Alaoui, déléguée syndicale centrale CGT.

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Le comble est que « 450 salariés de Teleperformance répondent aux appels du numéro vert gouvernemental sur le coronavirus, indique Issam Baouafi, délégué syndical central de SUD, premier syndicat de l’entreprise. L’Etat n’est donc pas capable d’imposer à TP le respect de ses propres consignes ? » Le 17 mars, l’intersyndicale SUD-CGT-CFDT-CFTC-CGC a demandé « la mise en place sans délai du télétravail sur l’ensemble des treize sites ». Les syndicats ont, en outre, constaté « sur plusieurs sites des ruptures de gel hydroalcoolique, de lingettes désinfectantes, des poignées de portes et des postes de travail non nettoyés », etc.

« Nous nous conformons à l’ensemble des consignes de sécurité des pouvoirs publics »

« La santé, la sécurité et la protection de nos collaborateurs sont notre priorité absolue au sein du groupe, assure-t-on chez Teleperformance. Nous nous conformons à l’ensemble des consignes de sécurité des pouvoirs publics de chaque pays et nous veillons à leur application stricte : le respect de la distanciation sociale, le nettoyage régulier des postes de travail, des centres et des bureaux, ou encore le rappel systématique des gestes barrières. »

La société assure également mettre en place du télétravail. Selon elle, cela doit « répondre à plusieurs conditions : l’accord contractuel des clients, le maintien de la sécurité des programmes et des données traitées dans les centres, le basculement des systèmes techniques utilisés dans les centres vers des postes à domicile. » Le groupe généralise le travail à distance « quand cela est possible, assure une porte-parole. A ce jour, il représente 15 % des salariés dans le monde, et l’objectif est d’atteindre 40 % à mi-avril. »

« La direction est planquée en télétravail »

Dans une lettre ouverte publiée mardi 24 mars, SUD interpelle les donneurs d’ordre de TP : « L’Etat exige que les Français restent chez eux, l’entreprise délivre aux salariés des attestations pour dire que leur travail n’est pas possible à distance (…). Alors même que chez les donneurs d’ordre pour des activités semblables, leurs propres salariés sont en télétravail, certains d’entre eux empêcheraient, paraît-il, ce télétravail chez les prestataires (…). Il est intolérable que les dirigeants de ce si puissant prestataire et ses donneurs d’ordre se renvoient la balle éternellement. Faites simplement ce qu’il y a à faire : arrêtez d’exiger notre travail, si ce n’est pas en télétravail, durant toute la crise sanitaire. »

Selon les syndicats, plusieurs cas de Covid-19 confirmés ou de suspicions sont apparus dans des centres

« Il y a un début de télétravail au numéro vert et dans quelques sites, soit environ 115 personnes, plus la direction générale », observe M. Baouafi. « C’est discriminatoire. Quand ils voient que la direction est planquée en télétravail avec des salaires de plus de 7 000 euros par mois, les salariés sont écœurés. Ils ont peur de mourir en venant travailler. » Selon les syndicats, plusieurs cas de Covid-19 confirmés ou de suspicions sont apparus dans des centres, comme à Belfort et Lyon.

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« Cinq sites sur treize sont temporairement fermés pour la désinfection complète suite à une suspicion de cas », précise la direction. Selon M. Baouafi, 126 salariés ont exercé leur droit de retrait, que la société juge, dans un mail, « illégitime ». Les salaires des personnes concernées ne seront donc pas payés, et le conflit devra aller devant la justice. 486 salariés sont en arrêt maladie pour les divers motifs prévus par le gouvernement ou en raison d’une maladie autre que le SARS-CoV-2.

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Altice Médias met en place des mesures de chômage partiel

Alors que la crise liée à la pandémie de Covid-19 fait rage, Patrick Drahi a décidé de traverser cette mauvaise passe en recourant, sans attendre, aux deniers publics. Le propriétaire d’Altice a massivement mis en place des mesures de chômage partiel au sein de son groupe : chez SFR, entre 40 % et 60 % des 9 000 salariés sont concernés depuis lundi 23 mars par ces mesures. Les salariés d’Altice Médias, la branche médias du groupe, qui coiffe BFM, RMC, RMC Sport et 01Net, vont connaître le même sort, comme le leur a confirmé, lundi, la direction. Il faut dire que la publicité, principale source de revenus de ces médias, est en chute libre.

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« Cela concerne essentiellement les régies publicitaires, des fonctions supports comme les relations publiques et quelques journalistes », précise Arthur Dreyfuss, directeur général d’Altice Médias France. En fonction des métiers, les salariés seront soit complètement arrêtés, soit continueront à travailler à temps partiel, « 20 % ou 50 %. Nous avons déjà organisé des roulements pour les journalistes pour préserver les équipes », explique M. Dreyfuss.

Baisses de salaire

Au détail près que cette organisation se traduira, désormais, par des baisses de salaire. Dans un document officiel, l’entreprise précise que « l’indemnité » versée au salarié qui connaît une mesure de chômage partiel total, va correspondre à « 84 % » de sa rémunération nette. En volume, toute forme de chômage confondue, « 20 % des 1 400 salariés du groupe devrait être concerné ».

Lire le décryptage : Qui peut bénéficier du chômage partiel ?

Ni les rédactions de BFM-TV, dont les audiences sont au firmament, ou de Libération ne sont concernées, affirme M. Dreyfuss. En revanche, « deux ou trois journalistes de BFM-Business », la chaîne dédiée aux entreprises, devraient ralentir, et, avec 200 personnes, la rédaction de RMC Sport, qui regroupe à la fois la chaîne de télévision payante et l’agence d’informations qui fournit les différentes antennes, devrait également être touchée, pénalisée par l’arrêt des compétitions sportives.

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« Toute la production d’événement sportif a été mise au chômage partiel total », précise M. Dreyfuss. En parallèle, des journalistes de RMC Sport sont partis donner un coup de main à la rédaction de BFM, tandis que d’autres couvrent désormais l’actualité généraliste pour l’antenne de RMC par exemple. « Sans compter les pigistes permanents, qui, eux, n’ont plus une seule pige », déplore un journaliste rédacteur de RMC.

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Artistes, auteurs et vacataires : l’inquiétude monte chez les précaires de la culture

Passage Richelieu à Paris, le 15 mars 2020, des vitres donnent sur un Musée du Louvre vide de visiteurs.
Passage Richelieu à Paris, le 15 mars 2020, des vitres donnent sur un Musée du Louvre vide de visiteurs. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

« Annulez tout, mais payez tout le monde. » Dès le 13 mars, après la cascade d’annulations de foires, expositions, conférences et avant le grand confinement décrété trois jours plus tard, le site Documentations.arts exhortait les lieux culturels à ne pas laisser les artistes en rade. Car la crise sanitaire qui a mis la culture à l’arrêt fragilise avant tout les plus précaires – plasticiens, auteurs, indépendants et vacataires – traités en outsiders d’un monde dont ils sont pourtant les piliers.

Le gouvernement a certes annoncé quelques mesures d’urgence. Le Centre national du livre (CNL) et la Sofia (organisme agréé par le ministère de la culture pour la gestion collective du droit de prêt en bibliothèque) ont décidé de maintenir le versement de leurs subventions aux manifestations littéraires annulées, en contrepartie de leur engagement à verser aux auteurs la rémunération prévue au titre de leurs interventions. Les indépendants et autoentrepreneurs pourront aussi recourir à l’aide de 1 500 euros mise en place par le fonds de solidarité, conditionné à une baisse de chiffre d’affaires de plus de 70 % entre mars 2019 et mars 2020. L’Urssaf, qui gère le recouvrement des cotisations sociales des artistes-auteurs, a, de on côté, reporté l’échéance de paiement des cotisations dues normalement au 20 mars.

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Si le gel du calcul des droits pendant la période de confinement offre un répit, les créateurs n’en restent pas moins inquiets. « Ces dispositifs permettent des lissages de trésorerie, guère plus. Aucun dispositif d’aide ne concerne spécifiquement les artistes », déplore Grégory Jérôme, membre du groupe Economie solidaire de l’art (ESA). Quant aux 2 millions d’euros dévolus aux arts plastiques, sur les 22 millions d’euros débloqués le 18 mars par la Rue de Valois, ils sont à l’évidence insuffisants, d’autant que les modalités de reversement sont encore floues. « Si nous ne sommes pas enseignants, nous n’avons pas droit au chômage. Donc nous n’avons aucune rentrée d’argent et des charges qui courent, ne serait-ce que pour nos ateliers », résume l’artiste Agnès Thurnauer, qui doit exposer en mai à la galerie Michel Rein, à Paris.

Aucune compensation financière

L’artiste performeuse Violaine Lochu semble a priori mieux lotie, car elle jouit du statut d’intermittente du spectacle. Mais ses revenus dépendent aussi beaucoup des missions d’action pédagogique menées notamment en école d’art, pour lesquelles elle est rémunérée en vacations ou CDD. « Les interventions qu’on m’avait proposées sont le plus souvent officiellement reportées. Peut-être seront-elles in fine annulées, selon la durée du confinement et la situation économique des structures au sortir de cette période », explique-t-elle, précisant qu’aucune compensation financière ne lui a été proposée. En revanche, les équipes des lieux où elle devait exposer en mai et en juin lui ont promis un revenu minimum. « C’est très important, car cela permet de se projeter et de continuer à créer, indique-t-elle. Cependant, aucun contrat n’a été signé, comme c’est souvent le cas en France, où beaucoup de choses reposent sur la confiance… »

Emplois à domicile : vers la mise en place d’un chomage partiel

Rien ne vous interdit - et les pouvoirs publics vous y incitent – de maintenir le salaire total de votre salarié.
Rien ne vous interdit – et les pouvoirs publics vous y incitent – de maintenir le salaire total de votre salarié. Jochen Tack/ImageBroker / Photononstop

Via les plateformes du Cesu et de Pajemploi, les pouvoirs publics invitent les particuliers qui emploient habituellement des personnes à leur domicile (personnel de ménage, garde d’enfants, etc.), ou qui ont recours à un(e) assistant(e) maternel(le), à verser l’intégralité de leur salaire du mois de mars, même s’ils n’ont eu recours à leur service qu’une partie du mois. S’ils le peuvent.

En contrepartie, un système d’indemnisation comparable à celui prévu dans les entreprises pour les périodes de chômage partiel devrait être prochainement mis en place.

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Il reposerait sur le principe suivant : pendant toute la période où ces salariés ne pourront pas travailler, les particuliers employeurs devront continuer à les payer comme s’ils avaient travaillé en leur versant une indemnité égale à 80 % de leur salaire net horaire, puis ils seront remboursés par l’Etat. Les délais de remboursement n’ont pas encore été précisés.

Ce qu’on sait pour l’heure de la démarche

Dans l’attente, les pouvoirs publics demandent aux particuliers employeurs de ne pas faire leur déclaration du mois de mars. Ils seront informés par e-mail lorsque le dispositif sera opérationnel.

Une fois ce mail reçu, vous devrez alors déclarer et payer les heures réellement effectuées en mars dans les mêmes conditions que d’habitude. Pour les heures prévues mais non travaillées, il faudra remplir un formulaire d’indemnisation accessible sur le site du Cesu ou de Pajemploi. Le remplissage de ce document permettra de calculer le montant de l’indemnité que vous devrez verser à votre salarié, en plus de son salaire.

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Rien ne vous interdit – et les pouvoirs publics vous y incitent – de maintenir le salaire total de votre salarié.

Si vous actionnez le dispositif d’indemnisation mis en place par l’Etat, le montant de l’indemnité versée – et remboursée – ne vous ouvrira pas droit au crédit d’impôt pour emploi d’un salarié. Vous ne pourrez y prétendre que sur la partie du salaire payé de votre poche.

Pour le soutien scolaire à distance

En revanche, si vous renoncez à demander le remboursement des heures non travaillées, vous aurez le droit au crédit d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile sur la totalité du salaire versé, dans les mêmes conditions que d’habitude.

En plus de cette indemnité spécifique, Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, a annoncé que les cours de soutien scolaire réalisés à distance, via Internet, pendant la période de confinement ouvriraient droit au crédit d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile. Cette mesure exceptionnelle et temporaire ne devrait concerner que le soutien scolaire pour les enfants. Elle ne devrait pas être étendue aux cours particuliers pour les adultes (cours de gym, notamment).