Archive dans novembre 2020

« Au regard des dispositifs mis en place pour le télétravail, refuser le droit à la déconnexion serait une faute pour l’entreprise »

Tribune. A l’heure où, comme le déclarait récemment notre ministre du travail, « le télétravail n’est pas une option », la déconnexion, elle, est-elle une option ? L’article L 1222-11 du code du travail stipule bien qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.

Le protocole du 29 octobre sur le télétravail prévoit que celui-ci soit obligatoire à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer leurs tâches à distance. Il précise l’utilisation de l’audio conférence ou l’interdiction des moments de convivialité, mais rien sur le droit à la déconnexion. Alors qu’il est bel et bien inscrit dans la loi travail (dite aussi « loi El Khomri ») du 8 août 2016.

Pour comprendre le contexte : Télétravail : une négociation moins tendue mais toujours incertaine

Dans certains pays et certaines entreprises, le télétravail est perçu par les employeurs comme une excuse pour travailler moins, notamment en raison de l’absence de supervision, selon une étude du cabinet Okta. Cependant, des travaux de recherche contredisent cette vision négative et démontrent que les salariés en télétravail consacrent 48,5 minutes de plus par jour à leur profession (« You’re Right ! You Are Working Longer and Attending More Meetings », Raffaella Sadun, Jeffrey Polzer et al., Harvard Business School, 14 septembre 2020).

L’absence de déconnexion, un harcèlement silencieux

Toujours selon l’étude Okta, bien que les salariés apprécient de plus en plus le télétravail, ils sont en revanche nombreux à souligner qu’il leur est plus difficile de déconnecter… La déconnexion n’a rien à voir avec les congés annuels, mais bien avec le contrat signé entre l’entreprise et le salarié : il s’agit, dit la loi, d’« assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale » des employés. Mais rien, dans le code du travail, ne précise de mesure concrète pour assurer l’effectivité de ce droit, alors que l’impact positif sur la productivité de l’entreprise est indéniable et qu’il permet également une protection psychologique des salariés.

Au regard des dispositifs mis en place actuellement autour de l’aménagement du télétravail, refuser de mettre en place le droit à la déconnexion serait une faute pour l’entreprise. Or on a l’impression que peu de personnes perçoivent l’utilité de la déconnexion, surtout en cette période de plein télétravail. Ne serait-il pas logique de pouvoir utiliser son ordinateur à des fins privées pendant le confinement et aux heures non travaillées, sans être perturbé par des e-mails professionnels ?

Il vous reste 45.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le Covid, un risque pénal pour l’employeur

Droit social. La pandémie de Covid-19 a remis en lumière « le risque pénal » de l’employeur, sa possible condamnation pour avoir exposé un salarié au risque de contamination. La survenance d’une incapacité temporaire de travail (ITT) d’un salarié pourrait en effet inciter le ministère public à ouvrir une enquête préliminaire pour atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité d’un salarié.

« Une autre infraction figurant également au code pénal, dite « de mise en danger d’autrui », est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

L’infraction est constituée si le salarié a contracté le Covid sur son lieu de travail en raison de mesures de protection inadaptées. S’appliquent alors des peines d’amendes et de prison en fonction de la durée d’incapacité de travail. En cas de décès, la qualification d’homicide involontaire pourrait être retenue.

Pour s’exonérer de toute responsabilité, l’employeur devra justifier de l’adéquation des mesures adoptées et de leur suivi rigoureux par les salariés. Mais comment savoir si une personne a contracté la maladie sur son lieu de travail ou dans le cadre privé ? Le débat judiciaire posera la question du caractère certain du lien de causalité.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi StopCovid pourrait établir la responsabilité de l’employeur dans la contamination d’un salarié

Une autre infraction figurant également au code pénal, dite « de mise en danger d’autrui », est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il n’est pas besoin d’une atteinte à l’intégrité physique du salarié. Il s’agit du simple « fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Cette infraction a été retenue dans le cas de chantiers en présence d’amiante : le non-respect de prévention du risque biologique sur les lieux de travail peut être à l’origine de risques infectieux ou allergiques.

Un an d’emprisonnement en cas de récidive

Tel peut également être le cas si les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies par décret ne sont pas respectées. Toutefois, dans une affaire Amazon Lauwin-Planque d’avril 2020, peu médiatisée, la plainte pénale déposée par des salariés et leur organisation syndicale pour ce motif a été classée sans suite par le procureur de la République du tribunal judiciaire de Douai. Il n’est pas à exclure que d’autres plaintes, peut-être plus étayées, conduisent employeurs ou dirigeants devant le juge pénal.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Quatre constats pour mieux négocier le télétravail

Le code du travail réprime aussi les atteintes à la santé et à la sécurité des travailleurs. Les obligations de l’employeur comprennent des actions de prévention des risques, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Le document unique d’évaluation des risques (DUER) doit être régulièrement mis à jour, spécifiquement dans le cadre de la protection contre le Covid. A défaut, une amende de 1 500 euros pour une personne physique et de 7 500 euros pour l’entreprise pourra être infligée. Nombre de procès-verbaux de constatation de cette infraction ont déjà été dressés par l’inspection du travail.

Il vous reste 19.15% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Télétravail : « C’est au niveau de chaque entreprise que les moyens et les conditions d’une mise en œuvre sereine doivent être réunis »

Tribune. Passé l’emballement parfois angélique des premiers mois pour le télétravail, de nombreuses voix se sont élevées pour en critiquer les nombreuses limites. Mais comme un retour au temps d’avant ne sera pas possible, employeurs et salariés doivent explorer les voies qui leur permettront de s’accorder. Une négociation paritaire est en cours au niveau national, mais c’est aussi au niveau de chaque entreprise que les moyens et les conditions d’une mise en œuvre sereine doivent être réunis.

Depuis des années, le télétravail est pratiqué dans les entreprises, même s’il est plutôt l’apanage des indépendants, des cadres supérieurs et des salariés nomades naturellement équipés en matériel mobile. La crise sanitaire l’a généralisé. Il est apparu dans les premiers temps comme une solution miracle à conserver absolument une fois le déconfinement venu, que ce soit côté employeurs ou côté salariés, qui y ont vu le moyen d’accéder à la liberté de s’organiser à leur gré, et d’éviter de nombreuses heures de transport pour se rendre sur leur lieu de travail, voire de quitter cette grande ville dont la qualité de vie ne leur convient plus.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les frais du télétravail, un cheval de bataille pour les syndicats

Les mois passant, des revendications sont apparues, les salariés demandant principalement un droit au télétravail et la participation de l’employeur aux frais engagés pour l’activité à domicile (électricité, quote-part d’assurance, de loyer…). Comme, de leur côté, les entreprises ne peuvent pas financer en parallèle des bureaux vides la majeure partie du temps, elles risquent fort de mettre en place du « flex office » – des bureaux non individualisés.

Quid de l’obligation de sécurité au travail de l’employeur ?

Mais les salariés sont-ils prêts à accepter de ne plus avoir leur bureau attitré avec photos des enfants et décoration personnelle ? En poussant le raisonnement à l’extrême, pourquoi l’employeur ne prendrait-il pas en charge les Tickets Restaurant, les titres de transport en commun, voire le versement transport, au prorata du temps de présence au bureau ? Pourquoi les entreprises continueraient-elles à payer à 100 % pour un service que leurs salariés n’utilisent plus que partiellement ?

Une autre question se pose, sur le plan réglementaire cette fois : l’obligation de sécurité au travail de l’employeur ne s’arrêtant pas à la porte du bureau, comment la garantir avec un télétravail généralisé ? Comment s’assurer que les salariés ne sont pas sujets à des comportements addictifs ? Comment faire de la prévention à distance des risques psychosociaux ? Ou encore identifier les cas de harcèlement sans le témoignage ou le signalement des collègues de bureau ? Les salariés devront-ils, finalement, accepter d’ouvrir la porte de leur logement à leur employeur pour qu’il puisse remplir ses obligations réglementaires ? Sujet hautement sensible…

Il vous reste 53.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les frais du télétravail, un cheval de bataille pour les syndicats

Mobilier, fournitures de bureau, connexion Internet, forfait téléphonique, électricité, chauffage… Les entreprises sont-elles tenues de rembourser les frais engendrés par le télétravail ? C’est une des questions qui animent les négociations en cours entre les partenaires sociaux pour établir un accord national interprofessionnel destiné à mieux encadrer le travail à distance qui, depuis la crise causée par le Covid-19, s’est imposé aux entreprises.

Pour les syndicats, la prise en charge des frais relève du bon sens, alors même que les entreprises font des économies grâce au télétravail : « PSA, par exemple, va faire des gains énormes sur l’immobilier, c’est un rapport de force où ils n’ont pas le choix de rembourser de nombreux frais. Mais beaucoup d’entreprises ne considèrent pas vraiment cela comme un dû… », observe Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de Force ouvrière.

« Un des éléments fondateurs du salariat, c’est que l’employeur apporte les outils et éventuellement le lieu de travail. Normalement, tous les frais du télétravail doivent être à la charge de l’entreprise, puisqu’on ne se pose pas la question quand on va travailler en entreprise », affirme de son côté Francis Kessler, juriste et maître de conférences à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne.

Lire la chronique : « Le télétravail creuse les inégalités entre les travailleurs, entre les sexes, entre les pays »

La règle est claire concernant les avantages déjà perçus par un salarié sur son lieu de travail : ceux qui reçoivent des titres-restaurant en temps normal doivent continuer à en profiter en télétravail. Et un salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que ses collègues (article L. 1222-9 du code du travail). Si ces derniers reçoivent des titres-restaurant, il doit également en recevoir. En revanche, pour les salariés qui bénéficient en temps normal d’une subvention au restaurant d’entreprise, le code du travail n’oblige pas la prise en charge des frais de repas en télétravail. De même, concernant les indemnités de transport, tout employeur a l’obligation de prendre à sa charge 50 % du coût total des titres de transport de ses salariés, à partir du moment où ils utilisent ceux-ci, ne serait-ce qu’un jour par semaine ou par mois.

Mais aucun texte ne contraint formellement une entreprise sur la question de l’ensemble des frais professionnels, qui correspondent aux dépenses directement engagées par le salarié pour l’exécution de ses tâches en télétravail. C’était le cas jusqu’en 2017, mais, du fait des « ordonnances Macron », le code du travail ne prévoit plus d’obligation de prendre en charge tous ces coûts. « L’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit », peut-on lire dans la Foire aux questions du site du ministère du travail.

Il vous reste 63.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Négociations sur le télétravail : le point sur les principales mesures et points d’achoppement

Depuis fin octobre, le protocole sanitaire en entreprise fait du télétravail « la règle » dans les entreprises qui le peuvent.

Eligibilité des postes, réversibilité, remboursement des frais, règles en matière d’hygiène et de santé… le projet d’« accord interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail », de nouveau modifié par le patronat, est encore en négociation. Ce dernier prévoit toutefois d’envoyer mardi en fin de journée un « texte définitif » sur le télétravail aux syndicats.

« Il sera difficile de donner un avis formel mercredi car nous devons consulter nos instances », a prévenu Fabrice Angéi, le négociateur de la CGT, ajoutant que la CGT pourra donner « au mieux son sentiment » sur le nouveau texte. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a déclaré mardi, sur France 2, qu’il croyait « encore à l’aboutissement des négociations ». Sur Public Sénat, son homologue de FO, Yves Veyrier, a regretté que « ce qui bloque depuis le début, c’est que les employeurs y sont rentrés à reculons ».

Depuis fin octobre, le protocole sanitaire en entreprise fait du télétravail « la règle » dans les entreprises qui le peuvent. Faute d’accord, « l’Etat peut reprendre la main », relèvent les syndicats. Retour sur les principaux points de blocage.

Pour comprendre le contexte : Télétravail : une négociation moins tendue mais toujours incertaine
  • La contrainte du texte

Cette négociation doit en principe aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI), traditionnellement formalisé par une loi. Plusieurs années peuvent s’écouler : le précédent ANI de 2005 – que l’accord doit compléter – a été transposé très partiellement dans une loi sept ans plus tard. Dans tous les cas, l’ANI s’impose à l’employeur membre d’un syndicat patronal signataire (Medef, CPME et l’U2P sont à la table de la négociation).

C’est un des principaux points de blocage : le patronat veut que ce texte ne soit « ni normatif », « ni prescriptif », mais les syndicats menacent de ne pas signer un document non contraignant, s’apparentant à « un guide de bonnes pratiques ».

  • Eligibilité des postes au télétravail

C’est également un point dur : pour le patronat, ce sujet relève uniquement de la responsabilité de l’employeur. Pour les syndicats, cela doit relever du dialogue social en entreprise, figurer dans l’accord collectif sur le télétravail et dans l’ANI.

  • Télétravail en temps de crise

La mise en place du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de « force majeure » (pandémie, catastrophes naturelles, destructions des locaux d’une entreprise) laisse toujours toute latitude à l’employeur de faire basculer ses salariés en télétravail. FO juge « important » que cette décision relève des pouvoirs publics et non de l’employeur.

La CFDT souhaite que cette partie soit « musclée », notamment avec des « points de repères sur la mise en place d’un plan de continuité de l’activité négocié ou concerté » ou des mesures de prévention pour les salariés qui peuvent « mal vivre » le télétravail.

  • Volontariat, réversibilité

Le texte propose de remplacer les articles 2 (volontariat) et 3 (réversibilité) de l’ANI 2005. La CGT estime que la formulation utilisée dans le nouveau texte entérine « l’absence d’avenant au contrat de travail qui précise les modalités de passage en télétravail ».

Le texte reprend la notion du double volontariat (salarié et employeur), point important pour les syndicats, qui considèrent toutefois que la formulation sur la réversibilité ne garantit pas le retour du salarié sur son même poste ou sur un poste à qualification égale.

Les syndicats veulent que le refus de télétravail par l’employeur soit fait par écrit.

  • Les accords salariés/employeurs

La mise en place du télétravail va toujours passer par un accord collectif, une charte ou un accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié. Les syndicats veulent que l’ANI définisse la négociation (en vue d’un accord collectif) en première intention car ils craignent la poursuite du développement du télétravail « gris », à travers les accords de gré à gré.

  • Prise en charge des frais

Les frais engagés par un salarié « doivent être supportés » par l’employeur et ce « peut être » le sujet d’un dialogue social en entreprise. Les syndicats estiment qu’il doit l’être « obligatoirement ». La CGT regrette qu’il n’y ait pas de prise en charge des frais d’internet, de chauffage ou d’électricité.

Une éventuelle allocation forfaitaire sera exonérée de cotisations, propose le texte. Les syndicats pointent qu’il n’y a pas de garantie de prise en charge de l’employeur du matériel professionnel.

  • Plusieurs autres points sur la table des négociations

– Dialogue social : possibilité d’utilisation des visioconférences dans la consultation des instances représentatives. Les syndicats veulent les limiter aux situations de crise.

– Droit à la déconnexion : le document rappelle qu’il doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte, et que les managers doivent être formés, point positif pour les syndicats, qui souhaitent toutefois des obligations en termes de prévention et protection de la vie privée des salariés.

– Egalité femmes/hommes : la CGT réclame un droit au télétravail pour les femmes enceintes, de même que des mesures contre les violences sexistes.

– Handicap : le texte établit que le télétravail « peut être utilisé comme un outil de prévention de la désinsertion professionnelle pour les salariés en situation de handicap ou atteints d’une maladie chronique », mais, selon la CGT, n’apporte aucun droit nouveau.

– Accident du travail : plus question d’assouplir la législation sur les accidents du travail (actuellement imputables à l’employeur), « ligne rouge » pour les syndicats, mais les syndicats estiment que dans sa formulation, le texte tente de « dédouaner » l’employeur, en indiquant qu’il « ne peut avoir la complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail ».

Lire les témoignages : « Depuis vendredi, au bureau, c’est comme d’habitude » : un télétravail plus qu’inégal avec le reconfinement

Le Monde avec AFP

Le projet de cession d’une branche de l’équipementier CNIM à un investisseur chinois sème le doute

Le groupe Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM), fleuron de l’économie française et premier employeur privé dans le Var, va-t-il bientôt devoir céder une de ses branches à un groupe chinois ? L’entreprise détenue par la holding Soluni de la famille Dmitrieff, qui a réalisé 588,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, emploie quelque 2 600 personnes en France et à l’étranger, dont 1 200 à La Seyne-sur-Mer.

Après cent soixante-quatre ans d’existence, ce fournisseur sensible de la défense est en grande difficulté depuis la défaillance d’un partenaire britannique, en 2019. Pour sauver l’ensemble du groupe, un pool bancaire et l’Etat lui ont consenti au printemps un financement à court terme de 44 millions d’euros, à un taux d’intérêt d’environ 6 %. En contrepartie, la holding familiale et principal actionnaire a dû entamer la cession de son siège parisien et accepter, de fait, le découpage du groupe.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi A La Seyne-sur-Mer, le fleuron CNIM est proche du démantèlement

Sa branche environnement, leader européen de retraitement des déchets, intéresserait notamment des investisseurs chinois, dont le nom n’a pour l’instant pas filtré, la direction de CNIM ne souhaitant pas communiquer. « Je ne pense pas que dans la rade du premier port militaire d’Europe, à deux pas des sous-marins nucléaires d’attaque et du porte-avions Charles-de-Gaulle, on laisse s’implanter des Chinois », estime cependant Hubert Falco, maire (LR) de Toulon et président de la métropole Toulon Provence Méditerranée, alerté récemment par les syndicats du groupe.

« Impératifs de sécurité nationale »

« Si c’est le cas, alors, je ne comprends plus rien à la défense de mon pays », assure cet ancien secrétaire d’Etat à la défense sous Nicolas Sarkozy, qui suit le dossier de près depuis plus d’un an. Parce que l’entreprise héritière des chantiers navals est une spécialiste des hautes technologies, à la réputation d’excellence industrielle, qui travaille pour Ariane, le programme de recherche nucléaire ITER, ou encore le secteur de l’armement, notamment dans les tubes lance-missiles pour les sous-marins français.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Défense européenne : passe d’armes inédite entre Annegret Kramp-Karrenbauer et Emmanuel Macron

Dans un courrier adressé au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, daté du mardi 17 novembre, l’ancien secrétaire d’Etat écrit : « (…) il me semble indispensable qu’une solution alternative soit élaborée dans les meilleurs délais avec l’ensemble des créanciers et l’Etat » pour permettre au groupe de poursuivre ses activités, « en préservant son intégrité et sa souveraineté, plus que jamais essentielle dans la période que nous vivons ».

Il vous reste 39.24% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Total annonce un « arrêt conjoncturel » de la raffinerie de Donges

Des travailleurs de la raffinerie de Donges, en juin 2016.

Total a confirmé, mardi 24 novembre, son intention de placer la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique) en « arrêt conjoncturel » pour les mois à venir dans l’attente de meilleures conditions économiques, alors que le site fonctionne à perte dans le contexte d’un environnement détérioré par l’impact de la crise sanitaire.

La raffinerie représente à elle seule plus d’un tiers du trafic du port de Nantes-Saint-Nazaire. Le site emploie 650 personnes et en mobilise en permanence 400 en sous-traitance. Selon des sources syndicales, cet arrêt débutera lundi 30 novembre et pourrait durer quatre mois.

« La raffinerie de Donges fonctionne à perte, nous avons donc décidé de la placer en arrêt conjoncturel », a justifié Total dans une déclaration. Le projet de modernisation de Donges – de 450 millions d’euros – « se poursuit », a cependant ajouté le groupe.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La suppression, par Total, de 700 postes sur un effectif mondial de 100 000 personnes paraît un moindre mal »

« 700 emplois » menacés au sein du groupe

Lundi soir, des sources syndicales annonçaient que Total envisagerait un plan de départs volontaires. « C’est au bas mot 700 postes qui ne seront pas remplacés sur 1 400 à 1 500 salariés potentiellement concernés par un départ », a précisé auprès de l’Agence France-Presse Thierry Defresne, le délégué syndical central de la Confédération générale du travail (CGT) de Total Raffinage Pétrochimie.

Un représentant du groupe a précisé à l’AFP qu’un départ en retraite anticipée était proposé « aux volontaires proches de la retraite » parmi les quelque 15 000 salariés sous contrats français du groupe. La direction, qui vient d’engager des négociations avec les syndicats, confirme ce plan, mais se refuse à préciser le nombre de postes concernés.

Un courrier de la direction des ressources humaines adressé aux salariés évoque l’ouverture d’« une négociation au périmètre du socle social commun, à l’exception des sites de Donges et de Grandpuits, qui font déjà l’objet de projets spécifiques ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Climat : le timide plan de la France pour diminuer son soutien aux énergies fossiles

Le Monde avec AFP et Reuters

« La suppression, par Total, de 700 postes sur un effectif mondial de 100 000 personnes paraît un moindre mal »

La plateforme Total de la Mède, le 29 octobre 2020.

Pertes & profits. Total se prépare à une importante valse des emplois, marquée par environ 1 500 départs et l’embauche de près de 700 nouvelles recrues. « C’est au bas mot 700 postes qui ne seront pas remplacés », a indiqué, lundi 23 novembre, le délégué syndical central CGT Total raffinage pétrochimie, Thierry Defresne, qui parle d’une « estimation basse ». La direction, qui vient d’engager ses négociations avec les syndicats, confirme ce plan, mais se refuse à préciser le nombre de postes concernés.

Lire aussi Nouvelle grève à la raffinerie Total de Grandpuits en Seine-et-Marne

Lancé lundi, ce plan de départs volontaires « concernerait principalement les personnes en fin de carrière à qui une dispense d’activité serait proposée », écrit Namita Shah, directrice générale chargée des ressources humaines, dans une lettre adressée aux syndicats. Il concernerait les salariés sous contrat français des différents sièges du groupe, mais pas ses sites industriels.

La raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne), qui doit être reconvertie (biocarburant, bioplastique…), et celle de Donges (Loire-Atlantique), qui vient d’être placée en « arrêt conjoncturel », font l’objet de négociations spécifiques. Ce plan social s’inscrit notamment dans le cadre d’une réorganisation de la recherche et développement (R&D), baptisée « One Tech », et proposée par certains syndicats, précise la lettre de Mme Shah.

Promesse

Objectif : en finir avec le gel des recrutements et rassembler des ingénieurs plus jeunes, dans un pôle multitechnique nécessaire à la transformation de Total en un groupe « multi-énergies », où l’extraction d’hydrocarbures et le raffinage côtoient la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Tous les postes opérationnels, industriels, techniques et en R&D supprimés seront remplacés, affirme un des porte-parole de Total.

Son PDG, Patrick Pouyanné, s’en tient à l’engagement pris depuis son arrivée à la tête du groupe, fin 2014, en plein effondrement des cours du pétrole : « Ni licenciements ni mobilité forcée. » Une promesse qui, dit-il, a été jusqu’à présent respectée, notamment lors des reconversions du vapocraqueur mosellan de Carling, en 2013, de la raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), deux ans plus tard, et récemment de sa filiale Hutchinson, frappée par la crise de l’automobile et de l’aéronautique.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Patrick Pouyanné, PDG de Total : « La question de la pérennité des compagnies pétrolières est posée »

La suppression de quelque 700 postes sur un effectif mondial de 100 000 personnes paraît un moindre mal, comparée aux « charrettes » de ses concurrents, eux aussi ébranlés par une crise sanitaire qui a fait chuter la demande et les prix du pétrole : 10 000 postes en moins chez BP (14 % des effectifs), 11 000 chez ExxonMobil (– 15 %), jusqu’à 9 000 chez Shell ou encore 6 000 chez Chevron. Total est la seule major à ne pas avoir donné d’objectifs chiffrés. On s’interroge : même si elle a fait une meilleure année 2019, qu’elle a pu se passer du dispositif de chômage partiel, jusqu’où la compagnie française affichera-t-elle une telle résilience ?

Les syndicats interpellent l’Etat sur les aides reçues par Renault Trucks avant son plan de licenciements

Site de Volvo, société mère de Renault Trucks, à Göteborg, en Suède, le 17 novembre 2017.

Faut-il demander des comptes aux entreprises qui suppriment des emplois après avoir bénéficié d’aides publiques conséquentes ? La question revient à propos de Renault Trucks. Une ultime réunion s’est tenue, jeudi 19 novembre, entre les cinq organisations syndicales et la direction du constructeur de véhicules industriels, pour entériner les conditions du plan de départs volontaires de 290 salariés des sites de Vénissieux (métropole de Lyon) et de Bourg-en-Bresse.

Lire aussi Renault Trucks va supprimer 463 emplois en France

L’accord définitif doit être signé le 11 décembre prochain. Sur les 485 postes finalement supprimés d’ici fin 2021, la filiale française du groupe Volvo a prévu ces 290 ruptures conventionnelles, ainsi que 163 transferts de postes en interne, et 32 départs actés avant mai. Les suppressions touchent 285 emplois d’ingénieurs et de cadres techniciens, dans les bureaux de recherche et développement, dont 150 du bureau d’études moteurs du site de Vénissieux. Or, Renault Trucks SAS a bénéficié de 90 millions d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR) entre 2012 et 2018, inscrits dans les comptes de l’entreprise.

Selon le cabinet qui a assisté les syndicats dans la négociation sociale, la filiale française de Volvo a aussi perçu, sur la même période, environ 90 millions d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). « Le CICE a permis notamment de démarrer la transition énergétique de notre filière industrielle, avec le démarrage de la fabrication des véhicules gaz de Blainville-sur-Orne [Calvados], et d’accompagner les forces de vente et d’après-vente dans cette transition, par des programmes lourds de formation », explique la direction de Renault Trucks, contactée par Le Monde. Les syndicats soulignent, eux, le décalage entre ces aides et les choix en cours.

Démantèlement de la recherche

« Les postes les plus impactés sont tous liés à la conception. Le groupe a décidé de supprimer le cœur de la recherche en France », estime Fabrice Fort. Pour le délégué CGT au comité central de Renault Trucks, « la crise sanitaire du Covid n’a été qu’un accélérateur d’une stratégie décidée depuis longtemps ». Selon le syndicaliste, le groupe Volvo a annoncé en janvier à ses équipes une « hausse considérable » du budget de recherche, pour répondre aux changements de normes européennes. Six mois après, la stratégie a été complètement revue.

« Nous avons décidé d’abandonner des projets moins stratégiques pour assurer la pérennité de notre entreprise », justifie la direction

Il vous reste 42.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.