Archive dans 2019

Les « bachelors » des écoles d’ingénieurs essayent de trouver leur place

Les Arts et métiers ont initié en 2014 une formation bac+3 pour répliquer à la demande des grandes industries. D’autres écoles ont fait le même parcour. Mais à la sortie, la plupart des étudiants prennent la décision de poursuivre jusqu’à bac+5.

En 2014, presque 50 titulaires d’un bac sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) assimilaient ce qui était alors un ovni de l’enseignement supérieur : un licencié (bac + 3) présenté par l’Ecole nationale ­supérieure d’arts et métiers ­ (Ensam) sur les campus de ­Bordeaux-Talence et de Châlons-en-Champagne. Quatre ans plus tard, les pionniers, aujourd’hui ­diplômés, mesurent le chemin ­parcouru.

Tom Lopez, 23 ans, est parmi les 24 premiers étudiants du campus bordelais. Pourquoi avoir choisi pour un bachelor ? Cette formation technologique répond à une nécessité d’entreprises industrielles comme Airbus, Dassault ou EDF, qui ont fait connaissance qu’elles recherchaient des techniciens ­aptes à entourer de petites équipes et des assistants ingénieurs formés dans le moule de l’Ensam.

Energie et assistances

« Nous sommes une école qui forme des ingénieurs généralistes. Nous avons accompli qu’il perdait un maillon dans la chaîne de production. Nous avons mis en place cette formation pour mettre sur le marché les ­cadres intermédiaires dont ont ­besoin les entreprises », ajoute Xavier Kestelyn, directeur général adjoint chargé des formations. Tom répond au profil : « Je ne me voyais pas faire une classe prépa. Je voulais juste poursuivre mes études pour parvenir au ­niveau technicien. »

Ce cursus postbac est d’abord un choix de formation professionnalisante courte, à objectif de bacheliers qui ne souhaitent – ou ne savent – pas poursuivre un parcours bac + 5, et qui veulent s’introduire au plus vite sur le marché du travail. Bref, une passerelle vers une ­embauche. Mais l’ambition arrive en étudiant, et l’objectif de former des « super-techniciens » est manqué… car dépassé. Au sein des ­sociétés qu’ils intègrent, les étudiants en ­bachelor trouvent l’énergie et les appuis pour poursuivre.

Les diplômés des premières promotions ont donc en majorité choisi de poursuivre leurs études. « Ceci est un succès, même si l’objectif premier était bien une insertion professionnelle directe », déclare M. Kestelyn.

Sélection

Tom, à titre d’exemple, a choisi en ­mécanique option production maintenance et continu sa formation en alternance, salarié par Airbus. Julie Delcan, sa camarade de la première heure, a incorporé un cycle d’ingénieurs en ­génie industriel, en apprentissage chez le joaillier Cartier. Ils ne sont pas des exceptions. En effet, sur les 48 pionniers de ce bachelor (39 diplômés, 3 réorientés en BTS), ­30 ont frappé la porte d’une école d’ingénieurs spécialisée. Auxquels s’ajoutent 7 autres qui, comme Arthur Langlois, 23 ans, en alternance au Centre national d’études spatiales (CNES), ont ­incorporé un cursus ­d’ingénieur ­généraliste et sont ­devenus « gadzarts ». « Force est de constater que les élèves ont pris goût à l’apprentissage et aux ­études », ­rappel M. Kestelyn.

Pour ne pas rater la proclamation de ses bachelors, l’Ensam s’est donné les moyens. Par la sélection, d’abord : en 2014, ­l’établissement a reçu quelque 220 candidatures pour 28 places, alors que les débouchés n’étaient pas encore connus. Les effectifs furent diminués afin d’offrir des conditions de travail optimales : « 24 par classe », déclareTom. Et « des profs qui vous suivent de près, vous motivent et vous ­boostent dans le cadre d’une ­pédagogie par projet », abonde Arthur. Une pédagogie espacée de celle des classes prépa, où on « pratique un formatage des étudiants », estime Julie.

Le coup d’essai semble modifié et l’appétence pour le bachelor de la part des ­bacheliers STI2D, premiers intéressés par ce circuit court, s’accroît. A 170 euros par an, soit le coût d’une inscription en licence, ils sont déjà 450 à avoir fait la ­demande sur Parcoursup en 2019. Pour 76 places à assurer.

Cursus très rentables

Depuis ce premier lancement en 2014, les Arts et métiers ont fait des émules dans les autres écoles d’ingénieurs, en particulier les établissements privés. Pas question de laisser aux écoles de commerce le monopole de ces cursus très rentables et qui séduisent de nombreuses familles, se sont sans doute dit les directions de ces établissements.

Depuis trois ans, plusieurs écoles d’ingénieurs ont commencé cette nouvelle offre, pour des bacheliers technologiques ou ­généraux. Avec, à chaque fois, la éventualité de s’arrêter à bac + 3 ou d’aller jusqu’à bac + 5, dans le même établissement ou ailleurs. Certains se sont placés à mi-chemin entre l’ingénierie et le business. L’ESEO, à Angers et Paris, par exemple, a reproduit le sien, spécialisé dans les « solutions numériques connectées ». A La Rochelle, l’Eigsi a ouvert un bachelor en « changement numérique des entreprises ». A Sceaux, l’EPF a initié, en partenariat avec une école de commerce, un cursus postbac de trois ans pour former des « innovateurs », avec un semestre obligatoire dans une université étrangère. L’Esilv, à la Défense, s’est aussi installée sur ce créneau.

Varier les profils

Très entourés, ces cursus peuvent « rassurer » des parents, alors prêts à payer le prix : entre 6 000 euros et 8 000 euros par an pour la plupart des bachelors des écoles privées (hors Arts et métiers, une école publique). Le but de ces établissements est surtout de coller aux attentes de la nouvelle génération : ne pas s’engager pour trop longtemps. Trois ans, et on voit ultérieurement.

Le bachelor forme donc une nouvelle offre dans le paysage des écoles d’ingénieurs, qui était déjà divisé en deux clans : les cursus postbac en cinq ans (comme les écoles INSA, dont la plus aperçu est celle de Lyon), et ceux abordables à partir de bac + 2, après une prépa ou par le biais d’admissions parallèles.

De la même façon que les écoles postbac ont varié le profil des étudiants ingénieurs, on peut parier que les bachelors joueront de même ce rôle, entraînant vers des études longues des jeunes pas certainement issus de la filière S et qui, au départ, n’étaient pas sûrs de vouloir s’engager pour aussi longtemps dans une même voie. Cette évolution devrait se poursuivre avec la future réforme du bac, qui ­diversifiera encore plus les profils des élèves.

Aujourd’hui, selon la Conférence des ­directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, dans les plus de 200 établissements habilités à ­remettre un diplôme ­reconnu par la commission des titres d’ingénieur, les diplômés ne sont que 40 % à être passés par une classe prépa. Ils sont autant à y avoir été acceptés immédiatement après le bac, tandis que 20 % les ont intégrés après un premier diplôme.

 

Pas assez de femmes aux postes les plus prestigieux

Seulement 33 %  des emplois pourvus en conseil des ministres ont été octroyés à des femmes, or la loi impose 40 %.

De point de vue de féminisation des postes, l’Etat n’arrive pas à garder ses promesses, il ne parvient plus, pour la première fois depuis 2012, à respecter le quota garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes dans les attributions aux plus hauts postes de l’administration. En 2018, parmi les 696 personnes appelées aux emplois les plus prestigieux, ceux pourvus en conseil des ministres ou sur décret du président de la République, seules 33 % était des femmes. Il s’agit, par exemple, des directeurs d’administration centrale, des ambassadeurs, des préfets, des directeurs ou encore des chefs de services. En 2017, le taux était de 34 %.

Or, la loi exige un taux minimum de 40 % de personnes de chaque sexe parmi celles nommées pour la première fois à l’un des 6 000 plus hauts postes de l’administration. Ce procédé volontariste a été établi par la loi Sauvadet, votée en mars 2012 : il envisageait une montée en régime accentuée : 20 % en 2013 et 2014, 30 % en 2015 et 2016, puis 40 % à partir de 2017.

Jusqu’en 2016, tout s’est bien déroulé. Le taux de « primo-nominations féminines » est passé de 32 % en 2013 à 35 % en 2016. Une amélioration lente, mais en phase avec les objectifs de la loi Sauvadet. Pour les postes les plus prodigieux, l’amélioration a été sensible entre 2016 et 2017 : le taux est passé de 30 % à 34 %. Mais la tendance s’est ensuite essoufflée (33 % en 2018).

 « On ne sera pas à 40 %, mais on progresse »

L’équipe d’Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, interpelle malgré cela que ces emplois pourvus en conseil des ministres ou sur décret du président de la République ne sont qu’une partie de ceux intéressés par la loi Sauvadet : trois cents sur le millier de personnes qui sont « primo-nommées ». Les résultats intégraux seraient meilleurs, selon cette source, mais le quota ne serait cependant pas atteint. « On ne sera pas à 40 %, mais on progresse. Et c’est positif », déclare-t-on chez M. Dussopt, en indiquant que le projet de loi sur la fonction publique, présenté le 13 février, améliore encore le dispositif.

« Maintenat, insiste une source proche du dossier, quand on prend tous les plus hauts cadres en poste, c’est-à-dire pas seulement les nominations, 28 % sont des femmes. Elles n’étaient que 19 % en 2014. Je vous rappelle que dans les comex [comités exécutifs] des entreprises privées du CAC 40, elles ne sont que 17 % En termes de féminisation, l’Etat est donc en avance. Surtout que les postes confiés aux femmes ne sont pas des petits postes. »

Un comité de la dernière chance entre patronat et syndicats

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 14 février à Déols, dans l’Indre.
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 14 février à Déols, dans l’Indre. PHILIPPE WOJAZER / REUTERS
Les partenaires sociaux se réunissent mercredi pour arriver à un accord sur la réforme de l’assurance-chômage, faute de quoi le gouvernement reprendra la main.

La partie semble abandonnée d’avance. Le patronat et les syndicats se rejoignent mercredi 20 février pour essayer, une dernière fois, d’ unir leurs vues sur la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif. En cas d’échec – prévisible – des négociations, le gouvernement se substituera à eux pour rédiger son propre projet. Convoquée à 14 h 30, la réunion semble surtout destinée à amener qui va porter la responsabilité de l’échec de ces trois mois et demi de négociations.

Le gouvernement décidera par décret si la négociation échoue

La négociatrice de la CFDT, Marilyse Léon, a estimé mardi « à vue de nez à 5 % » la possibilité de parvenir à un accord. La réunion de mercredi sera, selon elle, « plus ou moins courte en fonction du comportement du patronat ». « C’est la dernière chance », a souligné mardi soir sur Europe 1 le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, qui a lui-même reconnu que c’était « mal parti ».

« S’ils n’aboutissent pas, eh bien ce sera à nous » de rectifier les règles de l’assurance-chômage, a évoqué la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Dans ce cas, le gouvernement « décidera par décret », a-t-elle précisé sur RMC et BFM-TV :

« Cela ne veut pas dire (…) qu’on ne prépare pas, qu’on ne discute pas avant. On laisse d’abord la chance aux membres sociaux et sinon on va (…) étudier toutes les possibilités mais oui, on prendra par décret les mesures qu’il faut pour (…) qu’il y ait moins de travail précaire dans notre pays. »

Le « bonus-malus » au cœur des désaccords

Les collaborateurs sociaux butent, encore et toujours, sur la constitution d’un « bonus-malus » pour décourager les entreprises d’user aux contrats courts (moins d’un mois) alors qu’un tiers des CDD ne durent qu’une journée. Ce dispositif est réclamé par les syndicats, forts des engagements d’Emmanuel Macron en ce sens. Mais il est absolument refusé par le patronat qui a tenté, jusqu’ici en vain, de persuader les syndicats d’y renoncer.

Lors de l’antérieure réunion, le 14 février, les syndicats avaient poussé les offres avancées par le patronat, dont une prime de précarité pour les CDD dits d’usage utilisés lourdement dans certains secteurs (hôtellerie-restauration, spectacle, services à la personne…).

Ils avaient pareillement posé leur condition pour revenir négocier : avoir par écrit une proposition avec une « modulation » des cotisations chômage des entreprises, autrement dit… un mécanisme de type bonus-malus. Fâché de cet ultimatum, la délégation patronale a riposté lundi par communiqué qu’elle ne présenterait « en séance » que des propositions « alternatives au dispositif de bonus-malus », sans plus de détails.

Le Medef, la CPME (petites entreprises) et l’U2P (artisans et commerçants) pourraient particulièrement présenter d’instaurer une participation forfaitaire sur les contrats courts qui, via un fonds mutualisé, financerait des formations pour les salariés entre deux contrats, ou des complémentaires santé.

Angoisses autour de la révision des règles d’indemnité voulue par le patronat

Autre difficulté : le patronat entend d’abord exprimer des économies demandées par le gouvernement, soit au minimum un milliard d’euros par an, par une correction des règles d’indemnisation. Il veut ainsi à la fois diminuer l’endettement de l’Unédic (35 milliards d’euros) et inciter « au retour durable à l’emploi ».

Consolidation de l’accès à l’indemnisation, évolution du mode de calcul de l’allocation et de ses modalités de versement… les offres patronales ne plaisent guère aux syndicats qui ne veulent pas « punir les demandeurs d’emploi », et dénient d’en discuter avant d’avoir obtenu des avancées sur les contrats courts. Le seul intérêt commun des partenaires sociaux pour trouver un compromis serait de préserver la gestion paritaire de l’assurance-chômage, mais au sein du patronat certains disent n’y être pas plus liés que cela.

« Ce serait perdant-perdant », a ajouté Jean-François Foucard (CFE-CGC). Ce syndicat de cadres craint particulièrement que le gouvernement veuille diminuer le plafond de l’allocation mensuelle, actuellement de 6 000 euros. Anticipant cette situation, la CFDT et le Medef ont déjà demandé la tenue d’une « réunion tripartite » au ministère du travail en cas d’échec de la discussion. Mme Pénicaud s’est dite mercredi disposée à leur donner « quelques jours supplémentaires » pour s’accorder.

 

Cadre : un poste à réviser

Le texte, qui définissait jusqu’à présent la notion d’encadrement, va cesser de produire ses effets, à terme, du fait de la fusion, début 2019, de l’Agirc avec l’Arrco, le dispositif de pensions complémentaires pour les non-cadres.
Le texte, qui expliquait jusqu’à présent le concept d’encadrement, va arrêter de produire ses effets, à terme, du fait de la fusion, début 2019, de l’Agirc avec l’Arrco, le procédé de pensions additionnels pour les non-cadres. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Les collaborateurs sociaux espèrent achever, d’ici à cet été, à une nouvelle résolution de l’encadrement du privé

Arrêtée durant plusieurs mois, la négociation entre collaborateurs sociaux sur l’encadrement dans le privé a recommencé le 24 janvier. Alors que les syndicats appelait à leurs interlocuteurs patronaux d’exprimer de la mauvaise volonté dans les échanges, le ton a un tout petit peu développé depuis quelques jours. La récente désignation d’un nouveau chef de file pour le Medef n’y est sans doute pas étrangère : PDG du groupe industriel Europe Technologies, dans la Loire-Atlantique, Patrick Cheppe a, par conséquence, succéder Michel Guilbaud, le directeur général du Medef – lequel avait lui-même remplacer à Serge Vo-Dinh, le tout premier représentant du mouvement d’employeurs dans les discussions.

« Le contact [avec M. Cheppe] a été plutôt bon, ce qui est de nature certaine, déclare Gérard Mardiné (CFE-CGC). Nous avons l’impression d’avoir en face de nous quelqu’un de compétent et d’opérationnel sur le sujet. » « Le dialogue est beaucoup plus ouvert que ce qui avait pu prévaloir jusqu’à présent », ajoute Philippe Pihet (FO).

L’un des enjeux des pourparlers est de « définir les principaux éléments permettant de caractériser l’encadrement ». Maintenant, cette notion est définie dans une convention de 1947, qui a fondé le système de retraites complémentaires (Agirc) et le régime de prévoyance propres aux ingénieurs et cadres. Mais le texte va arrêter de produire ses effets, à terme, du fait de la fusion, début 2019, de l’Agirc avec l’Arrco, la méthode de pensions complémentaires pour les non-cadres. Il faut donc rédiger une nouvelle « bible » qui donne une définition contemporaine de ce qu’est un cadre.

D’autres thématiques

Les syndicats supportent avec passion cette démarche et désirent mettre à profit la réflexion en cours pour réunir toute une série de thématiques : qualité de vie au travail, droit à la déconnexion, diffusion de nouveaux modes de management, etc.

Jusqu’à ce jour, les organisations d’employeurs ont dévoilé de fortes réserves à l’idée de tracer dans un accord national interprofessionnel (ANI) les constituantes du statut de cadre. « Elles ont peur qu’un tel exercice remette en cause les classifications attendues dans les accords de branche », décrypte Marylise Léon (CFDT). A en croire les confédérations de salariés, une seule question – ou presque – angoissait le patronat : les participations des entreprises, pour financer des dispositifs de prévoyance, continueront-elles de bénéficier des exonérations de cotisations, aujourd’hui en vigueur ? Oui, a répliqué la direction de la Sécurité sociale.

« Nous sommes tout à fait prêts à prendre le temps de définir ce qu’est un cadre »

Actuellement, le Medef paraît plus enclin à approcher d’autres problématiques. « Nous sommes tout à fait prêts à prendre le temps de définir ce qu’est un cadre », affirme M. Cheppe. Un état d’esprit que plusieurs centrales syndicales saluent, sans pour autant s’animer : « Tout cela est susceptible d’être modéré par la nature réelle du mandat de négociation que les instances du Medef donneront », souligne M. Mardiné. Du reste, M. Cheppe tient à écpliquer que le but des tractations « n’est pas de joindre des contraintes aux entreprises, ni de bousculer ce qui figure déjà dans les conventions de branche puisque celles-ci tiennent compte des spécificités liées aux métiers ».

Fidèle d’une définition nationale et interprofessionnelle de l’encadrement, Marie-José Kotlicki (CGT) ne pense pas qu’une telle option cueillera l’assentiment du patronat : « Il veut que chaque société puisse déterminer qui est cadre et qui ne l’est pas, puis qui est éligible aux accords de prévoyance parmi la population cadre. »

A ce stade, trois autres sessions de négociation sont établies en mars et en avril. M. Cheppe espère que le processus terminera à un accord « d’ici à la fin de l’été ».

 

« Les cadres se retrouvent faces aux mêmes pénuries que le reste du salariat »

Pour l’enseignant-chercheur en sociologie au Centre Pierre-Naville, Gaëtan Flocco, les cadres collaborent, « parfois avec un enthousiasme étonnant, à leur propre exploitation ».

De quand date l’arrivage de la notion de cadre ?

Les provenances éloignées des cadres remontent aux officiers et sous-officiers des armées du XVIIIe siècle, ainsi qu’aux ingénieurs des grands corps d’Etat (Polytechnique, les Mines, les Ponts et Chaussées). Mais le concept de cadre est effectivement apparue au début du XXe siècle. La révolution industrielle, ainsi que la transformation de la nature des emplois – leur transfert du secteur de l’agriculture à ceux de l’industrie et des services –, et l’augmentation de la taille des entreprises ont de plus en plus nécessité le recours à de plus en plus d’ingénieurs et d’encadrants.

A partir de cet instant, ces catégories moyennes de salariés ont ressenti le besoin de s’organiser pour défendre leurs intérêts, surtout dans le contexte de crise économique et d’instabilité politique des années 1930. Des syndicats et associations d’ingénieurs se sont formés, tandis que l’appelation de cadre a débuté à se répartir en France. Cette construction sociopolitique de la catégorie a continué à se poursuivre au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans les années 1940, un statut a été défini, une caisse de retraite spécifique a été créée ainsi que les premiers syndicats s’adressant en premier lieu aux cadres.

Comment la notion de cadre a-t-elle évolué, depuis son apparition ?

Dans les années 1950, on comptait 500 000 cadres, qui représentaient environ 2,5 % de la population salariée. Ils formaient en quelque sorte une élite, avec une démarcation relativement nette vis-à-vis des autres franges de salariés, avec des cadres qui incarnaient avant tout l’exercice du commandement dans les institutions. De nos jours, les effectifs ont pratiquement décuplé pour atteindre plus de 4,8 millions d’individus, qui représentent quasiment 20 % de la population active. La massification de l’enseignement et l’explosion du secteur des services ont joué un rôle indéniable dans cette progression. La catégorie s’est féminisée pour arriver à  40 % de femmes. Elle s’est rajeunie et elle s’est diversifiée beaucoup en incluant dans ses rangs de plus en plus de profils de cadres qui n’exercent pas d’activité d’encadrants, ce que l’on appelle souvent les profils d’experts (ingénieurs, commerciaux, consultants…). Une telle augmentation de la catégorie a pu donner l’impression aux cadres d’une simplification voire d’une dévalorisation d’un statut auquel on accéderait plus aisément aujourd’hui, bien que les parcours autodidactes aient diminué.

Revue académique : une domination anglo-saxon

Presque 80 enseignants et chercheurs en gestion appellent les pouvoirs académiques français à critiquer la domination des revues anglophones dans l’estimation de leurs travaux.

Pour estimer la recherche en sciences de gestion, un principe s’est décidé : celui de se baser sur les seuls articles diffusés dans des revues académiques, au détriment des autres formes de production scientifique (ouvrages, rapports de recherche, etc.). Dans ce cadre, le Centre national de recherche scientifique (CNRS) et la Fondation nationale pour l’enseignement et la gestion des entreprises (Fnege) ont tous deux préparé des listes de revues qui font aujourd’hui référence dans notre règlement. Ces listes jouent un rôle de maîtrise qualité, en distinguant les revues répondant aux exigences académiques (principe d’évaluation par les pairs, en double aveugle) des autres. Elles placent par ailleurs une hiérarchisation entre les revues d’excellence, qui sont classées au « rang 1 », et les revues moins prestigieuses, classées aux rangs 2, 3 et 4.

C’est là que le bât blesse. Car ces listes permettent un pouvoir des revues anglo-saxonnes sur les revues francophones. Parmi les 110 revues classées par le CNRS à un rang 1, comme parmi les 61 revues classées par la Fnege à ce même rang, aucune n’est de langue française. Comment deux institutions françaises en arrivent-elles à l’aberration consistant à dire qu’une revue publiée dans notre langue serait par nature moins bonne qu’une revue écrite en anglais ? L’élément qui légitime cet état de fait aux yeux de ses concepteurs est le moindre « facteur d’impact ». Le facteur d’impact est une mesure de visibilité des revues. Son calcul s’opère en comptant le nombre de fois où les articles édités dans la revue sont cités par d’autres articles au cours des trois dernières années.

Discrimination                                                                                                                         

Pour le dire avec une métaphore, le principal critère utilisé pour classifier les revues s’apparente aujourd’hui à un calcul de box-office de cinéma. Selon une logique similaire à celle consistant à compter les entrées à la sortie d’un film d’une semaine sur l’autre, c’est en fonction du nombre de citations de ses articles juste après leur parution que la qualité d’une revue est évaluée. Au-delà d’inciter le monde de la recherche à un court-termisme néfaste, un tel calcul de box-office repose par nature sur un biais majeur : il avantage ceux qui disposent d’un plus grand marché. Ainsi, mécaniquement, un article en anglais sera plus cité qu’un article en français, parce qu’il y a plus de chercheurs anglophones dans le monde pour lire les articles publiés dans cette langue, qu’il y a plus de revues anglophones, plus d’institutions, etc. Mais certainement, ce plus fort facteur d’impact ne veut rien dire de la qualité des travaux publiés dans les revues francophones. Ainsi, Jacques Audiard ou Jean-Luc Godard, parce que leurs films ont engendré bien moins d’entrées que ceux de Steven Spielberg ou Martin Scorsese, seraient-ils de moins bons opérateurs ? Leur impact sur les pratiques cinématographiques serait-il moindre ?

L’embauche des cadres va arriver à un record cette année

La France compte quelque 4 millions de cadres. Un marché de l’emploi moins sensible aux « soubresauts conjoncturels ».
La France compte quelque 4 millions de cadres. Un marché de l’emploi moins sensible aux « soubresauts conjoncturels ». CHARLES PLATIAU / REUTERS

Les visions de recrutement publiées par l’APEC font la part belle aux cadres de 6 à 10 ans d’expérience.

La détermination du recrutement des cadres ne se dément pas. De 270 700 à 292 000 embauches en CDI ou en CDD de plus d’un an sont attendues en cette année, annonce l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) dans ses perspectives annuelles diffusées mercredi 20 février. Soit une hausse de 2 % à 10 % par rapport à 2018. « C’est la sixième année consécutive de hausse », déclare Bertrand Hébert, le directeur général de l’APEC. Un record.

L’emploi des cadres – la France en compte aujourd’hui vers les 4 millions – bénéficie certainement de l’amélioration générale de l’emploi : le taux de chômage a baissé à 8,8 % de la population active fin 2018. Mais pour l’APEC, le marché cadre est moins sensible aux « soubresauts conjoncturels » qu’aux investissements tirés par les derniers exigences des entreprises liés aux transformations numériques, réglementaire et d’organisation.

« Les sociétés ont besoin de renouveler leurs expertises », mentionne Gaël Bouron, responsable adjoint du pôle études de l’APEC. « Pour nous, les métiers les plus difficiles à recruter sont ceux liés à la transformation numérique, car la concurrence à l’embauche est forte sur ces postes, ajoute Jean-François Ode, DRH d’Aviva France, une société d’assurance de 4 500 salariés, dont 60 % de cadres. Chef de projets en technologie de l’information, marketing digital, sont des métiers nouveaux chez nous. Et on cherche comme tout le monde des analystes de données numériques. L’année dernière on a dû pourvoir quelque 500 postes et en 2019, nous sommes sur un volume similaire ou supérieur. »

Les visions 2019 pour tous les profils

Dans l’industrie, Armelle Quentel, responsable développement RH d’Hager group, un équipementier électrique franco-allemand, qui estime vers les 3 500 salariés en France, fait le même constat. « Les robots sont déjà là, donc on a besoin d’experts pour développer ces machines. Cette année nous envisageons au minimum une centaine de recrutements, généralement des cadres, mais nous surprenons de fortes tensions sur les métiers d’ingénieurs développeurs et sur les doubles compétences technico-commerciales ».

Par secteur, 2019 s’annonce plus contrastée que 2018. Les services (72 % des recrutements), en eux on a  l’informatique, les télécommunications et l’ingénierie-R & D et l’industrie (15 %) restent bien orientés. La construction (5 % du total) maintient son volume de rectutement, mais la condition est plus difficile dans le commerce, particulièrement dans la distribution spécialisée, qui recrutera moins de cadres.

Economie et entreprises, entre aujourd’hui et demain

« Futurs économiques », sous la direction de Roland Canu et Hélène Ducourant, Revue française de socio-économie, second semestre 2018, La Découverte, 222 pages, 25 euros.
« Futurs économiques », sous la direction de Roland Canu et Hélène Ducourant, Revue française de socio-économie, second semestre 2018, La Découverte, 222 pages, 25 euros.

L’œuvre « Futurs économiques  » étale les possibles et les décisions managériales du monde de l’entreprise. Circonstance bien sûr de remarquer combien la mutation numérique a bouleversé les modèles de progression des sociétés.

L’étude que les sciences sociales entretiennent avec le futur se veut le plus souvent mesurer et prudent. Sans doute parce que les projections les plus importantes d’un point de vue intellectuel se sont très tôt heurtées à la réalité historique. L’attention aux mondes à venir est malgré cela très présente dans l’univers économique, la notion d’intérêt faisant automatiquement le lien entre le présent et l’avenir : « un gain futur doit forcément entrer en compensation du coût présent réclamé par l’action engagée », affirment Roland Canu et Hélène Ducourant.

Les sciences économiques sont, parmi les sciences sociales, celles qui garantissent sans doute le plus frontalement leur gain pour les prédictions : à partir d’indicateurs stabilisés, le futur peut être calculé, mis en probabilités. « Armée de telles aptitudes, l’économie n’est plus qu’un savoir, elle devient aussi et surtout une technoscience, une discipline à vocation d’expertise susceptible de répondre à une demande sociale. Les économistes construisent un marché du futur et s’y positionnent comme principaux experts », ajoutent le maître de conférences à l’université Toulouse Jean-Jaurès et l’enseignante chercheuse au Laboratoire techniques territoires et sociétés (Latts) dans « Futurs économiques », le vingt et unième dossier de la Revue française de socio-économie.

Expliquer la valeur d’une entreprise

Avec quelle force ces avances pèsent-elles sur le présent ? Théories économiques, discours journalistiques, activités des prévisionnistes et des chercheurs financiers, utilisations des données numériques…, les auteurs examinent les données, l’outillage cognitif et matériel, les professions et les institutions, les collectifs et les techniques qui fondent les futurs économiques. Isabelle Chambost, chercheuse au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), a ainsi élaboré les impacts réciproques du présent sur le futur et vice-versa dans le cas d’acquisitions d’entreprises sur les transactions financiers, selon qu’elles sont cotées ou non.

Comment les analystes, soucieux du résultat des opérations de placement, procèdent-ils pour définir la valeur de l’entreprise à partir d’une évaluation de ce qu’elle vaudra à l’avenir ? La chercheuse retrace une pluralité de configurations d’interdépendance entre présent(s) et futur(s) économiques, qui ébranle une vision unilatérale de la séquentialité du temps : l’ancrage dans un présent économique impose ses vues au futur dans le cas des entreprises cotées ; en revanche, l’arrimage à un futur économique fermé oblige ses vues au présent dans le modèle de l’entreprise non cotée.

 

Les sociétés attirées par les récentes règles de l’apprentissage

« La loi du 5 septembre 2018 lève plusieurs freins à l’embauche d’apprentis. »
« La loi du 5 septembre 2018 lève plusieurs freins à l’embauche d’apprentis. » Alain Le Bot / Photononstop

Certains grands groupes qui ne l’ont pas déjà fait vont lancer leurs propres centres de formation internes à l’entreprise. D’une façon plus générale, la réforme de l’apprentissage demeure plus appréciée par les grandes entreprises que par les TPE et PME. Son objectif est de lutter contre le chômage des jeunes.

Le gouvernement désire accorder un sérieux coup de pouce à l’apprentissage. C’est un volet important de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». La France compte aujourd’hui quelque 430 000 personnes en apprentissage. L’objectif est de développer ce mode de formation massivement et à tous les degrés pour lutter contre le chômage des jeunes, « en le rapprochant du monde professionnel. L’entreprise est remise au centre du jeu », affirme Sébastien Boterdael, directeur du pôle politique de formation du cabinet de conseils Sémaphores (groupe Alpha).

La France compte de nos jours quelque 430 000 personnes en éducation. Le but est de développer ce mode de formation lourdement pour lutter contre le chômage des jeunes

« La loi va dans le bon sens, réagit Fabien Lagriffoul, directeur formation du groupe EDF. Le rapprochement de l’apprentissage et de l’entreprise va nous permettre de mieux définir nos diplômes et de les faire évoluer en même temps que nos métiers. » Les régions manquent leurs compétences sur l’offre de formation. « Ce sont les branches professionnelles qui reprennent la main sur le contenu », rappelle Manuèle Lemaire, directrice du Campus Veolia Seine & Nord et du centre de formation d’apprentis (CFA) Institut de l’environnement urbain (Val-d’Oise).

La loi du 5 septembre 2018 lève plusieurs freins au recrutement d’apprentis. Tout d’abord, les procédures administratives, particulièrement pour la signature du contrat, sont allégées et la rupture est désormais largement sécurisée. L’intégration des jeunes pourra se faire tout au long de l’année, évitant ainsi aux entreprises d’être réunies par les rythmes scolaires. D’autre part, les spécificités du droit du travail applicables aux apprentis (horaires, activités) sont assouplies. Le contrat d’initiation tend ainsi à s’aligner sur le contrat de travail classique. Sébastien Boterdael se réjouit de la fin de « ces irritants ».

Chemin plus individualisé

La limite d’âge pour entrer en instruction est repoussée à 30 ans. Les parcours sont sitôt plus individualisés puisque la durée du contrat (pouvant être modulée de six mois à trois ans) tient compte des acquis de l’apprenti. Finalement, de nouvelles méthodes pédagogiques (digital, en situation de travail…) sont incertains dans le cadre de la formation théorique. « Ce cadre moins scolaire devrait permettre d’attirer davantage de jeunes, se réjouit Manuèle Lemaire. Quant à nous, CFA, nous avons un gros travail d’ingénierie pédagogique à faire afin de moduler nos formations. »

Le compte personnel de formation est-il en accès libre ?

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Recherche sur Google sur le thème du compte personnel d’activité Utilisation éditoriale uniquement, nous contacter pour toute autre utilisation Philippe Turpin / Photononstop

Le compte personnel de formation (CPF) aussitôt « monétisé  » est mis en condition, pour le salaire qui prend seul la décision de sa formation, à de nombreux obstacles dont celui de son financement.

Question de droit social Créé par l’Accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi de 2013, le compte personnel de formation (CPF) a été adopté au code du travail par la loi du 5 mars 2014 pour entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Sous-ensemble du procédé baptisé compte personnel d’activité, le CPF est destiné à permettre à tout actif d’être à l’initiative de sa formation continue, mieux qu’avec le droit individuel à la formation (DIF) absorbé par le nouveau dispositif. Mais l’accès à la formation en toute autonomie est-il réellement possible ?

Le CPF est prétendu permettre, de façon réduite, à tout individu d’au moins 16 ans, qu’il soit salarié, en insertion professionnelle, solliciteur d’emploi ou indépendant, de suivre à son initiative une action de formation financée. Ce dispositif, à ne pas confondre avec le « CPF de transition professionnelle » que la loi du 5 septembre 2018 a transformé au congé individuel de formation (CIF), a déjà vu son régime juridique changer.

Le CPF est désormais « monétisé ». Pour tout salarié, quelle que soit la durée de son temps de travail, l’alimentation du compte se fait en euros et non plus en heures depuis le 1er janvier. A partir de 2020, ce sera à hauteur de 500 euros par année de travail (800 euros pour les moins qualifiés), dans la limite d’un plafond de 5 000 euros (8 000 euros pour les moins qualifiés). Pour les indépendants, l’alimentation du compte ne débutera qu’en 2020.

La délicate question du budget                                                    

Les abondements par l’employeur sont éventuels et parfois obligatoires pour punir, par exemple, le non-respect de l’entretien professionnel. Ils peuvent aussi être négociés et inscrits dans des accords au niveau de la branche ou de l’entreprise.

Le compte est nourri en euros par l’employeur à travers la déclaration sociale nominative qu’il accomplit pour tout salarié. Il est interrogeable en quelques clics par tout actif, après inscription sur la plate-forme Internet https://moncompteactivite.gouv.fr.

Là où les choses s’obscurcissent, c’est au moment d’utiliser le budget. Si le CPF ne peut être mobilisé qu’à l’initiative du salarié ou, nous précise l’article L. 6 111-1 du code du travail, « qu’avec l’accord exprès du salarié », deux cas de face se présentent, selon que la formation se fait avec ou sans l’accord de l’employeur.