Archive dans novembre 2020

Cordes et âmes : Mirecourt, terre de luthiers

Mirecourt, Mirecourt, 30 octobre 2020. atelier de Jean-Claude Condi, luthier. Nyckelharpa.

PASCAL BASTIEN POUR « LE MONDE »

Par

Publié aujourd’hui à 01h38

Dans la plaine lorraine, un ciel anthracite pèse de toute sa masse sur l’horizon. Ce sont déjà les Vosges, mais pas encore ses reliefs. Des champs, des pâturages, des chênaies, un paysage presque plat, clôturé, imprégné de crachin, cerne Mirecourt en cette fin d’après-midi. Dans le village, les rues alignent leurs crépis abîmés jusqu’au centre-bourg, où la pointe effilée du clocher semble vouloir écorcher le coton gris des nuages.

« Nous subissons la concurrence de la Chine, mais eux utilisent des procédés industriels, pour aller vite. Alors que nous, nous avons besoin de lenteur », Alain Carbonaré, luthier à Mirecourt.

Mirecourt n’aimante pas autant les touristes que les thermes de Contrexéville et de Vittel, tout proches. Le village a pourtant du charme, avec sa rivière, le Madon, qui serpente sagement à l’ombre des tilleuls jaunis, des halles voûtées et des portes du centre-ville, qui ouvrent parfois, au bout d’étroits couloirs, sur d’incroyables cours Renaissance aux escaliers somptueusement décorés… Et c’est grâce à lui que la France chante et danse depuis près de cinq siècles.

Alain Carbonaré, luthier, travaille à la fabrication d'un violon dans son atelier, à Mirecourt (Vosges), le 30 octobre.

A l’orée du XVIIe siècle, c’est ici, dans le chef-lieu d’un des grands bailliages du duché de Lorraine, qu’apparaissent les premiers « faiseurs » de violons. Là que naissent des dynasties de luthiers et d’archetiers, puis les grandes fabriques, au milieu du XIXe, qui accélèrent la cadence, employant jusqu’à 800 salariés. Violons, violoncelles, altos, contrebasses, guitares, orgues… A un tempo soutenu, le village inonde le pays de dizaines de milliers d’instruments, avant que le succès de la musique enregistrée puis la crise des années 1930 sonnent la fin du bal.

Enfin, pas tout à fait. Les politiques locaux ont mis beaucoup d’argent sur la table pour que le savoir-faire ne quitte pas le village. Une école de lutherie, aujourd’hui renommée, a été ouverte en 1970, puis un musée, trois ans plus tard, qui borde aujourd’hui le Madon. Mais surtout, une poignée de résistants, une quinzaine de luthiers et d’archetiers, fabrique toujours des pièces d’exception. Grâce à eux, c’est encore ici que s’écrit l’histoire presque mystique des plus prestigieux instruments à cordes français, qui passeront entre les mains des meilleurs solistes de la planète. Sur rendez-vous, ces « artistes du bois » ouvrent les portes de leurs ateliers aux visiteurs de passage.

Dans l’atelier des luthiers Alain et Antoine Carbonaré, à Mirecourt (Vosges), le 30 octobre.

Derrière le large portail de la maison-atelier d’Alain Carbonaré, on devine, entreposé dans une grange, un amoncellement de bûches débitées en quartiers. Le bois encombre en fait les deux étages de sa vaste demeure. Le couloir de l’entrée est enseveli sous une forêt de planches, des carcasses d’instruments aux courbes féminines sont suspendues aux murs, tandis que sur le sol se tortillent dans la sciure, comme des mèches blondes et bouclées, d’innombrables copeaux de bois.

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Reconfinement : à Lyon, les indépendants défilent en cape noire sur la marche funèbre de Chopin

Rassemblement d’indépendants et de comemrçants, devant la préfecture de Lyon, lundi 9 novembre.

Le mouvement prend de l’ampleur. Plus de 300 commerçants et indépendants se sont rassemblés, lundi 9 novembre, devant les grilles de la préfecture de Lyon, contre une trentaine le lundi précédent, afin de protester contre la fermeture administrative de leurs établissements. Les professionnels de tous secteurs réclament désormais l’accès aux indemnités de chômage, et demandent aux assurances d’indemniser leurs pertes. Inspirés par leurs collègues de Toulouse, qui ont tourné une vidéo sur la place du Capitole, en mimant leurs chutes, les commerçants lyonnais ont revêtu des capes noires et porté un cercueil, au son de la marche funèbre de Chopin, en faisant le tour de la préfecture.

Une délégation a été reçue par le chef de cabinet du préfet de région. « Nous proposons des protocoles renforcés, nous avons parfaitement conscience de la situation sanitaire, nous sommes responsables, mais tout est balayé d’un revers de manche », dit en ressortant Thierry Fontaine, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH).

« Je ne comprends pas pourquoi nous sommes diabolisés. Nous savons parfaitement gérer les mesures de précaution. Si nous ne reprenons pas début décembre, nous ne tiendrons pas le coup », déclare ainsi Christian Têtedoie. Le chef étoilé est au premier rang de la manifestation pacifique, brandissant une pancarte sur fond noir : « Laissez-nous travailler ! » Sa présence marque une étape dans la mobilisation des indépendants. M. Têtedoie emploie 170 salariés, tous au chômage partiel, et avoue son désarroi : « à 60 ans, j’ai l’impression que je dois racheter ma propre entreprise, toutes les charges continuent, la dette s’accumule. »

« On se sent très seuls »

A ses côtés, des anonymes partagent le même ressentiment, à leur échelle. Fabien Laurier emploie treize salariés dans un salon de coiffure, et pense que le maintien de l’activité était jouable : « Après le premier confinement, nous nous étions équipés en matériel jetable, nous avions redémarré. » Le commerçant déplore les effets pervers des fermetures administratives : « Cette situation engendre du travail au noir, des coiffeurs vont chez les uns, chez les autres, les décisions arbitraires mènent à des pratiques dissimulées. Le click and collect cache parfois de la vente pure et simple. » Son épouse tient une boutique de prêt à porter dans la même rue du 4arrondissement. « Toute ma collection d’hiver est livrée, stockée et payée, je n’ai plus aucun salaire, on se sent très seuls », confie Séverine.

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Le sentiment d’abattement et d’incompréhension s’ajoute à la révolte contre les grandes surfaces, les plates-formes de commandes en ligne, à qui le gouvernement n’applique pas les mêmes contraintes. « Les gens peuvent s’entasser dans les supermarchés et on nous demande de fermer alors que nous régulons parfaitement le passage de notre clientèle », soutient Alexandra Le Creff, patronne de la maroquinerie Barret.

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Son magasin de 400 m2 a augmenté de 20 % son activité au cours des deux derniers mois. Tout le stock d’hiver est acheté. Cette fois, le doute s’installe. Mme Le Creff a pris ses produits en photo et utilise Instagram et les réseaux sociaux, sans illusion : « Internet, ce n’est pas l’avenir du petit commerce, notre métier c’est le conseil, l’accompagnement, le choix. Les clients aiment toucher, comparer, voir, chez nous ils sont en sécurité. Nous faisons du lien social et ça, ce n’est pas numérique ! »

La MAIF parie sur « le goût des autres » pour améliorer ses performances

« Le pari de la MAIF est qu’in fine les actions servent la performance »

Devenue « société à mission » en juillet, la MAIF a tenu son premier comité de mission mercredi 4 novembre sous la présidence de Nicole Notat. Choix hautement symbolique que celui de la coautrice du rapport Senard, à l’origine de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises).

Avec ce texte du 22 mai 2019, les entreprises ont obtenu les moyens d’engager publiquement les actionnaires sur leurs choix sociaux et environnementaux. « Au-delà de la MAIF, on constate énormément de contentieux d’entreprise prises en défaut sur ces sujets jusqu’à l’autre bout du monde. Il y a désormais un écosystème très attentif aux pratiques de l’entreprise. Il ne peut plus y avoir de frontière étanche entre l’intérêt économique et celui des parties prenantes Les facteurs RSE [responsabilité sociétale des entreprises] deviennent ainsi consubstantiels à la performance de l’entreprise », explique Nicole Notat.

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La loi Pacte prévoit que la « raison d’être » de l’entreprise soit inscrite dans les statuts et votée en assemblée générale par les actionnaires. Ce qui fut fait pour la MAIF en ces termes : « une attention sincère portée à l’autre et au monde ». On imagine mal une entreprise affirmer le contraire. Une simple définition de belles intentions ne suffit pas pour autant à transformer une entreprise et encore moins à contraindre des actionnaires de respecter des engagements sociétaux qui pourraient contrarier à court terme des intérêts économiques, quand bien même la raison d’être leur serait opposable lors de l’assemblée générale annuelle.

Entreprise responsable

C’est pourquoi un comité de mission est prévu par la loi Pacte pour contrôler la mise en œuvre de la « raison d’être » à tous les échelons de l’entreprise, afin qu’elle ne se résume pas à de la pure rhétorique, autrement dit au greenwashing qui discrédita la RSE.

D’ici la fin de l’année, la MAIF doit avoir traduit ses objectifs très théoriques de « société solidaire » et d’« épanouissement de ses acteurs » dans une feuille de route beaucoup plus concrète qui sera validée par le comité de mission en janvier 2021. « Le rôle du comité est triple, indique le directeur général de la MAIF, Pascal Demurger, cadrer la feuille de route annuelle avec des objectifs précis et chiffrés, vérifier les résultats et élaborer un rapport de mission qui sera publié, puis servir d’aiguillon pour aller plus loin dans les engagements de chacun des métiers ».

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Plus d’un million d’« extras » « paient le prix fort de la crise sanitaire »

Tribune. C’est peut-être une crise sans retour que vivent aujourd’hui près de 1,2 million de salariés. Ils ont été abandonnés sans solution depuis mars 2020 dans le cadre de la crise de la Covid-19 alors qu’une écrasante majorité d’entre eux ne pouvait prétendre à aucun droit au chômage. Ce sont eux que l’on désigne habituellement comme étant des « extras », guides conférenciers, maîtres d’hôtel, chefs cuisiniers, livreurs, personnels en charge du catering, hôtesses, chauffeurs, agents d’entretien et de sécurité…

Ces salariés sont généralement embauchés pour l’exécution d’une tâche précise, temporaire par nature, que ce soit dans les festivals, les tournées d’artistes ou les évènements et salons. Cette crise rappelle en effet à chacun que tout le monde ne vit pas en France avec un CDI : nombreux sont celles et ceux qui vivent avec un CDD – que ce soit inhérent à l’activité qu’ils ont choisie, ou que ce soit de manière subie. Parmi ces bénéficiaires de CDD, celles et ceux qui sont en CDDU, les « contrats à durée déterminée d’usage », paient le prix fort de la crise sanitaire.

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Les extras travaillent en effet à la mission au même titre que les intermittents du spectacle qui bénéficient d’un régime d’assurance-chômage adapté. Mais, contrairement à ces derniers, ils émargent au régime général. Ne disposant pas de filet de protection ni de mesures spécifiques pour les accompagner face à la crise du Covid-19, ils ont été frappés de plein fouet par la mise en berne de l’économie entraînée par le confinement et les mesures de protection sanitaire.

Aucune solution depuis mars 2020

Ils ont vu dans leur écrasante majorité toute activité professionnelle cesser, alors même que devait commencer la saison des festivals et s’ouvrir la période de l’année au cours de laquelle ils accomplissent l’essentiel de leurs contrats. Ils n’ont pour la plupart pas cumulé assez d’heures travaillées pour prétendre au chômage.

La crise du Covid-19 a de fait détruit 715 000 emplois au premier semestre. La direction des études et des statistiques du ministère du travail (Dares) vient d’estimer à quelque 65 000 le nombre de ruptures de contrats de travail annoncées par les entreprises depuis le début du mois de mars. C’est le triple par rapport à 2019.

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Alors que le gouvernement a mis en place des dispositifs de soutien aux catégories de salariés qu’il a bien voulu identifier, cette crise laisse les extras dans l’ombre, un nombre écrasant d’entre eux restant sans aucune solution depuis mars 2020. Selon la Fédération nationale des guides interprètes, qui représente les guides conférenciers, 40 % d’entre eux n’ont pas accès aux aides.

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« Le plan de relance a-t-il trop la tête dans le futur ? »

Bruno Le Maire, ministre de l’économie, à l’Assemblée nationale, le 3 novembre.

Chronique. Le plan de relance français est-il déjà obsolète avant d’avoir servi ? En tout cas, sa forme et son application sont sérieusement remises en cause par le deuxième confinement qui est en train de replonger dans le rouge tous les indicateurs économiques, ragaillardis à la faveur de l’été. Il voyait pourtant loin cet ambitieux dispositif, baptisé « France Relance », le regard volontairement tourné vers 2030. C’est bien justement ce qu’on lui reproche aujourd’hui : avoir la tête dans le futur. Avant de penser à la décennie prochaine, il serait opportun de réaliser que la survie de notre économie se joue dans les mois à venir.

Il est vrai que le plan de 100 milliards d’euros, le plus coûteux jamais engagé en France, un tiers du budget général de l’Etat, n’est pas vraiment un plan de relance, mais de modernisation. Il entend rénover les maisons et immeubles de France pour réduire leur consommation énergétique, investir dans la filière à hydrogène, améliorer la compétitivité des entreprises par des réductions d’impôt, doper l’apprentissage…

Trou d’air

Tout cela va dans la bonne direction, mais pas forcément à la bonne vitesse pour répondre à l’urgence du moment. Dans une note publiée vendredi 6 novembre par l’Institut Montaigne, l’économiste Eric Chaney calcule que, sur les 100 milliards d’euros, seulement 25 milliards seront dépensés en 2021. Les dispositifs les plus immédiats et certains seront la baisse des impôts de production de 10 milliards dès 2021, l’aide aux fonds propres des PME (3 milliards d’euros) et la mesure d’activité partielle de longue durée d’un coût de 7,6 milliards.

Cela sera-t-il suffisant pour absorber le trou d’air dans lequel nous entrons ? Et notamment, faudra-t-il se résoudre à faire ce que le gouvernement ne voulait pas : de la relance par la consommation ? Face à tous les politiques, à gauche mais aussi à droite, qui plaident pour une aide massive à effet immédiat, comme le fait l’Allemagne en baissant sa TVA de trois points, l’exécutif répond que le problème ne vient pas de la demande, puisque dès que l’on donne de l’argent directement aux Français, ils l’enfouissent sous leur matelas en prévision des jours meilleurs. Et puis, il le dit moins, mais ces mesures coûtent très cher et ont un effet immédiat sur le budget, à la différence des garanties bancaires et autres plans sur cinq ans. Enfin, il a déjà dépensé plus de 60 milliards d’euros pour soutenir l’activité et les salariés au printemps, notamment avec le chômage partiel.

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Covid-19 : le gouvernement peine à faire respecter le télétravail

Elisabeth Borne a décidé d’élever la voix à l’égard des patrons. Durant la semaine écoulée, la ministre du travail a multiplié les échanges avec des dirigeants d’entreprise pour les sensibiliser à l’une des nouvelles consignes gouvernementales liées au reconfinement : le rétablissement provisoire de l’activité à distance (ou télétravail) pour tous les salariés qui sont en mesure d’accomplir leurs tâches ainsi. Alors que des employeurs tardent à se conformer à cette injonction, Mme Borne entend, d’abord, privilégier la pédagogie. Mais elle n’exclut pas de sortir la trique si des réfractaires subsistent. « Nous serons fermes », assure-t-on dans son entourage.

Vendredi 6 novembre, la ministre du travail a monté une opération de communication sur le sujet en se rendant au siège de BNP Paribas, à Paris, puis dans les locaux d’Engie et de Total dans le quartier de la Défense. Le fait d’avoir inscrit le groupe pétrogazier dans la liste des sociétés visitées ne doit rien au hasard : celui-ci avait diffusé à son personnel une note recommandant de se rendre au bureau deux jours par semaine pour certaines missions, ce que la CFDT avait dénoncé. A l’occasion de son déplacement de vendredi, Mme Borne a réaffirmé la règle instaurée depuis la fin octobre : l’activité à distance est portée à « 100 % » de l’emploi du temps, pour tous les postes « télétravaillables ». Dans son esprit, il s’agit d’une « obligation » à respecter scrupuleusement, car elle contribue à limiter la propagation du SARS-CoV-2 en réduisant les interactions sociales et les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.

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Les jours précédents, la ministre s’était entretenue, au téléphone ou par visioconférence, avec les directeurs des ressources humaines (DRH) de plusieurs grandes entreprises – dont le nom n’a pas été divulgué – et avec des responsables de grandes fédérations d’employeurs (bâtiment, professions du conseil, de l’ingénierie, du numérique, etc.). Des discussions devenues indispensables, certains protagonistes exprimant publiquement leur incompréhension devant la nouvelle doctrine de l’Etat. « C’est une véritable cacophonie », a ainsi déclaré aux Echos Philippe Darmayan, le président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie – l’une des organisations les plus puissantes du monde patronal. « Nous avions compris que le télétravail devait être utilisé au maximum, puis la ministre du travail a expliqué qu’il était obligatoire. Nous réclamons une ligne claire ! »

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« On ne va pas se raconter d’histoire éternellement… Je vais faire faillite »

Manifestation de commerçants indépendants, le 4 novembre à Bayonne.

Il est des Français pour qui le reconfinement ne fut pas qu’une mauvaise nouvelle. Pour 2 millions de travailleurs indépendants, privés de toute aide depuis l’été – selon l’estimation des organisations qui les représentent –, ce fut aussi un soulagement. Lors de son discours du 28 octobre, Emmanuel Macron a en effet annoncé un « plan spécial » à destination de cette catégorie très hétérogène, qui englobe commerçants, artisans, professions libérales, et dont le nombre (hors agriculture) a augmenté de 33 % entre 2008 et 2017, principalement grâce au succès du statut d’auto et microentrepreneur.

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Ce plan consiste principalement en une réactivation du fonds de solidarité, avec des aides jusqu’à 10 000 euros selon les cas, et des reports ou exonérations de cotisations sociales. « Ça ne sauvera pas mon entreprise mais je l’attends avec impatience », a réagi Claude (le prénom a été changé), 48 ans, consultant en management, avant de raconter le maelström dans lequel il est pris, comme beaucoup d’autres, depuis huit mois.

En société unipersonnelle depuis dix ans, il conseille les entreprises qui ont des projets de transformation. « On est une variable d’ajustement : nous sommes les premiers à dégager en temps de crise », explique-t-il. En mars, la société pour laquelle il travaillait lui a demandé de libérer son bureau en une semaine. Il a alors eu droit au fonds de solidarité dans sa forme initiale pendant quatre mois : 4 x 1 500 euros versés sur le compte de sa société. « Ça tombe dans la trésorerie, pas dans ma poche ! Pour me verser du salaire là-dessus, j’ai payé des cotisations sociales », souligne-t-il.

« On est une variable d’ajustement : nous sommes les premiers à dégager en temps de crise », Claude, consultant en management

Pour lui, comme pour beaucoup de petits entrepreneurs prestataires de services, sans salariés, l’aide du fonds de solidarité s’est arrêtée à l’été. Rien en juillet, août, septembre et octobre alors que son activité n’est jamais repartie. « L’économie est K.-O. Mes clients potentiels ne font plus de projets, ils comptent leurs sous, constate-t-il. Moi j’ai brûlé ma trésorerie. On ne va pas se raconter d’histoire éternellement… Je vais faire faillite. » Des années de travail pour bâtir un réseau et une réputation, détruites en quelques mois. Ce reconfinement lui rouvre l’accès à 1 500 euros d’aide mensuelle. Sans rétroactivité sur l’été. « J’espère que ça le sera pour octobre », s’inquiète-t-il. Si, cette fois, les formulaires sont à jour.

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La Société générale prévoit de supprimer 640 postes en France

La Société générale n’en finit pas de se restructurer. La banque, qui a perdu en Bourse près des deux tiers de sa valeur depuis le mois de février, est devenue une proie dans le paysage bancaire européen. Cherchant à nouveau à réduire ses coûts et à rassurer ses actionnaires, elle a annoncé, lundi 9 novembre, dans un communiqué « la suppression nette d’environ 640 postes en France, sans départs contraints ».

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Cette baisse d’effectifs concerne plusieurs métiers à Paris et en province : certaines activités de marché, la conformité (contrôle du respect de la réglementation au sein du groupe), les risques, les ressources humaines ou la communication.

« La direction a justifié le besoin d’économies en mettant en avant la nécessité de protéger l’indépendance de Société générale à travers sa valorisation boursière et de faire face aux conséquences des crises sanitaires et économiques », pointe un tract du syndicat SNB-CFE-CGC de la banque, qui s’alarme d’« un énième plan social ».

Alternance d’annonces

Il y a un peu plus de dix-huit mois, en avril 2019, le groupe bancaire avait, en effet, engagé la suppression de 1 600 postes, dont 750 en France. Pour le délégué national de la CGT, Philippe Fournil, qui avait fait les comptes, il s’agissait alors du « douzième plan social en dix ans ».

Depuis plusieurs années, la Société générale alterne les annonces de réduction d’effectifs et de plans d’économies. En août, elle a dévoilé un nouveau programme de baisse de coûts de 450 millions d’euros d’ici à 2022-2023, pour diminuer le profil de risque de certaines activités de marché (produits structurés, crédit et actions), à l’occasion de la publication de ses mauvais comptes du deuxième trimestre 2020 (une perte nette de 1,26 milliard d’euros). « La banque, comme l’énergie ou l’automobile, est une industrie dont l’environnement est en plein bouleversement, avec des taux bas pour dix ans ou pour l’éternité, et l’émergence de technologies numériques, avait alors justifié Frédéric Oudéa, le directeur général du groupe. Ces ajustements industriels vont continuer. »

Et de fait, quelques semaines plus tard, en septembre, la Société générale a révélé qu’elle mettait à l’étude la fusion de sa banque de détail avec celle de sa filiale Crédit du Nord, qui se traduira par un nombre important de fermetures d’agences bancaires, avec l’objectif de redresser sa compétitivité.

« Ce nouveau plan de suppression de plus de 640 postes va contribuer au plan d’économies de 450 millions d’euros annoncé en août, mais il est aussi la conséquence de la future fusion des réseaux de la Société générale et du groupe Crédit du Nord, car il va y avoir de nombreux doublons », analyse Frédéric Guyonnet, le président national du SNB-CFE-CGC. Il se désole que « les salariés soient la variable d’ajustement, en réaction aux mauvais résultats de la banque au premier semestre 2020 ».

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L’impact économique du second confinement est trois fois moindre que celui du premier

Si, d’un point de vue sanitaire, « il est trop tôt pour juger de l’effet du reconfinement », a estimé dimanche Olivier Véran sur France Inter, Franceinfo et dans Le Monde, côté économique, les premiers chiffres montrent que son impact est nettement moins violent. En novembre, l’activité devrait reculer de 12 %, selon l’enquête de conjoncture menée par la Banque de France et publiée lundi 9 novembre, tandis qu’elle avait plongé de 31 % en avril.

Cette enquête, menée auprès de 8 500 chefs d’entreprise, a démarré le 28 octobre, soit deux jours avant l’entrée en vigueur du deuxième confinement. L’essentiel des réponses étant parvenu après le 30 octobre, elle constitue « la première mesure de l’appréciation par les chefs d’entreprise de l’effet du confinement », souligne l’institution.

Le maintien de l’activité des services publics et des établissements scolaires joue un rôle significatif, pour un quart environ de l’écart entre les deux confinements. Le reste provient « de l’adaptation des entreprises » aux protocoles sanitaires et au télétravail, comme l’explique le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.

Aucun impact sur le bâtiment et la construction

Les chiffres en attestent : alors que l’activité dans l’industrie était tombée à 51 % de son niveau « normal » en avril, elle est en novembre de 89 %. Ce nouveau confinement n’a, notamment, aucun impact sur le bâtiment et la construction, contrairement à ce qu’il s’était passé au printemps, lorsque la plupart des chantiers avaient été arrêtés durant des semaines.

La situation est plus contrastée dans les services : si ceux alloués aux entreprises continuent de fonctionner normalement ou presque – quoique en télétravail –, la restauration, l’hébergement, les services à la personne et, dans une moindre mesure, le commerce connaissent peu ou prou le même recul d’activité qu’en avril. Le secteur de la restauration devrait ainsi tourner à 9 % de la normale en novembre, l’hébergement à 17 %.

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Mais, dans l’ensemble, souligne le gouverneur, « il y a moins d’opposition entre l’économique et le sanitaire : les entreprises ont appris à diminuer les effets économiques du confinement tout en protégeant les salariés ».

Ce nouveau confinement n’entraînera pas de dégradation d’ampleur de la récession prévue cette année, selon le gouverneur. « Alors que nous estimions la récession à 8,7 % du PIB avant la seconde vague, nous estimons aujourd’hui qu’elle sera entre 9 % et 10 % », dit-il.

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