Archive dans mai 2020

« Interdire aux chômeurs toute activité à caractère social au motif qu’ils touchent des allocations est un scandale »

Tribune. De nombreuses personnes confinées se sont découvert une passion pour les métiers de soins à la personne (« care ») ou de proximité : aide à la garde d’enfants, appels ou visites à des personnes âgées, livraisons de courses à domicile, soutien scolaire, livraison de médicaments et masques, transports de malades, travaux agricoles.

Une nouvelle entreprise – une des plus grandes de France aujourd’hui, avec 250 000 nouveaux membres entre le 22 mars et le 1er avril, selon Gabriel Attal, secrétaire d’Etat en charge de la vie associative – vient de voir le jour sous nos yeux, en l’espace de quelques jours : il s’agit de la Réserve civique-Covid-19.

Un vrai projet de société

Ses activités relèvent du bénévolat à ce jour. Mais à terme, les anciens confinés salariés en chômage partiel risquent de se retrouver chômeurs tout court, confinés ou pas.

Il semble indispensable de valoriser ces chômeurs – dès la perception de leurs allocations et au titre du versement de ces dernières – au travers de toutes ces activités répondant à un besoin non pourvu par le secteur marchand, ou en fort manque de main-d’œuvre : recyclage, santé, social, agroalimentaire, soutien scolaire, entretien des espaces naturels, auxquels il est possible de contribuer à raison par exemple, de deux jours par semaine. En gardant bien sûr un temps pour mûrir un nouveau projet professionnel.

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Interdire aux chômeurs toute activité à caractère social au motif qu’ils touchent des allocations est un scandale à l’échelle nationale qui dure depuis que l’assurance-chômage existe. Le scandale devient intenable dans le contexte aujourd’hui prévisible d’un effondrement de l’emploi, malgré toutes les exhortations à la reprise, lesquelles relèvent de l’incantation davantage que d’un véritable projet de société.

Au contraire, assurer les chômeurs qu’on a besoin d’eux tout de suite, au moins pour une partie de leur temps de travail disponible, nous donne à tous, chômeurs potentiels, la perspective que nous pouvons servir à quelque chose quels que soient les revers de fortune que la conjoncture nous imposera. Une telle perspective ouvre sur un vrai projet de société.

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Mais exiger des chômeurs des activités de « care » à temps partiel, aussi légitime cela puisse paraître, est socialement peu acceptable, et au fond nuisible à la qualité des services attendus, si les personnes ne sont pas volontaires pour s’inscrire dans une mission qui a un sens pour eux.

Activités non solvables

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Il faut investir « dans l’enseignement supérieur et la recherche pour proposer des solutions scientifiques face à la crise sanitaire, sociale et écologique »

Tribune. Depuis le 16 mars, la fermeture des universités a bouleversé les activités de l’enseignement supérieur et de la recherche. Alors que les personnels ont poursuivi leur mission de service public, le confinement a opéré comme un révélateur des inégalités et de la précarité étudiante. Le 7 mai, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a annoncé dans Le Parisien une rentrée 2020 dématérialisée.

Dans les universités, le bruit court qu’il faut s’y préparer, mais aucune concertation avec les équipes pédagogiques et administratives n’est véritablement menée. Alors qu’une partie de la communauté universitaire est mobilisée depuis le 5 décembre 2019, nos revendications se posent avec encore plus d’acuité. Comme à l’hôpital, la seule façon d’affronter la crise est de le faire avec des moyens supplémentaires, en rupture avec la logique austéritaire.

La nécessité d’être en face-à-face

La « continuité pédagogique », telle qu’elle s’est organisée dans l’urgence, a été très mal vécue. Les différentes enquêtes menées indiquent un décrochage des étudiants les moins dotés socialement. Si la précipitation a produit cette situation, il est impensable de poursuivre ces procédés anti-pédagogiques et de généraliser « l’enseignement » à distance.

Un enseignement de qualité nécessite d’être en face-à-face pour s’assurer de la bonne compréhension des étudiants. Le problème des travaux dirigés (TD) à soixante étudiants n’est pas nouveau. Mais pour les accueillir par groupes de vingt, il existe une solution simple : recruter des enseignants-chercheurs.

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De plus, titulariser le personnel, enseignant et administratif précaire, c’est aussi s’assurer que ceux qui viendront sur site dans un contexte de risque sanitaire soient protégés par le droit du travail. En l’état actuel, un vacataire qui attraperait le Covid-19 ne serait pas rémunéré pendant son arrêt maladie.

Dans La Stratégie du choc (Actes Sud, 2008), Naomi Klein observe comment les classes dirigeantes se saisissent des crises pour imposer les transformations néolibérales qu’elles peinent à faire adopter en temps normal. Alors que le désir de service public est de plus en plus fort dans la population, Frédérique Vidal s’engouffre au contraire dans la brèche. Elle propose un « choc numérique » pour « franchir un pas » dans la politique d’enseignement à distance.

Toujours moins

Pourquoi le ministère n’envisage pas une rentrée adaptée en présentiel avec des groupes de taille raisonnable plutôt que de nous enjoindre à mettre nos cours en ligne pour les rendre visibles par des milliers d’étudiants ? Parce que les universités ne peuvent déjà pas le faire en temps normal ! Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation se saisit donc de cette occasion pour faire fonctionner des formations avec toujours moins de moyens humains.

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A Belfort, l’avenir de General Electric continue de s’écrire en pointillé

A l’usine General Electric de Belfort, en octobre 2015.
A l’usine General Electric de Belfort, en octobre 2015. SEBASTIEN BOZON / AFP

La crise sanitaire du coronavirus concentre tous les regards depuis des semaines. En dehors, plus rien ne semble exister, « mais il ne faut pas oublier ce qui se passe ici, à Belfort, chez General Electric [GE] », déclare Alexis Sesmat, délégué syndical SUD Industrie.

L’annonce par le conglomérat américain, il y a tout juste un an, de la suppression de 792 postes dans l’entité gaz avait fait l’effet d’une bombe. Après la mobilisation des organisations syndicales, des élus locaux et du gouvernement français, ce nombre a été revu à la baisse dans l’accord de fin de conflit, signé le 21 octobre 2019 (485 postes supprimés). Le 1er avril de cette même année, GE Gas comptait 1 760 salariés, contre 1 400 le 31 mars 2020. Ce chiffre doit tomber à 1 275 au cours du dernier trimestre 2020.

« Nous avons maintenant clôturé la première étape de départs volontaires et prévoyons la seconde, conformément au plan convenu », commente GE France. Mais, selon les syndicats SUD, CFE-CGC et CGT, « deux des clauses de ce plan n’ont toujours pas été respectées ». Ainsi, « des décideurs opérationnels devaient être nommés en France, mais on attend toujours », s’impatientent-ils.

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GE s’inscrit en faux : « A Belfort, nous avons renforcé et stabilisé la présence des cadres. Les équipes françaises ont acquis des responsabilités globales et une visibilité dans les organisations fonctionnelles régionales européennes, notamment dans les domaines du commerce, des projets et de l’ingénierie. » Mais, pour les syndicats, « c’est l’arbre qui cache la forêt. Ces responsables n’ont aucun pouvoir de décision. Les vrais décideurs sont aux Etats-Unis. »

Les syndicats dénoncent un procédé dilatoire et insincère

Autre engagement du groupe américain : l’élaboration d’un nouveau projet industriel pour diversifier l’activité belfortaine et garantir l’avenir du site, avec la mise en place, fin 2019, de groupes de travail. « Direction et syndicats échangent régulièrement, assure GE. La qualité du travail réalisé à ce jour a été saluée lors du dernier comité de suivi, parrainé par l’Etat français, qui s’est tenu le 5 mars. »

Mais, attention, avertit le conglomérat : « Ce projet est en cours de révision pour prendre en compte l’impact de la crise du Covid-19. » La création de 200 emplois dans l’aéronautique est désormais remise en cause. « On avait commencé à investir, mais ce secteur est désormais en grande difficulté. Cela nous oblige à réévaluer les opportunités. »

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Coronavirus : « Depuis le 11 mai, c’est bien un sprint économique qui est lancé »

Tribune. Le général MacArthur (1880-1964) l’a dit : « Toutes les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard ». Au sortir du plus grand choc économique connu par la France en temps de paix, la bataille pour la reprise se pose en ces termes.

Transférer durablement à l’Etat le financement d’une économie à l’arrêt n’est évidemment ni souhaitable ni possible. Chaque jour de confinement a coûté à la France 2 milliards d’euros. La question clé est donc d’en réussir la sortie au plus vite : sanitairement bien sûr, faute de quoi les sacrifices consentis auraient été inutiles ; économiquement, pour retrouver la croissance indispensable à la production et à l’emploi ; socialement et politiquement aussi, tant ces mois perdus, s’ils créent trop de chômage et de précarité, seraient déstabilisants pour la société française.

Après 2008, la France avait mis trois ans à retrouver son niveau de production initial. Notre économie ne peut se permettre une reprise aussi lente. Il nous faut viser 2022. Cela impose d’aller vite : plus tôt seront prises les mesures de soutien, meilleures seront les anticipations et mieux nous réussirons la reprise.

Depuis le 11 mai, c’est bien un sprint économique qui est lancé.

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En réalité, le déconfinement avait déjà commencé. Il suffisait d’observer, ces derniers jours, les commerçants à pied d’œuvre pour être prêts. Faisons comme eux en accompagnant dès maintenant la reprise, sans attendre la rentrée.

Autoriser les ventes à perte

Mais pas n’importe comment : il serait irréaliste d’envisager une relance keynésienne de la demande à la fois générale et indifférenciée, dont le coût serait insoutenable et l’efficacité médiocre.

Il faut inciter les ménages à décaisser les 60 milliards d’euros d’épargne accumulés pendant le confinement, tout en soutenant les secteurs et les ménages les plus fragiles

Les Gracques proposent au contraire un soutien budgétaire sélectif de 17,5 milliards d’euros – soit 0,8 % du produit intérieur brut (PIB) –, générant 0,6 % de recettes supplémentaires. Ce plan national aura vocation à être complété par un volet européen ambitieux. Les mesures ont été sélectionnées avec soin, pour pouvoir produire leurs effets rapidement et être « débranchées » facilement une fois la reprise réussie.

L’objectif est de recréer en France les conditions psychologiques de la confiance, afin d’inciter les ménages à décaisser les 60 milliards d’euros d’épargne accumulés pendant le confinement, tout en soutenant les secteurs et les ménages les plus fragiles.

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Au travail, la santé des salariés surveillée de près

« Le développement de tels outils ne va pas sans soulever des interrogations, ne serait-ce qu’au niveau de l’adhésion des salariés. » (Un employé teste la température d’un autre employé chez PSA Peugeot, le 17 avril, en Slovaquie.)
« Le développement de tels outils ne va pas sans soulever des interrogations, ne serait-ce qu’au niveau de l’adhésion des salariés. » (Un employé teste la température d’un autre employé chez PSA Peugeot, le 17 avril, en Slovaquie.) Radovan Stoklasa / REUTERS

« Bénéficier d’un protocole de travail adapté (…) à partir d’une évaluation individuelle de sa sensibilité face au Covid-19 » : en ces temps de pandémie, la promesse de l’application Copass a de quoi séduire les employeurs devant gérer le retour au bercail de leurs salariés.

Lancée conjointement par le Crédit agricole et l’entreprise Onepoint, cette solution propose de déterminer le niveau de risques de chaque collaborateur à partir d’un questionnaire de santé conçu avec les autorités de santé publique.

En fonction de ses réponses, l’application délivre un code QR dont la couleur détermine un protocole de travail défini par l’entreprise : télétravail, retour sur site en horaire alterné, orientation vers un test de dépistage…

Prise de température

A l’instar de l’application Copass, plusieurs projets visant à identifier les personnes potentiellement vectrices du virus sont à l’œuvre. Il y a, bien sûr, le développement laborieux de l’application StopCovid. Mais des acteurs privés développent également leurs propres outils. Le cabinet d’audit PWC offre à ses clients une solution de traçage permettant d’identifier les salariés avec lesquels un collaborateur contaminé a été en contact.

Pour le moment, cette solution n’est pas proposée en France. En Italie, Ferrari a redémarré sa production en proposant à ses salariés de passer des tests sanitaires. D’autres technologies mesurent en temps réel la température corporelle des individus. Le groupe Procedo commercialise des caméras thermiques et des bornes d’autocontrôle permettant de détecter d’éventuels cas suspects.

Mi-mai, le groupe avait déjà installé un peu plus de cent quatre-vingt de ces dispositifs à l’entrée d’entreprises, de commerces et d’administrations. « On navigue dans les méandres du droit, reconnaît Clément Vuibert, le directeur commercial associé du groupe. L’employeur est tenu de protéger ses salariés, en même temps, il ne doit pas faire de discrimination pour des raisons de santé. »

Ces outils intéressent certaines entreprises, puisque toutes sont sommées de protéger leurs salariés face à la crise sanitaire. Selon une enquête de l’association nationale des DRH (Andrh), publiée le 30 avril, effectuée auprès de 5 000 entreprises, 37 % des 531 responsables des ressources humaines qui y ont répondu se disaient favorables à la prise de température à l’entrée des locaux et 33 % à la mise en place d’une application de traçage type StopCovid dans l’entreprise.

Adhésion des salariés

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Coronavirus : l’économie allemande a reculé de 2,2 % au premier trimestre

Des employés de l’usine Volkswagen de Wolfsburg, le 27 avril.
Des employés de l’usine Volkswagen de Wolfsburg, le 27 avril. SWEN PFORTNER / AFP

L’Allemagne a plongé dans une des plus fortes récessions de son histoire. Au premier trimestre, à cause de la crise liée au coronavirus, la première économie de la zone euro a accusé un recul de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), a annoncé Destatis, vendredi 15 mai. Plus que le chiffre lui-même, c’est la nature de la baisse en cours qui laisse anticiper l’ampleur de la crise à venir : le cœur de l’économie allemande est touché de plein fouet et pourrait avoir du mal à se relever.

Les résultats présentés vendredi ne reflètent en effet qu’une petite partie des effets des mesures prises, mi-mars, pour empêcher la dissémination du virus. « La propagation du Covid-19 n’a pas affecté la production économique de manière significative en janvier et février. Et pourtant, ses conséquences sur le premier trimestre sont énormes », a d’emblée averti Albert Braakmann, de l’office allemand de statistique. Ce recul de 2,2 % au premier trimestre représente la deuxième plus forte contraction du PIB allemand depuis la réunification. Seul le premier trimestre 2009, marqué par un recul de 4,7 % du fait de la crise financière mondiale, a été plus grave.

Jusqu’ici, l’Allemagne est comparativement moins touchée que ses voisins. « Les premières estimations du PIB pour la France, l’Italie et l’Espagne montrent des contractions beaucoup plus fortes, jusqu’à 5 % du PIB par rapport au trimestre précédent », a poursuivi M. Braakmann.

Chute historique de l’industrie

Pour l’instant, la crise n’a eu aucun effet statistique sur le chômage, du fait des mesures de chômage partiel mises en place pour éviter les licenciements. Fin avril, 10,1 millions de salariés en bénéficiaient.

Le plus dur reste à venir. L’industrie connaît actuellement une chute historique, prévient Destatis. Au mois de mars, la production industrielle (hors énergie et construction) a reculé de 11,6 % par rapport à février. Le secteur le plus touché est l’automobile, qui, à lui seul, s’est contracté de 31,1 % par rapport à février. Les autres secteurs emblématiques du made in Germany, la construction de machines (− 10,4 %) et l’industrie électronique (− 9,2 %), sont également gravement affectés.

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« Le recul de la production industrielle, au premier trimestre, est très loin de refléter la véritable ampleur de la crise. Une grande partie des effets sera enregistrée en avril seulement », prévient Timo Wollmershäuser, de l’institut économique de Munich, qui estime que la production s’est effondrée de 16 % pendant la durée du confinement. C’est le deuxième trimestre qui sera probablement le plus douloureux : entre avril et juin, la production devrait se contracter de 12,2 %. Soit le plus fort recul jamais enregistré depuis le début de la République fédérale allemande.

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« Soit on s’adapte, soit on meurt » : en Occitanie, les sous-traitants de l’industrie aéronautique résistent

A l’usine de Liebherr-Aerospace, à Campsas (Tarn-et-Garonne), en mai 2017.
A l’usine de Liebherr-Aerospace, à Campsas (Tarn-et-Garonne), en mai 2017. PASCAL PAVANI / AFP

« Avant la crise, tous les voyants étaient au vert. Nous avions une bonne visibilité grâce à Airbus », soupire Mikel Charritton. C’était avant que la pandémie ne mette le secteur aéronautique à l’arrêt. « Quasiment du jour au lendemain, les avions sont cloués au sol. Et il n’y a plus de demande », se souvient le cogérant de Lauak, une entreprise familiale installée à Hasparren (Pyrénées-Atlantiques), qui possède trois sites en Occitanie et est spécialisée dans la fabrication de pièces et de structures. Pour 2020, le dirigeant de cette société, qui a réalisé 200 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 et emploie 1 850 personnes, s’attend à une chute de 30 % de son activité.

M. Charritton a placé la moitié de son équipe au chômage partiel pour coller au plan de charge et traque les économies pour préserver sa trésorerie. Cinq groupes de travail sont chargés de revoir les dépenses liées aux achats généraux notamment. « Soit on s’adapte, soit on meurt, mais le marché a besoin d’avions, et l’activité redémarrera en 2021 », veut-il croire.

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Il vaudrait mieux : l’aéronautique est le moteur économique de l’Occitanie, qui revendique 800 entreprises et 86 000 emplois directs. Alors, en attendant, « on résiste », explique Grégory Mayeur, le directeur général de la division services de Satys. « [Mais] sans hypothéquer l’avenir, ce qui passe par notre capacité à investir », prévient-il. Le groupe toulousain, spécialisé notamment dans la peinture d’avions, a actionné de nombreux leviers : télétravail, report d’échéance bancaire… Même si l’activité chute de 50 %, l’industriel peut compter sur le soutien, y compris financier, de son actionnariat. « Nos partenaires historiques banques, investisseur ont validé notre stratégie de diversification et d’investissement pour soutenir la croissance du groupe », assure M. Mayeur. Si des projets sont reportés, d’autres néanmoins restent d’actualité, comme le rachat de Protec Métaux d’Arenc, à Marseille.

« On va s’abîmer »

Dans l’urgence, Caroline Gaches, responsable de la branche aéronautique et spatiale de Gaches Chimie, a réorienté une partie de sa production de produits chimiques en solution hydroalcoolique. « Depuis la mi-mars, nous sommes très proactifs, avec 60 000 litres par semaine, indique-t-elle. Ce qui nous a permis de maintenir la production à 100 %, en faisant travailler le maximum de personnes. » Cette société fondée en 1948 peut ainsi « passer la vague de façon temporaire », tout en misant sur d’autres secteurs « qui tournent à plein régime », comme le traitement de l’eau dans l’industrie et l’entretien textile.

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Des compagnies aériennes aux sous-traitants… l’épidémie provoque un effet domino dans l’aéronautique

Des avions de la compagnie américaine Delta Airlines sur le tarmac de l’aéroport international de Birmingham, dans l’Alabama, le 25 mars.
Des avions de la compagnie américaine Delta Airlines sur le tarmac de l’aéroport international de Birmingham, dans l’Alabama, le 25 mars. ELIJAH NOUVELAGE / REUTERS

Eric Prévot, commandant de bord sur un Boeing 777 et porte-parole des opérations aériennes d’Air France, n’en est toujours pas revenu ! Pour la première fois de sa carrière, le pilote en vol vers Los Angeles a traversé, début mai, un ciel américain quasiment vide. Au sol, en revanche, à la verticale de l’aéroport de Victorville (Californie), « j’ai pu voir des centaines d’avions imbriqués les uns dans les autres sur le tarmac ».

Aux Etats-Unis comme en Europe, les compagnies aériennes sont à l’arrêt presque total. A l’exemple d’Air France, qui n’assure plus que 5 % de son programme. « Moins d’une trentaine de vols quotidiens, au lieu de 1 000 en temps normal », se désole M. Prévot. Quelques rares destinations long-courriers, telles que Los Angeles, New York, Rio, Sao Paulo ou encore Fort-de-France et Pointe-à-Pitre.

La pandémie a d’abord touché de plein fouet les compagnies aériennes. Depuis la mi-mars, Air France-KLM « a perdu globalement 100 % de ses recettes », relève la compagnie. En revanche, les coûts demeurent et les pertes s’accumulent. La compagnie franco-néerlandaise et sa concurrente allemande Lufthansa perdent ainsi chaque jour 25 millions d’euros.

Nombre d’Etats ont mis la main à la poche pour leur éviter la faillite. La France va prêter 7 milliards d’euros à Air France. Les Pays-Bas devraient suivre, avec une aide de 4 milliards d’euros pour KLM. Outre-Atlantique, le plan de relance massif de l’économie, d’un montant de 2 200 milliards de dollars (environ 2 030 milliards d’euros), prévoit 50 milliards de dollars pour les compagnies aériennes en difficulté. United Airlines a été la première à profiter de cette manne salvatrice. Fin avril, elle a annoncé son souhait d’emprunter 4,5 milliards de dollars.

Néanmoins, ces aides financières ne remplacent pas une activité au point mort. « Les restructurations commencent. Les compagnies annoncent des réductions d’effectifs et de leurs flottes », souligne Bertrand Mouly-Aigrot, associé du cabinet de conseils Archery Strategy Consulting. British Airways veut se séparer de 30 % de son personnel, soit 12 000 salariés. Les compagnies islandaise Icelandair et suédoise SAS frappent encore plus fort, avec respectivement 45 % et 50 % de leurs effectifs poussés vers la sortie. Dernière en date, mardi 12 mai, Brussels Airlines, filiale de Lufthansa, a présenté un plan de redressement, qui prévoit 25 % de suppressions de postes et 30 % d’avions en moins.

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Covid-19 : l’essor de l’apprentissage  est menacé de subir un coup d’arrêt

L’année avait commencé en fanfare. En 2019, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage signés avait atteint 353 000, 50 700 de plus qu’en 2018 − qui était déjà une bonne année avec 17 000 contrats de plus que l’année précédente. La France comptait au total 485 000 apprentis. Le ministère du travail, pour qui cette progression était redevable à la réforme intervenue début 2019, affichait alors l’ambition de franchir le cap des 500 000 apprentis en 2020. Un peu moins de quatre mois plus tard, la tonalité n’est plus la même.

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Confrontées à la crise économique, les entreprises risquent de fermer, au moins en partie, les robinets finançant de cette main-d’œuvre particulière. A la Fédération nationale des travaux publics, on indique que le secteur, qui emploie environ 9 000 apprentis, nourrit effectivement des inquiétudes sur la capacité des entreprises à recruter les jeunes qui arriveront dans les CFA à la rentrée. Non pas que les apprentis constituent une variable d’ajustement dans la masse salariale, mais plutôt parce que les chefs d’entreprise seraient moins enclins, en période de crise, à recruter des alternants que des personnes immédiatement opérationnelles, surtout dans des professions à forte technicité.

Un « décalage »

Catherine Baldassarre, présidente de la commission sociale de Syntec-Ingénierie, rappelle, elle, que cette branche tournée vers le conseil a fait de gros efforts ces dernières années pour pousser les chefs d’entreprise à intégrer des alternants. « Mais aujourd’hui, on subit la crise économique, on subit le Covid, on subit la baisse de la commande publique liée au report du second tour des élections municipales… ça fait beaucoup de choses en même temps », souligne-t-elle. Il est possible qu’on assiste en ce qui concerne les alternants à un décalage des prises de décision. »

Laurent Champaney, vice-président de la Conférence des grandes écoles et directeur général des Arts et Métiers, veut encore se montrer optimiste. « Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions : c’est plutôt en juin et en juillet que se signent les contrats pour nos étudiants. On essaie de ne pas être trop inquiets, les entreprises sont en train de redémarrer… Mais on fait quand même passer le message aux chefs d’entreprise qu’il peut être important dans la période actuelle de miser sur les apprentis et d’intégrer des jeunes dans leurs effectifs. »

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Les étudiants, de leur côté, sont incités à ne pas se trouver « trop exigeants » en ne ciblant par exemple que les grands groupes, ajoute M. Champaney. Les écoles, pour leur part, devraient se montrer souples sur les délais de signatures des contrats, par exemple, pour donner plus de temps aux jeunes de trouver l’entreprise qui les accueillera pour leur formation. La Conférence des grandes écoles essaie également de promouvoir le dispositif de volontariat territorial en entreprises, pour pallier les difficultés de financement des contrats d’apprentissage.

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Ikea France renvoyé en correctionnelle dans une affaire d’espionnage de ses salariés

Ikea France va devoir comparaître devant une juridiction pénale. Ainsi en a décidé la juge d’instruction Laurence Joulin, dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qu’elle a rendue, le 30 avril, au terme de l’enquête visant le distributeur de meubles : celui-ci est accusé de s’être renseigné illégalement sur les éventuels antécédents judiciaires de son personnel et de candidats à l’embauche. La finalisation de ce document, dont Le Monde a pris connaissance, constitue une étape-clé dans la procédure qui avait été ouverte en mars 2012 par le parquet de Versailles.

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Ikea se voit reprocher le « recel » de plusieurs infractions, notamment celle liée à des « violations du secret professionnel » et celle résultant de la « collecte de données à caractère personnel, par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». En d’autres termes, l’enseigne est accusée d’avoir obtenu des informations figurant dans le STIC (Système de traitement des infractions constatées), un fichier des services de police répertoriant les auteurs et les victimes d’infractions. Il s’agissait, écrit la juge Joulin, « de mettre en place une politique managériale reposant sur un système d’espionnage », organisé notamment à l’encontre de « collaborateurs » et de personnes désireuses d’être recrutées par Ikea. Une « pratique illégale » développée « à l’échelle de toute l’enseigne », complète la magistrate.

« Instructions » de la direction internationale

En dehors de la filiale tricolore du groupe suédois, quinze personnes physiques devront rendre des comptes à la justice. Parmi elles, il y a deux anciens patrons de la chaîne de magasins dans l’Hexagone : Jean-Louis Baillot – qui exerça cette fonction de 1996 à la fin de 2009 – et son successeur, Stefan Vanoverbeke – lequel occupa cette responsabilité jusqu’en 2015. Le premier aurait exigé des contrôles systématiques pour vérifier que les individus embauchés – ou sur le point d’être embauchés – par Ikea n’avaient rien à se reprocher. M. Vanoverbeke, lui, est poursuivi car il aurait laissé perdurer ces actes en toute connaissance de cause. Sont également visés cinq policiers ou ex-policiers. Les investigations laissent penser qu’Ikea aurait fait appel à au moins un prestataire extérieur et à des membres des forces de l’ordre, qui consultaient le STIC.

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D’après Jean-François Paris, l’ancien responsable sécurité d’Ikea France – également renvoyé en correctionnelle –, ces vérifications ont d’abord été effectuées au fil de l’eau, avant de se généraliser à partir du milieu des années 2000, à la demande de M. Baillot. Ce dernier a réfuté une telle assertion, lorsqu’il a été auditionné durant l’enquête, en faisant valoir que ces pratiques auraient peut-être prospéré à la faveur d’« instructions » données par la direction internationale d’Ikea à M. Paris. M. Vanoverbeke a lui aussi contesté les charges pesant à son encontre : « Je ne savais pas que ces pratiques se faisaient, a-t-il soutenu. Si je l’avais su, je les aurais stoppé[e]s. C’est contre mes valeurs et mes convictions. »

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