Archive dans 2019

Les agents des impôts se mobilisent contre la réorganisation des trésoreries

Les 104 000 fonctionnaires des finances publiques sont appelés à se mettre en grève, jeudi 14 novembre.

Par Publié hier à 18h43, mis à jour à 07h07

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Les fonctionnaires comptent chanter cela sur l’air du tube de Jean-Jacques Goldman, Encore un matin. La chanson s’appelle Retourne à Tourcoing et les paroles parodiques visent Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, maire de la ville du Nord de 2014 à 2017 : « Darkmachin, tu nous sers/à rien. Mais enfin/pour un coup/de main. Enlever/ta réforme/c’est rien, ce s’rait bien. Un matin/sans rien. Et te taire. Retourne à Tourcoing. »

Les fonctionnaires de Bercy sont en colère, et ils ont prévu de la laisser éclater dans la rue, jeudi 14 novembre, dans le cadre d’une mobilisation nationale. Les 104 000 agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP), comme les 17 000 douaniers, sont invités à faire grève et à manifester partout dans le pays.

Le répertoire ne se cantonne pas à Retourne à Tourcoing. Il y aura également Fou, fou, Fournel – Jérôme Fournel est le nouveau patron de la DGFiP – sur la mélodie de Toi mon toit d’Elli Medeiros ou Regarde, sur celle de La Grenade de Clara Luciani. Mais le thème est, en revanche, toujours le même : la « réforme » dont il est question, c’est le plan Darmanin de réorganisation des trésoreries partout en France.

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Le projet du ministre, présenté en juin, fait couler beaucoup d’encre, notamment dans les campagnes. Gérald Darmanin entend réduire les bâtiments mais augmenter les « points de contact ». Les agents seraient rassemblés dans de moins nombreuses trésoreries, mais les lieux permettant de rencontrer les usagers seraient, eux, augmentés de 30 %. Beaucoup d’élus ruraux, cependant, échaudés par des années de suppression des services publics, ont mal réagi. Un mouvement inédit de vote de motions s’est développé un peu partout.

« Concertation »

Les syndicats de fonctionnaires, quant à eux, dénoncent une « folie dévastatrice ». « Gérald Darmanin tient un double discours, dénonce Anne Guyot-Welke, porte-parole de Solidaires-Finances publiques, le premier syndicat de la DGFiP. L’augmentation de la présence, mais la fermeture de trésoreries, ce n’est pas audible pour les personnels. » La syndicaliste rappelle, en outre, que ce ne sont pas forcément des agents des impôts qui seront chargés de répondre aux questions des contribuables, mais des « agents territoriaux ».

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Dans l’entourage du ministre, on rappelle que « Gérald Darmanin a décidé de donner du temps à la concertation ». D’une part, aucune fermeture n’aura lieu en 2020 sans l’accord des élus. « C’est unique depuis quinze ans, dit-on de même source. Jusqu’à présent on tourne à 100/150 suppressions annuelles. » Cela n’empêche pas, d’autre part, le ministre d’avancer dans les territoires prêts à sauter le pas : une convention a ainsi été signée le 7 novembre avec Christian Bruyen, président du conseil départemental de la Marne. D’autres l’ont été dans le Var et les Alpes-Maritimes.

« Le travail de nuit, le difficile arbitrage entre l’économique et le social »

Ce sujet colle aux doigts de tous les ministres du travail depuis des décennies sans qu’aucun n’ait trouvé la martingale qui concilie développement économique et sécurité des travailleurs, estime Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h26 Temps de Lecture 2 min.

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Un Monoprix à Nice, le 8 octobre 2018.
Un Monoprix à Nice, le 8 octobre 2018. Eric Gaillard / REUTERS

Pertes & profits. Ce sont des taches de lumière qui éclairent le chemin de l’habitant des grandes métropoles quand il rentre tard le soir, ces petits commerces, si pratiques pour les distraits qui ont oublié la plaque de beurre ou la boîte de petits pois. On apprend donc à la faveur d’une discussion parlementaire que la plupart d’entre eux sont dans l’illégalité. Les employés de Monoprix, Casino et autres Carrefour City ont bien signé des accords de branche, mais ceux-ci peuvent être attaqués devant les tribunaux. Le travail après 21 heures dans les commerces alimentaires n’est autorisé par la loi que dans les zones touristiques internationales, au prix de compensations importantes pour les salariés. Cette affaire du travail de nuit, comme celle du dimanche, colle aux doigts de tous les ministres du travail depuis des décennies sans qu’aucun n’ait trouvé la martingale qui concilie développement économique et sécurité des travailleurs. Celle-ci soulève au moins trois questions.

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La première nécessité serait de sortir de cette ambiguïté qui insécurise à la fois l’employeur et l’employé. Raison pour laquelle les distributeurs militent depuis longtemps pour que la loi légalise l’extension du travail de 21 heures à minuit, comme c’est le cas pour les métiers nocturnes du spectacle par exemple. L’amendement glissé au printemps dans la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a été invalidé par le Conseil constitutionnel. Retour à la case départ, et cette fois les syndicats profitent de la tension sociale pour monter au créneau. Avec justesse, ils soulignent que le travail tard le soir est déstabilisant et mérite au minimum des compensations. Et même si les accords de branche ou d’entreprise sont plus généreux, ils s’inquiètent de voir la loi fixer une norme moins favorable. Le risque juridique pour les employeurs aura été remplacé par le risque social pour les salariés.

Horaires atypiques

La deuxième question est celle du volontariat des travailleurs. Beaucoup d’entre eux, notamment des jeunes, seraient prêts à décaler leur journée de travail le soir en échange d’une contrepartie salariale. Mais d’autres en situation de précarité n’ont parfois pas le choix et doivent se plier à ces nouvelles exigences pour préserver leur emploi, au prix d’une dégradation de leur vie familiale. Comme le souligne un syndicaliste, cela fait cher payée la boîte de petits pois du noctambule.

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Le dernier point plane en arrière-fond depuis bien longtemps. C’est celui de l’arbitrage entre l’économique et le social et, au-delà, d’une certaine philosophie de la vie en société. La croissance économique du commerce alimentaire est inexistante. L’espace urbain est saturé de magasins et la seule poche de croissance reste l’extension des horaires d’ouverture. A Paris, les professionnels estiment que 10 % du chiffre d’affaires est réalisé après 20 heures. Et au dessus plane l’ombre menaçante du e-commerce, qui s’attaque à l’alimentaire.

Le travail de nuit dans les commerces mis en veilleuse

Le gouvernement temporise sur ce sujet, craignant d’ouvrir un nouveau front social avec les syndicats. Le patronat refuse d’accorder les mêmes contreparties que celles en vigueur dans les zones touristiques.

Par et Publié aujourd’hui à 10h44, mis à jour à 10h49

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Un Monoprix ouvert de nuit, à Paris, en 2013.
Un Monoprix ouvert de nuit, à Paris, en 2013. THOMAS SAMSON / AFP

Pas question d’ouvrir un front supplémentaire avec les syndicats. Alors qu’il s’apprêtait à dévoiler une réforme qui assouplit les règles sur le travail de nuit dans les commerces « à dominante alimentaire », le gouvernement a finalement décidé de s’accorder un laps de temps supplémentaire pour légiférer sur ce dossier très sensible. C’est le ministère du travail qui l’a annoncé, mardi 12 novembre, en indiquant qu’une concertation de six mois va s’engager avec les partenaires sociaux afin de dégager des solutions.

A l’origine, il était prévu d’inscrire des dispositions très précises dans un projet de loi portant diverses mesures d’ordre social (DMOS), qui devait être présenté, mercredi 13, en conseil des ministres. Finalement, ce texte se contente d’habiliter l’exécutif à prendre une ordonnance – dont le contenu reste à écrire – pour modifier la « législation applicable ». « Les choses ne sont pas mûres », confie une source au cœur du dossier. Secrétaire général de la CGT-Commerce, Amar Lagha considère, lui, que le pouvoir en place « recule », dans un contexte de plus en plus électrique à l’approche de la journée d’action du 5 décembre contre la réforme des retraites.

D’ores et déjà une réalité

Sur l’activité nocturne dans les magasins, le gouvernement a, décidément, bien du mal à conclure. Il s’y était employé une première fois, à la faveur de la loi Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises, adoptée en avril au Parlement. Un amendement avait été introduit de manière à accorder au commerce à prédominance alimentaire une dérogation dont bénéficient d’autres secteurs (la presse, les discothèques, etc.). Le but était de permettre à ce type de distributeurs d’ouvrir après 21 heures en réduisant le créneau horaire pendant lequel les règles sur le travail de nuit s’imposent à l’employeur. Passée relativement inaperçue à l’époque, la disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’avait pas de lien direct avec le projet de loi.

Lire le décryptage : Le Parlement veut remettre de l’ordre dans l’ouverture en soirée des commerces alimentaires

Pour le patronat du secteur, l’adaptation des règles est cruciale. Ce dernier réclame, en effet, depuis des années un nouveau cadre sur l’ouverture des points de vente, tard dans la soirée, afin de répondre à l’évolution des modes de consommation, de plus en plus fragmentés, notamment dans les grandes agglomérations. Il s’agit aussi de faire jeu égal avec les acteurs du commerce en ligne, actifs vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qui captent 6,5 % du marché des produits de grande consommation.

Bug en Suède sur les chiffres du chômage

Après avoir constaté une erreur dans sa dernière évaluation du taux de chômage, l’institut suédois de la statistique a annoncé qu’il allait devoir recalculer le PIB du royaume scandinave.

Par Publié aujourd’hui à 09h55

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La ministre suédoise des finances, Magdalena Andersson, lors d’une réunion informelle des ministres des affaires économiques et financières, à Helsinki, le 13 septembre.
La ministre suédoise des finances, Magdalena Andersson, lors d’une réunion informelle des ministres des affaires économiques et financières, à Helsinki, le 13 septembre. MARTTI KAINULAINEN / AFP

Présentés mi-octobre par l’institut suédois de la statistique (SCB), les derniers chiffres du chômage, en Suède, semblaient confirmer ce que les experts annonçaient depuis des mois : l’activité économique entrait dans une période de ralentissement. Et bien plus brutalement que prévu, au vu du taux de chômage, passé de 6,3 % en septembre 2018, à 7,3 %, un an plus tard.

Le jour même de la publication des chiffres, le quotidien Dagens Nyheter constate que « le chômage n’a pas progressé aussi vite, depuis la crise financière en Suède, qu’au cours de ces derniers mois ». Dans la foulée, la couronne suédoise, déjà au plus bas, dégringole, avant de finalement se reprendre.

Mais les économistes s’interrogent : se pourrait-il qu’une erreur ait été commise ? En effet, la Suède semble être le seul des pays nordiques à subir une telle baisse de l’emploi. Mais surtout, aucun autre indicateur économique ne va dans le même sens, pas plus que les statistiques de l’agence nationale pour l’emploi.

Lire l’analyse : En Europe, des chiffres du chômage encourageants… et une précarité omniprésente

Stupeur dans le pays

A Stockholm, la ministre des finances, Magdalena Andersson, exige des explications. Les accords collectifs doivent être renégociés début 2020 : les mauvais chiffres du chômage sont déjà évoqués pour tempérer les ambitions salariales des syndicats. Finalement, SCB concède une erreur, provoquant la stupeur en Suède.

L’institut de la statistique blâme son fournisseur, la société informatique Evry, chargée de mener une partie des entretiens téléphoniques utilisés pour nourrir les enquêtes mensuelles sur la situation du marché du travail. « Le nombre d’actifs a probablement été légèrement surestimé l’année dernière pour être ensuite sous-estimé pendant l’été 2019 », explique SCB, dans un communiqué de presse, tandis que « le nombre de chômeurs a été sous-estimé en début d’année, pour ensuite être surestimé ».

Une première explication est avancée : chaque mois, 30 000 personnes sont contactées au téléphone, dont la moitié par les employés du centre d’appel d’Evry, installé en banlieue de Stockholm. Il y a dix ans, une personne sur deux acceptait de répondre aux questions, contre une sur cinq aujourd’hui, ce qui pourrait fausser les données recueillies.

Le journal Aftonbladet met en cause également les conditions de travail, dans le centre d’appel, où les salariés, embauchés à l’heure et payés aux résultats, auraient falsifié les réponses aux questionnaires. Face à ces révélations, l’institut de la statistique a décidé de suspendre sa collaboration avec la société informatique. Par ailleurs, le PIB suédois va devoir être recalculé, en remontant jusqu’au début 2018.

Lire la lettre de : En Suède, les mendiants ne sont plus les bienvenus

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A Pôle emploi, mille conseillers vont se mettre au service des recruteurs

Les employeurs confrontés à la pénurie de main-d’œuvre ont besoin d’un accompagnement actif de l’opérateur public.

Par Publié aujourd’hui à 07h00

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« Le rôle des conseillers consistera à recontacter toutes les entreprises dont le recrutement (hors offre d’emploi cadre) n’a pas abouti en trente jours. L’opérateur leur proposera alors un service “personnalisé”. »
« Le rôle des conseillers consistera à recontacter toutes les entreprises dont le recrutement (hors offre d’emploi cadre) n’a pas abouti en trente jours. L’opérateur leur proposera alors un service “personnalisé”. » Alain Le Bot / Photononstop

Les entreprises, notamment les TPE-PME, ont de plus en plus de mal à recruter. Selon l’enquête Besoin en main-d’œuvre (BMO) 2019 de Pôle emploi, un projet d’embauche sur deux est jugé difficile. Afin de mieux répondre à cette problématique, Pôle emploi va augmenter ses effectifs de conseillers chargés des entreprises, portant leur nombre de 4 300 à 5 300. Cette mission sera confiée à des agents volontaires. Ils seront remplacés à leur poste habituel par des contrats à durée déterminée (CDD) de trois ans.

La Confédération française démocratique du travail (CFDT) ne boude pas son plaisir : « La suppression à Pôle emploi de 1 000 postes par an jusqu’en 2022 avait été annoncée. Donc ces embauches même si elles sont précaires sont une bonne nouvelle », explique Pascal Nezan, secrétaire national CFDT chargé du secteur emploi à la Fédération protection sociale travail emploi (PSTE).

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Le rôle de ces conseillers consistera à recontacter toutes les entreprises dont le recrutement (hors offre d’emploi cadre) n’a pas abouti en trente jours. L’opérateur leur proposera alors un service « personnalisé » : travail sur l’offre, analyse de poste, présélection de candidats, action d’adaptation aux postes… avec le souci de coller aux différentes réalités des territoires.

Le secteur « commerce et réparation automobile » en difficulté

« C’est une très bonne idée, apprécie Brigitte Schifano, directrice des ressources humaines (DRH) d’AramisAuto, distributeur de véhicules qui emploie 550 salariés. Le conseil personnalisé est quelque chose de précieux. Aujourd’hui, seuls 8 % de nos recrutements se font par l’intermédiaire de Pôle emploi. J’adorerais passer à 50 % mais nous n’avons actuellement aucune interaction avec eux. Or Pôle emploi devrait avoir une vraie compréhension des besoins de l’entreprise, de sa culture, de son fonctionnement… Aucune société ne confierait ses recrutements à un cabinet qui ne ferait pas preuve d’écoute et d’empathie. La relation doit être de qualité. »

Pascal Brethomé, vice-président métiers au Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), se montre plus circonspect. « Si ces nouveaux conseillers sont là pour nous aider à remplir les demandes sur le site Internet, ce n’est pas la peine ! Plus personne dans la profession n’a confiance en Pôle emploi. Et la situation ne fait qu’empirer. » Il est vrai que le secteur souffre tout particulièrement : avec 71 % des embauches jugées problématiques, l’activité « commerce et réparation automobile » monte sur la première marche du podium des secteurs en difficulté.

Emploi handicapé : la donne a changé

Peu à peu les emplois handicapés s’imposent dans les entreprises. Cependant, ils restent encore de nombreux obstacles, comme la prise en compte réelle du handicap et de son adaptation pour une intégration pérenne des handicapés dans les entreprises.

Publié aujourd’hui à 06h45 Temps de Lecture 2 min.

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« Après avoir mis le pied dans la porte de l’entreprise, la clé du maintien en emploi, c’est l’adaptation au poste. »
« Après avoir mis le pied dans la porte de l’entreprise, la clé du maintien en emploi, c’est l’adaptation au poste. » DPA / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». A quelques jours de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, qui s’ouvrira le 18 novembre, le taux de chômage 2019 des personnes en situation de handicap est en très légère baisse annuelle de 1 point, à 18 % ! Une pincée de contrats courts (grâce aux « CDD tremplin » de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel »), une autre d’apprentissage, une dernière pincée de créations d’entreprises et… quelque 5 900 personnes ont retrouvé le chemin de l’entreprise.

De façon précaire ? Probablement. Le CDD tremplin, mis en place pour faciliter le retour à l’emploi dans le milieu ordinaire, a fait des heureux : « Ça nous permet de prendre des risques en recrutement, en embauchant des candidats inexpérimentés, ou peu formés », explique Claire Sala-Angeli, la responsable du recrutement de l’agence de communication Les Papillons de jour, qui en a signé cinq cette année. Les contrats courts sont en hausse. Mais les contrats durables sont en baisse, et le chômage de longue durée continue de progresser.

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La donne a changé. Le mot d’ordre est double : retour à l’emploi et intégration dans le « milieu ordinaire ». « Avant on nous demandait de créer de l’emploi durable, désormais la demande est de réduire le chômage en concrétisant 40 000 mises en emploi d’ici à 2022, en échange de la pérennité de notre modèle d’entreprises adaptées », explique Sylvain Couthier, président du groupe ATF. Ces entreprises sont subventionnées pour embaucher majoritairement des personnes en situation de handicap et les former pour les ramener vers les entreprises « ordinaires ».

L’importance de l’adaptation au poste

Le donneur d’ordre demande un profil – technicien informatique, administrateur paie –, et l’entreprise adaptée forme le candidat. « Cela ouvre de nouvelles perspectives. Mais le vrai changement est que, dans la formation à mettre en place, on précise la fiche de poste tâche par tâche pour s’adapter à la personne », explique M. Couthier.

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Car, après avoir mis le pied dans la porte de l’entreprise, la clé du maintien en emploi, c’est l’adaptation au poste. Les tâches impossibles à un aveugle ne posent pas de problème à un sourd, et pour un handicap évolutif l’adaptation est permanente.

Le rôle de l’accompagnement au sein de l’entreprise est donc essentiel. C’est grâce à un dispositif expérimental d’« emploi accompagné » lancé dans le cadre de la loi travail de 2016, que Victoria Lahouel, hypersomniaque, a trouvé une place stable. Après des tests neuropsychologiques et accompagnée dans l’entreprise par un référent handicap, elle est enfin en CDI en horaires aménagés à vingt-cinq heures par semaine. « Avant, je me débrouillais toute seule, mais l’hypersomnie, c’était compliqué à expliquer aux employeurs. “Ce sont des grosses conneries”, m’a-t-on dit. Les employeurs ne me gardaient pas. Pourtant je peux travailler normalement », souligne-t-elle. En 2019, le dispositif « emploi accompagné » n’a profité qu’à quelque 2 000 élus sur quelque 507 600 demandeurs d’emploi.

Le but de l’entreprise n’est pas de faire des profits

Dans sa chronique, Pierre-Yves Gomez considère que « le but d’une entreprise est de réaliser un projet productif, avec ses dimensions économiques et sociétales, qui soit durable dans un environnement concurrentiel ; le profit est un des moyens de rendre pérenne un tel projet ».

Publié aujourd’hui à 06h30 Temps de Lecture 2 min.

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« Il existera toujours une tension entre le projet productif de l’entreprise et le niveau de profit nécessaire à sa reproduction, qu’on peut appeler le « juste profit »
« Il existera toujours une tension entre le projet productif de l’entreprise et le niveau de profit nécessaire à sa reproduction, qu’on peut appeler le « juste profit » Wavebreak Media / Photononstop

Chronique Gouvernance. « Le but de l’entreprise est de faire des profits » est un lieu commun, qui possède une force quasi mystique. Certes, dans un système capitaliste, l’entreprise doit réaliser des profits pour subsister. C’est une nécessité qu’on peut discuter et critiquer, mais il est clair que, dès lors qu’une unité de production est autonome et qu’elle ne peut compter que sur sa propre activité pour se pérenniser, elle doit dégager des résultats suffisants pour investir et rémunérer les détenteurs de capital qui sont une de ses nombreuses parties prenantes. Si tel n’était pas le cas, il faudrait trouver d’autres modalités pour assurer ces opérations.

Le profit est donc nécessaire. Mais on ne peut en déduire que le but de l’entreprise est de faire des profits. Contrairement à une idée souvent avancée, on ne trouve pas de textes juridiques soutenant une telle affirmation pour la raison décisive que l’entreprise n’a pas d’existence juridique. Seule la société en a une et même alors, le droit exige qu’elle déclare, dès sa constitution, sa raison sociale, c’est-à-dire la raison d’exister qui la rend acceptable pour la société. On ne connaît aucune entreprise qui se donnerait pour raison sociale de faire des profits…

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Le but d’une entreprise est de réaliser un projet productif, avec ses dimensions économiques et sociétales, qui soit durable dans un environnement concurrentiel ; le profit est un des moyens de rendre pérenne un tel projet. L’opposition tranchée entre les entreprises orientées par les profits, et celles, plus vertueuses, dotées d’une mission sociale est donc caricaturale. On peut même soupçonner qu’elle alimente des postures et des débats qui n’existeraient pas sans ce préalable. C’est de bonne guerre, mais ce n’est pas de bonne science.

Objectifs et résultats

Car on occulte le vrai sujet. Qu’elle soit dotée ou non de mission sociale spécifique, il existera toujours une tension entre le projet productif de l’entreprise et le niveau de profit nécessaire à sa reproduction, qu’on peut appeler le « juste profit ». Or il existe un point de dérapage au-delà duquel la réalisation d’un niveau de résultat final déterminé l’emporte sur le projet productif. C’est le point de financiarisation : le juste profit fait place au plus grand profit possible comme moyen d’évaluer le projet productif à toutes ses étapes.

Un tel basculement se produit lors d’un changement de gouvernance donnant un poids important à un actionnaire qui n’a pas de connaissance ou d’intérêt pour le projet de l’entreprise. Par paresse ou par incompétence, il réduit celui-ci au retour financier qu’il lui procure. C’est la financiarisation par l’externe.

Le travail a rendez-vous avec l’histoire

Cet ouvrage collectif dirigé par le juriste Alain Supiot examine et éclaire les défis du travail au XXIe siècle. Cent ans après la création de l’Organisation internationale du travail (OIT), les questions écologiques, technologiques et juridiques sont désormais au cœur des réflexions sur le monde du travail.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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« Le Travail au XXIe siècle », sous la direction d’Alain Supiot, éd. de l’Atelier, 384 pages, 24,90 euros.
« Le Travail au XXIe siècle », sous la direction d’Alain Supiot, éd. de l’Atelier, 384 pages, 24,90 euros.

Le Livre. En 1919, l’Organisation internationale du travail (OIT), créée par le traité de Versailles, inscrivait dans sa Constitution la nécessité d’un « régime de travail réellement humain ». Cent ans plus tard, cette mission est toujours d’actualité : la « déclaration du centenaire », adoptée lors de la Conférence internationale du travail de juin 2019, recommande de poursuivre une approche des questions du travail « centrée sur l’humain ».

Le Travail au XXI e siècle est un ouvrage collectif qui fait ressortir l’héritage le plus précieux légué par cette histoire centenaire : « L’idée qu’il n’existe pas de paix durable sans justice sociale, que cette justice sociale ne peut être poursuivie avec succès au niveau d’un seul pays, qu’elle requiert une coopération entre les nations. Les normes internationales du travail restent aujourd’hui le principal instrument à disposition de l’OIT pour promouvoir des conditions de travail décentes pour tous », résume le directeur du bureau de l’OIT pour la France, Cyril Cosme.

Sous la direction du spécialiste du droit du travail et professeur émérite au Collège de France Alain Supiot, l’ouvrage est le fruit d’une discussion entre vingt et un auteurs venus d’horizons disciplinaires et de pays très divers, réunis lors d’un colloque international organisé au Collège de France en février 2019, quelques mois avant le discours de clôture d’Alain Supiot.

L’émergence des questions écologiques et sociétales

Ce n’est pas la première fois que le travail se transforme sous l’effet des changements techniques affectant les modes de production. Cependant, la vitesse avec laquelle les technologies numériques bouleversent aussi bien l’organisation de la production des biens et des services que le rapport entre producteurs et consommateurs est singulière. Deux auteurs se penchent ainsi sur l’intelligence artificielle, qui renouvelle le rapport entre l’homme et la machine : Giuseppe Longo rappelle les propriétés si caractéristiques du travail humain, et Stéphane Mallat souligne les ressorts différents de l’intelligence artificielle et de l’intelligence humaine.

Le livre souligne un autre enjeu essentiel des années à venir : l’articulation entre la question écologique et la question sociale. Les fondateurs de l’OIT restaient éloignés des préoccupations liées à l’environnement, aux risques de surexploitation des ressources naturelles et au dérèglement climatique. « L’époque était au productivisme, à partir d’une organisation scientifique du travail industriel qui allait connaître son apogée dans les années suivant la création de l’Organisation », rappelle Cyril Cosme.

Etre indépendant et maître de son emploi du temps, un rêve de jeune diplômé

Si le salariat reste la norme pour les étudiants qui sortent des écoles de commerce, de nouvelles formes d’emploi et d’organisations du travail offrant flexibilité et autonomie séduisent cette génération.

Par Publié aujourd’hui à 05h57

Temps de Lecture 8 min.

NASTASIC / GETTY IMAGES

Une semaine de congés par-ci, un week-end prolongé par-là, une journée de télétravail annoncée au dernier moment, deux semaines de pause à Noël et tout le mois d’août en vacances. Maxime Vaudin, 26 ans, n’arrive plus à faire le décompte de ses jours « off » l’année dernière. Ce dont il est sûr, en revanche, c’est qu’il en a suffisamment pour ne pas penser aux prochains avec anxiété. Ce jeune diplômé de l’école de commerce Skema travaille depuis deux ans pour l’entreprise américaine Indeed, un moteur de recherche d’emploi créé en 2004, et qui a depuis janvier 2016, à grand renfort de communication, mis en place les « congés illimités » pour ses 8 900 employés dans le monde.

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Sur le papier, les salariés peuvent prendre autant de vacances qu’ils le souhaitent tant qu’ils sont « performants » et « atteignent leurs résultats », explique Charles Champala, directeur commercial chez Indeed France, qui a lui-même pris trois semaines de congés lors de la naissance de son enfant, en plus du congé de paternité légal de onze jours. Né dans la Silicon Valley au début des années 2000, le concept est encore assez peu exporté en France (où la durée légale des congés payés est bien supérieure à celle d’outre-Atlantique). Chez Indeed France (60 employés), les salariés ont pris en 2018 en moyenne sept jours de congés en plus des congés légaux et des RTT.

« Si j’ai envie d’arriver tôt et de prendre une grosse pause déjeuner pour faire du sport, ou de travailler de manière très intensive pour prendre une semaine après, je suis libre de le faire. » Maxime, salarié chez Indeed

« Les congés payés illimités, de même que le télétravail ou la flexibilité des horaires, répondent aux attentes d’un grand nombre de salariés », poursuit Charles Champala. Les entreprises qui ont mis en place cette organisation ne sont pas pour autant des philanthropes : l’objectif reste la performance, et le salarié heureux est toujours un salarié moins malade, moins absent, plus créatif et… plus productif.

Surtout, il s’agit de fidéliser, de « retenir » les collaborateurs les plus jeunes, comme Maxime Vaudin. Chez Indeed, ce dernier apprécie de pouvoir travailler comme il l’entend. « Si j’ai envie d’arriver tôt le matin et de prendre une grosse pause déjeuner pour faire du sport, ou de travailler de manière très intensive pendant plusieurs jours pour prendre une semaine après, je suis libre de le faire. Ça me met dans un bon “mood” pour travailler. Le fait d’être libre évite toute frustration, et je n’ai plus le blues du dimanche soir. »