Archive dans mai 2020

Les contrastes de l’innovation sociale

« Du Social business à l’économie sociale et solidaire. Critique de l’innovation sociale », sous la direction de Maïté Juan, Jean-Louis Laville et Joan Subirats (Erès, 336 pages, 28.50 euros).
« Du Social business à l’économie sociale et solidaire. Critique de l’innovation sociale », sous la direction de Maïté Juan, Jean-Louis Laville et Joan Subirats (Erès, 336 pages, 28.50 euros).

Le livre. Méfiez-vous de l’éloge unanime de l’innovation sociale : le consensus autour de sa virtuosité dérive de la variété de représentations et de pratiques englobées sous cette appellation. « Cette polysémie permet à de nombreux auteurs de se ranger sous une même bannière alors qu’ils ont des références et des orientations distinctes, voire divergentes », soulignent Maïté Juan et Jean-Louis Laville dans Du social business et à l’économie solidaire (Erès), un ouvrage que la docteure en sociologie et le professeur au Conservatoire national des arts et métiers dirigent avec le professeur en sciences politiques Joan Subirats.

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Deux acceptions contrastées de l’innovation sociale se font face.

La première version, « qui peut être qualifiée de faible », aménage le système existant et valorise l’entreprise privée dans sa capacité à trouver de nouvelles solutions aux problèmes de société.

La seconde version affiche une visée transformatrice et prône, en réaction à la démesure du capitalisme marchand, une articulation inédite entre pouvoirs publics et société civile pour répondre aux défis écologiques et sociaux. Depuis quelques années, des restrictions budgétaires importantes ont favorisé la première version. Cette « instrumentalisation de l’innovation sociale par le néolibéralisme » est détaillée dans la première partie de l’ouvrage, qui décrit le tournant néolibéral de l’innovation sociale grâce à des contributions sur l’Amérique du Nord, l’Asie et l’Europe.

Un gage de changement

Expérimentations démocratiques œuvrant à la création de services d’utilité sociale, à la mobilisation des sans-voix, à la mise en œuvre des modalités alternatives de consommation, ou encore à des formes d’autogouvernement citoyen… la seconde version n’a pas disparu pour autant. « Très présentes sur le terrain, les initiatives citoyennes sont délaissées au profit de démarches plus managériales et pourtant beaucoup moins répandues. » Ce « déni de démocratie en matière d’innovation sociale » est développé dans la deuxième partie de l’ouvrage.

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Engagées dans une lutte pour leur reconnaissance, ces initiatives se heurtent « aux mécanismes technocratiques dans la gouvernance des territoires, excluant les citoyens ordinaires du débat public, ainsi qu’à des logiques d’évaluation quantitative qui ne permettent pas de mesurer finement leur utilité sociale ». La mise en visibilité de ces expérimentations dépendrait alors de l’avènement de nouvelles relations entre science et société, aptes à mettre en valeur la pluralité des formes de connaissance. « Les recherches participatives, en plein essor, peuvent jouer ce rôle car elles interrogent le monopole de l’expert dans la production et la validation du savoir. »

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« Le risque est réel que la distanciation sociale soit synonyme de dégradation des conditions de travail »

Tribune. Depuis la fin du mois d’avril, la communication gouvernementale s’emploie à substituer au terme de « distanciation sociale » celui de « distanciation physique », comme pour atténuer les fractures sociales que la crise sanitaire révèle et accentue. Le terme de « distanciation sociale » s’est pourtant peu à peu imposé dans les esprits pour décrire une situation d’éloignement sanitaire qui risque de s’inscrire dans la durée. Car pour les salariés, une chose est certaine : le déconfinement n’induit pas un retour à la vie d’avant.

Tout d’abord, la plupart des cadres vont rester confinés chez eux, et près de 70 % d’entre eux semblent s’en accommoder, si l’on en croit une récente enquête IFOP pour Securex. Malgré cet engouement, il est en réalité tout sauf évident d’évaluer la perception individuelle du confinement, tant les situations personnelle et professionnelle de chacun ont pu être différentes.

Désengagement, conflits

Il serait en effet présomptueux de confondre sans distinction les situations des collaborateurs qui ont apprécié de pouvoir se rapprocher de leur famille, de ceux qui sont épuisés par la succession ininterrompue de conférences téléphoniques, de ceux qui ont souffert de l’isolement et ont hâte de retrouver un lien de proximité avec leurs collègues, ou de ceux qui sont inquiets pour leur avenir professionnel.

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Par ailleurs, dans les sites de production, dans les transports, dans les commerces, un grand nombre de salariés s’apprêtent à reprendre le travail, lorsqu’ils l’ont arrêté, avec une crainte légitime pour leur santé et la dégradation potentielle de leurs conditions de travail. Ces salariés vont devoir s’approprier de nouvelles normes de travail qui peuvent changer radicalement le déroulement de leurs journées : distance physique, gestes barrières, port du masque, désinfections régulières, ou encore usage restreint de la climatisation.

Dans ce contexte, le risque est réel que le terme de distanciation sociale soit synonyme de dégradation des conditions de travail pour les salariés les plus fragiles et d’isolement contraint pour de nombreux cadres. Le danger ici est de voir apparaître un monde du travail plus que jamais réceptacle des inégalités sociales, avec en corollaire d’inévitables situations de désengagement ou de conflits.

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Malgré ces craintes légitimes, des manifestations de solidarité ont émaillé ces dernières semaines le quotidien de nombreuses entreprises et de plus en plus de voix s’élèvent pour penser le monde du travail de demain. A tel point que nous pouvons nous attendre à une mutation profonde des leviers d’engagement au travail : plus que jamais, les salariés désireront travailler pour des entreprises dont l’utilité sociale ne se limite pas à une déclaration de bonnes intentions, et attendront de la part de leur management davantage de considération.

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« Dans la présente crise sanitaire, la France élitaire vient de montrer ses limites »

Tribune. Nés l’un et l’autre au XVIIIe siècle mais d’origines philosophiques différentes, le mouvement des Physiocrates et celui des Saint-Simoniens se retrouveraient aujourd’hui, dans cette crise du Covid-19, pour constater que l’utilité sociale des caissières, des éboueurs, des routiers et des porteurs missionnés par les plates-formes a été déterminante pour permettre de survivre à une société blessée.

Alors que l’utilité sociale de centaines de milliers de consultants et d’une kyrielle d’autres jobs interstitiels a pour principal intérêt de permettre à ceux qui les tiennent de subvenir à leurs propres besoins ; sans même parler de ces millions de cadres dont la présence, dans le secteur public ou le secteur privé, n’est, la plupart du temps, justifiée qu’en raison de choix organisationnels qui privilégient de lourdes structures hiérarchiques.

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Qu’il faille mieux reconnaître ceux qui rendent un véritable service vital à la société, alors qu’ils ont été si longtemps considérés comme « des gens qui ne sont rien » (pour reprendre l’étonnante locution du président de la République), voilà qui commence à percoler dans toutes les machines à penser et à décider du pays. Bonne nouvelle ; la notion d’utilité sociale fait son chemin dans la plupart des camps politiques.

Une conception française coloniale

Mais saurons-nous nous attaquer aussi, et avec la même lucide énergie, à l’effet France Télécom ? On s’en souvient : les juges ont condamné l’ancien président de France Télécom et son équipe rapprochée pour « harcèlement moral institutionnel » lors de leur gestion de l’entreprise en 2007-2008. Un an de prison dont huit mois avec sursis. On ne sait encore ce qui sera décidé en appel. Mais en toute hypothèse, ne tirons pas sur le pianiste : le mode de gestion de Didier Lombard ne fait que traduire à l’extrême une conception française, quelque peu coloniale, de la hiérarchie.

L’organisation pyramidale crée en effet, chez ceux que leurs responsabilités situent vers le haut, le sentiment qu’ils sont supérieurs à ceux que l’organigramme place en dessous d’eux. Par « supérieurs », on veut bien dire… « supérieurs » ; ipso facto les autres sont inférieurs – en intelligence, en statut social, en capacités, en crédibilité…

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C’est évidemment ridicule : dans une organisation, tout le monde ne joue pas le même rôle, n’assume pas les mêmes responsabilités, ne prend pas les mêmes risques, ne touche pas le même salaire, mais tous sont à égalité en citoyenneté, égaux en humanité. On se rappelle la belle phrase d’Emmanuel Lévinas : « Je n’écoute quelqu’un que si je constate qu’il me considère comme un égal. » (Liberté et commandement, Coll. Essais, 1994).

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A Creil, dans les trains bondés : « J’ai peur de tomber malade, mais je n’ai pas d’autre choix que d’aller travailler »

Ekram Marofhkailp vient prendre le train à la gare de Creil pour se rendre à Beauvais, le 11 mai.
Ekram Marofhkailp vient prendre le train à la gare de Creil pour se rendre à Beauvais, le 11 mai. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Dans l’un des innombrables cercles tracés au sol de la gare de Creil (Oise), Matty Kourroma patiente avec discipline avant l’arrivée du TER de 6 h 30 qui l’emmènera vers Paris. L’agente d’entretien n’a jamais cessé de travailler depuis le début du confinement. Aujourd’hui, c’est avec crainte qu’elle observe les centaines de voyageurs affluer sur le quai. « Je dois faire attention car j’ai des enfants à la maison. J’ai peur de tomber malade, mais je n’ai pas d’autre choix que d’aller travailler pour eux », confie-t-elle en esquissant un sourire.

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Le train approche. Le haut-parleur avertit : « Ceci est un train court. » Les places sont limitées. La foule inonde le quai. Les usagers qui tentaient tant bien que mal de respecter les distances de sécurité se retrouvent à jouer des coudes pour monter à bord. Tous partagent le même objectif : ne pas arriver en retard au travail. Les rames se remplissent jusqu’à être bondées et les trente minutes de trajet qui les séparent de Paris se feront souvent debout, collés les uns aux autres.

Chaque jour, près de 18 000 habitants de la commune font l’aller-retour pour la capitale. Jeddi Mongi, 56 ans, est agent d’entretien depuis six ans à la gare de Creil. Armé de son balai, il assiste au spectacle du déconfinement, amusé par les cafouillages d’organisation et la confusion des usagers. Il avoue être rassuré par la signalisation au sol pour garantir les mesures de distanciation sociale entre les voyageurs. « C’est pour notre sécurité et ça fait plaisir de revoir passer tant de monde », dit-il.

Un train vient d'arriver en gare de Creil, de nombreux voyageurs se dirigent vers la sortie, le 11 mai.
Un train vient d’arriver en gare de Creil, de nombreux voyageurs se dirigent vers la sortie, le 11 mai. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

« Ça va être trop dur de revivre ça tous les jours »

Dans le hall principal, une immense file d’attente s’est dressée avant l’accès au guichet. Au milieu, Samba Ida a été surprise de l’affluence et des multiples contrôles qui ralentissent le fonctionnement de la gare. « Je n’étais pas au courant de la mise en place de ces mesures. Je pensais pouvoir partir comme tous les matins pour arriver à l’heure. » L’auxiliaire de vie creilloise a raté son premier train pour rejoindre l’établissement de santé du 14e arrondissement de Paris où elle s’apprête à enchaîner dix heures de travail, comme lors des semaines passées. « Il y a toujours eu du monde qui partait de Creil pour Paris, mais là on est aussi nombreux qu’avant le confinement. »

Aussitôt son billet de train en poche, elle se précipite vers les portes battantes pour accéder au quai. Elle se retrouve face à une dizaine d’agents SNCF qui aident les passagers et leur rappellent les documents à avoir sur eux. Pour le transport express régional (TER), en plus d’un titre de transport et de l’attestation employeur, un bon téléchargé sur Internet est obligatoire pour monter à bord. « L’idée est de pouvoir évaluer le nombre d’usagers pour adapter les trains mis à disposition au flux », explique l’une des contrôleuses SNCF. Rares sont ceux qui possèdent ce précieux sésame. Alors les agents sont sollicités de toute part et se penchent sur les téléphones des uns et des autres pour guider la démarche. « C’est les premiers jours, donc nous sommes compréhensifs. On fait de la pédagogie. »

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Covid-19 : pour les saisonniers, « le manque de visibilité est terrible »

Emmanuelle, cuisinière, devait reprendre un emploi à Nantes pour la saison, le 5 mai à Indre (Pays de la Loire).
Emmanuelle, cuisinière, devait reprendre un emploi à Nantes pour la saison, le 5 mai à Indre (Pays de la Loire). THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »

Pour le million de personnes qui, chaque année, font les saisons, l’été 2020 s’annonce à haut risque. En 2019, près de la moitié des saisonniers ont exercé leur activité dans les secteurs de la restauration, de l’hébergement et des loisirs, principalement sur les lieux de vacances, selon les données compilées par la Dares, la direction chargée de la recherche au ministère du travail, fin décembre. Et une part non négligeable (15 %) dans le commerce. Environ un quart ont été embauchés pour effectuer des travaux de cueillette de fruits ou les vendanges. Or, si les opportunités de contrats dans l’agriculture existent bel et bien, sur le littoral ou dans les lieux touristiques, il en va tout autrement en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19.

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Alors qu’hôtels et restaurants font travailler 150 000 saisonniers l’hiver et 300 000 l’été, le marché est aujourd’hui au point mort, en l’absence de consignes gouvernementales sur ce qui sera autorisé ou non durant l’été. « Tous les recrutements sont suspendus, faute de visibilité, déclare Thierry Grégoire, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)-saisonniers. Et puis, lorsque nous le pourrons, nous ne rouvrirons pas dans les mêmes conditions. » Le respect des règles de distanciation, notamment dans les restaurants, va réduire les flux de clientèle, avec sans doute un impact sur les effectifs des établissements. Selon M. Grégoire, même en cas de réouverture, « environ 75 % seulement des saisonniers du secteur pourraient trouver du travail cet été ».

« Ce n’est pas la faute de l’Etat, mais le manque de visibilité est terrible », confirme Damien Dejoie, directeur de l’office de tourisme de La Baule et de la presqu’île de Guérande, qui accueille 550 000 personnes à l’année. « Lors de la marée noire de l’Erika [en décembre 1999], au moins, on savait qu’on allait s’en sortir, on avait une estimation du temps du chantier de nettoyage. Là, on est dans le flou. On se prépare comme on peut, sans savoir quelle sera la situation sanitaire d’ici deux à trois mois. On essaie de trouver des solutions pour éviter la casse. »

En avril 2020, Pôle emploi n’a enregistré sur sa plate-forme Mobilisation emploi que 3 800 nouvelles offres d’emploi saisonniers, un chiffre en recul de 71 % par rapport à avril 2019

M. Dejoie lui-même « retarde au maximum le recrutement » de la trentaine de saisonniers censés étoffer ses équipes au cours de la saison estivale : « J’attends de savoir quels vont être nos besoins en termes d’accueil et dans quelles conditions on va rouvrir. Et forcément, la même problématique se pose pour tous les acteurs du secteur touristique. »

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Des lecteurs avides de retour dans les librairies

Librairie L’Arbre du voyageur à Paris, 5e arrondissement, le 11 mai 2020.
Librairie L’Arbre du voyageur à Paris, 5e arrondissement, le 11 mai 2020. Sylvie Kerviel

En vitrine, les titres des livres exposés sont déjà des invitations à s’évader : Contes des sages voyageurs, de Jean-Jacques Fdida (Seuil, 286 pages, 19,90 euros), Voyage voyages (Hazan, 160 pages, 32 euros), catalogue de l’exposition présentée au MuCEM de Marseille, Dictionnaire amoureux de la Bretagne, de Yann Queffélec (Plon, 2000). La librairie L’Arbre du voyageur, située à l’angle de la rue Mouffetard et de la rue Ortolan, dans le 5e arrondissement de Paris, a rouvert ses portes à 11 heures en ce premier jour de déconfinement.

Après presque deux mois de fermeture, la gérante, Sophie Manceau, a tenu à relever le rideau de fer exceptionnellement dès ce lundi, alors que, d’ordinaire, le lieu accueille les clients du mardi au dimanche. « On avait très envie de se remettre en route », dit-elle, masque sur le visage. Première cliente, une dame de 88 ans : « J’ai pris ma canne, mon masque, ma liste de livres, et je suis venue dès que le rideau s’est relevé ! », assure-t-elle. Sur les dix ouvrages qu’elle a sélectionnés, deux seulement sont disponibles.

Elle est déçue mais passe commande. « J’ai tenu le coup avec mes réserves de romans pendant le confinement. Mais là, il me faut du neuf ! » En ce jour de réouverture, la gérante est secondée par une de ses trois employés, qui avaient été mis au chômage partiel depuis la fermeture. Une bouteille de gel hydroalcoolique est déposée à l’entrée, le masque est recommandé, mais pas de parcours imposé dans cette librairie de dimensions modestes – 60 m2 – mais aux rayonnages bien garnis. « On recommande de ne pas feuilleter les livres, et on va veiller au respect des distances », précise la gérante.

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« Je suis venue refaire le plein pour ma grand-mère »

La semaine dernière, la librairie avait repris un peu d’activité grâce à des commandes faites sur Internet, que les clients sont venus chercher en restant sur le pas de la porte. « Cela nous a permis de faire un peu de chiffre d’affaires pour essayer de sauver la trésorerie », précise Sophie Manceau. Avant la crise due au Covid-19, le chiffre d’affaires moyen de la librairie s’établissait à 60 000 euros mensuels. En mars, il s’est péniblement élevé à la moitié. En avril il n’a pas décollé de zéro.

L’intérieur de la librairie Les Traversées, dans le 5e arrondissement de Paris, le 11 mai 2020.
L’intérieur de la librairie Les Traversées, dans le 5e arrondissement de Paris, le 11 mai 2020. Sylvie Kerviel

Un peu plus bas, à l’angle de la rue Mouffetard et de la place Saint-Médard, la librairie Les Traversées a elle aussi rouvert en ce lundi de déconfinement. Très fréquentée habituellement, la maison, qui organise régulièrement des séances de dédicace avec des écrivains, a prévu un marquage à l’extérieur pour réguler le flux des clients et un fléchage au sol à l’intérieur de la boutique, qui se déploie dans deux grandes salles où les ouvrages sont présentés par thématiques : jeunesse, loisirs, policiers, littérature française, etc.

Avant même l’ouverture, quelques fidèles attendaient dans le froid glacé de ce lundi matin. « Je suis venue refaire le plein pour ma grand-mère. Elle a tout lu ce qu’elle avait sous la main pendant le déconfinement et ne veut pas sortir, par crainte du virus », révèle une jeune fille, masque sur le visage et sac en toile en bandoulière. Derrière elle, une mère attend avec sa fille de 5 ans : « On a épuisé toutes les ressources familiales pendant le confinement, soupire la maman. Ici, il y a un choix formidable, je vais faire des achats pour moi et aussi pour des amis, parents également de jeunes enfants, car on va sans doute devoir les occuper encore un bon moment »

A l’intérieur de la librairie, un homme semble égaré : « Par où dois-je aller, je ne comprends rien à vos flèches !, lance-t-il à une jeune femme qui tient la caisse derrière un écran en Plexiglas. Celle-ci le rejoint et le replace gentiment dans la bonne direction. Sous son bras, le roman d’Alexis Jenni, J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond (Editions Paulsen, 220 pages, 21 euros).

Elon Musk se rebiffe et veut « libérer » Tesla

Elon Musk, à Washington, le 9 mars 2020.
Elon Musk, à Washington, le 9 mars 2020. BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Le bouillant Elon Musk n’est pas de ces pères qui prennent un congé parental. Cinq jours après la naissance de son sixième enfant − un sixième garçon −, le PDG de Tesla a menacé le 9 mai de quitter la Californie si les autorités continuent à lui interdire de rouvrir l’usine de Fremont, près de San Francisco, où sont fabriquées ses voitures électriques.

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Sur son fil Twitter, suivi par 33,9 millions de personnes, l’entrepreneur s’en est pris au comportement « absurde et irrationnel sur le plan médical » des responsables de la santé publique du comté. Alors qu’il avait décidé de relancer vendredi 8 mai la production des Tesla, à l’arrêt depuis le 23 mars, ceux-ci lui ont ordonné de s’abstenir et d’attendre comme tout le monde le déconfinement, prévu le 18 mai.

« Cette violation des libertés constitutionnelles par des officiels non élus doit cesser », a tonné Elon Musk, en menaçant de délocaliser le siège de la société au Nevada voisin, ou au Texas, le grand rival de la Californie. Avec 20 000 employés − dont 10 000 à Fremont, Tesla est la première entreprise manufacturière du Golden State. « Si nous conservons même une quelconque activité à Fremont, cela dépendra de la manière dont Tesla est traitée à l’avenir », a explosé l’entrepreneur.

Des mesures « fascistes »

Toujours sur Twitter, l’élue démocrate de l’Assemblée de Californie Lorena Gonzalez a recommandé au milliardaire d’aller « se faire f… ». Critiquée pour son langage, elle a expliqué sa frustration. « La Californie a lourdement subventionné une compagnie qui a toujours méprisé la sécurité des travailleurs, été anti-syndicats et essayé de faire pression sur les fonctionnaires. »

Depuis le début de la crise du coronavirus, Elon Musk, 48 ans, ne décolère pas, notamment contre le fait que Tesla n’ait pas été reconnu comme un acteur « essentiel » de l’économie. Présentant les résultats trimestriels aux actionnaires, il a traité de « fascistes » les mesures de confinement, rejoignant les rangs des partisans de Donald Trump qui réclament la « libération » des Etats où la réouverture de l’économie n’a pas encore été autorisée.

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Le milliardaire au tee-shirt « Occupy Mars » et sa compagne, la chanteuse grunge canadienne Grimes, risquent d’avoir un autre motif de se plaindre de la Californie. Le nom de leur bébé − X Æ A-12 Musk (prononcez Ex Ash A Twelve) − a peu de chances d’être agréé par l’état civil. Selon le règlement, le prénom d’un nouveau-né ne peut être composé que de lettres de l’alphabet anglais…

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Pôle emploi va recommencer à recevoir des chômeurs à partir du 18 mai

L’heure de la reprise approche pour Pôle emploi. Fermées au public depuis la deuxième quinzaine de mars en raison de l’épidémie de Covid-19, les agences de l’opérateur public vont, de nouveau, recevoir des chômeurs à partir du 18 mai. Une réouverture des portes qui doit s’effectuer graduellement, afin de protéger la santé des usagers et des salariés.

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A partir du lundi 11 mai, les quelque 900 sites de l’établissement ayant vocation à recevoir des demandeurs d’emploi doivent consacrer une semaine à la préparation des lieux : marquage au sol, réception des équipements sanitaires, définition du nombre maximum de personnes pouvant être présentes simultanément dans les locaux, etc. L’objectif est de ne « prendre aucun risque », comme l’a expliqué Jean Bassères, le directeur général, dans un entretien au Figaro du 7 mai.

Durant la période de confinement, de 25 000 à 30 000 agents, sur un effectif légèrement supérieur à 50 000, avaient poursuivi leurs missions depuis leur domicile, afin de traiter les e-mails et les coups de fil. Beaucoup d’entre eux vont continuer à procéder ainsi, le télétravail restant prioritaire, au moins à court terme.

Bureaux dotés de séparateurs en Plexiglas

Dans un premier temps, les activités « réalisées physiquement en agence » seront réservées aux situations qui le nécessitent : accès aux bornes en libre-service et au matériel des zones d’accueil (photocopieuse, scanner) afin de permettre au demandeur d’emploi, qui le souhaite, de s’inscrire ou de mettre à jour son dossier ; échange en tête-à-tête si celui-ci est réclamé par le chômeur ou par l’entreprise qui cherche à embaucher, etc. Chaque venue in situ s’effectuera sur rendez-vous, sauf pour les urgences, liées, en particulier, à l’indemnisation. Jusqu’à début juin, « les premiers entretiens consécutifs à une inscription en ligne continueront à se faire (…) par téléphone », a précisé M. Bassères.

Les salariés de Pôle emploi qui vont regagner leur poste, seront équipés en masques et en gel hydroalcoolique. Ceux postés juste après les entrées disposeront même de visières, et les bureaux d’entretien individuel seront dotés de séparateurs en Plexiglas. Tous ces aménagements obéissent à un « plan de déconfinement », qui doit être présenté, mardi, devant le comité social et économique (CSE) central, l’instance de représentation du personnel.

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Les syndicats implantés au sein de l’opérateur public sont sur leurs gardes, à quelques jours de cette « rentrée ». « La reprise d’activité en agence doit intervenir dans le strict respect des conditions de sécurité, affirme David Vallaperta (CFDT). Le processus en cours est quand même rapide, nous aimerions que le calendrier soit un peu “détendu”, en consacrant le mois de mai à la préparation du déconfinement. » A ses yeux, il convient « d’analyser les activités qui nécessitent d’être reprises en “présentiel” et celles qui peuvent être assurées en télétravail ». « Il s’agit d’une réflexion à mener dans le cadre du dialogue social », souligne-t-il, en jugeant « plus réaliste de prévoir le retour effectif des missions sur site à compter du 1er juin ».

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