Archive dans décembre 2020

La rédaction de RTL s’attend à sa dissolution dans celle de M6

En août 2014, à Paris.

Les communiqués alarmistes envoyés, début décembre, par la Société des journalistes (SDJ) de RTL et la CFDT, syndicat majoritaire dans la maison, n’auront pas eu de prise sur les événements. Le 1er janvier 2021, la société Information et diffusion, qui emploie tous les membres de la rédaction de la station depuis soixante-quatre ans, sera absorbée par Métropole Télévision, autrement dit M6.

L’information a été communiquée aux élus le 30 octobre. Même s’il est fort probable que ceux-ci rendent un avis négatif au terme du processus d’information-consultation, cette semaine du Nouvel An, rien ne peut l’empêcher. « On peut bien nous dire qu’il s’agit d’une simple opération de simplification juridique, le résultat est que la rédaction de RTL n’existera plus en tant que telle », déplore une journaliste. « Si la direction du groupe a l’intention de fusionner la rédaction de RTL avec celle de M6, ce ne serait pas illogique, ajoute un autre. On aimerait juste qu’elle nous le dise. »

Cela fait trois ans que RTL Group a été racheté par M6, toutes deux étant filiales de l’allemand Bertelsmann. L’opération avait suscité des réticences. Quelques mois plus tôt, à l’annonce du déménagement de RTL de son adresse historique de la rue Bayard, à Paris, pour s’installer juste en face de M6, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), l’hypothèse d’un rapprochement structurel entre les deux médias était démentie.

« Aucune garantie sur l’indépendance éditoriale et financière »

Les salariés peinent aujourd’hui à adhérer au message lénifiant qui leur est dispensé. « Si nous souhaitons forcément la réussite du futur projet éditorial qui nous concerne en premier lieu, nous aimerions simplement le connaître et savoir qui le pilotera », insiste la SDJ dans son texte. « Si on nous disait demain que nous, journalistes radio, devenons interchangeables avec ceux de la télévision, au moins les gens sauraient où ils vont, ajoute un élu CFDT. Mais aucune réponse claire ne nous est donnée. » Pour l’instant, les interventions des journalistes d’un média à l’autre sont restées ponctuelles, et soumises à un accord (garantissant le volontariat, la formation et la rémunération) signé par les représentants d’Information et diffusion – qui tombe avec la fusion-absorption.

« Malgré nos demandes, on ne nous donne aucune garantie sur l’indépendance éditoriale et financière de la rédaction de RTL, ni en termes d’emplois », ajoute l’élu du personnel. Alors que près de la moitié des salariés ont engagé une action aux prud’hommes, afin de récupérer leurs primes d’ancienneté, impayées depuis trois ans, « le dialogue social de qualité prôné par le groupe M6 reste à prouver », rappelle, en outre, un tract de la CFDT. Les discussions destinées à conclure des accords de substitution à ceux qui étaient en vigueur au sein d’Information et diffusion (nombre de jours ouvrés, compte épargne-temps…) commenceront en janvier 2021, et pourront durer jusqu’à dix-huit mois.

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Télétravail : neuf mois de réflexion et un accouchement difficile

Une employée en télétravail à Vertou près de Nantes (Loire-Atlantique), le 14 mai.

A la mi-mars, le Covid-19 a imposé la quasi-généralisation du télétravail. Après une courte période de sidération, les entreprises ont découvert avec enthousiasme leur capacité à s’organiser à distance même pour des métiers qu’elles croyaient inéligibles, avant de mesurer les risques sur la santé des salariés et le délitement des collectifs.

S’ouvrait alors un chantier expérimental, poursuivi jusqu’à aujourd’hui, au sujet de la production sur différents modes : « dégradé », « 100 % télétravail », « travail dans un tiers lieu »… Le contexte d’incertitude servant de ferment à l’innovation managériale. En neuf mois, l’environnement du travail s’est modifié – les lieux, la durée, la fréquence –, de nouveaux clivages sont apparus entre les catégories de personnel, et les débats ont commencé sur l’organisation à venir.

Lire la chronique : Le 100 % télétravail, un modèle d’exception

Les entreprises partaient de loin. Introduit timidement depuis l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, qui prévoyait des accords collectifs à son sujet pour le secteur privé, le télétravail est apparu comme indispensable pour la première fois lors de l’épidémie de grippe H1N1 de 2009. Avant le Covid-19, son usage était relativement marginal. En 2017, lors de l’ouverture de la vaste concertation nationale sur le sujet lancée par la loi El Khomri, le nombre de salariés concernés variait selon les sources de 2 % à 17 % de la population active.

Nouveau clivage

En mai 2020, ce sont jusqu’à 40 % des salariés des sociétés de plus de dix personnes qui ont travaillé à distance, près des deux tiers à plein temps, la moitié découvrant cette pratique pour la première fois, selon une récente étude du groupe Malakoff Humanis. Ce qui ne semblait pas possible l’est devenu. Les contraintes de la crise sanitaire ont démontré que ce mode d’organisation n’était pas réservé aux employés de bureaux, et qu’il pouvait concerner autant le trader que le « créatif ». « On a réfléchi au devenir du télétravail hors Covid. Progressivement, on va mettre les non-cadres dans l’équation », témoigne Jean-Charles Voisin, DRH France de Jungheinrich, spécialiste des chariots élévateurs.

En attendant, l’adaptation aux conséquences de la crise sanitaire a révélé un nouveau clivage sur le marché de l’emploi, entre ceux qui peuvent télétravailler et les autres. Chez Orange, par exemple, sur 84 000 salariés en France, 60 000 y sont éligibles, soit plus de 70 %. De son côté, Malakoff Humanis a évalué à 50 % le nombre d’emplois compatibles au sein du secteur privé. Et toutes les catégories sociales ne sont pas concernées : une enquête de l’Ugict-CGT, réalisée en avril avec des statisticiens de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) auprès de 34 000 personnes, souligne ces inégalités, en indiquant que 70 % étaient cadres ou de professions intermédiaires.

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Un ouvrier meurt sur le chantier du Grand Paris Express

Le chantier du Grand Paris Express, le jour du lancement de sa première aléseuse,  le 3 février 2018 à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne).

Un ouvrier âgé de 41 ans est mort mardi 22 décembre sur le chantier du métro de la ligne 16 du Grand Paris Express à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), après une chute dans une cuve à broyer située à 30 mètres de profondeur, a-t-on appris jeudi auprès du parquet de Bobigny. « Une enquête est actuellement diligentée par le commissariat de La Courneuve, du chef d’homicide involontaire dans le cadre du travail », a précisé cette source.

La victime était un employé de la société de construction Eiffage. Le groupe français « est extrêmement affecté par le décès d’un de ses compagnons et se tient aux côtés de la famille et de l’ensemble des équipes des chantiers concernés pour les accompagner », a déclaré un porte-parole d’Eiffage. Il s’agit du premier décès d’un compagnon sur le chantier du Grand Paris Express, a fait savoir la Société du Grand Paris.

Le Grand Paris Express est un mégaprojet de réseau de transport public composé de quatre lignes de métro et destiné à relier les banlieues d’Ile-de-France entre elles.

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Le BTP, secteur le plus accidentogène

En 2019, le nombre d’accidents du travail se porte à 655 715 nouveaux sinistres reconnus (+ 0,6 % par rapport à 2018), selon les chiffres de l’Assurance-maladie.

Dans son dernier bilan (2017), la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), qui ne comptabilise que les salariés du privé, parle de 530 salariés morts sur leur lieu de travail, sans compter les 264 cas de mort sur le trajet pour aller au travail, ou les cas de suicides – soit plus de 10 personnes chaque semaine en France, un chiffre « stable ».

En dépit d’une baisse quasi continue depuis vingt ans, le BTP reste le secteur le plus accidentogène. Les accidents reconnus y sont toutefois en baisse de 29 % par rapport à dix ans auparavant, alors que dans les secteurs de l’aide à domicile, les Ehpad, l’intérim et les soins à la personne (activités assurées à plus de 97 % par des femmes), ils ont augmenté de 45 % sur la même période, selon la CNAM.

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Le Monde

« Pour Henri Fayol, l’entreprise est le lieu où le savoir scientifique doit être organisé pour être utile au progrès »

Chronique. La bourde de l’ancien président américain George W. Bush affirmant qu’il n’existait pas en français de mot équivalent au terme américain d’« entrepreneur » (prononcé avec l’accent texan) est bien connue. En revanche les entrepreneurs français, et les écoles qui les forment, ont bien du mal à utiliser un autre mot que « management » – et tous les anglicismes qui l’accompagnent – pour désigner l’art d’organiser les ressources matérielles et humaines de l’entreprise afin d’en obtenir la meilleure productivité possible. En effet, les méthodes qui ont permis à l’industrie américaine de devenir « l’arsenal des démocraties » pendant la seconde guerre mondiale ont été importées en France après 1945 et sont enseignées depuis dans les business schools qui y ont fleuri.

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C’est pourtant une autre histoire que raconte un article d’Eric Godelier, professeur d’histoire et de management des entreprises à l’Ecole polytechnique (« From the “science” of practices to management science : milestones for a history of management education in France (1900s-2000s) », Management and Organizational History, 1er décembre 2020), tout comme la réédition critique des œuvres de l’ingénieur et entrepreneur Henri Fayol, né en 1841 (Le Traité et la Notice. Relire Fayol avec Fayol, Presses des Mines, 2020).

Praticiens de terrain

L’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP) a ouvert ses portes… en 1819, suivie par celles de Mulhouse (1866), du Havre et de Rouen (1871), de Lyon et de Marseille (1872) et de Bordeaux (1874), à l’initiative de patrons qui souhaitent former des étudiants – souvent leurs propres enfants – aux techniques de direction, en premier lieu la comptabilité.

Un objectif repris dans les années 1880 par les chambres de commerce et d’industrie avec la création de HEC (1881) et d’une quinzaine d’écoles similaires en province. Les effectifs sont minces, et les contenus plus proches de l’enseignement technique que des sciences et des humanités enseignées dans les universités et les écoles d’ingénieurs où est formée « l’élite » de la nation. Ce qui vaudra aux écoles de commerce un mépris durable dans la culture sociale française.

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Mais, avec l’industrialisation, il faut aussi apprendre à maîtriser les techniques et les coûts de production, les flux d’énergie et de matières, et même l’organisation du travail ouvrier dans des usines de plus en plus grandes. Les écoles d’ingénieurs ajoutent à leur programme l’« économie industrielle », mêlant technique, économie et droit, dès le début du XIXe siècle à l’Ecole des ponts et chaussées, au Conservatoire national des arts et métiers, où enseigne Jean-Baptiste Say, à partir de 1819, à l’Ecole centrale en 1854 – où est délivré en 1865 un cours « d’humanités industrielles ». Il s’agit le plus souvent de savoirs transmis aux étudiants par des praticiens de terrain.

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Chômage partiel, confinement, inégalités… les maux de la crise en dix mots

Jamais, depuis la seconde guerre mondiale, l’économie n’avait subi un choc d’une telle ampleur. Si 2020 restera dans les mémoires comme l’année de la pandémie de Covid-19, elle sera aussi celle où les Etats ont déployé des moyens sans précédent pour tenter d’endiguer la crise. Celle-ci laissera derrière elle des mots nouveaux ou revenus de l’oubli, pour décrire une économie bouleversée. « Sur le front économique, le terme “confinement” marquera l’année 2020, comme l’expression “Grande Dépression” avait résumé la crise de 1929 », note la sémiologue Mariette Darrigrand. S’ajoute à cela le vocabulaire accompagnant les mesures déployées pour soutenir les entreprises et les ménages face à la récession. Voici dix mots qui ont marqué l’année économique 2020.

  • Chômage partiel

Dès le premier confinement, les pays européens ont instauré des dispositifs inspirés du Kurzarbeit, le chômage partiel allemand qui, durant la crise de 2008, avait efficacement protégé les emplois outre-Rhin. Les salariés concernés touchent une partie de leur salaire net (84 % en France, 100 % au niveau du smic), dont le financement est totalement ou partiellement pris en charge par l’Etat. « C’est l’une des réussites de cette gestion de crise : cette mesure a amorti le choc Covid et sauvé plus d’un million d’emplois en France », souligne Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques. A l’acmé de la récession, en avril, 8,6 millions de personnes se trouvaient au chômage partiel.

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Depuis l’été, les entreprises tricolores peuvent aussi déposer une demande d’activité partielle de longue durée, applicable sur vingt-quatre mois sous conditions. Certains économistes redoutent néanmoins que ces dispositifs, s’ils se prolongent trop longtemps, « piègent » des salariés dans des secteurs en difficulté, les empêchant d’aller chercher un emploi dans les industries d’avenir.

  • Confinement

Dans le cadre de la pandémie, le mot est mentionné dans Le Monde dès le 25 janvier 2020, à propos de la mise en quarantaine de Wuhan, la ville chinoise où le nouveau coronavirus est apparu. « Cette expression issue du vieux français était déjà employée lors des grandes pandémies, comme celle de la peste noire, en 1348 », rappelle Mme Darrigrand. Le 17 mars, la France se confine à son tour pour deux mois, comme nombre de pays : fermeture des commerces non essentiels, des écoles et des frontières, mise en place du télétravail, limitation des déplacements… En avril, le néologisme de « déconfinement » apparaît pour évoquer la levée des restrictions, qui seront réintroduites dès l’automne en Europe.

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Quatre défis économiques pour la France en 2021

« Prudente et entourée d’incertitudes », comme l’ont souligné les experts de l’Insee dans leurs prévisions pour 2021, la reprise économique l’an prochain devra composer avec plusieurs inconnues majeures. Parmi elles, quatre sont particulièrement surveillées par les conjoncturistes, car elles détermineront en partie le rythme du rebond : l’accélération des défaillances d’entreprises, l’évolution du marché du travail et la hausse du chômage, le niveau de la consommation et de l’épargne. L’accroissement des inégalités, qui résulte notamment des points précédents, revêtira pour sa part une dimension politique.

Affronter le « mur des faillites »

Grâce aux filets de sécurité octroyés par l’Etat, les défaillances d’entreprises ont chuté de près de 40 % cette année par rapport à 2019. Mais que se passera-t-il lorsqu’elles devront rembourser les quelque 127 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) déjà accordés, et que, parallèlement, le dispositif de chômage partiel sera réduit ? La situation devrait alors s’inverser, prédisent tous les économistes.

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Selon l’assureur Euler Hermes, le nombre de faillites va passer de 33 000 en 2020 à 50 000 en 2021 puis 60 500 en 2022. Environ 180 000 emplois seraient ainsi détruits en 2021, selon Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

L’accélération des faillites pourrait même jouer le rôle d’une bulle, en se répercutant sur les divers créanciers des entreprises : banques, fournisseurs, bailleurs, Etat…, analyse David Cayla, chercheur au Groupe de recherche angevin en économie et management (Granem) et maître de conférences à l’université d’Angers. Elle déclencherait alors un redoutable mécanisme de propagation de la crise depuis les secteurs les plus touchés (hôtellerie, restauration, loisirs, tourisme…) vers d’autres pans de l’économie, voire vers la sphère financière.

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Pour éviter cet enchaînement pernicieux, le gouvernement s’emploie à allonger au maximum l’échéancier de remboursement des PGE, qui peut désormais aller jusqu’à cinq ans, avec une année de décalage de remboursement du capital. Bruno de Moura Fernandes, économiste chez Coface, attire l’attention sur l’importance de ne pas enlever prématurément les dispositifs d’accompagnement destinés aux entreprises. Non seulement cela aurait pour effet d’accélérer les défaillances, mais de plus, « si vous retirez le soutien trop tôt, tout ce que vous aurez dépensé jusque-là ne sera pas efficace ».

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« Paroles de lecteurs » – Attention, ces licenciements peuvent en cacher d’autres

Le gros titre du Monde en date du jeudi 3 décembre 2020 (« La France des licenciements ») et son sous-titre dénonçant la destruction de 35 000 emplois en trois mois dénotent un manque de sérieux surprenant de la part d’un journal comme Le Monde. Il y a belle lurette que les licenciements pour motif économique ne témoignent plus que de façon très lointaine des suppressions d’emplois en France et que les ajustements d’emplois se font par d’autres canaux.

La crise économique déclenchée par les décisions prises en réaction à la crise sanitaire ne fait pas exception. Ce sont d’abord les salariés précaires – travailleurs temporaires et en contrat à durée déterminée (CDD) – qui servent de variable d’ajustement et les suppressions d’emploi se comptent alors en centaines de milliers : de près de 800 000 début février, le nombre d’intérimaires est passé à 470 000 début mars puis à 360 000 début avril. Il était remonté à 710 000 début septembre, mais l’écart avec l’avant-crise est encore de 90 000, soit 2,5 fois le nombre des licenciements annoncés en Une. Et bien sûr le second confinement aura fait croître ce chiffre.

Du côté des contrats courts, la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail) indique que leur nombre a été divisé par deux au second trimestre 2020, passant d’un peu plus de 6 millions à 3 millions en rythme trimestriel. Enfin, si l’on tient à ne s’intéresser qu’à l’emploi sous contrat à durée indéterminée (CDI), rappelons que les ruptures conventionnelles s’établissaient à 37 000 par mois environ avant la crise sanitaire. Elles sont tombées à 15 000 au cours du second semestre, mais elles sont remontées à environ 45 000 par mois au troisième trimestre.

Les licenciements pour motif économique témoignent bien, comme l’illustrent les deux articles de ce numéro, des problèmes économiques et sociaux d’une France engoncée dans une mauvaise spécialisation internationale et handicapée par une absence désastreuse de politique industrielle depuis plusieurs décennies. Ils sont dramatiques pour ceux qui les subissent mais ne constituent que la part émergée et médiatisée de l’iceberg. Ils ne disent vraiment pas grand-chose de l’emploi et occupent une place marginale dans les ajustements sur le marché du travail.

Bernard Gazier et Frédéric Bruggeman, Paris

« J’ai perdu toute ma trésorerie » : à Bordeaux, les boîtes de nuit en difficultés après neuf mois de fermeture

Le passage à 2021 ne se fêtera pas entre les murs de l’une des 25 boîtes de nuit bordelaises. Elles sont fermées, comme l’ensemble des 1 600 établissements de nuit de l’Hexagone depuis le 16 mars, et l’heure n’est toujours pas à la réouverture. Pourtant, « la soirée du Nouvel An fait partie des cinq plus gros chiffres d’affaires de l’année », explique Anthony Ringuet, propriétaire de La Dame, perchée sur un bateau au niveau du bassin à flot.

Interrogé sur les discothèques lors de sa conférence de presse du 26 novembre, Jean Castex a indiqué que « l’heure n’était pas à la réouverture ». « Je pense que tout le monde en comprend les raisons, mais [les établissements] seront bénéficiaires du fonds de solidarité rénové. » « Nous ne les laissons pas tomber », a assuré le premier ministre.

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Pourtant, ces établissements de nuit n’ont toujours aucune visibilité sur une potentielle réouverture. Les professionnels du secteur se sentent abandonnés par le gouvernement, et ce, alors que leurs entreprises emploieraient environ 25 000 salariés en France, selon M. Ringuet. « On fait travailler ceux qui s’occupent des sonos, des lumières, les musiciens, DJ, performeurs… Tout cela touche des gens qui ont souvent des emplois précaires », argue-t-il.

Avenir incertain

C’est le cas de Lucie Goujes, employée en extra aux vestiaires de La Dame avant que le confinement ne commence. « Quand, en mars, on nous a dit que la boîte allait fermer, comme je n’étais pas en CDI, je n’avais pas le droit au chômage partiel, cela m’a un peu fait paniquer », explique la jeune femme de 23 ans. Elle est alors contrainte de quitter son appartement bordelais pour retourner chez sa mère et accepte un poste de caissière dans un supermarché. Depuis, comme ses collègues avec qui elle garde contact, elle a « hâte de reprendre ». « On y prend goût à ce rythme, à la cohésion qu’il y a entre nous dans l’équipe », confie-t-elle.

Comme à La Dame, au Monseigneur ou à La Plage, boîtes de nuit bordelaises prisées des fêtards, les employés tentent de garder le lien grâce à des groupes de conversation WhatsApp. « On maintient le contact entre nous pour voir s’il n’y a pas des cas qui seraient tendus, pour se soutenir. Ça sauve un peu », explique David Duval, responsable sécurité incendie de La Plage. Aleks Cameron, DJ et producteur, vit d’un maigre reliquat de chômage.

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Celui qui a travaillé pour les plus grandes discothèques bordelaises raconte que « c’est très difficile mentalement ». S’il continue de « garder le contact » avec sa communauté par le biais des réseaux sociaux « pour ne pas être oublié une fois que ça reprendra », il s’interroge sur la réouverture des clubs. « Les habitudes ne vont-elles pas changer ? Les gens restent chez eux, s’habituent à être enfermés, à faire des soirées entre eux, ne vont-ils pas désormais changer leur façon de faire la fête ? », s’inquiète-t-il, ne cachant pas « se remettre en question » face à un avenir incertain.

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Quel est l’impact du chômage partiel sur la retraite ?

Les périodes de chômage partiel ne permettent pas en temps « habituel » de valider des trimestres de retraite.

Face à l’épidémie de Covid-19, de nombreuses entreprises ont eu recours au dispositif d’activité partielle, plus communément appelé « chômage partiel ». Les indemnités versées au titre de ce dispositif n’étant pas soumises aux cotisations sociales, ces périodes de chômage partiel ne permettent pas, en temps « habituel », de valider des trimestres de retraite à la différence des périodes de chômage indemnisé par Pole emploi (chaque période de 50 jours de chômage indemnisé donne droit à un trimestre).

Tant que les périodes de chômage partiel ne s’éternisent pas, le fait qu’elles ne soient pas prises en compte dans le calcul de la durée d’assurance n’a pas de réelles conséquences pour la plupart des salariés en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Explication : la durée d’assurance des assurés n’est pas décomptée, de date à date, à partir des trimestres civils effectivement travaillés, mais à partir des cotisations versées. Or pour valider quatre trimestres au titre d’une année civile, il faut avoir cotisé sur la base de six cents heures de smic.

Concrètement, cela veut dire que ceux qui ont perçu un salaire annuel au moins égal à 6 090 euros, ont validé quatre trimestres en 2020, même s’ils n’ont pas travaillé toute l’année ou ont été en chômage partiel une partie de l’année.

Déficit de trimestres

Et les autres ? Ceux qui ont eu des contrats à durée déterminée très courts ou des temps partiels très réduits – leur rapportant au total moins de 6 090 euros – avant d’être placés en chômage partiel risquent de se retrouver avec un déficit de trimestres en 2020.

Pour corriger le tir, la loi du 17 juin 2020 prévoit que les périodes de chômage partiel comprises entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020 soient retenues dans le décompte de la durée d’assurance. Le décret du 1er décembre précise que chaque période correspondant à deux cent vingt heures d’indemnités de chômage partiel permet de valider un trimestre, sans que cette mesure puisse « avoir pour effet de porter à plus de quatre le nombre de trimestres d’assurance valable au titre de l’année 2020 ».

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Pour les assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans et qui peuvent partir en retraite dès 60 ans, ces trimestres validés gratuitement sont retenus – dans la limite de quatre – pour apprécier s’ils remplissent la condition de durée d’assurance requise pour bénéficier de ce départ anticipé.

Côté régime complémentaire, le régime Agirc-Arrco prévoit de manière pérenne l’attribution de points gratuits – sans contrepartie de cotisations – aux salariés du secteur privé pour les périodes d’activité partielle dépassant soixante heures par an. Un arrêté du 16 décembre 2020 étend ce dispositif dans le régime complémentaire des agents non titulaires de la fonction publique (Ircantec), au titre des périodes courant à compter du 1er mars 2020.