Archive dans 2019

L’accord final entre direction et syndicats à France Télévision

La présidente du groupe France Télévisions, Delphine Ernotte, à Paris, en août 2018.
La présidente du groupe France Télévisions, Delphine Ernotte, à Paris, en août 2018. BERTRAND GUAY / AFP
France Télévisions entretient l’art du rebondissement. Dans les séries que le groupe audiovisuel public propage, mais aussi dans le domaine… du dialogue social. Jeudi 9 mai, la direction et une masse des syndicats – entre lesquels la CGT, première disposition avec 40,6 % des voix – ont signé un texte qui admet de sortir de l’impasse après l’échec, fin avril, des discussions sur la recomposition des effectifs.

Un ravissement pour Delphine Ernotte, la présidente du groupe public, à la veille d’un conseil d’administration où elle réaffirmera sa détermination de changer France Télévisions, confrontée à la concurrence des plates-formes comme Netflix et aux impératifs d’économies de l’Etat (entre 350 millions et 400 millions d’euros de moins d’ici à 2022). « Cet accord, indispensable au déploiement du projet d’entreprise de France Télévisions, fait la preuve, une nouvelle fois, de l’importance du dialogue social au sein de notre entreprise et de la promesse de tous au service de l’avenir de la télévision publique », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

La CGT avait refusé de participer aux premières discussions sur ce qu’elle qualifiait de « plan destructeur »

Cet accord-cadre, lié de deux annexes, fixe à la fois la méthode et rappelle les objectifs accompagnants le plan de départs volontaires que Mme Ernotte souhaite mettre en œuvre d’ici à 2022 sous forme d’une rupture conventionnelle collective, avec un objectif de 900 suppressions de postes (2 000 départs et 1 100 embauches).

L’accord de la CGT est d’autant plus sérieux qu’elle avait refusé de participer aux premières discussions sur ce qu’elle qualifiait de « plan destructeur ». Une fois l’échec acté, la direction s’était troublée dans le silence, se contentant d’une déclaration laconique, dans lequel elle se affirmait « favorable à une poursuite des échanges ».

En coulisse, Mme Ernotte et deux proches collaborateurs, Stéphane Sitbon-Gomez, directeur du changement, et Arnaud Lesaunier, directeur général délégué des ressources humaines, ont repris langue avec tous les syndicats. La patronne de France Télévisions a « été hyperprésente », relève une source syndicale, ce qui a participé à l’avancée des discussions.

Rafraîchir la pyramide des âges

La direction a pris en compte à la fois le résultat réussi depuis janvier au cours de ses contestations avec la CFDT, FO et le SNJ, qui montrent respectivement 23,5 %, 19,6 % et 15,9 % des voix, et les requêtes de la CGT. L’accord intègre en particulier la demande de cette dernière, lors du dernier comité social et économique central des 17 et 18 avril, d’ajouter au processus un volet GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences).

Cela acceptera de permuter par projet et de faire le point sur les besoins en ressources humaines de l’entreprise, soucieuse de rajeunir sa pyramide des âges (la moyenne actuelle est de 50 ans) et de faire entrer des profils plus tournés vers le numérique, en tenant compte de la réalité du terrain.

Cette concession de la part de la direction lui permet de faire revenir dans le jeu la CGT, acteur incontournable à France Télévisions. « Cela redonne du grain à moudre », déclare-t-on à la tête du groupe public. Direction et syndicats ont aussi couché sur le papier leur trouble au sujet de l’objectif de 900 abandons de postes. « En avançant projet par projet, nous montrerons à la direction que ce n’est pas possible », mentionne Pierre Mouchel, délégué syndical central CGT, qui enregistre aussi la prise en compte de « la qualité de vie au travail ».

L’accord recense les six grands projets de Delphine Ernotte jusqu’en 2022 : l’affermissement de l’information nationale, la décentralisation des antennes (avec notamment le rapprochement entre France 3 et France Bleu), la production de contenus pour le pôle outre-mer, qui a subi la suppression programmée en programmation linéaire de France Ô, la fabrication de « contenus innovants en lien avec l’activité numérique », l’évolution des fonctions support et le renforcement de l’innovation technologique. La direction s’est engagée à investir dans le numérique près de 120 millions d’euros qui n’étaient pas prévus dans la trajectoire budgétaire. « Le texte consacre également le principe de l’expérimentation », déclare-t-on à France Télévisions.

Eric Vial, secrétaire général de FO Médias, s’est réjoui d’avoir « trouvé une majorité pour sortir par le haut ». Son inquiétude était de se voir exiger des départs contraints. A France Télévisions, on aime aussi les fins bienheureuses. Avant, peut-être, le prochain coup de théâtre…

 

 

Les employés mobilisés pour la grève et à protester partout dans l’Hexagone

Une grève des personnels de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le 15 avril, à la Pitié-Salpétrière.
Une grève des personnels de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le 15 avril, à la Pitié-Salpétrière. KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Près de cent cinquante manifestations sont attendues jeudi pour se révolter contre le projet de loi sur le statut des agents de la fonction publique, exposé à l’Assemblée à partir du 13 mai.

Un appel unitaire qui pourrait n’être « qu’une étape » : les fonctionnaires sont appelés à faire la grève et à protester partout en France, jeudi 9 mai, contre le projet de loi censé « moderniser » leur statut, qui se présentera à l’Assemblée nationale à compter du 13 mai.

C’est la quatrième journée nationale d’action dans la fonction publique depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, après celles du 10 octobre 2017 et des 22 mars et 22 mai 2018. Mais « c’est la première fois que le gouvernement se retrouve confronté à toutes les organisations syndicales qui rejettent un projet de loi », déclare Mireille Stivala (CGT), rappelant une « situation inédite ».

Les syndicats de la fonction publique (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, UNSA, FA-FP, CFE-CGC, CFTC) révoquent une réforme à « la portée très grave », tant pour les agents que pour l’avenir des services publics. En inverse, le gouvernement a exposé son texte, qui facilite particulièrement le recours aux contractuels, comme une nécessité pour rendre l’administration « plus attractive et plus réactive » face aux « nouvelles attentes » des Français.

Appel dans la durée

Les syndicats ont d’ores et déjà annoncé que la journée de jeudi ne serait « qu’une étape » d’une mobilisation « dans la durée » pour « dire non » à ce projet de loi présenté en conseil des ministres le 27 mars et solliciter au gouvernement qu’il « ouvre enfin des discussions sur de nouvelles bases ».

Près de 150 manifestations sont attendues dans toute la France, selon les syndicats. A Paris, le cortège s’élancera à 14 heures de la place Denfert-Rochereau, à destination des Invalides. « Des appels à révéler ont été lancés dans de nombreux secteurs, bien au-delà de la fonction publique », qui rassemble quelque 5,5 millions d’agents dans ses trois versants (Etat, hospitalière, territoriale), a dit à l’AFP Baptiste Talbot, secrétaire général de la fédération CGT des services publics.

Ils intéressent la chimie et le commerce, mais aussi les cheminots ainsi que les retraités, qui manifesteront aux côtés des enseignants, des soignants, des douaniers, des agents des finances publiques ou encore des fonctionnaires territoriaux, pour défendre leurs missions et des services publics de qualité.

Chez les enseignants, le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer a dit tabler sur une grève d’« une certaine importance », prévoyant un taux de manifestant « d’environ 15 % » dans le primaire, « moins » dans le secondaire.

Une « forte mobilisation est attendue dans les établissements hospitaliers », a déclaré à l’AFP Patrick Bourdillon de la CGT santé/action sociale, qui a placé un préavis de grève national reconductible « spécifique aux urgences et aux Samu ». Depuis des semaines, des mouvements de grève essaiment aux urgences, notamment celles de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) mais aussi de Nantes, Strasbourg et Lyon, où les soignants réclament plus de moyens pour faire face à l’accumulation des services. « On a atteint un point de non-retour », a déclaré M. Bourdillon, dénonçant des services « en train d’exploser ».

« Passage en force »

Sur le projet de loi, les syndicats examinent « un passage en force » du gouvernement, qu’ils attaquent de vouloir une fonction publique placée sur les règles du privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l’indépendance des agents. Bernadette Groison (FSU) s’exprime  « désaccord profond avec l’orientation choisie par le gouvernement sur l’avenir de la fonction publique » et Gaëlle Martinez (Solidaires) d’un texte « qui fait l’unanimité contre lui ».

A la CFDT, Mylène Jacquot déclare « l’élargissement du recours au contrat » comme un « vrai désaccord » or qu’à FO, Christian Grolier révoque la surdité d’un « gouvernement anti-fonctionnaires » et que Luc Farré (UNSA) voit dans le texte une « boîte à outils » pour « privatiser à terme la fonction publique ».

Le projet de loi sera présent à l’Assemblée nationale à compter de lundi 13 mai en première lecture. Le gouvernement désire le faire choisir avant l’été pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Le projet de loi s’inscrit dans un objectif de cession de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici à 2022.

Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a qualifié d’« atteignable » cet objectif le 26 avril, alors qu’Emmanuel Macron s’était dit la veille prêt à « l’abandonner », sollicitant au gouvernement « son analyse d’ici à l’été ».

 

 

Siemens veut se focaliser sur les technologies digitales et de robotisation de la production

Le patron de Siemens, Joe Kaeser, lors d’une conférence de presse, à Munich, en janvier 2018.
Le patron de Siemens, Joe Kaeser, lors d’une conférence de presse, à Munich, en janvier 2018. Michael Dalder / REUTERS

Le géant allemand veut se focaliser sur les technologies digitales et de robotisation de la production.

Une grande turbine, formée d’une forêt de pales de distinctes tailles, et, au milieu, frottant le tout, un ouvrier en casque blanc siglé du logo vert : c’est la photo habituellement utilisée pour illustrer le géant industriel allemand Siemens. Cette image sera bientôt écartée dans les livres d’histoire. Siemens a déclaré, mardi 7 mai, son projet de mettre en Bourse son département énergie et gaz, l’un des plus traditionnels du groupe, pour se centrer vers les activités de technologies numériques liées à l’industrie.

Par cette conclusion, confirmée par le conseil de surveillance du groupe, mardi soir, Siemens met fin aux rumeurs et aux demandes sur l’avenir du département énergie, en pénurie depuis plusieurs années, en particulier dans la production de turbines à gaz et à vapeur. Le secteur sera mis en Bourse en septembre 2020 au plus tard, spécifie le communiqué. Pour le rendre plus attrayant, Siemens lui adjoindra les 59 % du capital qu’il détient dans la coentreprise germano-espagnole Siemens Gamesa, leader mondial de l’éolien, créée en 2017.

La nouvelle entreprise sera un géant mondial de l’énergie : elle débarrassera 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, avec 80 000 salariés, et des activités recouvrant l’ensemble de la chaîne de valeur – de la production à la distribution d’énergie. Siemens demeurera un actionnaire de référence dans le nouvel ensemble, avec une collaboration d’un peu moins de 50 % au départ.

380 000 travailleurs

Cette mise en Bourse est une nouvelle escale dans le grand réaménagement du groupe industriel allemand attirée à l’été 2018 par Joe Kaeser. Le patron du groupe défend depuis considérablement l’idée d’une « flottille » d’activités, autonomes sans être indépendantes, contre la structure traditionnelle en conglomérat, aussitôt jugée trop lente et bureaucratique et moins attrayante pour les actionnaires. Ce principe sonne la fin de la solidarité financière traditionnelle entre départements et favorise le modèle de la holding. Le mouvement touche tous les grands groupes allemands traditionnels : ThyssenKrupp, Continental et Volkswagen ont opéré des scissions et des mises en Bourse de leurs activités, en 2018.

Le chef du groupe défend depuis un bon moment l’idée d’une « flottille » d’activités, autonomes sans être indépendantes, contre la structure traditionnelle en conglomérat

Chez Siemens, qui compte 380 000 employés, et incarnait le conglomérat par excellence, cette évolution est notamment spectaculaire. Si le groupe a régulièrement adapté son portefeuille d’activités tout au long de son histoire, les démembrements partiels ou totaux se sont précipités ces dernières années : outre la fusion dans l’éolien avec Gamesa, Siemens a placé en Bourse son département de technique médicale Healthineers, fleuron du groupe, à la fin de 2018, et tenté une fusion de ses activités ferroviaires avec le français Alstom, définitivement rejetée par la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, au début de février. En 2013, Siemens s’était séparé de son département de technique d’éclairage, Osram, dans lequel il ne dispose plus aucune participation.

Le patronat et la discussion sur les retraites complémentaires

Les organisations d’employeurs présentent d’amplifier le champ des personnes qui ne seraient pas souples à un malus, au sein de l’Agirc-Arrco.

En ces temps de colère sociale, le patronat est prêt à faire de – menues – présents au sujet des caisses de retraites complémentaires du secteur privé (Agirc-Arrco). Escomptés dans une discussion avec les syndicats sur le pilotage du régime, il vient de transmettre un projet d’accord qui comporte des dispositions allant dans ce sens. Ce document de neuf pages, doit être observé vendredi 10 mai, à l’occasion d’une rencontre intégrale entre les partenaires sociaux qui pourrait être conclusive.

Il prédit d’agrandir les catégories de personnes qui ne sont pas soumises à un malus – aussi appelé « coefficient de solidarité » ou « décote » –, quand elles règlent leur retraite. Ainsi, la liste des adjudicataires de cette « exonération » s’allongerait, en incluant aussitôt les chômeurs en fin de droit, les personnes en incapacité, ainsi que celles ayant perçu l’allocation adulte handicapé (AAH) ou qui se sont vu avouer une incapacité permanente d’au moins 20 %, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Encourager les personnes à travailler plus longtemps

Pour attraper l’importance de cette mesure, il faut affermir trois ans et demi en arrière. Fin octobre 2015, les ordonnances d’employeurs et trois confédérations de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC) signent un accord pour sortir du rouge les comptes très humiliés de l’Agirc et de l’Arrco. L’une des dispositions prises prévoit un système d’abattements et de bonifications, afin d’inciter les personnes à travailler plus longtemps. Ainsi, sauf exception, celui qui part à la retraite dès l’instant où il a droit au taux plein dans le régime de base (par exemple 62 ans pour un individu né en 1957 qui a cotisé 41,5 ans) a le choix entre trois scénarios : soit il cesse d’œuvrer, mais sa pension supplémentaire est alors diminuée de 10 % pendant trois ans ; soit il reste en poste jusqu’à 63 ans, ce qui lui permet de ne pas subir des sanctions financières ; soit il soutiens son activité au-delà de 63 ans, auquel cas sa pension Agirc-Arrco est élevée.

« Un tabou est tombé », se complimente alors Claude Tendil, le chef de file de la délégation patronale, qui s’est battu bec et ongles pour réussir la cooptation d’un tel agencement. Le Medef et ses alliés sollicitent, en effet, un report de l’âge minimum à partir duquel on peut liquider sa pension (pour le porter de 62 ans à 63 ans, voire davantage). Le malus engendré à l’Agirc-Arrco exauce partiellement leurs vœux, puisqu’il est de nature à modifier les comportements : si les assurés souhaitent échapper à la décote, ils doivent se maintenir en activité au-delà de 62 ans. A l’époque, la CGT et FO dénient d’entériner cette réforme, estimant qu’elle porte atteinte à l’âge légal de départ à la retraite. Les trois syndicats signataires, eux, s’y rassemblent, mais à contrecœur.

L’ex-PDG de France Télécom, et le procès de la vague de suicides

L’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard témoigne au palais de justice de Paris, le 6 mai.
L’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard témoigne au palais de justice de Paris, le 6 mai. ERWAN FAGES

Sept avisés, dont l’ex-PDG de France Télécom, se présentent au tribunal correctionnel de Paris, après de la vague de suicides de travailleurs entre 2007 et 2010.

A la barre du tribunal correctionnel de Paris, mardi 7 mai, l’ex-PDG de France Télécom, Didier Lombard, 77 ans, expose sa longue et riche carrière. « Fonctionnaire », déclare-t-il.

Polytechnique, Ecole nationale des télécommunications, ingénieur-chercheur durant vingt ans au Centre national d’études des télécommunications (CNET) – « le premier satellite Telecom, la norme GSM, les composants pour les câbles sous-marins à fibre optique, la détection radar des bulles de chaleur pour esquiver les trous d’air des avions » –, puis le ministère de la recherche « avec Hubert Curien », celui de l’industrie, et, finalement, son arrivée à France Télécom en 2003, dont il prend la direction deux ans plus tard.

Il élude ses activités d’administrateur avec jetons d’existence afférents chez Thalès, Renault, Thomson et La Poste, la procureure les lui rappelle. Fin de l’exposition biographique.

« Il n’y avait pas de crise sociale »

Puis il sollicite l’autorisation de lire un papier, « avec l’émotion, je risque de dérailler », se justifie-t-il. « Je veux dire la profonde tristesse qui reste et restera à tout jamais le mien pour ceux qui n’ont pas supporté le changement imposée à l’entreprise dont le sauvetage puis le succès ne sont dus qu’au travail de chacune et de chacun d’entre eux. Notre maison était en péril en 2005 à cause de son surendettement, de l’agressivité de la compétition et des évolutions technologiques extrêmement rapides. (…) A l’évidence, il est présenté que les mesures d’aide à la transformation n’étaient pas accordées à l’égard de certains et je renouvelle aux victimes et à leurs familles l’expression de ma sincère et profonde tristesse de ce que cette situation ait pu involontairement participer à déstabiliser certains d’entre eux au point qu’ils réalisent un geste irréparable, ce qui m’est insupportable. »

Formation des hauts fonctionnaires des missions

« Il apparaît essentiel, comme le préconisait d’ailleurs le CESE, de revoir les programmes de formation initiale des écoles de la fonction publique, pour assurer une plus grande polyvalence des personnels recrutés » (L’entrée de l’Ecole nationale d’administration, à Strasbourg).
« Il apparaît essentiel, comme le préconisait d’ailleurs le CESE, de revoir les programmes de formation initiale des écoles de la fonction publique, pour assurer une plus grande polyvalence des personnels recrutés » (L’entrée de l’Ecole nationale d’administration, à Strasbourg). VINCENT KESSLER / REUTERS

Thibaut Guilluy et Stéphanie Goujon, de l’association Le French Impact, suscitent d’arranger une mobilité éducatrice entre haute fonction publique et entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire.

Un air populiste souffle de plus en plus fort, huant nos élites, regardées comme désarmées et débranchées des réalités habituelles du peuple français. Ce discours, très ancré dans notre culture depuis longtemps, a trouvé un récent écho dans les requêtes du mouvement des « gilets jaunes », puis dans le cadre du grand débat national, qui a fait ressortir des interrogations, voire du ressentiment et de la « défiance » (17 %) des citoyens vis-à-vis de notre haute administration, dont les préjugés privilèges et les rétributions ont fini par porter la suspicion sur leur sens de l’intérêt général.

Le procès intenté est excessif et abusif en regard de l’abnégation et de l’honnêteté d’une grande majorité des serviteurs de l’Etat, mais il traduit une coupure dangereuse et accentuée avec une technocratie jugée insolente et fermée sur elle-même.

Fautif ou bouc émissaire, l’énarchie a vu son scalp offert par le président de la République au peuple qui semblait le supplier. La cession de l’Ecole nationale d’administration est une bannière forte et les symboles comptent. Mais elle n’apaisera pas à retisser de la confiance et à renouer le fil entre la haute administration républicaine et les citoyens au service desquels elle est admise agir. Alors, comment incarner le renouveau ? Quels leviers pour poursuivre demain à former des élites mais qui soient entièrement connectées avec les réalités de la société française ?

Alors que notre cohérence sociale est tourmentée, trois pistes d’actions concrètes devraient être aperçues pour rapprocher la haute fonction publique avec les citoyens.

Très faibles intérêt et inventivité

La première vise à remplacer une culture de l’action et de la solution à la culture du contrôle actuellement prédominante. Comment ne pas s’étonner que la France oriente régulièrement ses meilleurs élèves vers des corps – l’Inspection des finances, le Conseil d’Etat, la Cour des comptes – dont la mission première est d’ordonner des normes ?

Nous avions certainement besoin de normes et de contrôle dans la société des « trente glorieuses », mais, actuellement, elles viennent dans bien des cas brider l’innovation. Or, les rapports du jury de l’ENA dirigent, chaque année, cette réalité : les candidats se distinguent tous par la rigueur de leurs références et la célérité de leur raisonnement, mais aussi par une curiosité et une inventivité très faibles. Pour récapituler, tous pensent très vite, mais peu raisonnent différemment.

 

Le Ramadan en entreprise

Durant un mois, des hommes et des femmes jeûneront le jour, tout en poursuivant le travail. Existe-t-il des agencements légaux ?

C’est un des cinq piliers de l’islam : le ramadan a débuté le 6 mai en France. Pendant ce mois considéré comme sacré, les fidèles ne doivent ni manger ni boire, de l’aube au coucher du soleil. On affection entre 4 et 5 millions le nombre de personnes « de culture musulmane » en France. Selon un sondage IFOP-Marianne réalisé en 2011, 71 % des fidèles en France affirmaient respecter le jeûne du ramadan.

Aucun agencement du code du travail ne vise nettement cet acte religieux, mais certaines d’entre elles peuvent s’appliquer au salarié pratiquant, déclare Pascal Caillaud, chercheur au CNRS. Le ministère du travail a publié un « Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées » pour clarifier des situations entre salariés pratiquants et employeurs. Éclaircissements.

Quiz : que savez-vous du ramadan ?

  1. Les horaires doivent-ils être changés durant le ramadan ?

Rien n’est obligatoire. Le salarié pratiquant le ramadan peut malgré cela négocier en amont une modification de son temps de travail (changement des pauses pour tenir compte de la rupture du jeûne, journées continues sans pause déjeuner, journées raccourcies, etc.). Son employeur peut le lui permettre si cela n’entrave pas l’organisation de l’entreprise. « Il peut demander en contrepartie au salarié de rattraper les heures non travaillées ultérieurement », déclare Pascal Caillaud.

Mais l’employeur peut aussi le lui dénier en vertu de son pouvoir de direction. « Il doit veiller à ce que son refus ne soit pas constitutif d’une discrimination », ajoute le professeur de droit.

  1. L’employeur peut-il exiger à son salarié qui jeûne des « tâches difficiles » ?

Le code du travail exige à l’employeur de prendre les mesures essentielles pour garantir la sécurité et défendre la santé physique et mentale de ses travailleurs.

Le fait de jeûner n’indique pas, en soi, une incapacité de travailler. Si un médecin du travail déclare que le jeûne n’admet pas d’exécuter un travail en toute sécurité, l’employeur doit retirer le salarié de son poste. Dans ce cas-là, la rétribution de l’employé n’est pas certainement maintenue.

L’employeur peut aussi décider d’une modification d’affectation sans que cela forme une sanction disciplinaire.

  1. L’employeur peut-il exclure des congés payés au motif que le salarié pratique le ramadan ?

Non (pas sous ce motif). Une négation sur la base d’une croyance religieuse est interdite. « Le salarié n’est pas dans la promesse de justifier pourquoi il demande la prise de congés. Toutefois, la période de prise des congés est fixée par un accord ou une convention. S’il n’y en a pas, il appartient à l’employeur de fixer cette période », ajoute Pascal Caillaud.

Mais l’embaucheur peut contester une demande de congés de son salarié pour des raisons liées aux contraintes de l’entreprise. Si plusieurs employés sollicitent à profiter, au même moment, de congés simultanés, cela peut mener un dérangement de l’entreprise. Dans ce cas précis, l’employeur peut admettre la demande de congé d’un salarié et la refuser pour un autre, même si les deux demandes sont liées à la même pratique religieuse. Il se rapporte alors à l’ordre des départs en congés payés (article L3141-6) fixé en fonction de la situation de famille ou encore de l’ancienneté du salarié.

  1. L’employeur peut-il forcer son salarié à collaborer aux repas d’affaires ?

Oui. Si le repas d’affaires fait partie du travail pour lequel l’employé a été recruté, comme c’est le cas chez quelques commerciaux, son supérieur peut demander sa présence. Mais il ne peut le forcer à consommer le repas.Il faut donc distinguer la présence au repas de l’achèvement des aliments ou des boissons.

Dans la pratique, les religieux musulmans permettent des exceptions de rupture du jeûne pour les fidèles en difficulté, surtout en période de canicule.

L’avenir de l’emploi à l’heure du digital

Sarah Bouillaud

Les changements du travail face à la croissance des outils digitaux sont au programme de la première édition de RESO, le 14 mai 2019 à Montpellier, lors de tables rondes et de conférences.

De prime accueil, l’apaisement. Le tout récent rapport de l’Organisation de collaboration et de développement économiques (OCDE) sur L’Avenir du travail, divulgué le 25 avril, estime à 14 % la part des emplois tourmentés de l’absence dans les prochains vingt ans pour cause de changement technologique. Le World Economic Forum de Davos estimait lui, en septembre 2018 dans The Future of Jobs, que l’automatisation, si elle allait effacer 75 millions d’emplois dans le monde, en créerait simultanément 133 millions, donnant raison aux tenants des thèses de Schumpeter sur la « destruction créatrice ».

Une nouvelle insouciance met en lumière des enjeux qui, à l’analyse, ne sont pas moins dévastateurs

Cet insouciance rompt avec plusieurs années de bouleversement enseigné – de précédentes études, émanant y compris d’instances universitaires renommées comme l’université d’Oxford, jaugeaient à 50 % ou plus la part des emplois directement alarmés par la transformation digitale. Mais il met en lumière des enjeux qui, à l’analyse, ne sont pas moins destructeurs. Davos comme l’OCDE pointent en effet une triple intimidation.

Pluseurs menace

La première porte sur la concentration du marché de l’emploi. La nouvelle économie est en effet forte consommatrice de profils compétents et laisse de moins en moins de place aux jobs dits intermédiaires. Quant aux emplois peu ou très peu qualifiés, s’ils poursuivent voire se développent, c’est au prix d’une fragilisation croissante et de revenus faibles.

La deuxième touche aussi la France plus que d’autres : la condition sine qua non pour embarquer les actifs dans la transmutation des emplois et des entreprises réside dans l’efficacité du système de formation continue. Or l’an passé, dans l’Hexagone, seul un actif sur trois s’est formé, et comme il est d’usage, ce sont les plus qualifiés qui ont encore le plus profité de ces mises à niveau.

Les primordiales victimes de cette « quatrième révolution industrielle » risquent d’être les classes populaires et les classes moyennes

La troisième fulmination découle des deux premières ; elle intéresse les effets sociaux de cette « quatrième révolution industrielle », dont les primordiales victimes risquent d’être les classes populaires – de l’emploi, certes, mais plus souvent précaire, à temps partiel et mal rétribué – et les classes moyennes – moins d’emplois conciliateurs. Facteur aggravant pour la France : les positions professionnelles y étant plus qu’ailleurs figées dès la fin des études, cette concentration risque d’accroître encore les effets sociaux des différences scolaires.

« Le libéralisme responsable, c’est le libéralisme qui a tout compris »

Emery Jacquillat, le patron de la Camif, à Paris, le 15 novembre 2016.
Emery Jacquillat, le patron de la Camif, à Paris, le 15 novembre 2016. OLIVIER LEJEUNE / PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
Participant dans le cadre des Rencontres économiques et sociétales d’Occitanie, le 14 mai 2019, à Montpellier, le PDG de la Camif rend compte des privilégies du statut innovateur d’« entreprise à mission » comme la sienne.

La Camif, commerçante en ligne de meubles et de linge de maison, est des premières « entreprises à mission ». Déterminé par la loi Pacte, ce statut dédie la notion d’intérêt social et ouvre la voie à une récente vision de l’entreprise. Son PDG, Emery Jacquillat, a prévenu tout le monde en faisant transformer les statuts de son entreprise dès novembre 2017.

Le capitalisme tel qu’on l’a connu vit-il ses dernières heures ?

Je ne peux pas le découvrir, mais il est vrai qu’il y a un modèle qui doit naître, et vite : un modèle d’entreprise plus participative avec une économie plus locale, plus inclusive, plus circulaire. Le chantier est énorme, il faut tout réinventer : le management, le modèle d’affaire, le cœur de l’offre… Nous n’avons plus le choix, il faut rendre nos activités acceptables sur le plan social et environnemental.

Est-ce que le passage sera doux ? Je ne le crois pas. Il y a aura des sociétés, des territoires et des régions qui seront incapables de s’assembler. Seules les entreprises les plus agiles et qui sauront utiliser le digital seront encore là dans vingt-cinq ou cinquante ans. Les actionnaires visionnaires auront vite compris que pour continuer à faire du profit il faudra miser sur des entreprises à impact positif. Le capitalisme responsable, c’est le capitalisme qui a tout compris.

Est-ce que vous restez optimiste pour la suite ?

Oui. Il y a chez de nombreux chefs d’entreprise et les collaborateurs cette soif de donner du sens. La prise de conscience collective s’est opérée dans les deux dernières années avec l’arrivée de Trump au pouvoir et la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris, la reproduction des rapports scientifiques alarmistes et plus récemment la démission de Nicolas Hulot. Les politiques ne savent plus faire ; c’est à nous de faire. L’entreprise « à mission » arrive à ce moment de notre histoire, pour arriver à encourager les entreprises à prendre des promesses qui se traduisent par des objectifs concrets et mesurables sur les enjeux sociaux et environnementaux.

Comment le digital peut-il aider les entreprises à prendre ce tournant ?

Tous les deux ans, on double le nombre de publications, de consciences abordables partageables par l’humanité. La donnée et l’intelligence sont aussitôt accessibles à toutes les entreprises. Je prends l’exemple de l’application Yuka, qui admet de scanner les produits alimentaires et d’estimer leur impact sur la santé. L’application utilise la base de données Open Food Facts. Demain l’IA sera accessible de la même manière. Tout l’enjeu est de s’obtenir de cette richesse d’informations pour la traduire en valeur économique, sociale et environnementale pour adoucir les défis.

La Camif est l’une des deux premières entreprises françaises à s’être affectées dans leurs statuts d’un « objet social étendu », « au bénéfice de l’homme et de la planète ». Comment y parvenir quand on vend des meubles et des objets de décoration ?

Demain on attirera mieux mais moins. Nous devons octroyer de la valeur aux objets qui nous terminent. En 2017, quand nous avons défini nos objectifs, nous avons acceptés qu’on n’y arrive pas en posant clairement notre cahier des charges sur la table des fabricants. Nous avons organisé un « Camifathon » pour assembler designers, consommateurs, fabricants et experts en économie circulaire.

De ces trois jours d’ateliers participatifs sont nées des collaborations, parfois entre des entreprises compétitrices, pour créer notre propre marque d’objets fabriqués à partir de déchets (canapés en tissus recyclés, matelas en matières recyclées, etc.). Pour nous, c’est une modification complete de métier. Nous passons de dispensateur à éditeur de meubles. Les chefs de produit deviennent des chefs de projets. C’est passionnant pour les équipes.

« Ce qu’on est en train de faire, je pense qu’on peut le faire dans tous les métiers »

Le digital permet aussi une meilleure information du client. Sur chaque fiche produit nous donnons le pays de fabrication, la liste des composants, des informations sur le fabricant… Nos recherches montrent que les clients veulent en savoir plus. Est-ce que les salariés sont heureux ? Est-ce que l’entreprise paye ses impôts en France ?

Cette clarté de l’information et la traçabilité des produits sont essentiels pour restituer la confiance dans les marques et permettre aux consommateurs de faire un choix éclairé. Cette révolution, on la mène à notre petite échelle. Quand on contient de fermer notre site le jour du Black Friday, cela a un impact fort dans notre écosystème. Ce qu’on est en train de faire, je pense qu’on peut le faire dans tous les métiers.