Archive dans novembre 2020

Delphine Ernotte : « La diversité sera le fil rouge de mon mandat » à France Télévisions

La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, en septembre 2019, à Paris.

Après avoir consacré les premières semaines de son second mandat à renouveler son état-major, Delphine Ernotte s’attelle désormais à la mise en œuvre du projet qui lui a valu d’être, en juillet, la première dirigeante de France Télévisions reconduite dans ses fonctions par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). La présidente du groupe défend ses choix en matière d’information, de rigueur budgétaire et de promotion de la diversité.

Pour votre second mandat, vous vous êtes engagée à faire mieux en matière de diversité. Comment allez-vous faire ?

Nos publics revendiquent d’être mieux représentés, en matière de parité, de couleur de peau, de handicap, d’origine géographique et sociale. La distorsion entre la réalité et sa représentation à la télévision est trop grande. Nous allons donc évaluer la représentation à l’antenne afin de nous fixer des objectifs pour 2021. D’après le CSA, les personnes « perçues comme non blanches » représenteraient environ 25 % de la société française, contre 15 % à la télévision. On a un énorme rattrapage à faire. Ce sera le fil rouge de mon nouveau mandat.

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Comment l’imposer aux producteurs ?

Ma méthode, c’est compter, partager, changer. Aux Etats-Unis, on dit : « No diversity, no commission. » On ne finance pas un projet quand la diversité n’est pas représentée.

Comptez-vous adapter les structures de l’entreprise à ce nouvel objectif ?

Dès 2021, je recruterai 200 alternants issus de la diversité. C’est important d’être représenté devant, mais aussi derrière la caméra. Il faut faire rentrer de nouveaux profils. Nous avons des salariés, en outre-mer, qui doivent trouver leur place sur les antennes nationales. Karine Baste-Régis, que je viens de nommer joker du « 20 heures », a démarré à Martinique la première. La création de Franceinfo a aussi été l’occasion de recruter des parcours plus diversifiés.

Avec 0,7 % de part d’audience en octobre, Franceinfo reste loin derrière BFM-TV, CNews et LCI…

Franceinfo connaît une progression d’audience remarquable, et nous restons leader sur le numérique. C’est le résultat du travail de Laurent Guimier, qui porte cette dynamique. La semaine des élections américaines, nous avons franchi le seuil historique de 1 % de part d’audience, soit en l’occurrence 7,2 millions de téléspectateurs différents en moyenne sur chaque journée. Notre positionnement dans le paysage comme chaîne d’info de confiance, qui ne participe pas à l’hystérisation du débat, me paraît de plus en plus nécessaire. Si les téléspectateurs se tournent vers Franceinfo, lorsqu’ils recherchent du recul sur l’actualité et une information fiable, on aura fait notre boulot.

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Comment le cybercrime se professionnalise en s’attaquant aux particuliers et aux entreprises

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RUMPENHORST FRANK /DPA/ABACA

Par

Publié hier à 18h00, mis à jour à 09h55

Nom de code : opération DisrupTor. Objet : démanteler un réseau de trafiquants du dark Web, cet Internet de l’ombre, et mettre fin à leur commerce illicite. Au passage, saisir quelque 500 kg de drogues diverses (oxycodone, ecstasy, héroïne…), 63 armes à feu et 6,5 millions de dollars (5,5 millions d’euros) en cash et en cryptomonnaies. Et arrêter 179 trafiquants majoritairement aux Etats-Unis et en Allemagne, ainsi que dans plusieurs pays européens.

Acteurs : le Department of Justice des Etats-Unis, l’agence européenne de police criminelle Europol et des membres du JCODE (Joint Criminal Opioid Darknet Enforcement), qui regroupe différentes agences états-uniennes dont le FBI. Il ne s’agit pas d’un scénario de film, mais d’une opération menée en septembre.

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Mi-octobre, c’était au tour de Microsoft, en collaboration avec des sociétés de cybersécurité et de cyberrenseignement, de mettre hors d’état de nuire la quasi-totalité (120 sur 128) des serveurs du « botnet » Trickbot, des ordinateurs piratés pour mener des attaques, notamment de rançongiciels, à l’insu de leurs propriétaires. Microsoft est parvenu à prendre le contrôle des machines et à intercepter le trafic, les empêchant ainsi de mener leurs actions malveillantes.

« Extorsions qui se chiffrent en millions d’euros »

Des opérations de ce genre se multiplient. Car la cybercriminalité a changé de visage. On est aujourd’hui bien loin du cliché du jeune pirate isolé dans sa chambre obscure devant ses écrans et se nourrissant de pizzas. « Au cours des dernières années, il y a eu une réelle transformation de la petite criminalité, qui fait du hameçonnage ou du rançongiciel auprès des particuliers pour quelques centaines d’euros, vers une vraie criminalité organisée, constate Gérôme Billois, associé en cybersécurité du cabinet Wavestone. Celle-ci procède avec une logique criminelle et vise de grandes entreprises pour des extorsions qui se chiffrent en millions d’euros. »

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Celui-ci a géré un nombre d’attaques menées contre ses clients, de grandes entreprises, en augmentation de 50 % par an sur les deux dernières années. De plus, la pandémie de Covid-19 et le recours massif au télétravail ont augmenté la surface d’attaque. De nombreuses campagnes ont proposé des masques ou du gel hydroalcoolique à prix réduit, récupérant ainsi identifiants et coordonnées bancaires, qui sont utilisés ultérieurement pour des attaques ciblées. La fréquentation du site d’assistance et de prévention en sécurité numérique cybermalveillance.gouv.fr a été multipliée par cinq depuis le début de l’épidémie, signe que particuliers, collectivités et entreprises ont été également et massivement ciblés.

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Quartiers populaires : 110 maires interpellent Emmanuel Macron sur la crise sanitaire et économique

Ils sont plus de 110 à alerter, plus de 110 maires à signer une lettre adressée au chef de l’Etat pour défendre « l’égalité républicaine de nos quartiers prioritaires ». Le constat est cinglant : « En dépit des alertes, les villes et quartiers populaires restent un angle mort du plan de relance : aucune mesure ambitieuse n’a été prise pour répondre à la détresse sociale et économique qui frappe nos communes », aggravées par la crise sanitaire.

La requête est directe : pour « renforcer la République » et instaurer « un nouveau pacte de confiance », ces édiles, qui vont du Parti communiste (PC) à la droite en passant par le Parti socialiste (PS) et Les Centristes, demandent à ce que 1 % du plan de relance, soit un milliard d’euros, soient attribués aux « territoires en décrochage » pour répondre à l’urgence sanitaire, économique et sociale, dont 620 millions d’euros dans les semaines qui viennent, dans le cadre du vote à l’Assemblée nationale du projet de loi de finance rectificative.

La date est symbolique : il y a trois ans, le 14 novembre 2017, Emmanuel Macron prononçait son discours de Tourcoing (Nord) appelant à une « mobilisation nationale pour les villes et les quartiers » et priant l’ancien ministre de la ville de Jacques Chirac, Jean-Louis Borloo, de « remettre les gants ». Cette intervention avait fait taire la gronde des maires et des associations de banlieues, baptisée « L’appel de Grigny » et survenue à la suite du gel des emplois aidés, des coupes budgétaires et de la baisse des APL.

Conseil national des solutions

Six mois plus tard, le 22 mai 2018, le « plan Borloo » et son auteur se faisaient cependant balayer par le président de la République. « En giflant publiquement Borloo, c’est nous tous, qui avions travaillé à l’élaboration de ce rapport, qu’il a blackboulés, et ce sont les quartiers qu’il a lâchés, estime Frédéric Leturque, maire (Les Centristes) d’Arras (Pas-de-Calais), signataire de la lettre. Mais nous ne sommes pas dans la revanche, nous avons perdu du temps, mais nous avons des solutions. »

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Au menu, la création d’un fonds d’urgence pour les associations, la mise en place de comités locaux de solidarité, d’un fonds de soutien à la création de maisons médicales et de centres de santé, et la mise à disposition d’une enveloppe de 120 millions d’euros pour mobiliser les acteurs de l’emploi. Proposition-phare : la création d’un conseil national des solutions. Composé de bénévoles (élus, associatifs, entrepreneurs…), il serait chargé de piloter et de suivre la mise en œuvre des projets qui ont fait leur preuve sur le terrain.

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Santé au travail : la négociation entre dans une phase décisive

Lancée à la mi-juin dans un contexte de crise sanitaire, la négociation entre partenaires sociaux sur la santé au travail entre dans une phase décisive. Pour la première fois depuis le début du processus, les syndicats et le patronat ont échangé, vendredi 13 novembre, sur un projet d’« accord national interprofessionnel » (ANI) qui avait été élaboré en amont, comme c’est l’usage, par les organisations d’employeurs. Celui-ci ne convient pas, en l’état, aux confédérations de salariés mais l’ensemble des protagonistes pensent qu’un terrain d’entente peut encore être trouvé.

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Dans la liturgie des négociations interprofessionnelles, les documents – comme celui qui a été soumis à la discussion, vendredi – portent un nom intrigant : « texte martyr ». Les partenaires sociaux désignent par là un premier jet, qui est ensuite raturé, réécrit, annoté, trituré dans tous les sens, à mesure que les tractations progressent. Le projet d’ANI sur la santé au travail, que Le Monde a pu consulter, balaie en une vingtaine de pages plusieurs thèmes cruciaux : prévention des risques, gouvernance et financement du système, coordination avec la médecine de ville, etc.

Sur la forme, les syndicats ont regretté que le texte leur soit envoyé trop tardivement – jeudi vers 21 heures – pour qu’ils aient le temps d’approfondir leur analyse. « Et comme on le sait, le diable se cache dans les détails », rappelle Catherine Pinchaut (CFDT). Sur le fond, le ton semble un peu plus optimiste que lors des précédents rendez-vous quant à la perspective de parvenir à un compromis, même si tout est loin d’être réglé. « La rencontre fut plutôt positive, le fruit commence à mûrir », vante-t-on au Medef. « Le climat m’a paru constructif, renchérit Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Nous n’avons pas senti que des portes se fermaient. »

« Rien qui bouge »

« Des éléments que l’on demandait ont été intégrés », indique Mme Pinchaut : elle mentionne, entre autres, la prévention de la « désinsertion professionnelle », c’est-à-dire les actions permettant de maintenir dans son emploi un salarié dont la santé a été altérée. « Il y a encore du boulot mais l’ensemble des parties expriment la volonté de progresser sur le dossier », souligne Serge Legagnoa (FO).

Lire la tribune : Covid-19 : « Sur la réforme de la médecine du travail, un accord entre patronat et syndicats semble loin d’être en vue »

Subsistent toutefois des points durs pour les syndicats. Parmi eux, pointe M. Legagnoa, il y a « le fait que les employeurs cherchent à s’extraire de leurs responsabilités », en faisant valoir qu’ils adhèrent à un service de santé au travail inter-entreprises. « Le code du travail est pourtant clair : ils sont responsables de la santé au travail de leurs salariés, poursuit-il. Ce n’est pas possible d’acter une telle chose. » Autre pierre d’achoppement : celui de la gouvernance du système, aujourd’hui à la main du patronat alors que les syndicats souhaiteraient qu’elle soit véritablement paritaire. « Sur ce point, il n’y a rien qui bouge », déplore Mme Pinchaut. Le projet d’accord ne parle pas assez « de l’expression des salariés et de leurs représentants », enchaîne Jérôme Vivenza (CGT). Comme si le patronat voulait montrer que « l’organisation du travail demeure la chasse gardée de l’employeur ».

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« Dès qu’il y a une annonce, 1 000 personnes postulent » : dans le secteur du marketing, le cauchemar des jeunes diplômés

Marie-Valentine, jeune diplômée de l’Essec, devait signer en juillet un CDI à la direction marketing d’un grand groupe hôtelier, où elle avait été en apprentissage pendant les deux années de son master. « Quinze jours avant le début du contrat, ils ont annulé mon recrutement, à cause du Covid-19. Il y a eu un plan de licenciement dans l’entreprise qui a préféré me dédommager financièrement plutôt que de m’embaucher. » Pour Marie-Valentine, comme pour nombre de jeunes diplômés en marketing, la quête d’un premier emploi est devenue un cauchemar.

Frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19, le secteur du marketing connaît une perte nette d’emploi depuis le début de la crise. « Face à la contraction de la demande, l’un des premiers réflexes des entreprises a été de couper les budgets dans le marketing et la communication », observe Maurice N’Diaye, coprésident de l’Association nationale des professionnels du marketing (Adetem). Les embauches dans le marketing ne sont donc plus la priorité des recruteurs, a fortiori pour les jeunes diplômés. Les derniers chiffres de l’Agence pour l’emploi des cadres (APEC) sont clairs : entre janvier et septembre 2020, les offres d’emploi dans le marketing ouvertes aux cadres ayant moins d’un an d’expérience ont chuté de 55 % par rapport à la même période en 2019. Une dégringolade brutale pour ce secteur qui figure dans le top 4 des débouchés pour les étudiants des écoles de commerce : 16 % des diplômés 2019 travaillent dans ce domaine, selon la dernière enquête annuelle de la Conférence des grandes écoles qui date de juin.

« Face à la contraction de la demande, l’un des premiers réflexes des entreprises a été de couper les budgets dans le marketing et la communication », Maurice N’Diaye, coprésident de l’Adetem

De la diminution des offres découle l’augmentation de la concurrence entre les candidats. « Dès qu’il y a une annonce, elle reste deux jours en ligne et il y a 1 000 personnes qui postulent », se désole Charlotte, 24 ans titulaire du master 2 en communication et marketing de l’université Paris-Dauphine, qui cherche un emploi dans le retail marketing (commerce de détail), l’une des activités les plus touchées.

La compétition se vit aussi entre les diplômés des grandes écoles de commerce et ceux d’autres formations en marketing, parfois au détriment des premiers. Marie-Valentine s’inquiète que son diplôme de l’Essec ne la pénalise : « A cause du Covid-19 et des coupes budgétaires, les entreprises semblent un peu frileuses vis-à-vis des diplômés des toutes meilleures écoles. Elles craignent que mes prétentions salariales soient inabordables ou que je les laisse sur le carreau. On m’a dit à deux reprises que je trouverai mieux ailleurs. »

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Personnes vulnérables : un nouveau décret déclenche l’ire des associations

Le gouvernement a beau avoir remanié sa copie, elle suscite encore beaucoup d’insatisfaction. Dans le Journal officiel du mercredi 11 novembre a été publié un décret qui modifie les modalités de prise en charge des personnes les plus vulnérables « face au risque de forme grave d’infection au SARS-CoV-2 ». Le texte en question fait suite à un autre décret, en date du 29 août, que le Conseil d’Etat avait suspendu en référé, dans le cadre d’une action de plusieurs requérants qui le jugeaient trop restrictifs. Ces critiques restent entières, puisque la nouvelle mouture qui vient d’entrer en vigueur met en colère plusieurs associations évoluant dans le champ de la santé.

Le décret paru mercredi fixe une nouvelle liste de critères permettant de définir les personnes qui peuvent bénéficier du chômage partiel, au motif qu’elles sont susceptibles de développer une forme sévère du Covid-19. Pour cela, elles doivent remplir plusieurs conditions. Il faut tout d’abord qu’elles se trouvent dans une des situations de fragilité potentielle, dont la liste est détaillée dans le texte : avoir au moins 65 ans, être au troisième trimestre de grossesse, « présenter une obésité », être atteint d’un « cancer évolutif sous traitement », « avoir des antécédents cardiovasculaires », etc. Les cas de figure retenus correspondent – à quelques nuances près – aux dispositions qui prévalaient avant le décret du 29 août – décret que le Conseil d’Etat a donc suspendu, le 15 octobre, dans une ordonnance de référé.

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Un second critère est requis : la personne doit se trouver dans l’impossibilité d’exercer son métier chez elle. Troisième paramètre : il faut que ses conditions de travail accroissent le risque de contracter la maladie. Elle est alors en mesure de demander à son patron d’être placée au chômage partiel, en lui présentant un certificat médical.

En revanche, elle n’a pas le droit de bénéficier de ce système si des « mesures de protection renforcées » ont été mises en place. Le décret énumère celles-ci de façon très précise : « isolement » ou « aménagement » du poste de travail « pour limiter au maximum le risque d’exposition », « adaptation des horaires » afin d’éviter les transports en commun au moment où il y a affluence, respect de « gestes barrières renforcés », etc.

« Manœuvre inique »

La procédure prévue implique donc que le salarié fasse état de « mesures de protection » insuffisantes sur le lieu de travail – ce qui n’est pas forcément l’avis de ses chefs. En cas de désaccord entre les deux parties, la personne a la faculté de se tourner vers le médecin du travail, qui se prononce sur la situation.

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« Le télétravail creuse les inégalités entre les travailleurs, entre les sexes, entre les pays »

C’est reparti. En Europe, à mesure que les pays réintroduisent des restrictions pour lutter contre la pandémie, des millions de salariés reprennent le chemin de la maison. Pour beaucoup, le télétravail va redevenir la norme pendant de longues semaines encore. Il est bien sûr trop tôt pour dire jusqu’à quel point, et à quel degré, celui-ci se prolongera lorsque le Covid-19 sera sous contrôle. Mais le plus probable est qu’il se stabilisera à un niveau plus élevé que celui d’avant-crise. Avec ses avantages : plus de flexibilité pour les salariés, lorsqu’il est bien organisé par l’entreprise. Et ses inconvénients : il est susceptible de creuser un certain nombre d’inégalités, à court comme à moyen terme.

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Plus les restrictions se prolongeront, plus ceux pour qui le télétravail est impossible (en particulier dans le commerce, l’hôtellerie-restauration, le tourisme) risquent de perdre leur emploi, de voir leurs revenus diminuer ou de se retrouver au chômage technique.

Difficultés dans les pays émergents

Dans une publication sur le sujet, des économistes du Fonds monétaire international (FMI) estiment que près de 100 millions de travailleurs au sein de 35 pays développés et émergents, soit 15 % de la population active concernée, sont dans une telle situation. Ils sont plutôt « jeunes, peu diplômés, en contrats précaires, dans des petites entreprises et en bas de l’échelle des revenus », égrènent les trois autrices, Mariya Brussevich, Era Dabla-Norris, et Salma Khalid. Ce qui laisse craindre « que la pandémie exacerbe les inégalités ». Entre les générations, entre les sexes, entre les riches et les pauvres.

Mais aussi, entre les pays. Selon les spécialisations productives, le degré de numérisation, la nature des emplois et l’échelle des revenus, le télétravail se déploie de façon très différente d’une économie à l’autre. D’après les estimations, 40 % des emplois peuvent ainsi être « télétravaillés » dans les pays développés, avec un écart allant, au sein de la zone euro, de 24 % en Italie à 42 % en Allemagne.

Même dans le commerce, la possibilité de travailler depuis le foyer est bien plus forte dans les pays riches

Dans les pays émergents, où plus de la moitié des ménages n’ont même pas d’ordinateur chez eux, jusqu’à 20 % de la population urbaine peut télétravailler, mais le niveau est quasi nul dans les campagnes. Ce n’est pas tout : même dans les secteurs à forte présence physique, comme le commerce, la possibilité de travailler depuis le foyer est bien plus forte dans les pays riches, où le numérique et la vente à distance sont plus implantés.

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Se défaire de la tyrannie des camemberts

« Les entreprises vont mourir de leur obsession du chiffre » : noyées par les logiciels, PowerPoint, ratios ou… camemberts, elles semblent obsédées par leur rentabilité à court terme, sans se soucier d’un futur incertain.

Jeff Bezos prône depuis longtemps auprès de ses collaborateurs d’Amazon la suppression des PowerPoint, surchargés de tableaux et de camemberts, pour les remplacer par des notes de quelques pages. Dans quel but ? Mieux hiérarchiser les informations et faire simple. « Les entreprises vont mourir de leur obsession du chiffre » : noyées par les data, logiciels, PowerPoint, ratios ou… camemberts, elles semblent obsédées par leur rentabilité à court terme, sans se soucier d’un futur incertain.

C’est le constat tranché de Clément Berardi, Julien Eymeri et Francis Rousseau dans On ne dirige pas une boîte avec des camemberts ! Manifeste pour l’entreprise du futur. Fondateurs du cabinet de conseil Quartier libre, ils ont accompagné des dizaines d’entreprises dans leurs transformations stratégiques, et affirment leur perte globale de sens et d’identité.

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Pour ouvrir le débat, cet « anti-manuel de management » passe par une critique acerbe du modèle économique libéral. Alors que la crise de 2008 avait laissé entrevoir un « plus jamais ça », les entreprises ont poursuivi leur « rêve prométhéen de la croissance sans limite » sans s’inquiéter des dérives que connaît le monde.

Les dangers de l’accélération

Les deux premières parties développent ce que les auteurs nomment un « déni de responsabilité » des entreprises. A grand renfort de citations d’économistes et de sociologues, ils fustigent avec précision un cycle qui s’est ouvert dans les années 1980 et porte en son sein l’hyperfinanciarisation et la mondialisation.

Un mot revient en permanence dans cette première partie : l’accélération. Des innovations technologiques, de la productivité, de la rentabilité, de la spéculation… Le tout loin du monde réel. Du côté des dirigeants, ce désir d’optimisation est incarné par la multiplication des chiffres et des évaluations (des performances comme des employés). « La technocratie a pris le pouvoir », résument les essayistes. La frénésie d’algorithmes et de mesures mène à la démesure.

Cette démesure s’appuie sur des illusions qui font oublier la gravité de la situation. Avec sarcasme, les auteurs dénoncent dans la seconde partie la vacuité du management dominant. Sous couvert de sens et de « coolitude », ces mirages stratégiques cachent à chaque fois une volonté de profit.

A la recherche d’une valeur pour tous

Par exemple, l’économie collaborative, pleine de bonnes intentions, a été retournée contre son but premier et fait naître l’ubérisation : Airbnb et Blablacar sont devenus des géants. Autre mirage, celui du bonheur : en prônant l’humain et le dépassement de soi, les manageurs cherchent à motiver leurs troupes et à attirer des jeunes diplômés en quête de valeurs. Mais « la revendication du bonheur cache trop souvent le manque de sens de l’entreprise », car l’injonction au bonheur est devenue un nouvel outil des chefs pour mieux museler leurs salariés, nous disent les auteurs.

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Covid-19 : « Le gouvernement ne met pas tout en œuvre pour rendre effective la protection des travailleurs vulnérables »

Tribune. Dans son adresse aux Français du 28 octobre, Emmanuel Macron fixait les objectifs de son action en ces termes : « D’abord, c’est le premier, protéger les plus âgés, les plus fragiles, celles et ceux qui sont atteints de diabète, d’obésité, d’hypertension, de maladies chroniques et qui sont les premières victimes du Covid-19. »

Comme l’a rappelé le président de la République, « 85 % des malades décédés ont plus de 70 ans ». Mais plus d’un tiers des personnes en réanimation ont moins de 65 ans et, parmi elles, la plupart sont atteintes de maladies chroniques [hypertension artérielle, diabète, etc.] ou d’obésité, indiquait Santé publique France le 22 octobre.

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L’hypertension et l’hypercholestérolémie sont les facteurs de risque les plus fréquents des patients entrant en réanimation et sont associées, surtout pour l’hypertension, à un risque accru de décès. Plusieurs pathologies sont également associées à des formes plus sévères de la maladie et des risques de décès plus élevés : maladies respiratoires chroniques, maladies cardio-vasculaires, diabètes, cancers, maladies rénales chroniques, maladies du foie, troubles de l’immunité, transplantations d’organes.

L’obésité, en particulier l’obésité sévère (lorsque l’indice de masse corporelle est supérieur ou égal à 35), est également un facteur de risque important et qui semble jouer, indépendamment des maladies chroniques qui y sont associées.

Très peu de recours

Dans une étude publiée le 26 juin [issue d’un travail collaboratif entre l’Observatoire français des conjonctures économiques et le Collège des économistes de la santé], nous estimions à 12,6 millions le nombre de personnes à risque de forme de grave de Covid-19 du fait de leur pathologie, hors critère d’âge [soit un peu moins de 20 % de la population française]. Alors que la protection de ces publics a été fixée comme priorité du président de la République, l’appel à poursuivre l’activité « avec plus d’intensité » qu’au printemps interroge.

Toujours selon nos calculs, 4,8 millions de personnes vulnérables occupaient alors un emploi et, parmi elles, 3,5 millions se trouvaient en incapacité de télétravailler. C’est le cas, par exemple, des personnels de l’enseignement primaire et secondaire, de certains agents de la fonction publique, de travailleurs du secteur de la construction ou de l’industrie mais aussi de certains salariés des commerces qualifiés d’« essentiels », en contact direct avec le public.

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« On ne veut pas d’applaudissements, on veut que les gens respectent les consignes » : la grande fatigue des soignants face à la deuxième vague du Covid-19

Dans une unité de soins intensifs, à l’hôpital de Colombes (Hauts-de-Seine), le 9 novembre.

Retourner à l’hôpital ou protéger les siens ? Virginie Vautrin-Chambon est tiraillée. Infirmière de bloc opératoire à la polyclinique privée Lyon-Nord, de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue nord-ouest de Lyon, la quadragénaire travaille actuellement deux jours par semaine, en chômage partiel le reste du temps. D’un côté, la volonté de repartir au combat. De l’autre, le découragement, la conscience de ses limites. Et la peur. « Lors du premier confinement, j’étais volontaire dans un grand hôpital public de Lyon, j’ai vécu des scènes trop dures, un stress quotidien, raconte-t-elle. Le soir, je rentrais avec la boule au ventre, en me demandant si j’allais transmettre le virus à mon mari à la santé fragile et à mes enfants. »

Avant même les chiffres des hospitalisations, qui s’emballent – avec 31 918 patients pris en charge au 11 novembre, le pic de la mi-avril (32 131) est pratiquement atteint –, cette deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 qui submerge les soignants, c’est d’abord une vague d’abattement. A l’élan collectif « extraordinaire » du printemps, qui avait présidé à une crise qui ne l’était pas moins, a succédé une tout autre atmosphère, dominée par l’amertume et le fatalisme. Peu importe la région ou l’établissement.

Entre les deux vagues, l’été n’a pas suffi à recharger les batteries. « On a été touchés émotionnellement au printemps. Il n’y a pas eu de soupape d’évacuation. Cela a été dur de lâcher prise pendant les vacances et on repart dans cette galère… », lâche Marc Paulin, infirmier en soins intensifs dans le service pneumologie du CHU de Besançon, qui affiche déjà plus de 100 % d’occupation en réanimation, avec 49 patients hospitalisés au 9 novembre.

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Forme de déni

D’autant qu’en juillet-août, malgré le reflux épidémique, il a fallu rattraper le retard de prise en charge des patients dont les opérations avaient été déprogrammées. « C’était plus une récréation que des vacances, on savait qu’à notre retour ce ne serait pas joyeux… On s’attendait à ce que l’épidémie reprenne, mais peut-être pas aussi rapidement », renchérit Sophie, 49 ans, infirmière au CHU de Nantes, sous couvert d’anonymat. Début novembre, le nombre de patients infectés par le SARS-CoV-2 hospitalisés dans l’établissement nantais est déjà supérieur au pic atteint début avril.

Chez une partie des soignants, il y a même eu une forme de déni jusqu’à la mi-octobre. « Quand la vague a commencé à arriver, on a eu un temps de réaction très lent, reconnaît une cadre supérieure d’un grand hôpital parisien de l’AP-HP. On n’avait pas l’impression qu’on allait devoir déprogrammer et réorganiser à ce point-là. » ll a pourtant fallu repartir, de nouveau changer de locaux, d’étage, et faire cette fois avec moins de renforts.

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