Célèbre pour sa bouteille bleue d’éther, ses unidoses de sérum physiologique, ou son baume pour fesses de bébé, le laboratoire Gifrer risque de disparaître du paysage industriel français. Un comble en période de crise sanitaire. La direction a annoncé la fermeture des lignes de production de son site historique à Décines, à l’est de la métropole de Lyon. Ce qui va provoquer la suppression de 125 emplois sur les 215 que compte l’établissement centenaire. La procédure du plan de sauvegarde de l’emploi est enclenchée, dont les premiers effets sont attendus dès le mois de janvier 2021. La fabrication des produits devrait être confiée à des sous-traitants, en France et en Belgique, pour sa gamme de liniments. Il ne resterait dans la région lyonnaise que les services qualité, marketing et réglementation, selon le communiqué de la direction, diffusé le 15 septembre.
La potion est particulièrement amère pour les salariés. « Nous voyons couler une entreprise qui s’est mobilisée au plus fort de la crise liée au Covid, on nous annonce brutalement la fin de toute la production, alors qu’il est question de ressourcer les capacités industrielles françaises dans le domaine de la santé, ce n’est pas concevable », confie Bertrand Philit, 46 ans, élu CFDT au comité d’entreprise. Les salariés n’ont pas ménagé leur peine durant la période de confinement générale au printemps, en assurant la fabrication massive de gels hydroalcooliques. Ce qui a incité l’agence régionale de santé (ARS) à classer Gifrer comme « entreprise de produits de première nécessité ».
Selon la direction, le laboratoire a subi un résultat négatif de 10 millions d’euros au cours des cinq années passées, dont 6,5 millions pour le seul exercice 2019, et ce, malgré un chiffre d’affaires en progression de 3,8 % par an sur la même période. En cause : « l’obsolescence » du site de production, dont les charges ont affecté le résultat d’exploitation. « Les poids du site et de l’outil industriel devenaient insupportables. A un moment, les données financières et économiques vous rattrapent », déclare au Monde Karl Verlinden, 54 ans, président de Gifrer et du groupe familial belge Qualiphar, repreneur du laboratoire lyonnais, en 2000.
« Quand on rentrait chez Gifrer, c’était presque comme rentrer en religion, c’était pour la vie », témoigne un salarié
Une version contestée par les salariés, qui reprochent à la direction d’avoir laissé la situation se dégrader, sans anticiper ni investir à temps dans l’outil industriel. « Nous sommes persuadés qu’une alternativeest possible, nous voulons travailler à d’autres solutions pour préserver des emplois, la crise sanitaire nous a montré à quel point la production nationale manque de bras », dit Franck Swietlicki, 53 ans, secrétaire du CSE de Gifrer. Les salariés citent en exemple la production de produits antiseptiques pour les hôpitaux, que pourrait développer l’entreprise. Au mois de juillet, la direction avait annoncé un « plan de développement du site », en laissant espérer un rebond, par la vente d’une partie du terrain de 17 hectares. En septembre, le couperet est tombé. « On ne s’y attendait pas, on a l’impression que tout était déjà écrit d’avance », déplore l’élu CFDT.
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Un an après avoir mis en demeure la Caisse d’épargne Ile-de-France (CEIDF), la CGT a officiellement assigné en justice la société pour discrimination envers les femmes dans le cadre d’une action de groupe.
C’est la première fois que cette procédure est utilisée au motif de la discrimination de genre dans une entreprise privée. La loi pour la modernisation de la justice de 2016 permet aux syndicats de mener une action de groupe en cas de présomption de discrimination au travail. A cette occasion, la CGT a organisé une conférence de presse au siège de l’établissement le 7 octobre.
Caractère systémique
Selon le délégué syndical central CGT à la CEIDF Bernard Dantec, la discrimination envers les salariées de la Caisse d’épargne Ile-de-France revêt un caractère systémique, ce qui justifie l’action de groupe : « La maternité et le temps partiel sont clairement des freins la carrière des femmes, dénonce le syndicaliste. Chez nous, une femme qui a un enfant aura trois ans de retard sur sa carrière. Il n’y a que 25 % de femmes cadres supérieures ». L’entreprise compte 2 700 salariées sur quelque 4 700 collaborateurs.
Afin d’établir ces données, le syndicat, aidé par un collectif de quatre cabinets d’avocats, s’est appuyé sur les bilans sociaux de l’entreprise et des rapports de situation comparée. « On estime qu’il y a en moyenne 700 euros de différence mensuelle de salaire entre les hommes et les femmes qui travaillent dans l’entreprise, renchérit Bernard Dantec. Moi-même, j’ai appris que je gagnais 300 euros de plus que ma collègue standardiste. Pourtant, on exerce le même métier et on a la même ancienneté ! »
Huit témoignages de salariées s’estimant victimes de discrimination figurent également au dossier. « A l’échelle de l’entreprise, on voit les même schémas qui reviennent, affirme Me Clara Gandin, une des avocates de la CGT. On a par exemple le dossier d’une femme non-cadre à temps partiel, qui n’a pas vu sa carrière et sa rémunération bouger depuis quinze ans. Ce problème concerne l’ensemble des salariés à temps partiel ; or, la quasi-totalité d’entre eux sont des femmes ».
La CEIDF réfute en bloc ces accusations et met en avant le renouvellement de son label égalité Afnor, obtenu le 8 octobre. « A poste, ancienneté et compétences égales, on est en moyenne à moins de 1 % d’écart en termes d’égalité salariale », affirme Christine Bouvier. Pour justifier les éventuelles inégalités de traitement, la directrice des ressources humaines de la CEIDF met en avant le critère de la compétence. « Moi-même je suis une femme avec enfants, j’ai démarré à l’accueil et j’ai pu accéder à des postes de directeur d’agence, de groupe et maintenant de DRH, en étant soutenue et formée par mon entreprise. »
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Combien doit être payé un éboueur ? Une infirmière ? Un éducateur de jeunes enfants ? Une conductrice de tram ? En Allemagne aussi, la plupart de ces métiers sont peu considérés socialement, et mal payés. Durant la crise sanitaire, ce sont pourtant ceux qui ont continué à travailler malgré les risques de contamination, leurs métiers étant considérés comme « essentiels ».
« Applaudir ne suffit pas », accuse depuis quelques jours le syndicat Verdi, brocardant l’hypocrisie révélée par la crise du Covid : les habitants des classes moyennes supérieures des centres-villes prêts à célébrer à leur balcon les petites mains des services essentiels comme « héros du Corona », oublient souvent que ces derniers sont bien moins payés qu’eux. Le syndicat relève ainsi l’écart des rémunérations en Allemagne : les conducteurs et conductrices de bus et de tram gagnent en moyenne 11,38 euros brut de l’heure, les assistantes et assistants médicaux 11,56 euros, les employés des services de traitement des déchets 16,88 euros, tandis que « les autres métiers », souligne le syndicat, gagnent en moyenne 19,38 euros brut de l’heure. Fort de ce constat, Verdi réclame actuellement de substantielles revalorisations pour les 2,3 millions d’employés de la fonction publique : 4,8 % de hausse, avec une augmentation de 150 euros minimum.
Pour renforcer son pouvoir de négociation, le syndicat a lancé depuis quelques jours une série de grèves « d’avertissements » dans tout le pays. Ce type d’action est classique en Allemagne, il consiste à cesser le travail quelques heures seulement, en amont d’une négociation. Après un premier épisode de grève fin septembre, une nouvelle vague de cessation de travail est annoncée pour vendredi 9 octobre : plusieurs régions vont connaître des perturbations dans les transports, les crèches communales ou les hôpitaux.
Critiques de la méthode
Malgré la sensibilisation due à la période du confinement, la campagne de Verdi est loin de recueillir un soutien débordant en Allemagne. De nombreux observateurs critiquent la méthode. Alors que le nombre d’infections est en hausse dans le pays, les grèves d’avertissement contribuent à perturber le quotidien de ceux qui ont déjà payé un lourd tribut à la pandémie : les familles avec de jeunes enfants, dépendantes des écoles, ou les salariés des métiers pour lesquels le télétravail n’est pas possible, condamnés aux bouchons s’ils ne peuvent pas prendre les transports en commun. Et tous les fonctionnaires ne sont pas, loin s’en faut, payés au même niveau que les conductrices de tram.
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Tribune. L’histoire de la gouvernance des entreprises a bifurqué en 2008, quand la déflagration financière a marqué la fin de l’euphorie néolibérale qui conférait aux marchés une perspicacité infaillible sur les stratégies des sociétés. Non seulement cette infaillibilité était contredite par les faits, mais il apparut que les entreprises avaient été ravagées par des exigences de profits déconnectées de leurs capacités réelles.
Un nouveau chapitre s’est alors ouvert, même si sa rédaction est restée hésitante. La performance globale des entreprises a intégré leur « responsabilité sociale », c’est-à-dire l’impact géopolitique, sociétal et environnemental de leur activité. Les exigences de leur « mission » ont même été récemment opposées à leurs objectifs de profits. Même tâtonnants, les critères extra-financiers ont brisé le monopole exclusif du profit comme indicateur de la réussite économique.
Portées par la société civile et relayées par la puissance publique, ces revendications ont voulu atténuer la logique qui, depuis trois décennies, alignait les intérêts des dirigeants sur ceux des investisseurs. Car la gouvernance obéit aux rapports de force entre les pouvoirs qui la constituent.
Intervention de l’Etat
Dans les années 1990, les caisses de retraite et les fonds d’investissement avaient orienté massivement l’épargne des ménages vers la Bourse, notamment pour valoriser les futures pensions, bouleversant la relation entre les très grandes entreprises et les détenteurs de leur capital. Les actionnaires de long terme se sont mués en millions d’investisseurs, moins intéressés par le projet de l’entreprise que par un rendement assurant une bonne rémunération de l’épargne.
Conséquence : dès lors que les dirigeants garantissaient des niveaux de dividendes suffisamment élevés aux investisseurs, ils n’avaient plus de contre-pouvoir. Ils ont donc eu intérêt à réorganiser la production pour que soient réalisés les profits promis aux marchés. D’où la financiarisation des entreprises, l’obsession pour la « création de valeur pour l’actionnaire » (en fait, pour l’investisseur) et, comme signes de la puissance des « grands patrons », l’explosion de leurs rémunérations et leur starification à des niveaux inconnus jusque-là.
Ce régime de gouvernance n’était pas sans danger. En accordant un énorme pouvoir aux dirigeants dès lors qu’ils satisfont « les marchés », on peut mettre en péril l’épargne des ménages en cas d’erreur stratégique, d’escroquerie, de spéculation ou de faillite. Ce qui n’est pas rare : le groupe Maxwell s’effondre en 1991, Enron en 2001, Madoff en 2008, Theranos en 2018… et tant d’autres, engloutissant à chaque fois l’épargne placée en capital, malgré ou à cause de flamboyants dirigeants.
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Nouvelle péripétie dans le feuilleton judiciaire des travailleurs « ubérisés ». Jeudi 8 octobre, la cour d’appel de Paris a débouté deux livreurs à vélo qui demandaient à se voir reconnaître le statut de salarié pour la période où ils collaboraient avec une plate-forme numérique.
Cet arrêt retient l’attention car il va à contresens de décisions d’autres juridictions dans des affaires similaires. Il est rendu au moment même où le gouvernement réfléchit à de nouvelles mesures pour réguler ce champ de l’économie, dont l’expansion bouscule notre modèle social, très largement appuyé sur le salariat. Le sujet doit d’ailleurs faire l’objet de discussions, cet automne, entre l’exécutif et les partenaires sociaux.
La décision de la cour d’appel concerne deux coursiers (ou « runners »), qui ont effectué des livraisons à domicile pour le compte de la société Tok Tok Tok. Payés à la tâche, ils ont exercé leur activité en qualité d’autoentrepreneur : ce statut est moins protecteur que celui de salarié et permet à la plate-forme, recourant ainsi à des livreurs, de s’affranchir du code du travail comme du paiement de cotisations sociales. Un modèle dont s’est également inspiré Uber, le groupe de transport par véhicules de tourisme avec chauffeur – d’où le néologisme « travailleurs ubérisés ».
Fin 2014, les deux runnersde Tok Tok Tok ont saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin que soit requalifiée en contrat de travail leur relation avec la start-up. Sans succès. Ils ont donc interjeté appel. Leur argumentaire consiste à démontrer qu’ils n’étaient nullement indépendants, contrairement à ce que laisserait supposer leur statut d’autoentrepreneur : de nombreuses contraintes pesaient sur eux, disent-ils, ce qui prouve l’existence d’un lien de subordination caractérisant la condition de salarié.
Des litiges appréciés au « cas par cas »
Ainsi, ils invoquent notamment le fait d’avoir été soumis à une « clause d’exclusivité » qui leur interdisait d’effectuer des livraisons pour d’autres sociétés. Ils affirment également que la plate-forme leur avait fourni le matériel nécessaire pour réaliser la prestation (téléphone portable, uniforme complet aux couleurs de la société, carte bancaire…). En outre, Tok Tok Tok contrôlait, d’après eux, le port de la tenue et avait prévu des sanctions en cas d’oubli. Ils assurent, qui plus est, ne pas avoir eu le choix des jours et horaires de travail.
Dans deux arrêts distincts mais avec des motivations très proches, la cour d’appel a rejeté la demande des runners, estimant qu’ils « ne rapport[aient] pas la preuve » d’un « lien de subordination juridique » entre eux et la start-up. Tous les éléments factuels qu’ils mettaient en avant ont, en effet, été jugés inopérants.
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Après en avoir été chassés par la crise sanitaire, les intérimaires continuent à faire leur retour dans les entreprises. Selon les données publiées le vendredi 9 octobre par la Dares, le département de statistiques du ministère du travail, on comptait à la fin du mois d’août 685 893 intérimaires en France, contre 363 452 en avril, au plus fort de la crise.
Certes, le total du mois de février (796 025) est encore loin, mais la dynamique de l’intérim est si bonne qu’elle devrait largement impacter les prochains chiffres de l’emploi salarié. Ainsi, l’Insee indiquait dans sa note de conjoncture du 6 octobre que le rebond attendu de l’emploi salarié au troisième trimestre (+163 000) « serait notamment le fait de l’emploi intérimaire. Les données mensuelles montrent que la hausse de l’emploi intérimaire, entamée dès le mois de mai, s’est poursuivie à un rythme soutenu en juillet et en août ».
Cet impact sur les chiffres de l’emploi salarié n’est pas une nouveauté. Depuis le début de la crise, l’emploi intérimaire joue un rôle crucial. Le bilan catastrophique du 1er trimestre (-2 %, soit -499 700 emplois) avait été plombé par la forte contraction de l’emploi intérimaire, qui représentait à lui seul 63 % des destructions d’emplois (-318 600 emplois). Idem, au 2e trimestre où l’emploi salarié avait un peu mieux résisté (-0,9 %, soit -215 200 emplois), avant tout grâce à la reprise des embauches d’intérimaires (+108 100 emplois).
Rebond dans la construction
Ce mouvement de balancier de l’emploi intérimaire est principalement influencé par la situation dans le bâtiment. Après avoir vu son nombre d’intérimaires tomber au plus bas (26 000 en avril, contre 164 000 en février, soit une baisse de 83 %), le secteur de la construction a en effet regagné 105 000 intérimaires entre avril et fin juillet, contre un gain de 97 000 intérimaires dans le tertiaire et 67 000 dans l’industrie, deux secteurs en proportion moins touchés par la chute de l’intérim entre février et avril (avec respectivement des baisses de -42 % et -51 %).
L’intérim est certes traditionnellement la première variable d’ajustement des entreprises en matière d’emploi. Mais l’économie reste fortement soutenue par les pouvoirs publics, notamment via le chômage partiel, ce qui a pour le moment empêché que les destructions d’emplois soient encore plus massives.
Les aides mises en place n’étant pas éternelles, l’Insee prévoit toutefois une nouvelle chute de l’emploi salarié au quatrième trimestre (-176 000). Signe que l’économie française est loin d’être sortie du marasme.
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« Nous avons besoin de renfort », a lancé Olivier Véran, le 27 septembre, appelant les soignants à venir combler les « postes ouverts, les postes financés, qui ne sont pas pourvus » dans les maisons de retraite. La pénurie chronique de personnels devient de plus en plus critique avec le rebond de l’épidémie de Covid-19. Le ministère des solidarités et de la santé cherche de nouveaux « leviers » pour pallier les manques d’effectifs. « Le recrutement de 20 000 personnes dès 2021 permettrait de soulager les effectifs sous-tensions et très éprouvés par la première vague du printemps mais aussi d’améliorer l’accompagnement des résidents », estimeFrédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France.
« La première vague de l’épidémie a laissé des séquelles psychologiques et somatiques. Les équipes vivent un stress post-traumatique », explique Pascal Meyvaert, vice-président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendarntes (Ehpad).
Le mauvais moral des personnels se traduit par des arrêts de travail, des congés maladie, voire des démissions : « C’est inquiétant, reconnaît Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (ADPA). On a des salariés qui commencent à nous dire qu’il va falloir faire sans eux si une seconde vague épidémique arrive. » « Le sujet qui nous mobilise le plus est celui du renfort en ressources humaines », confirme Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie.
Volontaires peu nombreux
La situation est aussi tendue en raison des possibilités de renfort moindres qu’au printemps. Les nombreuses déprogrammations d’actes médicaux dans les hôpitaux avaient alors permis que des soignants disponibles viennent prêter main-forte aux Ehpad. Cette fois, les volontaires sont peu nombreux. Les bénévoles ne se manifestent guère.
Le besoin de recrutements est d’autant plus grand que les campagnes de tests de dépistage du Covid-19, les précautions d’hygiène liées au virus et les visites sur rendez-vous des familles sont chronophages dans les Ehpad. « Une dizaine de visites par jour impliquent que les équipes consacrent une heure cumulée pour prendre la température des familles, leur faire remplir la charte de bonne conduite, désinfecter les locaux après leur départ », calcule Gaëlle Guillerme, directrice d’un Ehpad appartenant au groupe Korian au Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne). Une charge supplémentaire pour le personnel, sans qu’il soit « possible de recruter », dit-elle.
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« Derrière les écrans. Les nettoyeurs du Web à l’ombre des réseaux sociaux » (Behind the Screen. Content Moderation in the Shadows of Social Media), de Sarah T. Roberts, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Renaut, préface d’Antonio Casilli, La Découverte, 264 p., 22 €, numérique 16 €.
Bien que celles et ceux qui ont participé à sa création depuis les années 1960 aient proposé de le décrire à l’aide de métaphores épurées, comme celles d’« espace » ou de « réseau », Internet n’en demeure pas moins un vaste dépotoir où se déversent chaque jour des contenus violant la loi ou les limites de la décence dans de multiples domaines.
A l’époque des défricheurs et des forums de discussion, les débats charriaient aussi leur lot de disputes, d’insultes ou de provocations. Mais il semblait alors qu’il suffisait d’édicter des règles de comportement et de nommer quelques « modérateurs » pour les éradiquer. Cette forme artisanale de modération des contenus suscita l’intérêt des observateurs jusqu’aux années 2000 mais, dans les faits, elle ne conduisit pas à supprimer beaucoup de contenus.
Explosion du partage de vidéos
Lorsque, en 2010, Sarah T. Roberts, dont paraît en français Derrière les écrans, travail pionnier issu d’une thèse soutenue en 2014, commença à se pencher sur la façon dont les contenus sont modérés dans cet « espace de contrôle, de surveillance, d’intervention et de circulation où l’information est devenue une marchandise », elle était parmi les premières. Elle constata, paradoxalement, que les modérateurs de contenus étaient devenus invisibles au moment même où explosait le partage de vidéos sur des plates-formes comme YouTube ou Facebook. Des vidéos dont une part considérable s’apparente à du spam ou viole, au choix, le droit d’auteur, les lois en matière de pornographie, le sens moral des internautes ou leur sensibilité.
« Pourquoi, s’est alors demandé cette chercheuse de l’université de Californie (Los Angeles), ne parlions-nous pas collectivement d’eux, du travail qu’ils faisaient et de l’impact qu’il avait sur eux, ainsi que sur l’Internet ? »
Pour répondre à cette question, Sarah Roberts s’est lancée à la recherche des « nettoyeurs » du Web dans les grandes entreprises de la Silicon Valley et chez des sous-traitants en Espagne, aux Philippines ou dans l’Iowa. Elle a analysé, au fil de discussions avec eux, leur état de fatigue émotionnelle après des heures passées à supprimer des vidéos d’atrocités guerrières ou pornographiques, ou à signaler aux autorités les abus suspectés sur les mineurs et les annonces de suicide.
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En 2019, le nombre d’accidents du travail a continué d’augmenter, mais à un rythme plus faible que l’année précédente. C’est l’un des enseignements de la synthèse diffusée mardi 6 octobre par l’assurance-maladie/risques professionnels, l’une des quatre branches de la Sécurité sociale. La légère hausse enregistrée recèle des disparités assez importantes selon les secteurs, la tendance étant plus marquée dans les entreprises de services.
Près de 656 000 accidents du travail ont été reconnus en 2019, soit un accroissement de 0,6 % après une progression de 2,9 % en 2018. Pour l’assurance-maladie, l’évolution de l’an passé est « attribuable » à la croissance des effectifs de salariés (+ 2 %). Si l’on ramène le nombre d’accidents pour 1 000 travailleurs, on constate d’ailleurs que les résultats sont plus favorables puisque la fréquence des « sinistres » diminue un tout petit peu, passant de 34 à 33,5. Il s’agit d’un « plancher stable depuis plusieurs années », qui se situe même « à un niveau historiquement bas » – quasiment quatre fois moins élevé que le record relevé au moment de la création du dispositif.
Hausse du nombre de maladies
La situation n’est pas la même, d’une branche à une autre. Ainsi, entre 2018 et 2019, le bâtiment et les travaux publics enregistrent une baisse des accidents de 0,3 %, qui est d’autant plus notable que la main-d’œuvre employée dans le secteur s’est étoffée. De même, la chimie, le commerce non alimentaire tout comme les industries du bois, du papier et du textile ont vu les sinistres refluer d’environ 1 % (voire un peu moins).
En revanche, la courbe va dans l’autre sens, s’agissant des activités tertiaires (administrations, banques, assurances…), avec une augmentation de 4 % du nombre des accidents du travail, en 2019. Idem dans les entreprises d’intérim et l’action sociale (+ 1,3 %).
Quant aux sinistres ayant lieu pendant un trajet, ils restent sur une pente ascendante, pour s’élever à 99 000, soit « le niveau le plus haut (…) depuis 2000 ». L’assurance-maladie précise que les accidents survenus à l’occasion d’un déplacement à vélo ou à « patinettes » se sont accrus de 600 en douze mois. Une évolution évidemment en ligne avec les changements qui interviennent dans les modes de transport utilisés pour gagner les lieux de travail.
Les données publiées mardi restent muettes sur le nombre de décès causés par des accidents du travail – celui-ci devant être divulgué dans un rapport plus complet qui sera communiqué durant l’automne. Pour mémoire, en 2018, 551 personnes avaient perdu la vie en travaillant – un chiffre qui « varie depuis plusieurs années dans une fourchette comprise entre 500 et 550 ».
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