Archive dans mai 2020

Culture, tourisme, hôtellerie : changement de plans pour les futurs diplômés

Topic / Photononstop

Juste avant le confinement, Tobias, étudiant en master hôtellerie de luxe à l’université de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne), était en stage depuis deux mois dans un palace parisien. Sanglé dans un uniforme de gouvernant, il apprenait, pour clore ses études, à encadrer une équipe. Il aurait pu être embauché par la suite. Mais avec le confinement, le palace a fermé ses portes. « Je vais devoir chercher un travail dans un secteur en crise avec seulement deux mois d’expérience », se désole-t-il. Il a aussi perdu son job au parc d’attractions de Disney, qui lui permettait d’arrondir ses fins de mois. Désormais, pour ce jeune Allemand qui a suivi toute sa scolarité en France, les plans sont totalement chamboulés. Si le palace ne rouvre pas cet été, Tobias envisage de suivre une année d’études supplémentaire, pour s’insérer l’année prochaine sur le marché du travail dans de meilleures conditions. Pourquoi pas « un MBA dans une école de gouvernants ».

Alors que l’hôtellerie-restauration, le tourisme et la culture sont particulièrement affectés par la crise liée au coronavirus, les futurs diplômés de ces secteurs anticipent de graves difficultés pour trouver un emploi. Hervé Becam, vice-président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), présage une année noire, avec « 20 % à 25 % des entreprises qui ne rouvriront pas » si les aides ne sont pas maintenues. « La priorité à court terme des entreprises est de se relever et de refaire travailler leurs équipes », estime George Rudas, président de l’Institut français du tourisme. Les embauches passent au second plan. « Les perspectives sur le marché du travail sont sombres, au moins équivalentes aux crises de 1993 et 2008. Les derniers arrivés, de n’importe quel secteur, sont les premiers touchés par la crise. Les jeunes se retrouvent dans une file d’attente, et vont être touchés de plein fouet par cette récession », explique Philippe Askenazy, économiste du travail et directeur de recherches au CNRS.

Stages amputés

Conscients de ces difficultés, les étudiants en fin de cycle tentent de s’adapter, pour éviter le chômage à la rentrée. Inès (son prénom a été changé) est en master tourisme monde chinois et digital marketing à Angers, et continue son stage dans une agence de voyage en télétravail. Bilingue en mandarin et passionnée par l’Asie, elle sait qu’elle devra revoir ses ambitions à la baisse : le tourisme international se trouve au point mort. Pour les prochains mois, cette Angevine, qui a l’habitude de se « débrouiller seule », compte « trouver un job alimentaire, et miser sur le marketing digital, plus porteur ». Florent, qui devait commencer un CDD dans une galerie d’art à Marseille, travaille maintenant dans les champs de son père, agriculteur. Optimiste, il pense qu’il sera rappelé plus tard mais qu’en attendant il « acceptera n’importe quel job, sans faire la fine bouche ».

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L’Etat chinois entre au capital de Norwegian

Un avion de la compagnie Norwegian atterrit à Stockholm, le 16 mars.
Un avion de la compagnie Norwegian atterrit à Stockholm, le 16 mars. JONATHAN NACKSTRAND / AFP

L’information principale aurait dû être que la compagnie aérienne à bas coûts Norwegian Air Shuttle, en cours de reconstruction, répondait enfin aux conditions posées par l’Etat norvégien, lui permettant d’obtenir les 2,7 milliards de couronnes (248 millions d’euros) de garanties promises, en plus des 300 millions déjà accordés. Mais c’est d’abord l’entrée de l’Etat chinois au capital de Norwegian qui a retenu l’attention des médias nordiques.

Mercredi 20 mai au matin, la compagnie aérienne – huitième d’Europe et troisième du secteur « low cost » derrière Ryanair et easyJet en termes de passagers transportés – a confirmé que BOC Aviation, la société de leasing d’avions commerciaux, contrôlée par l’Etat chinois, allait devenir un de ses plus gros actionnaires.

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Selon le communiqué de presse, « Boc Aviation est une compagnie contrôlée par Sky Splendor Limited, qui est contrôlé par la Bank of China Limited, qui est contrôlé par Central Huijin Investment Ltd, qui est contrôlé par Kina Investment Corporation, qui appartient à la République de Chine ».

Très endettée avant le début de la pandémie

Déjà très endettée avant le début de la pandémie de Covid-19, Norwegian s’est retrouvée dans une situation critique, après l’effondrement du trafic aérien. Le 8 avril, la compagnie avait présenté un plan de crise. Il prévoyait de convertir en actions une partie de sa dette auprès des sociétés de leasing, des banques et de ses autres créanciers.

L’objectif, rappelait alors le PDG, Jacob Schram, était « de remplir les conditions fixées par les autorités pour obtenir des garanties d’une valeur totale de 3 milliards de couronnes », qui devaient lui permettre de se consolider.

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Avec 15,9 % du capital et des obligations convertibles représentant 7,2 % supplémentaires, la société irlandaise AerCap Holdings, qui loue onze de ses vingt-six avions Dreamliner à Norwegian, devient son principal actionnaire. En deuxième position : la compagnie chinoise BOC aviation, qui lui a fourni quatre appareillés entre 2018 et 2019, récupère 12,6 % de son capital.

« Plus de valeur vivante qu’en faillite »

Interrogé par le quotidien suédois Dagens Nyheter, Jacob Pedersen, chef analyste auprès de la Sydbank, minimise l’aspect stratégique de l’opération : « C’est une mesure défensive. Je ne pense pas qu’une de ces sociétés de leasing le désirait vraiment. Elles vivent de la location d’avions, pas de l’actionnariat dans une compagnie aérienne. » Pour lui, les créanciers de Norwegian ont dû faire un choix : laisser la compagnie couler, ou bien lui jeter une bouée de sauvetage. « Ils ont décidé que Norwegian avait plus de valeur vivante qu’en faillite. »

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Tout en se félicitant de l’opération, le PDG de Norwegian a averti que « les mois à venir demeureront difficiles, avec un degré d’incertitude élevé pour le secteur ». Il a rappelé que la compagnie devrait « encore collaborer étroitement avec un certain nombre de créanciers, dans la mesure où les revenus de la compagnie sont actuellement limités ».

1 571 pilotes et 3 134 membres d’équipage licenciés

Le 20 avril, Norwegian avait déclaré la faillite de quatre de ses filiales, en Suède et au Danemark, entraînant le licenciement de 1 571 pilotes et 3 134 membres d’équipage, dans les deux pays scandinaves, ainsi qu’en Finlande, en Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Jacob Schram avait mis en cause l’absence de dispositifs efficaces de chômage partiel en Suède et au Danemark. Les 700 pilotes et 1 300 membres d’équipage situés en France, en Italie et en Norvège sont pour le moment épargnés.

En 2019, la compagnie a terminé dans le rouge pour la troisième année d’affilée. Elle imputait alors ses mauvais résultats à la crise du Boeing 737 MAX – elle avait reçu 18 appareils juste avant leur immobilisation forcée – et aux moteurs Rolls-Royce défectueux de ses Dreamliner, ainsi qu’à une stratégie d’expansion à marche forcée qui n’a pas apporté les résultats escomptés.

En début d’année, Norwegian avait annoncé une réduction de son offre de 13 % à 15 % pour 2020. Mercredi, le titre de la compagnie a dévissé de 31,2 % à la Bourse d’Oslo, après un afflux de 400 millions de nouvelles actions, soit un recul de plus de 90 % depuis le début de l’année.

Coronavirus : les employeurs s’intéressent peu à la mobilité de leurs salariés

Sur le parvis de la Défense (Hauts-de-Seine), le 11 mai.
Sur le parvis de la Défense (Hauts-de-Seine), le 11 mai. MARTIN BUREAU / AFP

« Aucun responsable ne m’a donné d’instruction au sujet de mon heure d’arrivée au bureau ». Antoine [tous les prénoms des salariés ont été modifiés] travaille dans une tour de la Défense (Hauts-de-Seine), où son employeur salarie 15 000 personnes. Comme les autres entreprises franciliennes, cette importante société est pourtant membre du Medef Ile-de-France.

Or, quelques jours avant le déconfinement, l’organisation patronale a signé, avec les élus franciliens et deux syndicats, une charte incitant les employeurs à étaler les heures de départ et d’arrivée pour éviter les pics d’affluence dans les transports publics. Dans son entreprise, Antoine a proposé que des places de stationnement temporaires soient aménagées pour les salariés décidés à venir à vélo, « mais cela ne semble pas intéresser les manageurs », regrette-t-il.

« Je n’ai pas vu passer de directive concernant les aménagements d’horaires, ni au siège ni dans les agences », constate, pour sa part, Christiane, responsable de la qualité dans une entreprise de prestations de services. « Mais il est possible que les salariés aient négocié leurs horaires avec leur supérieur direct », espère-t-elle.

« Les mesures concrètes sont rares »

Même constat sur un site industriel de la banlieue de Grenoble, où travaillent, en temps normal, 800 personnes. « La mobilité des salariés n’a fait l’objet d’aucune réflexion. Pour l’instant, nous avons un gros sujet, l’organisation de la cantine », admet Yannick, à qui sa direction a confié une mission de « référent mobilité ». Plusieurs autres témoignages, dans les secteurs du commerce, de l’administration ou des services, montrent que l’intérêt des employeurs pour les déplacements des salariés se limite à l’octroi des attestations exigées dans les transports en commun.

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« Nous évoquons la mobilité avec nos clients, qui sont des grandes entreprises déjà sensibilisées. Mais les mesures concrètes destinées à tenir compte de l’épidémie sont rares », confirme Timothée Quellard, cofondateur de la société de conseil en développement durable Ekodev. Ainsi, un géant du secteur de l’énergie « donne à ses salariés le choix d’arriver au travail entre 7 et 10 heures, mais aucune instruction précise n’est laissée aux manageurs », souligne-t-il. Par ailleurs, les « fiches conseils métiers », publiées depuis le mois d’avril par le ministère du travail dans le cadre de la protection contre le Covid-19, ne comprennent aucun élément sur la mobilité des salariés.

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Covid-19 : les microentrepreneurs touchés, mais pas totalement coulés

Un chauffeur de taxi attend des clients à l’extérieur de la gare d’Austerlitz, à Paris, le 17 mars.
Un chauffeur de taxi attend des clients à l’extérieur de la gare d’Austerlitz, à Paris, le 17 mars. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Dans la galaxie des indépendants, les microentrepreneurs tiennent une place à part. Ils sont 900 000 à appartenir au statut juridique créé en 2009 sous le nom d’autoentrepreneur, et rebaptisé en 2014. Selon une enquête OpinionWay menée du 12 au 15 mai pour l’Union des Auto-Entrepreneurs (UAE) auprès d’un échantillon de 335 personnes représentatif de la population des autoentrepreneurs français âgée de 18 ans et plus, et constitué selon la méthode des quotas, 83 % d’entre eux ont été contraints de cesser totalement leur activité pendant la crise, parfois parce qu’elle exige des déplacements ou suppose un regroupement de personnes.

C’est le cas par exemple des chauffeurs, des coachs sportifs, des livreurs… Or, parmi ces 900 000 personnes, une sur deux ne dispose d’aucune autre source de revenus : ni indemnités chômage, ni pension de retraite. « C’est la population la plus touchée par les conséquences du confinement », souligne François Hurel, président de l’UAE. Pourtant, c’est aussi une population qui affiche aujourd’hui une forte résilience et un brin d’optimisme.

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En effet, toujours selon cette enquête, seulement 7 % disent vouloir jeter l’éponge et trouver un autre métier, alors que 80 % sont résolus à reprendre leur activité le plus rapidement possible. « Paradoxalement, pendant cette crise, le travail indépendant a montré qu’il avait de l’avenir », poursuit M. Hurel. « La prestation de services s’est largement renforcée dans tous les domaines, et le numérique a confirmé sa place fondamentale. »

Capacités d’adaptation

« On observe que les indépendants ont souvent développé des activités complémentaires ou se sont réinventés », confirme Guillaume Cairou, PDG de Didaxis-Hiworkers et fondateur de l’Observatoire du travail indépendant. Dans certains secteurs, les microentrepreneurs ont montré qu’ils savaient s’adapter, qu’il s’agisse de professeurs de yoga qui se sont mis à faire des cours en visioconférence, de professionnels de la santé qui ont développé les consultations par téléphone ou de retoucheurs reconvertis dans la fabrication de masques en tissu.

Reste que, dans de nombreux cas, la relance de l’activité nécessite un investissement minimal afin de se munir des équipements sanitaires indispensables pour se protéger, ainsi que les clients. Le risque sanitaire apparaît en effet au premier rang des inquiétudes face à la reprise, devant le retour des clients. Or, environ un tiers de ces entrepreneurs invoquent des difficultés de trésorerie, alors que 85 % d’entre eux n’ont à ce jour bénéficié d’aucune aide à la reprise, d’après l’UAE.

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Entre insomnie, chute des revenus et volonté d’avancer, les indépendants racontent leur crise

Elle propose des soins a domicile et effectue ses deplacements en triporteur.

Rodolphe ESCHER/Divergence Pour Le Monde

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Publié aujourd’hui à 11h02

Leurs revenus s’étagent de 330 euros par mois pour les livreurs à domicile à 8 800 euros pour les médecins (selon les chiffres diffusés par l’Insee dans une note d’avril 2020). Un grand écart qui témoigne de l’hétérogénéité des situations parmi les près de 3,2 millions de personnes non salariées en France. Les indépendants exercent en effet dans des domaines très différents. On y retrouve, outre les livreurs, chauffeurs de VTC et autres réparateurs, des coachs sportifs ou des kinésithérapeutes, des artistes ou des photographes, des médecins et des avocats, des métiers de conseil, ainsi que des chefs d’entreprise. Leur point commun : ils n’ont pas de lien de subordination juridique permanent à l’égard d’un donneur d’ordre et ne disposent pas de contrat de travail. De ce fait, ils ne bénéficient pas de la protection du droit du travail ou du régime d’assurance-chômage. Ils sont donc particulièrement vulnérables en période de crise et celle-ci ne les a pas épargnés.

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Inéligibles au chômage partiel, ils ont pu bénéficier, pour une partie d’entre eux, de l’aide de 1 500 euros prévue par le gouvernement. Au 18 mai, près de 257 millions d’euros ont ainsi bénéficié aux indépendants, d’après Bercy. Autre mesure qui a pu les aider à trouver un peu d’air – mais qui ne concernait pas les microentrepreneurs –, la possibilité de moduler le taux et les acomptes de leurs prélèvements fiscaux. L’association GSC, qui propose des dispositifs d’assurance volontaire en cas de chute de leur activité, a enregistré une augmentation de 73 % des appels pendant la crise, preuve que ces dispositions n’ont pas suffi. « Notre fonds social a pu distribuer 620 000 euros au total, sous forme d’aides de 1 500 à 2 500 euros, afin de pouvoir accompagner un maximum de personnes », explique Anthony Streicher, président de l’association. Combien de ces chauffeurs, professeurs de yoga, coiffeurs à domicile ou free-lances vont pouvoir repartir après la crise ? « Il ne suffit pas maintenant de rouvrir, il va falloir tenir sur la durée », ajoute Thierry Millon, directeur des enquêtes chez Altares.

  • « Pendant deux semaines, il ne s’est rien passé. J’étais chez moi, inquiète », Jeanne Morel, 46 ans, entrepreneuse dans le bâtiment, Marseille

Au soleil du Luberon, Jeanne Morel, 46 ans, finit de réparer la toiture de son cabanon. Cette ancienne styliste pour des marques de streetwear, établie à Marseille, travaille depuis trois ans à son compte dans le domaine de la rénovation générale. Une reconversion après la fermeture de l’entreprise pour laquelle elle travaillait. « Maçonnerie, plomberie, menuiserie… Habituellement seule, sauf quand le chantier est trop gros ou vraiment trop technique », note cette autoentrepreneuse, qui a aussi gardé un pied dans la régie de photographies de mode. « Normalement, cette deuxième activité prend le relais au printemps… Mais là, tous les shootings ont été annulés », explique-t-elle.

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Temps de travail : la disponibilité totale des salariés est attendue pour la reprise

« Cette prudence affichée n’exclut cependant pas une vision à plus long terme. Des organisations misent ainsi sur une accélération de l’activité d’ici quelques mois et s’y préparent. »
« Cette prudence affichée n’exclut cependant pas une vision à plus long terme. Des organisations misent ainsi sur une accélération de l’activité d’ici quelques mois et s’y préparent. » Ingram / Photononstop

Chez Saunier Duval, on appelle cela « l’ouverture maximale ». Accueillant ses salariés le jour, la nuit et les week-ends, l’usine nantaise spécialisée dans le matériel de chauffage a revu son organisation du travail en ce mois de mai. « C’est un dispositif que nous adoptons habituellement à l’automne, durant notre haute saison », explique son directeur général, Eric Yvain. Les lignes de production devraient cette année fonctionner tous les week-ends jusqu’à la fin de l’année avec, en poste, des salariés volontaires.

« Une telle amplitude horaire nous permet aujourd’hui d’avoir une meilleure gestion de l’espace pour respecter les impératifs sanitaires », indique M. Yvain. Elle témoigne aussi de la volonté de la société de reprendre au plus vite son activité. « Nous souhaitons être à pleine puissance dès juin, confirme-t-il. Nous avons accumulé du retard sur les commandes durant le confinement. Il y a donc urgence à produire pour que le second semestre se déroule dans les meilleures conditions possibles ».

Le code du travail assoupli

A l’heure du déconfinement, des sociétés comme Saunier Duval adaptent leur fonctionnement interne, cherchant à rattraper une partie de l’activité perdue. « Des réflexions ont lieu pour aménager l’organisation afin de gagner en souplesse face aux besoins immédiats, confirme Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH. Certaines s’intéressent par exemple à l’annualisation du temps de travail ou à la mise en place d’un système d’heures supplémentaires. »

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Le gouvernement avait montré la voie. Des ordonnances ont assoupli le code du travail, introduisant des dispositions temporaires sur le temps de travail et la prise de congés. Des accords de branche ou d’entreprise ont également vu le jour, imposant aux salariés la prise de jours de congés pendant le confinement ou limitant les congés d’été à deux semaines consécutives. Une mesure qui devait, entre autres, favoriser une plus grande disponibilité des collaborateurs à l’heure de la reprise.

Tout l’enjeu, pour elles, est de disposer d’effectifs suffisants en juillet et août pour mener la relance de l’activité. C’est le cas notamment chez Saunier Duval. « C’est un sujet que nous allons aborder avec le personnel durant le mois de mai », explique M. Yvain qui anticipe par ailleurs des recrutements, afin que « l’usine ait les ressources pour tourner quasiment à plein régime en août ».

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En Dordogne, la société de nettoyage ASNBD connaît également une reprise à un rythme élevé. Fait rare, le déconfinement lui a offert une conjoncture favorable, entreprises et collectivités de son département cherchant toutes à faire désinfecter leurs locaux. Après avoir connu le chômage partiel, les trente salariés enchaînent désormais les missions. « Certains font jusqu’à 15 heures supplémentaires par mois, explique Brigitte Dupuy, la gérante. Et cette intensification du travail devrait durer : les clients vont nous demander de revenir très régulièrement. »

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Dans certains secteurs, la reprise de l’activité est suspendue aux municipales

Des employés des Chantiers de l’Atlantique, le 18 mai à Saint-Nazaire.
Des employés des Chantiers de l’Atlantique, le 18 mai à Saint-Nazaire. LOIC VENANCE / AFP

Avant ou après l’été ? La question de la date des municipales est aussi un véritable enjeu économique. Certains secteurs, dont l’activité a été fortement ralentie dès février par l’apparition de l’épidémie en Chine, puis mise à l’arrêt par les mesures de confinement, ont besoin pour repartir d’une impulsion qui ne vient pas, faute de décisionnaires dans les communes et les intercommunalités.

Les maires et conseils municipaux non renouvelés ne sont pas en mesure de prendre des décisions d’investissement importantes, telles que la rénovation des infrastructures existantes ou le lancement de nouveaux projets d’envergure, qui arrivent d’ordinaire assez rapidement après une élection. Or, rappelle Pierre Verzat, président de la fédération professionnelle Syntec-Ingénierie, qui rassemble 400 entreprises du secteur, « l’échelon municipal est à l’origine de 50 % de la commande publique en France ».

L’Etat, lui, ne représente que moins de 35 % de ces investissements publics. Les communes et intercommunalités pèsent, par leur poids économique, 1,2 % du PIB. Un levier d’activité non négligeable dans le contexte du Covid-19 et alors que la relance de l’activité figure au premier rang des priorités. « Tant que les conseils municipaux ne seront pas élus, les commissions d’appel d’offres ne pourront pas se réunir et toutes les décisions sont bloquées, ajoute encore Pierre Verzat, qui précise que le nombre d’appels d’offres est en baisse de 20 % par rapport à la normale. Si on veut qu’il se passe quelque chose avant l’été, le temps presse. »

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« La commande publique locale menace de s’effondrer »

Les entreprises du secteur maintiennent encore 20 % de leurs salariés en chômage partiel, preuve que l’activité reste en net retrait. L’ingénierie fait également figure d’avant-poste pour deux autres secteurs : les travaux publics et le bâtiment. L’activité provient également en partie de la commande publique pour le premier, et de la délivrance des permis de construire pour le second.

« Sur les 45 milliards de chiffre d’affaires du secteur en 2019, 15 milliards sont liés aux collectivités locales au sens large », notait en mars Julien Guez, directeur général de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). « Si le trou d’air observé actuellement dans les appels d’offres se poursuit, les carnets de commandes des TPE-PME en viendraient très rapidement à se vider », observe la FNTP, alors que le secteur compte 8 000 entreprises. « Sans attendre les plans de relance qui seront discutés une fois la crise sanitaire passée, il convient de soutenir immédiatement la commande publique locale qui menace de s’effondrer », demande la profession.

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Relocaliser : le nouveau défi des pays riches

« Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. »
« Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. » Robert Hanson/Ikon Images / Photononstop

Entreprises. Il a fallu une pandémie sans précédent pour que l’organisation industrielle mondiale soit ouvertement contestée. D’où les appels, dans les pays riches, à la relocalisation des productions stratégiques, et dans les pays en développement, à une plus grande indépendance industrielle. Mais une démondialisation de la production suscite souvent les mêmes objections.

Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. Dans les pays à bas coût de main-d’œuvre, l’indépendance industrielle se heurterait au manque de compétences et serait limitée à des productions à faible valeur ajoutée.

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Ces arguments oublient que, depuis le milieu du XIXe siècle, la tâche de la conception industrielle a souvent été de briser des doctrines économiques que l’on croyait universelles. Sans le travail des concepteurs, les révolutions industrielles n’existeraient pas et la Chine ne serait pas devenue l’atelier du monde. Car si la science et la variété des contextes nationaux rouvrent le champ des possibles pour l’activité productive, celui-ci reste largement inconnu.

De nouveaux défis

C’est le travail de conception qui découvre les solutions adaptées aux nouveaux défis et qui lève des barrières que l’on croyait définitives. Aujourd’hui, le défi des pays riches est de concevoir des relocalisations industrielles responsables et créatrices d’emploi. Celui des pays en développement est d’envisager des stratégies locales techniquement ambitieuses.

Dès le milieu du XIXe siècle, ce type de défi a suscité le développement des bureaux d’études industrielles, puis des laboratoires de recherche. Ils furent les premiers employeurs d’ingénieurs, bien avant les usines. Emblématique du travail de conception, la célèbre chaîne d’assemblage automobile était à la fois un gigantesque automate et un procédé permettant d’employer une main-d’œuvre sans qualification spéciale. Car l’automatisation n’a pas pour seul but d’économiser du travail, elle peut servir à le démultiplier.

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Le chemin de fer n’a pas eu pour but d’économiser les cochers des diligences et son effet sur l’emploi fut sans précédent… Les robots qui organisent les réunions virtuelles ne visent pas à raccourcir les réunions mais à permettre celles-ci, y compris en situation de confinement…

Solutions innovantes et responsables

Aujourd’hui, la conception industrielle intègre de nombreux métiers, favorise des démarches participatives avec usagers et citoyens, et vise un développement social et durable. La relocalisation doit donc être envisagée comme un stimulus pour la conception de nouveaux écosystèmes industriels dans lesquels rentabilité, responsabilité sociale et soutenabilité font bon ménage.

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Réformer l’entreprise : mission impossible ?

« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.
« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.

Le Livre. C’est une spécialité qui nous poursuit depuis Turgot. Entre 1774 et 1776, le contrôleur général des finances n’avait pas pu libérer l’économie car ses propositions étaient combattues par la noblesse. Le rapport administratif sur l’économie et les difficultés de la réalisation des propositions de réformes est depuis un genre littéraire à succès : les thèses économiques prennent une place de plus en plus importante dans la production éditoriale.

Le nœud de l’intrigue est, tout au long de ces différents textes, la recherche d’une issue au problème cornélien de la direction d’entreprise, de son animation, de sa pérennité et surtout de l’intégration du citoyen dans l’entreprise, sans priver le patron de son autorité, tout en offrant aux syndicats plus de responsabilités.

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Le succès est garanti, puisque les 16 millions de salariés des entreprises privées sont concernés, et les résultats de vente de ces rapports administratifs ont parfois de quoi faire pâlir nombre d’écrivains de romans, note Pierre Bourlange. « L’attente est forte, mais souvent déçue, car les réformes annoncées peinent à se concrétiser face aux conservatismes », constate pourtant le chercheur associé à l’Idhes (laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société) dans L’Entreprise ou la réforme impossible.

Bloch-Lainé, Attali

Depuis 1936, les tentatives à l’initiative de l’Etat d’organiser, de dynamiser et de réformer les entreprises ont été nombreuses. « Les moments d’une nécessaire réforme sont activés, provoqués par des événements politiques, économiques, sociétaux qui déclenchent une tentative de réforme ponctuée par un rapport intelligent, complet mais souvent sans effet. »

Les principaux moments de cristallisation d’un besoin de réforme ont eu lieu face au fascisme en 1936, à la Libération en 1945 sous l’impulsion du Conseil national de la Résistance (CNR), puis en 1963, date du premier rapport qui fait référence, sous un mode institutionnel, celui de François Bloch-Lainé.

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Les propositions de Jacques Attali, en 2007 et 2010, interviennent avant et après la crise systémique de 2008. Les années 2015-2017 apportent leur lot annuel de réformes sous la direction de Manuel Valls. Si elle a permis des avancées sociales, cette addition de textes donne surtout le « sentiment d’une impossible rencontre entre le patronat, les salariés et l’Etat en faveur de l’entreprise ».

Le modèle du nord de l’Europe

La rapidité des évolutions frappe aujourd’hui les modèles de production et d’organisation mis en place au début du XXe siècle, dans un monde désormais tourné vers la réalisation immédiate du désir. Mais les rapports sociaux n’évoluent pas à la même vitesse qu’Internet. « Les salariés doivent faire face à ces changements contraints, ils se trouvent déclassés du fait de diplômes non adaptés, mais aussi dans l’impossibilité de valoriser un savoir-faire disqualifié. »

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La lingette, « nouvel accessoire de travail », déjà polluant

Un employé nettoie les chaises du Sénat entre chaque audience, le 6 mai à Washington.
Un employé nettoie les chaises du Sénat entre chaque audience, le 6 mai à Washington. JONATHAN ERNST / POOL / AFP

Carnet de bureau. Au début de la crise, la lingette a été la planche de salut des salariés envoyés au travail sans protection sanitaire ou presque. « Mon chef devait me donner des gants, mais quand il est venu me voir, il n’en avait pas : il m’a seulement fourni des lingettes », témoignait ainsi un technicien de maintenance fin mars. C’était aussi le talisman des employés de bureau, qui gardaient leur pochette de lingettes à portée de main pour se protéger d’un virus encore trop mal connu.

Dans une enquête publiée le 21 avril, l’UFC-Que choisir signalait les premières ruptures de stock : 55 % des références de lingettes désinfectantes avaient disparu des supermarchés. En quatrième semaine de confinement, elle était le deuxième produit que s’arrachaient les consommateurs après le gel hydroalcoolique.

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Au fil des semaines, dans les entreprises, la sécurité sanitaire s’est progressivement organisée, et la lingette a gagné son droit de cité. Elle a été officialisée par le ministère du travail, comme équipement de protection individuelle pour assurer les gestes barrières, au même titre que le gel hydroalcoolique. « Pour le nettoyage des téléphones, des stylos et du matériel informatique (a minima en début et fin de poste pour chaque opérateur) », précise le ministère.

Intégrée aux kits sanitaires

Depuis le 11 mai, elle accompagne le déconfinement. Au bureau comme sur les chantiers, elle est intégrée aux kits sanitaires individuels fournis par de nombreuses entreprises. Mise à disposition des salariés, des formateurs, des stagiaires, des commerciaux se rendant chez les clients, bref de tous les utilisateurs potentiels. Elle sert évidemment d’élément de preuve pour l’employeur qui remplit sa responsabilité juridique d’assurer la sécurité physique de ses salariés. Même si la préoccupation première du salarié est d’avoir l’esprit à ce qu’il fait. Les syndicats rajouteront que l’entretien n’est pas de son ressort.

La lingette est bel et bien devenue le nouvel accessoire de travail. Les responsables achats peuvent même en commander des modèles personnalisés aux couleurs de l’entreprise, pour entretenir la marque employeur. Les génies du marketing n’ont pas perdu de temps pour proposer des kits complets avec logo.

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Mais la popularité donnée à ce qui n’était hier qu’un vulgaire produit de nettoyage inquiète le Centre d’information sur l’eau (CIEau), qui tire la sonnette d’alarme dans son communiqué du 13 mai : « Le recours aux lingettes désinfectantes et aux masques jetables s’est amplifié, avec des effets néfastes sur les réseaux d’assainissement et sur notre environnement. »

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