Archive dans novembre 2020

Face aux crises multiples, « nos décideurs sont dans une véritable machine à laver »

Tribune. Les crises qu’affrontent aujourd’hui la société et les autorités publiques semblent être de natures si variées qu’il devient difficile d’identifier des invariants entre toutes ces situations.

Celles-ci ont pourtant tout d’abord en commun d’obliger à revoir la manière de piloter l’organisation, lorsqu’il devient difficile de répondre aux questions simples comme « que se passe-t-il ? » ou « Que dois-je faire ? ».

Car il ne faut pas confondre crise et urgence. Il existe en effet des procédures d’urgence qui permettent de mener des actions construites pour répondre sans délai à un évènement prévisible (attentat, incendie, accident). Ces procédures sont souvent confondues avec la gestion de crise, alors qu’il est pourtant impossible de répondre complètement à une situation de crise avec des procédures.

La complexité d’une crise provient en effet d’un savant dosage entre une pression du temps qui donne un sentiment d’urgence à agir, des enjeux souvent forts ou perçus comme tels, et une information parcellaire au moment où agir devient nécessaire. L’action – chercher des informations, mettre en œuvre des mesures, communiquer – doit se réaliser dans l’incertitude sur les futurs possibles.

Un fonctionnement collectif

L’ajustement devient donc perpétuel entre une action en cours et destinée à produire un effet plus ou moins rapidement et plus ou moins longtemps, et la nécessité de continuer à donner du sens aux décisions en anticipant des scénarios et des actions possibles.

Or, nul être humain n’est capable, seul, de faire face à une situation d’un tel niveau de complexité : la prise en compte de ces temps si différents dans un environnement sous pression surexpose le décideur à différents biais cognitifs et perceptifs, biais très connus des spécialistes. Un pilotage en situation de crise impose donc une méthode de travail et un fonctionnement collectif.

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Contrairement aux idées reçues, le décideur n’a pas à être le « pilote » d’une équipe de crise. Conscient des enjeux, de sa responsabilité, mais aussi de ses propres limites, il doit à la fois favoriser un fonctionnement collectif, formaliser sa vision et ses attentes, et enfin arbitrer entre les actions qui lui sont proposées. Le fonctionnement collectif doit permettre au décideur d’assumer ses décisions.

Un décideur « serein » mobilise une équipe, qui doit disposer des caractéristiques suivantes.

Tout d’abord, elle doit offrir une variété de regards et d’analyses. Rien n’est plus dangereux que la gestion de crise par l’expertise. Elle ampute généralement la réflexion d’un pan entier de compréhension de ce qui se passe ou pourrait se passer. Elle occulte les interactions qui peuvent exister entre les domaines impactés par la situation.

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La compagnie maritime CMA CGM jugée pour « homicide involontaire » après le suicide d’un commandant

Un navire de la compagnie maritime CMA CGM, à Singapour, le 11 octobre.

« Je n’ai plus d’avenir et cela m’est insupportable… alors je fais ce qu’ils espèrent tant… disparaître. » Juste après avoir rédigé ces derniers mots, Philippe Deruy, commandant de navire à la CMA CGM, se pend avec un câble électrique dans la cave de son appartement à Nice, le 14 février 2011. Le lendemain, un tract syndical reproduit le message testamentaire adressé à « ses rares soutiens de la CMA », un réquisitoire contre le troisième armement mondial « qui traite les gens comme du bétail », écrit-il.

Un texte plein de rage dans lequel Philippe Deruy, 47 ans, dénonce alors le sort qui lui a été réservé après la collision d’un navire qu’il commandait : un débarquement à Suez, une « placardisation » dans un poste à terre, selon lui des sanctions qui ne disent pas leur nom. Menacé un temps de licenciement pour une faute qu’il n’avait pas commise, privé d’une procédure disciplinaire qui lui aurait permis de se défendre et d’une rencontre avec Jacques Saadé, le PDG décrit comme « Dieu le père »… Ce sont quarante-neuf jours d’une descente aux enfers qui ont laminé cet homme robuste, « dur avec les autres, dur avec lui-même ».

Devant le tribunal correctionnel de Marseille qui juge, lundi 9 novembre, la société CMA CGM pour « homicide involontaire », va résonner l’écho de la vague d’émotion qui s’était levée sur toutes les mers du globe, à l’annonce de son suicide. Depuis les navires de la CMA CGM, les messages avaient afflué au siège de la compagnie, à Marseille. Pavillon français en berne sur le Puccini. « Tristesse et rage » à bord du Rossini. « Gifle glacée » pour l’équipage de la Traviata… La colère avait parlé aussi pour dénoncer « ce système qui broie les gens ».

Ni blessé ni pollution

Le Havre, 23 décembre 2010. Le navire la Pérouse, le dernier et plus grand bâtiment de la flotte de la CMA CGM que Philippe Deruy était allé sortir des chantiers navals en Corée, appareille pour Hambourg. Après avoir vérifié que tout est clair, le commandant descend dans sa cabine préparer l’arrivée dans le port de l’Elbe. A la barre, un jeune lieutenant n’anticipe pas la manœuvre pour dépasser un petit caboteur, le Thèbe. La collision ne fait ni blessé ni pollution. Juste 30 tonnes d’acier à remplacer sur le la Pérouse. Coût pour la compagnie : 720 000 euros.

Très vite, l’enquête interne, celle du bureau Enquête Accident Mer, exonère Philippe Deruy de toute responsabilité. Le jeune lieutenant, lui, reconnaît sa faute et, dans ce monde impitoyable qu’est la mer, sait qu’il n’a plus d’avenir dans la compagnie. Sur un papier, il griffonne une demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail.

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« Les fermetures de petits commerces risquent de ruiner en partie l’ambition de renforcer la cohésion des territoires »

Une femme passe devant un magasin fermé, à Paris, le 6 novembre.

Chronique. Hélène Wasselin a eu une belle idée pour dénoncer la fermeture des petits commerces jugés « non essentiels » par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 : photographier dans son salon de coiffure Esquisse de soi de Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais), torse nu et de dos, ses collègues victimes comme elle de ce couperet administratif, puis les poster sur les réseaux sociaux avec ces mots : « La Covid nous met à terre ! L’Etat nous met à poil ! » Cette indépendante est aussi conseillère municipale (PS). Il arrive parfois que la boutique et la politique fassent cause commune.

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Cette décision, « c’est un crève-cœur pour moi », a confessé le premier ministre, Jean Castex. On veut bien croire l’ancien maire de Prades, dans les Pyrénées-Orientales. Et les milliers d’élus, toutes couleurs politiques confondues, qui s’inquiètent de voir leur cœur de ville s’arrêter définitivement de battre. De Béziers à Aurillac et de Chalon-sur-Saône à Argenton-sur-Creuse, ils ont manifesté et pris des arrêtés municipaux – aussi symboliques qu’illégaux – pour autoriser l’ouverture de tous les magasins. Et certains ont trouvé un bouc émissaire facile, Amazon, accusé de prospérer sur la misère de la boutique.

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Pas de doute, le géant du commerce en ligne a tiré un énorme profit de la crise sanitaire, amplifiant les craintes d’un petit commerce en retard de numérisation et celles des grandes surfaces. Sa capitalisation boursière a gonflé de 500 milliards d’euros depuis le début de la pandémie pour atteindre 1 400 milliards. Il a déjà avalé 20 % des parts du marché français des ventes en ligne, et l’e-commerce ne redescendra pas à son niveau d’avant-Covid. Le groupe de Jeff Bezos continue de tisser sa toile, avec le soutien d’élus bénissant les centaines d’emplois créés dans ses « usines à colis » de 50 000 m2 sur plusieurs étages, ses centres de tri et ses points de livraison, qui écoulent aussi quantité de produits made in France.

« L’humanité de notre cité »

Y a-t-il de quoi réveiller la guerre des « petits » contre les « gros », vigoureuse dans les années 1950-1970 ? Ou relancer le mouvement des « gilets jaunes », comme s’en inquiète un ministre ? « L’insurrection, nous ne la prônerons pas », rassure le président de la Confédération des commerçants de France, Francis Palombi, après le défilé de 500 d’entre eux à Bayonne. Pas de nouveau Pierre Poujade dénonçant des « trusts apatrides » ni de Gérard Nicoud, ces leaders populistes qui ont fédéré la colère des indépendants contre le fisc, la Sécu et les hypers. La grande distribution, elle-même en crise, s’est jointe aux attaques contre les purs acteurs d’e-commerce et tente de ranimer des boutiques… qu’elle a contribué à asphyxier.

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Covid-19 : comment la pandémie va durablement peser sur l’économie

A l’heure où l’Europe se reconfine pour lutter contre la pandémie de Covid-19, cela ne fait plus guère de doute : l’embellie enregistrée partout au troisième trimestre appartient déjà au passé. Las, les perspectives sont bien sombres. Car, si les mesures de confinement adoptées en France, en Belgique, au Royaume-Uni, en Allemagne sont pour le moment moins sévères que celles du printemps, nul ne sait jusqu’à quand il sera nécessaire de les prolonger pour réduire les contaminations.

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« Les incertitudes sont si nombreuses qu’il est très difficile d’établir des scénarios », résume Nadia Gharbi, économiste chez Pictet Wealth Management. Une chose est néanmoins certaine : cette crise est la plus grave depuis la seconde guerre mondiale. Plus elle sera longue, plus la réponse des Etats devra être conséquente. Et plus les cicatrices sur le tissu économique risquent d’être profondes.

  • Après le plongeon de 2020, une activité en dents de scie

« Dans le cas où le reconfinement ne durerait qu’un mois, le PIB tricolore chuterait de 9 % en 2020 et rebondirait de 7 % l’an prochain. S’il dure deux mois, il plongerait de 11 % en 2020 et remonterait de 6 % en 2021 », estime Charles-Henri Colombier, chez Rexecode, en soulignant que les incertitudes sont plus grandes qu’au printemps.

De fait, l’activité de 2021 sera probablement en dents de scie, en fonction des vagues de contaminations et des mesures sanitaires plus ou moins strictes prises pour les contenir. « Au risque que cela tourne au désastre pour l’investissement », redoute M. Plane. Si les incertitudes se prolongent, les entreprises cesseront de renouveler leurs équipements : une partie pourrait devenir obsolète, ce qui compliquerait d’autant la reprise lorsque l’éclaircie viendra. En outre, elles retarderont un peu plus encore les embauches, tandis qu’une partie des chômeurs verront leurs compétences devenir dépassées.

S’ajoutent à cela les effets de « second tour » : aujourd’hui, les secteurs les plus affectés (tourisme, restauration, aérien…) pèsent 15,4 % du PIB, estime Rexecode. Plus leurs difficultés dureront, plus leurs fournisseurs directs ou indirects seront nombreux à être pénalisés eux aussi.

  • Le spectre d’une reprise en K, accélérant l’accroissement des inégalités

Ces derniers mois, les économistes ont beaucoup débattu sur la forme que pourrait prendre la reprise : en V, en U, en racine carrée ou en aile d’oiseau ? « Avec la chute du PIB attendue au quatrième trimestre en France comme en zone euro, ce sera plutôt un W », estime Bert Colijn, économiste chez ING. « Sauf que cette fois, le rebond que l’on peut espérer début 2021 sera plus modéré », ajoute Nadia Gharbi. Même si les confinements européens sont levés avant la fin de l’année, il est probable que certaines restrictions soient encore en place jusqu’à la fin de l’hiver.

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« Les fleurs et les plantes, comme les livres, ont été rangés au rayon des biens non essentiels »

Chronique. La fête des morts sonne-t-elle le tocsin pour les fleuristes ? Le 2 novembre, tous les vendeurs de fleurs et de plantes ont, en tout cas, dû fermer boutique en France. Alors qu’un deuxième confinement national a été décrété jeudi 29 octobre à minuit, ils ont bénéficié d’un sursis. Vente des chrysanthèmes oblige. D’ordinaire, les Français déboursent près de 170 millions d’euros afin d’allumer le feu d’artifice floral dans les cimetières à la Toussaint. Un temps fort pour la filière horticole française, soucieuse de reprendre des couleurs.

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Le couperet est donc tombé le 2. Les fleurs et les plantes, comme les livres, ont été rangés au rayon des biens non essentiels. Les fleuristes ont été priés de tirer le rideau. Sauf que le petit commerce n’avait, cette fois, aucune envie de faire une fleur aux grandes surfaces prêtes à continuer la vente de l’essentiel tout autant que de l’accessoire. Le gouvernement a tranché. Roses, tulipes et camélias doivent quitter les linéaires des supermarchés.

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Il est vrai que depuis le confinement décrété le 17 mars, le parcours des fleuristes n’a pas été un chemin tapissé de roses. « Début juillet, 15 % des fleuristes avaient définitivement fermé boutique », affirme Mikaël Mercier, président de Val’hor, organisation interprofessionelle de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage. C’est le maillon de la filière qui paie le plus lourd tribut.

Y aura-t-il des sapins à Noël ?

Pour les fleuristes, ni fleurs ni couronnes. Même si, à l’heure du déconfinement, les Français ont débordé d’envie de nature et de végétal et, après être devenus des as de la fabrication du pain, se sont rués pour créer des potagers. Ils ont aussi plébiscité la Fête des mères, n’hésitant pas à débourser 25 % à 30 % de plus que le montant habituel estimé à 60 millions d’euros. Mais la fermeture des hôtels, la mise sur pause des congrès et des événements, sans compter le report des mariages, leur ont donné un sacré coup de bambou.

Ce nouveau confinement met également à rude épreuve les nerfs des producteurs. « Nous jetons 150 000 tulipes par jour, depuis lundi. Nous avons l’impression de revivre le cauchemar en boucle, après avoir perdu plus de 13 millions de fleurs en mars et avril », témoigne Nicolas Bigot, dont l’entreprise Bigot Fleurs est installée à Allonnes (Sarthe) mais aussi au Kenya pour les roses. Arguant de l’aspect périssable des fleurs coupées, il milite pour leur retour au milieu des fruits et des légumes dans les grandes surfaces.

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Dans l’entreprise, les femmes se heurtent toujours à un plafond de verre

Aujourd’hui, les jeunes femmes sont plus diplômées que les jeunes hommes, mais elles ont plus de mal à faire carrière

« Une femme. » Depuis quelques mois, cette formule prête à sourire sur Internet – elle a même sa propre page Wikipédia sous forme de pastiche –, mais elle en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir. Chaque fois qu’une candidature féminine est retenue pour un poste prestigieux, c’est en général le sexe de l’élue que les commentaires retiennent d’abord, plus que son nom : « Une femme nommée à la tête de… » Ces derniers mois, on a ainsi pu lire qu’« une femme » était nommée la tête du New York Times, du Crédit mutuel Arkea ou encore de Virgin Australia…

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Oui, en 2020, on s’en étonne encore. Et pour cause : « Le plafond de verre est toujours une réalité très forte pour les femmes en entreprise », résume Catherine Bonneville-Morawski, fondatrice du cabinet de conseil en mixité Eragina. Certes, il y a du progrès du côté des conseils d’administration, depuis que la loi Copé-Zimmermann (2011) y impose un quota de 40 % de femmes. Mais elles ne sont guère plus de 20 % au sein des comités exécutifs. 37 % des entreprises comptent toujours moins de deux femmes parmi leurs dix plus hautes rémunérations, et un seul groupe du CAC 40, Engie, est dirigé par « une femme », Catherine MacGregor.

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Inutile, cependant, de monter aussi haut dans la hiérarchie pour constater la réalité du plafond de verre. Aujourd’hui, les jeunes femmes sont plus diplômées que les jeunes hommes, mais elles ont plus de mal à faire carrière, établissent des travaux du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), publiés en janvier 2020. Les diplômés de 2010 des deux sexes ont ainsi décroché autant de postes de cadres trois ans après la fin de leurs études. En revanche, les femmes ne sont plus que 40 % des manageurs à responsabilité hiérarchique sept ans après le diplôme, et elles mettent plus de temps que les hommes à y parvenir : 17,9 mois contre 15,3 mois, explique l’étude.

Lors des soirées poker

« Les lignes bougent peu, alors que nombre d’études montrent pourtant que les entreprises affichant plus de parité et de diversité à tous les étages enregistrent une meilleure profitabilité », souligne Cécile Bernheim, membre de l’advisory board du réseau Professional Women’s Network Paris. Pourtant, les entreprises y travaillent : depuis dix ans, la plupart des grands groupes – Accenture, Axa, EDF… – montent des programmes pour encourager les carrières féminines. Seulement voilà : les sources du plafond de verre, complexes et multifactorielles, sont difficiles à démonter. « Il y a bien sûr les clichés à la vie dure, tels que celui sur la moindre compétence des femmes, mais pas seulement », explique Catherine Bonneville-Morawski.

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En temps de crise, les femmes sont plus facilement désignées pour diriger les entreprises

Ilham Kadri, la directrice générale du chimiste belge Solvay. Ici, à Paris le 15 novembre 2018.

Et si la crise due au Covid-19 incitait les entreprises à promouvoir davantage de femmes à leur tête ? La recherche en psychologie sociale va dans ce sens. Ces dernières années, des expériences ont ainsi été menées auprès d’étudiants ou encore de cadres supérieurs, leur demandant de choisir pour diriger une entreprise entre deux candidats hypothétiques, dont un homme et une femme au profil similaire. Résultat : si l’entreprise est censée bien se porter, la majorité du groupe testé sélectionne le candidat ; si elle est réputée traverser une passe difficile, c’est la femme qui est désignée par le plus grand nombre.

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Les chercheurs Michelle Ryan et Alexander Haslam, qui ont mis en avant ce phénomène, parlent d’une « falaise de verre », en référence au fameux « plafond de verre » qui empêche les femmes de parvenir en haut de la pyramide : autrement dit, une fois parvenues péniblement au sommet, elles en tombent plus vite…

Marie-Ange Debon, intronisée le 24 août à la présidence du directoire du Groupe Keolis, avoue découvrir ce concept, avant de se souvenir : « C’est vrai que j’avais été nommée patronne de Suez France après un avertissement sur les résultats. » Quant à Catherine MacGregor, qui deviendra directrice générale de l’énergéticien Engie au 1er janvier 2021, seule à ce poste dans le CAC 40, elle est prévenue : Isabelle Kocher, à qui elle succède, n’a eu droit qu’à un seul mandat.

« C’est vrai que j’avais été nommée patronne de Suez France après un avertissement sur les résultats », Marie-Ange Debon, présidence du directoire du Groupe Keolis

La « falaise de verre » s’expliquerait par les préjugés répandus sur les genres. « Quand une entreprise va bien, les gens préfèrent des leaders avec des qualités stéréotypées masculines, mais, quand l’entreprise va mal, ils pensent que des compétences stéréotypées féminines s’avèrent nécessaires pour redresser la situation », avancent Susanne Bruckmüller et Nyla Branscombe, deux psychologues, dans un article publié dans la Harvard Business Review.

« On attend des femmes qu’elles soient bienveillantes, à l’écoute, avec un esprit de conciliation. L’homme est perçu comme dominant, aimant le pouvoir. Ce sont des stéréotypes intériorisés depuis le plus jeune âge qui poussent à agir inconsciemment dans ce sens », développe Sarah Saint-Michel, maîtresse de conférences à la Sorbonne. Autrement dit, même si cela ne correspond pas à leur pente naturelle, les femmes adoptent certains comportements.

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« Le grand cafouillage » des tests Covid en entreprise

« Ce protocole sanitaire prévoit que les employeurs puissent proposer à leurs salariés de passer des tests de dépistage rapide, qui permettent d’obtenir des résultats en 10 à 30 minutes. »

Le gouvernement a fait volte-face, en autorisant finalement les entreprises à mettre en place des tests de dépistage rapide du Covid-19. « Si on peut permettre aux entreprises de faire ces tests, c’est parce qu’on a les nouveaux tests, les fameux tests antigéniques, qui ne nécessitent pas de passer par un laboratoire de biologie », a précisé la ministre du travail, Elisabeth Borne, à l’occasion de la parution du nouveau protocole national pour les entreprises.

Mis en ligne le 29 octobre, ce protocole sanitaire prévoit que les employeurs puissent proposer à leurs salariés de passer des tests de dépistage rapide, qui permettent d’obtenir des résultats en 10 à 30 minutes. Pas question, toutefois, de les y contraindre : les salariés doivent obligatoirement se montrer volontaires. Ces tests doivent, par ailleurs, être intégralement pris en charge financièrement par l’entreprise, « dans des conditions garantissant la (…) stricte préservation du secret médical », précise le texte. Aucun résultat ne peut donc être communiqué à l’employeur.

Simple sur le papier, moins dans la pratique. Plusieurs zones d’ombre subsistent : qui est habilité à réaliser ces tests ? Dans quelles conditions ? Face à cette nouvelle possibilité offerte aux entreprises, les professionnels de santé au travail s’avouent perplexes. « On a des employeurs plutôt demandeurs, très inquiets d’avoir un cluster, constate Pascal Le Deist, directeur général de l’OPSAT Franche-Comté, une association qui fédère des services de santé interentreprises. Mais pour le moment, on est encore bloqués. Il nous faut un texte qui vienne encadrer et autoriser nos infirmiers et nos médecins à réaliser des tests de dépistage. »

Dans l’attente de ce texte, les professionnels de santé au travail ont les mains liées. « C’est le grand cafouillage, s’emporte Nadine Rauch, présidente du Groupement des infirmiers de santé au travail (GIT). Nous ne savons pas comment encadrer nos infirmiers pour qu’ils puissent faire passer ces tests ». Si leur mise en œuvre doit obligatoirement être le fait d’un professionnel de santé – pharmacien, infirmier, médecin –, « tous ne sont pas encore formés », avertit le directeur de l’OPSAT. Sachant que les tests nasopharyngés nécessitent le passage d’un écouvillon dans la narine, une opération demandant un certain doigté.

Pas de blanc-seing

« On n’a pas encore le protocole décisionnel, afin de savoir dans quel cas on accède ou pas à la demande de l’entreprise », ajoute Pascal Le Deist. Car le protocole du 29 octobre n’est pas un blanc-seing donné à l’employeur. « Face à une demande de tests de dépistage, il n’y a pas de validation automatique », avertit le professionnel. Bien que le protocole évoque uniquement la mise en place des tests rapides (antigéniques), « c’est le médecin du travail qui détermine quels types de tests doivent être passés et dans quelles conditions, en fonction des préconisations de la Haute Autorité de santé ». Le directeur de l’OPSAT rappelle que la sensibilité du test de dépistage antigénique ne permet pas toujours de détecter les cas asymptomatiques.

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Deliveroo, Uber Eats… : avec le chômage lié au Covid-19, la concurrence s’exacerbe entre livreurs

Encore quelques semaines à pédaler pour Deliveroo et Uber Eats en tant que micro-entrepreneuse, puis elle sera « salariée de [sa] propre entreprise », explique Marine Stieber, livreuse depuis deux ans à Strasbourg. Jeudi 5 novembre, elle a lancé, avec quelques collègues, Kooglof !, une plate-forme sous forme associative qui deviendra, à terme, une coopérative, avec « cinq ou six livreurs », qui ne livreront pas uniquement pour la restauration. « Nous serons salariés dès que nous aurons un emploi du temps régulier, ce que nous prévoyons pour début 2021. »

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Kooglof ! adhère à la fédération Coopcycle, qui a déjà essaimé plusieurs coopératives de livraison à Paris, Nantes, etc., auxquelles elle fournit un logiciel ad hoc. Des projets mûrissent dans d’autres villes comme Rennes, où, selon Hugo, livreur, « des restaurants, des commerces cherchent des alternatives aux plates-formes classiques » qui leur prélèvent des commissions autour de 30 %. En parallèle, « on continue le combat pour les droits des travailleurs », précise Arthur Hay, coopérateur des Livreurs bordelais et secrétaire général des livreurs CGT de Bordeaux. Le 30 octobre, son syndicat a lancé une mobilisation pour une hausse des rémunérations, un droit à la sécurité sociale, etc. Selon Ludovic Rioux, secrétaire général de la CGT des livreurs à Lyon, « environ 300 livreurs » ont participé à ce mouvement. « Quelques dizaines », selon Deliveroo.

La coopérative se veut une réponse à des conditions de travail de plus en plus dégradées. « Je dois travailler dix heures par jour pour gagner 100 euros, alors qu’auparavant, cinq ou six heures suffisaient, indique Marine. Il y a trop de livreurs. »

« En sureffectif »

« Trop de livreurs » : une expression qui s’entend un peu partout en France. Avec les confinements, les plates-formes ont agrandi leur équipe et le nombre de « restaurants partenaires ». « Nous avons 15 000 restaurants partenaires, dont 3 000 nous ont rejoints lors du premier confinement », explique-t-on chez Deliveroo, qui assure développer « la taille de [sa] flotte de manière proportionnée à [ses] besoins opérationnels ». Ils sont 11 000 livreurs actuellement. De son côté, Uber Eats indique avoir « 20 000 restaurants partenaires, contre 10 000 un an plus tôt. Et notre activité a doublé entre le deuxième trimestre 2019 et celui de 2020 ». Quant au nombre de livreurs, Uber Eats en comptait 30 000 début 2020 − soit deux fois plus qu’un an plus tôt −, auxquels sont venus s’ajouter 5 000 nouveaux entre mars et juin.

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En neuf mois, la crise a effacé près d’un an et demi d’intenses créations d’emplois

L’embellie estivale réelle est insuffisante. Selon les données publiées ce vendredi 6 novembre par l’Insee, l’économie française a créé 344 400 emplois au 3e trimestre 2020. Un rebond important qui ne parvient toutefois pas à effacer des tablettes un premier semestre désastreux au cours duquel 650 000 emplois salariés avaient été détruits dans le secteur privé.

Au final, il manque encore 305 600 emplois salariés dans le secteur privé pour atteindre à nouveau le niveau d’emploi qui était le sien en décembre 2019 (19,75 millions de postes, contre 19,44 fin septembre 2020).

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Retour fin 2018

L’économie française a donc fait un important saut dans le passé. Les 19,44 millions d’emplois salariés privés enregistrés fin septembre dépassent en effet à peine le niveau constaté à la fin du 3e trimestre 2018 (19,41 millions). En neuf mois, la crise économique liée au Covid-19 a effacé près d’un an et demi d’intenses créations d’emplois. Sans le rebond enregistré au 3e trimestre, c’est à début 2017 qu’il aurait fallu remonter (19,05 millions d’emplois salariés privés à l’époque, contre 19,09 fin juin 2020).

Malgré le soutien du chômage partiel, la chute du niveau de l’emploi salarié est vertigineuse. La crise liée au Covid-19 est pour le moment un peu moins dévastatrice que celle de 2008-2009, mais elle l’est beaucoup plus que le ralentissement de 2012-2013.

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Rapportée au stock d’emplois salariés privés de l’époque, la chute avait été de 2,5 % en 2008-2009 et de 0,8 % en 2012-2013, contre une baisse de 1,5 % entre janvier et septembre 2020. Mais les dégâts du second confinement vont bientôt s’ajouter à ceux du premier, et le bilan 2008-2009 pourrait être dépassé.

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L’équivalent de secteurs entiers

A titre de comparaison, ces 305 600 postes supprimés équivalent presque à la totalité des emplois salariés (hors intérim) répertoriés avant la crise dans les industries chimiques, pharmaceutiques et textiles réunies (330 500 postes fin 2019).

Ils représentent également plus du total des postes salariés du secteur des arts, spectacles et activités récréatives (302 400) ou de celui de l’hébergement (269 700 fin 2019).

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Dans les départements, cette chute équivaut presque à la disparition de tous les postes de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane réunies (301 500), et presque à la disparition de ceux de la Charente et de la Charente-Maritime (330 500 à eux deux). Les 305 600 emplois perdus entre janvier et septembre représentent également plus de 16 % des 1,8 million d’emplois salariés parisiens.