Archive dans 2019

« Nous ne nécessiterions pas admettre le discours anxiogène annonceur d’un monde sans travail »

La robotisation ne signifie pas nécessairement la disparition des emplois, car l’innovation technologique peut créer de nouvelles occasions, estime le syndicaliste argentin Bruno Dobrusin.

Quasiment toutes les études sur « l’avenir du travail » prédisent que l’automatisation s’expliquera par des millions de chômeurs. La fameuse étude de 2013 effectuée par deux professeurs d’Oxford prévoit ainsi que dans une ou deux décennies 47 % des postes de travail aux Etats-Unis pourraient être occupés par des robots.

Ce type de conclusion laisse à réfléchir que le travail va disparaître. Cette idée, confortée par la multiplication des « petits boulots », est soutenue avant tout par les entreprises. Mais si les travailleurs et les syndicats avaient davantage droit au chapitre, l’avenir du travail pourrait être très différent.

Trois hypothèses amplement répandues introduisent un biais dans ces prévisions.

Première hypothèse : prochainement, l’automatisation complète des postes de travail va mettre les travailleurs au chômage. Mais cette idée est contestable, d’autant que les mêmes données peuvent conduire à des conclusions différentes. Ainsi, une étude de 2017 réalisée par l’Institut McKinsey, qui utilise des données similaires à celles utilisées par les professeurs d’Oxford, conclut qu’aux Etats-Unis seulement 5 % des postes de travail pourront être entièrement automatisés, mais que 60 % pourront l’être partiellement. Autrement dit, l’automatisation ne signifie pas nécessairement la disparition des emplois, mais qu’ils seront plus productifs.

Quoi qu’il en soit, les dispositions actuelles montrent qu’il faut démocratiser le processus d’automatisation des emplois. Ainsi la nouveauté (par exemple le recours à l’informatique par Amazon pour chronométrer les salariés dans ses entrepôts) peut se traduire par une baisse de productivité. La manière d’utiliser la technologie compte plus que la technologie elle-même.

Discours anxiogène

Deuxième hypothèse : avec l’automatisation, la plupart des laborieux seront perdants. Mais ce sont les citoyens et la politique – et non les machines – qui vont décider du sort des travailleurs. Si nous admettons l’idée que la technologie va améliorer la productivité (ce qui est contestable au vu de la faible croissance de la productivité au sein des pays de l’OCDE depuis une dizaine d’années), les travailleurs et les décideurs politiques devraient chercher un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle. La lutte pour une journée de travail de huit heures date de plus d’un siècle ; les négociations sociales devraient faire une place à la réduction du temps de travail. Le syndicat allemand de la métallurgie l’a déjà obtenu, d’autres devraient suivre.

« Le division géographique affaiblit notre capacité à lutter contre le chômage »

L’économiste Francis Kramarz plaide, pour une union accélérée des municipalités, pour mieux concentrer les ressources publiques sur la lutte contre le chômage.

Le chômage est bien plus élevé en France qu’aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède ou au Danemark… Et malgré cela, certains de ces pays s’appuient sur des principes libéraux, d’autres plus sur des valeurs sociales-démocrates ; dans certains, les syndicats sont forts, dans d’autres, ils ont presque disparu ; dans certains, la flexisécurité règne en maître, dans d’autres, le marché fait la loi.

Autre différence, la France compte aujourd’hui près de 35 000 communes, soit environ 40 % des communes en Europe, pour moins de 8 % de sa population. Une commune française compte près de 1 800 habitants en moyenne contre 5 500 dans l’Union et 55 000 au Danemark. L’Allemagne a trois fois moins de communes ; l’Italie et l’Espagne en comptent 8 000.

Ce grand nombre s’explique par le retard du processus de fusion. Après l’échec des essais des années 1970, il a fallu attendre la création du statut de commune nouvelle, en 2010, pour inciter aux fusions. Avec un résultat limité : le nombre de communes a baissé de 5 % (de 36 570 à 34 851) entre 2010 et 2019. Au Danemark, la réforme de 2007, en imposant un seuil de 20 000 habitants, a divisé leur nombre par trois. En Suède, leur nombre a été réduit de 2 532 à 290.

Ces deux spécificités françaises sont-elles liées ? Oui, car le morcellement géographique saupoudre les ressources et amoindrit notre capacité à lutter contre le chômage.

Dispersion des fonds

Imaginons un entrepreneur possédant une usine en France, dans une zone, souvent rurale, où le foncier est peu cher. Pour affronter la concurrence, il doit monter en gamme, acheter de nouvelles machines, automatiser… Il lui faut donc des travailleurs très qualifiés, des techniciens, des ingénieurs : pour créer des emplois, même peu qualifiés, il faut forcément des salariés qualifiés. Afin de les faire venir, il faut des villes attirantes, connectées à des centres de vie dynamiques. Un travailleur très qualifié n’acceptera d’aller en famille que dans un lieu où les collèges, les lycées délivrent un enseignement de qualité, proche d’un campus universitaire offrant des cursus en humanités, sciences, droit et médecine. Où son conjoint pourra facilement trouver un emploi. Où les infrastructures médicales et sociales, les cinémas, les théâtres, les expositions seront abordables.

Est-ce que nos 35000 communes peuvent chacune devenir un tel lieu d’attraction. Non ! L’Etat a-t-il œuvré en ce sens ? Non ! Bien au contraire.

Selon le syndicat, le Géant américain General Electric envisage jusqu’à 470 suppressions de postes en France

 General Electric (GE)aurait commencé des négociations pour réduire ses effectifs en France, à travers le dispositif de rupture conventionnelle collective instauré en 2017.
Le siège européen de GE (General Electric) Power à Belfort, dans l’est de la France.
Le siège européen de GE (General Electric) Power à Belfort, dans l’est de la France. SEBASTIEN BOZON / AFP
Le géant américain General Electric envisage de suspendre jusqu’à 470 postes à travers la France, a-t-on appris mardi 22 janvier de sources syndicales. Sont concernés 149 postes chez Power Conversion France, 90 chez Grid et 229 (dont 146 à Belfort) chez Alstom Power System, selon ces mêmes sources.(GE) a ouvert des débats afin de réduire ses effectifs en France, hors Boulogne-Billancourt (siège du groupe dans l’Hexagone), à travers le dispositif de rupture conventionnelle collective instauré par les ordonnances Macron de septembre 2017, toujours selon ces sources syndicales.

Rupture conventionnelle collective

Questionnée par l’AFP, la direction de la communication de GE Power à Belfort a affirmé l’ouverture de ces négociations, se refusant à tout autre commentaire. « GE procède actuellement à une revue de ses activités pour s’assurer qu’elles sont les mieux à même de répondre aux réalités du marché et permettre leur succès à long terme », a-t-elle déclaré. « Dans cet esprit, GE a entamé des discussions avec les représentants du personnel d’APS [Alstom Power Systems] sur la faisabilité d’un plan de départs volontaires dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective », a-t-elle poursuivi, précisant ne pas être « en mesure de partager plus d’informations à ce stade ».

Dans un tract commun, la CFDT et la CFE-CGC d’Alstom Power System s’inquiètent des « conséquences des diminutions d’effectifs sur la continuité des activités, sur le maintien des compétences et des expertises » et demandent des embauches pour compenser ces éventuelles pertes de compétences. Pour cette entité de GE, le plan de rupture conventionnelle collective est complété par un « projet seniors » qui concerne l’ensemble des établissements et les 1 844 emplois en CDI. Les 229 postes visés le sont à travers les deux dispositifs de départs. La CGT demande quant à elle « un plan ambitieux d’embauches avec la mise en place de tutorats, de façon à remettre la pyramide des âges à l’endroit ».

De source syndicale, le dispositif de rupture conventionnelle collective n’écarte en rien l’éventualité d’un plan social ultérieur. Les négociations ont été ouvertes dès décembre pour l’entité Power System. Une première réunion s’est déroulée la semaine dernière à Boulogne-Billancourt pour Alstom Power System, qui doit être suivie par d’autres rendez-vous chaque semaine, avec, selon les syndicats, une détermination de la direction d’enregistrer les premiers départs dès avril.

Air France : le Directeur Général en passe d’arriver à un accord avec les pilotes

En échange d’une augmentation de rémunération, le SNPL accepterait de suivre la stratégie de montée en gamme de la compagnie.

 

Le directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith, à Paris, le 16 janvier.
Le directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith, à Paris, le 16 janvier. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Benjamin Smith, le nouveau directeur général d’Air France-KLM, va-t-il arriver là où ses deux prédécesseurs, Alexandre de Juniac puis Jean-Marc Janaillac, ont échoué ? Après s’être attiré les bonnes grâces des syndicats d’hôtesses et de stewards d’Air France, début janvier, en enterrant la filiale à bas coûts Joon et en acceptant de réintégrer au sein de la compagnie les personnels navigants commerciaux de ladite filiale, il n’est pas loin de trouver un accord avec le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Comme l’a évoqué La Tribune, lundi 21 janvier, les pilotes accepteraient, moyennant une augmentation de leur rémunération, de conduire la montée en gamme prônée par M. Smith pour développer Air France.

Pour le directeur de la compagnie franco-néerlandaise, son salut passe par la mise en œuvre d’une manœuvre axée sur le « premium », à savoir la ­conquête de passagers « à haute contribution », surtout ceux des classes affaires et Premium Economy. En pratique, l’augmentation, inférieure aux 4,7 % réclamés par le SNPL, viendra s’ajouter aux 4 % (versés en deux fois 2 %) déjà accordés par Air France à ses salariés. En échange, les pilotes d’Air France devront changer l’unité de mesure qui permet de comparer l’activité de leur compagnie à celle de KLM. Jusqu’à présent, elle s’exprimait en nombre de sièges au kilomètre offert, le fameux indicateur SKO.

Cependant, ce critère se heurte à la stratégie premium décidée par M. Smith pour Air France et KLM. Le directeur général souhaite réduire le nombre de sièges de classe économique des long-courriers d’Air France pour y installer plus de fauteuils de classe affaires. A l’inverse, il veut densifier les cabines des avions de KLM, en augmentant le nombre des sièges de classe économique, et réduire la place consentie aux passagers « à haute contribution ». Une politique inspirée par la quasi-saturation de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, le hub de KLM.

Il y aurait moins de voyageur, mais plus rentables chez Air France, et plus de sièges disponibles chez KLM, faute de pouvoir augmenter la taille de la flotte – une sorte de partage des tâches. Corollaire : Air France deviendra la compagnie premium du groupe, tandis que KLM se consacrera essentiellement aux vols loisirs.

« Une marque très puissante »

Pour obtenir l’aval des pilotes, M. Smith serait prêt à leur garantir qu’ils continueront de disposer de long-courriers gros porteurs comme les A350 d’Airbus ou les 777 de Boeing. Grâce à cette méthode, « les coûts d’Air France vont augmenter, mais les revenus aussi », veut croire Jean-Louis Barber, ancien président du SNPL et l’un des mieux élus, en décembre, à l’occasion du scrutin destiné à renouveler le conseil du syndicat.

Tous les pilotes n’ont pas cet avis. Il y aura « une perte d’activité », dénonce Philippe Evain, lui aussi ex-président du SNPL. Il redoute « qu’en cas de retournement de conjoncture les premiers passagers que l’on [perde], ce [soient] les clients “à haute contribution” ». C’est ce qui s’était passé lors de la crise économique de 2008. A l’époque, toutefois, l’offre d’Air France n’était pas à la hauteur, rétorque M. Barber. Selon lui, « Air France est une marque très puissante », qui peut gagner son pari avec une offre de qualité.

Finalement, pour être décidément accepté, le projet d’accord doit être présenté au conseil du SNPL, mercredi 23 janvier, avant d’être soumis aux adhérents du syndicat. Un vote favorable de leur part témoignerait d’une révolution culturelle chez les pilotes. En effet, ces derniers devront renoncer à l’une des revendications qu’ils portent depuis des années : le rééquilibrage, en faveur d’Air France, de l’activité avec KLM.

La concurrence pèse sur les compagnies aériennes low cost

L’augmentation des prix des carburants et la croissance de la concurrence affectent les comptes des entreprises.

Bjorn Kjos, patron de la compagnie norvégienne à bas coût Norwegian, à Buenos Aires, en mars 2018.

Bjorn Kjos, patron de la compagnie norvégienne à bas coût Norwegian, à Buenos Aires, en mars 2018. Marcos Brindicci / REUTERS

Avis d’orage sur le low cost ! Coup sur coup, Norwegian et Ryanair, deux des fleurons européens des compagnies pas cher, ont fait état de leurs problèmes. La norvégienne, pionnière du low cost long-courrier, a annoncé, mercredi 16 janvier, qu’elle allait réduire la voilure. Norwegian va fermer cinq de ses bases en Europe, sur les îles espagnoles de Palma de Majorque et Tenerife, ainsi qu’à Rome, mais aussi aux Etats-Unis, à Newburgh (New York) et à Providence (Rhode Island). Son objectif : réduire les coûts, alors que la compagnie a accumulé une dette de plus de deux milliards d’euros, en raison d’une croissance à marche forcé, à coups de commandes géantes d’avions, d’ouverture de bases et de destinations.

Pour l’heure, seules les bases desservies par des Boeing 737 Max de l’entreprise sont intéressées. Cette décision, qui doit lui permettre d’économiser 200 millions de dollars (175 millions d’euros), fait écho à l’annonce, en septembre 2018, de son intention de se séparer de ses 737 déjà en service et de revendre les 90 Airbus moyen-courriers qu’elle a commandés et qui doivent lui être livrés dans les prochaines années.

Norwegian n’est pas la seule à battre de l’aile. Ryanair a restauré en baisse ses prévisions de bénéfices, vendredi 18 janvier. C’est la deuxième fois, en quatre mois, que la compagnie irlandaise dirigée par l’inamovible Michael O’Leary doit se plier à cet exercice. Au sortir de l’été 2018, à l’occasion de la présentation des résultats semestriels, le bouillant patron de la société irlandaise avait pointé du doigt la grève des pilotes et des personnels de cabine, ainsi que la remontée des prix du kérosène, pour expliquer des prévisions de bénéfices en berne. Désormais, Ryanair met en avant la chute des tarifs aériens, cet hiver 2018-2019, qui pourraient, selon elle, dégringoler de 7 % au lieu des 2 % attendus.

Etrangement, bons taux de remplissage

La compagnie à bas coût prévoit aussitôt d’engranger un bénéfice pour l’exercice 2018-2019, qui sera clos fin mars, compris entre 1 milliard et 1,1 milliard d’euros. Des chiffres qui la situent loin de son record de 2017-2018, quand la compagnie avait, alors, dégagé un gain de 1,45 milliard d’euros. Et l’optimisme n’est guère de mise. La direction de Ryanair n’exclut pas d’abaisser ses prévisions si les tarifs des billets d’avions devaient encore reculer.

Etrangement, les low cost souffrent, alors que leurs taux de remplissage sont au vert. Ainsi, Ryanair attend une hausse de son trafic passager de 9 %, pour atteindre 142 millions de clients transportés en 2019. Norwegian est dans le même cas. En 2018, le groupe a battu ses records, avec 37,34 millions de passagers. Une progression de 13 % d’une année sur l’autre. Cet afflux de passagers touche toutes les compagnies low cost. C’est notamment le cas de Transavia France, filiale à bas coût d’Air France. En 2018, la quarantaine d’appareils de sa flotte a transporté 15,8 millions de passagers. Un chiffre en augmentation de 7,1 %.

 

Le Japon veut bien porter à 70 ans l’âge de la retraite

L’ambition du gouvernement japonais de Shinzo Abe est de combattre la pénurie de main-d’œuvre et l’explosion des coûts de la sécurité sociale.

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, lors d’une conférence de presse, à Tokyo, le 10 décembre 2018.
Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, lors d’une conférence de presse, à Tokyo, le 10 décembre 2018. TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

 

Lutter contre la carence de main-d’œuvre et l’explosion des coûts de la sécurité sociale. Telle est l’ambition du gouvernement japonais grâce à son projet de réforme du système des retraites. « Je souhaite réorganiser le système de sécurité sociale pour rassurer tout le monde : enfants, parents, actifs et personnes âgées », annonçait, en septembre 2018, le premier ministre, Shinzo Abe. Il plaide pour une activité prolongée à même de « stimuler la croissance, augmenter les recettes fiscales et générer davantage de recettes pour la sécurité sociale ».

Baptisé « Vers une ère où l’on vit 100 ans », son projet doit être finalisé à l’été 2019, au terme de négociations avec les entreprises qui s’annoncent délicates. La mesure primordiale envisagée est de repousser à 70 ans l’âge de perception de la retraite et d’autoriser les salariés à cotiser jusqu’à 65 ans. La mesure serait appliquée par étapes, l’objectif étant d’inciter les entreprises à garder leurs employés un long moment.

Depuis 2006, l’âge d’encaissement des pensions est de 65 ans, mais la majorité des entreprises ont fixé un âge de départ à la retraite à 60 ans. Dans ces conditions, le néoretraité peut débuter à percevoir sa retraite avant 65 ans, mais il subit alors une décote. Il peut aussi reprendre une activité. Mais les conditions de réembauche sont souvent désavantageuses.

Les entreprises pourraient aspirer si elles doivent payer des salariés jusqu’à 65 ans. Cela les obligerait à rectifier leur organisation et pèserait sur leurs finances. Face à la fronde attendue, le gouvernement envisage de créer un système de soutien financier à l’emploi des personnes âgées. Il prévoit aussi des aides pour celles qui souhaiteraient créer une entreprise.

Vieillissement de la population

Pour le gouvernement, il y a obligation, car le vieillissement de la population s’accompagne d’une explosion des coûts de la sécurité sociale, qui représentent aujourd’hui le tiers du budget de l’Etat, contre 17,6 % en 2000.

Si la réforme était optée, il s’agirait d’une nouvelle transformation majeure pour un système dont l’origine remonte à la loi sur l’assurance-retraite des travailleurs de 1942. En 1961, une couverture universelle a été instaurée, qui détermine plusieurs catégories de cotisants : les fonctionnaires, les employés du secteur privé, les travailleurs du secteur agricole et de la pêche et les indépendants.

« M. Macron souhaite une élasticité à l’allemande »

 Le président demande un renforcement des sanctions et des baisses d’allocations-chômage aux partenaires sociaux. Des exigences inacceptables, estime le négociateur de la CGT

 Un décret annnoncé le 30 décembre 2018 en application de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a attiré l’attention sur le renforcement des sanctions contre les chômeurs. Il ne s’agit pas seulement de suspendre, et même d’annuler, les allocations pour de prétendus manquements : une redéfinition de « l’offre raisonnable d’emploi » permet d’obliger une personne inscrite à Pôle emploi à accepter à peu près n’importe quel emploi sans référence au salaire antérieurement perçu, voire sans référence à sa qualification.

Au-delà de ces sanctions qui font le mélange entre l’immense majorité des chômeurs et les 0,4 % de fraudes, la nouvelle loi permet au gouvernement de faire rouvrir la négociation de la convention assurance chômage entre patronat et syndicats, un an avant l’échéance. Ainsi, le gouvernement peut aussitôt décider de faire modifier une convention Unédic en cours, ce qu’il s’est empressé de faire par sa lettre de cadrage du 25 septembre 2018 aux organisations siégeant à l’Unédic. Il entend ainsi imposer 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans, soit 1,3 milliard par an sur 37 milliards d’indemnités versées. Cela signifierait une perte moyenne considérable de 3,5 % sur les allocations, pour des personnes dont le revenu moyen est de 1 200 euros par mois.

Mais cette lettre de cadrage vise surtout les travailleurs précaires, celles et ceux dits « en activité réduite », c’est-à-dire 800 000 personnes parmi les 2,2 millions inscrites dans les catégories B et C des chiffres mensuels du chômage. Elle exige de revoir à la baisse le calcul des allocations lorsqu’il y a « cumul » – en fait, alternance – de périodes de travail, généralement en CDD courts, et de chômage indemnisé, de revoir la durée de ce cumul, ou encore sa éventualité même ; par exemple lorsqu’une assistante maternelle, qui peut garder jusqu’à trois enfants, n’en garde plus qu’un ou deux (généralement parce que la famille inscrit son enfant à l’école maternelle).

Destruction des droits

Déjà touchés par des baisses de droits dues aux conventions 2014 et 2017, nombre de personnes pourraient ainsi perdre 10 % à 30 % de leur allocation, soit 100 à 200 euros par mois, voire ne plus bénéficier d’allocations du tout. Ce sont des intérimaires, des extras de l’hôtellerie, des assistantes maternelles, souvent des jeunes ou des personnes poussées vers la sortie avant l’âge de la retraite : une armée de réserve aux contrats de plus en plus courts ou à temps partiel, un volant de précarité à laquelle sont « accros » bon nombre d’employeurs, petits et gros.

Saisie à la source : pas une grande inquiétude pour les retraités

L’Association nationale des retraités (ANR) s’apprête à répondre à leurs questions, après la première contribution, lors des assemblées prévues à la fin de janvier. Le président de l’ANR, Félix Vézier, fait état de leurs questionnements.

« La revalorisation des pensions de 0,3 % avec une inflation annoncée à 1,6 % les inquiète plus que le prélèvement à la source. »
« La revalorisation des pensions de 0,3 % avec une inflation annoncée à 1,6 % les inquiète plus que le prélèvement à la source. » NATHAN ALLIARD / Photononstop

En tant que président de l’Association nationale des retraités, comment envisagez-vous l’entrée en vigueur du prélèvement à la source ?

Nous avons actuellement peu de remontées sur le sujet, mais les remarques sont de trois types. Premièrement, certains retraités regrettent de ne pas avoir pu bénéficier d’une simulation, comme ce fut le cas pour certains salariés. Puis à la fin de 2018 s’est posée la question des pensions de décembre payées au début de janvier et soumises au prélèvement. Certains considèrent que les impôts prennent un peu trop d’avance. Nous leur expliquons que les impôts ne taxent que ce qui est perçu et qu’il n’y aura donc que douze prélèvements à l’année. Enfin, le troisième point intéresse les modalités pratiques et le traitement des employés à domicile.

Il devrait y avoir plus d’interrogations à la fin de janvier, au moment où la première mensualité aura subi le prélèvement à la source – nos adhérents sont essentiellement des fonctionnaires. La fin du mois correspond, par ailleurs, au début des assemblées de l’Association nationale des retraités (ANR) dans les départements, nous préparons donc les délégués en les munissant d’un petit bagage pour répondre aux questions posées sur ce sujet.

Quelles sont les principales inquiétudes des retraités ?

Nous prévoyons des questions sur l’exactitude du montant prélevé, nous allons donc leur expliquer comment vérifier leur taux d’imposition. On les invitera à relever sur leur dernier avis d’imposition le taux de prélèvement indiqué. En le mettant, ils devraient à quelque chose près tomber sur le bon montant. En ce qui concerne les retraités qui sont mensualisés, logiquement le prélèvement sur leur pension devrait être légèrement inférieur à ce qu’ils payaient avant dans la mesure où les prélèvements seront sur douze mois au lieu de dix.

Nous allons de même expliquer le traitement des cas particuliers, par exemple les réductions d’impôts liées à l’emploi à domicile ou autres prestations de ce type : il y a eu une avance versée le 15 janvier par les impôts qui sera régularisée (si nécessaire) avant la fin de l’année en fonction des montants réels.

Pensez-vous que le prélèvement à la source va simplifier la vie des retraités ?

L’information n’a pas été impeccable, loin de là. Mais après quelques mois, les retraités apprécieront d’avoir un budget mensuel relativement stable et de ne pas être obligés de prévoir… En effet, un nombre significatif de retraités paient encore leur tiers provisionnel. Ceux-là devraient trouver dans le prélèvement à la source un réel avantage pour gérer leur budget. Même si avec l’augmentation de la CSG [contribution sociale généralisée], ils sont très préoccupés par les annonces du gouvernement liées à la désindexation de leur pension sur l’inflation. La réévaluation des pensions de 0,3 % avec une inflation annoncée à 1,6 % les inquiète plus que le prélèvement à la source.

 

 

Parcoursup 2019 : comment le supérieur va choisir les lycéens du bac

Les élèves ont peur que le choix des spécialités en première ne limite les orientations possibles.

Les lycéens vont-ils se charger de prendre « la » décision de leur vie en matière d’orientation dès 15 ans ? C’est à cet âge que la majorité d’entre eux se positionne aujourd’hui entre les cursus littéraire, scientifique ou économique, pour ce qui est du lycée général. Mais avec le nouveau bac revisité à l’horizon 2021, l’exercice pourrait se compliquer : les élèves de seconde craignent déjà que leur choix pour la première ne conditionne plus fortement la poursuite de leurs études. A compter de février, ils ont à se prononcer sur les douze enseignements de spécialité qui s’offrent à eux, pour en garder trois en première, deux en terminale.

Les adversaires de la réforme engagée, à débuter par le SNES-FSU, syndicat majoritaire parmi les enseignants du secondaire, s’alarment déjà d’un « tube », ou d’un « silo », enfermant la jeunesse dans des voies toutes tracées encore plus tôt. Derrière cette inquiétude, c’est la sélection opérée par les formations de l’enseignement supérieur qui pose question. Comment les universités vont-elles juger les combinaisons de matières désormais choisies par chacun – en plus du tronc commun – à l’heure de l’admission sur la plate-forme Parcoursup ? Lesquelles de ces combinaisons vont-elles privilégier ? Certains choix seront-ils rédhibitoires ?

« On nage en pleine hypocrisie »

Le gouvernement a beau marteler que les choix de spécialités ne seront pas « prescripteurs » et n’interdiront, en rien, l’entrée dans une formation, il a du mal à déterminer. « C’est la grande ambiguïté de cette réforme : vouloir faire coexister une plus grande liberté de choix [d’orientation] et une mise en cohérence des enseignements[lycée-université] », analyse l’ancien recteur Alain Boissinot. Malgré les confiances données par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, et son homologue à l’éducation, Jean-Michel Blanquer, l’évidence demeure : une réforme faite pour mieux articuler le secondaire et le supérieur et favoriser la réussite en licence ne peut ignorer l’imbrication des deux niveaux.

« Le choix des spécialités sera évidemment utilisé dans le classement des dossiers. Et certaines matières rapporteront forcément plus que d’autres. »

Les responsables de l’enseignement supérieur ne disent pas autre chose, quand on les consulte sur la manière dont ils envisagent de sélectionner ces futurs étudiants venant frapper à leurs portes. « Le gouvernement ne veut pas qu’on annonce clairement qu’il faudra avoir suivi telle ou telle spécialité au lycée pour rejoindre une licence,rapporte un vice-président d’université francilienne. Mais on nage en pleine hypocrisie. Le choix des spécialités sera évidemment utilisé dans le classement des dossiers. Et certaines matières rapporteront forcément plus que d’autres. » Cet universitaire reconnaît simplement que le fonctionnement antérieur n’était pas très différent : il était recommandé de ne pas afficher les filières de bac dans les « prérequis », alors que celles-ci étaient prises en compte.

Les débats du réforme des retraites entre dans le dur

Les débats reprennent avec les syndicats sur un thème déclencheur, l’encadrement de l’âge légal de départ.

Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, avec la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 13 décembre, à Paris.
Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, avec la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 13 décembre, à Paris. Gilles BASSIGNAC/DIVERGENCE

Jean-Paul Delevoye favorise se dire « attentif » plutôt que « serein ». Alors que la concertation sur la réforme des retraites doit reprendre, lundi 21 janvier, dans un climat social tendu, le haut-commissaire chargé du dossier affiche une prudence de Sioux. Les discussions qu’il a engagées depuis la fin 2017 avec les partenaires sociaux entrent dans une nouvelle phase, avec des thématiques particulièrement sensibles à l’ordre du jour.

Les acteurs doivent, en effet, s’incliner sur les « conditions d’ouverture des droits » – formule un peu abstraite qui recouvre l’âge à partir duquel un assuré peut réclamer le versement (ou la liquidation) de sa pension. « On en était à l’apéritif, on arrive au plat de résistance », plaisante Frédéric Sève (CFDT). « C’est le gros morceau, renchérit Philippe Pihet (FO). » Le sujet est potentiellement explosif, comme l’ont montré, en 2010, les mobilisations monstres, mais infructueuses, contre le report de 60 à 62 ans de l’âge minimum pour partir à la retraite.

La question devait, premièrement, être abordée à la mi-décembre 2018, mais en pleine crise des « gilets jaunes », le haut-commissaire a choisi de prendre son temps. Ce moment de répit, assure M. Delevoye, n’aura pas d’incidence sur le calendrier de la réforme : l’ancien ministre de la fonction publique dans le gouvernement Raffarin pense pouvoir présenter ses conseils après les élections européennes de mai mais avant l’été, afin que le projet de loi puisse être adopté d’ici à la fin de l’année. « Si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’il est rangé au placard », pronostique Serge Lavagna (CFE-CGC).

M.Delevoye l’a martelé à plusieurs reprises : l’âge minimum pour terminer sa pension restera fixé à 62 ans, comme Emmanuel Macron l’avait promis durant la campagne présidentielle. « Il n’y a pas de débat là-dessus, confirme Laurent Pietraszewski, député LRM du Nord, qui est pressenti pour être le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale. Nous, parlementaires de la majorité, sommes tous alignés sur cet engagement. » « Je ne vois pas comment ça pourrait être remis en cause, surtout au vu de l’état de la société, à l’heure actuelle », déclare Alain Griset, le président de l’Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales).