Archive dans janvier 2019

Parcoursup 2019 : concevoir les dispositifs de la sélection

Quatre professionnels ont répondu aux lecteurs sur la sélection des dossiers et la mobilité entre académies.

La plate-forme Parcoursup, qui chemine en 2019 pour la deuxième année, permet de répartir et de sélectionner les candidats dans différentes formations postbac, publiques ou privées. Quelles sont ses logiques ? Comment répondre aux critères demandés ? Quelles sont les nouvelles règles de la mobilité entre académies ?

Camille Stromboni, journaliste du Monde, Natacha Lefauconnier, journaliste indépendante spécialisée, Sylvie Boudrillet, conseillère d’orientation, et Dominique Pimont, conseillère psychologue de l’éducation nationale au centre d’information et d’orientation Mediacom ont répondu en direct aux questions des lecteurs lors d’un tchat organisé par Le Monde mercredi 23 janvier.

Minjeong : Quels sont les critères de sélection des dossiers ?

Natacha Lefauconnier : Les critères de choix des dossiers varient d’une formation à l’autre. Il est donc nécessaire d’aller consulter la fiche de chaque formation qui vous intéresse sur le site Parcoursup. Une fois que vous l’avez trouvée avec le moteur de recherche, cliquez sur chacun des onglets (caractéristiques, etc.). L’onglet « Examen du dossier » vous précisera quels éléments seront regardés attentivement dans votre dossier. Pour vous distinguer (en dehors de vos notes et des appréciations de vos professeurs), vous pouvez peaufiner votre « projet de formation motivé » : expliquez pourquoi cette formation vous motive, montrez que votre profil correspond aux attendus (bonne moyenne dans la discipline principale, etc.), montrez en quoi cette formation correspond à votre projet professionnel (si vous en avez un).

Savez-vous si ces critères seront publiés ?

Camille Strombonk : Les candidats ont, comme l’an dernier, accès aux « attendus » de chaque formation (les compétences et les prérequis) et aux « critères généraux d’appréciation des dossiers » (voir l’onglet « Examen du dossier » sur chaque formation), qui détaillent le plus souvent les pièces prises en compte dans l’examen du dossier (notes de premières, de terminale, fiche avenir, lettre de motivation, attestations extrascolaires, etc.).

Pour le reste, la question de la clarté sur les modalités précises d’examen des dossiers (ordre de prise en compte des critères, hiérarchisation, poids dans la décision de la commission d’examen des dossiers, etc.) a fait l’objet de débats et d’un recours de certains élus (comme le sénateur communiste Pierre Ouzoulias) et syndicats étudiants et enseignants, devant le Défenseur des droits. Ce dernier vient d’émettre une décision demandant que ces informations soient rendues publiques. Reste à savoir si le gouvernement donnera suite à cette recommandation.

Laurent : Comment Parcoursup tient-il compte du fait que certains lycées ont une notation plus stricte que d’autres ?

S. : Cette année, comme en 2018, les formations ont accès au lycée d’origine. On ne peut pas connaitre si elles vont tenir compte de ce dernier, ni « du fait que certains établissements ont une notation plus stricte que d’autres »… La question du lycée d’origine, et de sa prise en compte par les formations du supérieur dans le classement des dossiers des candidats, est particulièrement sensible.

A la suite de craintes de ségrégations venant l’an dernier de lycéens de Seine-Saint-Denis, notamment, la ministre de l’enseignement supérieur a annoncé que la question de l’anonymisation des dossiers était en réflexion. Le Défenseur des droits vient d’annoncer que la prise en compte de ce critère pouvait être assimilée à une « pratique discriminatoire » et demande une plus forte transparence sur le détail des critères appliqués par chaque formation.

Bart : Si je reçois plusieurs propositions favorables et que je dois en accepter une seule (formation sélective), est-ce que cette réponse est définitive, ou puis-je répondre « oui mais » en maintenant des vœux en attente, en espérant obtenir un autre « oui » ?

Sylvie Boudrillet et Dominique Pimont (CIO Mediacom) : Il n’y a pas de réponse « oui mais » à une offre d’admission. Vous devez l’accepter ou la refuser. Cela fait, vous devrez en plus répondre « j’accepte » ou « je renonce à mes vœux en attente ». Attention : l’établissement peut vous avoir fait une proposition avec la réponse « oui » ou « oui si ».

La licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) est-elle sélective ?

S. : La licence de Staps fait partie des formations universitaires non sélectives. En revanche, cela ne veut pas dire qu’aucune sélection ne peut être faite : lorsque la demande excède le nombre de places, le classement opéré par chaque licence en s’appuyant sur le dossier des candidats servira à départager les candidats. Les Staps font en outre partie des licences « sous pression » (très fortement demandées) ces dernières années, mais de nombreuses places supplémentaires ont été créées, pour essayer de répondre le plus largement possible à la demande.

Comment sont sélectionnés les candidats à des doubles licences ?

B. et D. P. : Ces formations sélectionnent sur dossier, regardent le profil scolaire, le projet de formation motivé, parfois demande un entretien ou un test de langues, selon les mentions de licences envisagées. Les conditions sont à chaque fois précisées sur la plate-forme pour celles qui sont dans Parcoursup : attention tous les doubles cursus ne sont pas dans Parcoursup, notamment pour l’académie de Paris.

Bondycapé : Existe-t-il un statut particulier lorsqu’on est handicapé dans Parcoursup ?

L. : Il y a un onglet, dans votre dossier Parcoursup, « Handicap/besoins spécifiques ». Lisez-le attentivement. Vous verrez qu’on vous conseille, lors de la phase de formulation des vœux, de prendre contact avec le référent handicap de la formation afin de connaître les modalités d’accompagnement et les aides dont vous pourrez bénéficier. Le contact du référent handicap est disponible pour chaque formation référencée sur Parcoursup.

De plus, vous avez la possibilité de remplir une fiche de liaison qui pourra être, le cas échéant, transmise à la commission d’accès à l’enseignement supérieur de votre rectorat, chargée des demandes de réexamen de candidatures.

Makix : Je suis intéressé par une filière en particulier. Puis-je faire des vœux identiques dans plusieurs régions ?

Natacha Lefauconnier : Oui, c’est même tout à fait conseillé, si c’est la filière de vos rêves, vous pouvez postuler dans plusieurs académies ! S’il s’agit d’une filière sélective, le critère géographique n’est pas pris en compte, c’est la qualité de votre dossier qu’examinera la commission d’examen des vœux.

S’il s’agit d’une filière non sélective (licence, Paces), vous pouvez solliciter partout, mais il y aura un nombre maximal de candidats « hors secteur » admis, donc vous aurez moins de chances de l’obtenir dans les académies autres que la vôtre. Notez qu’une aide financière à la mobilité étudiante a été mise en place en 2018 et qu’elle sera reconduite et renforcée en 2019. D’un montant de 200 à 1 000 euros, elle sera destinée aux bacheliers ayant saisi le rectorat faute d’obtenir une place dans le supérieur, et qui accepteront une mobilité géographique.

Arthur : Est-ce que les lycéens de banlieue parisienne ont cette année accès aux universités parisiennes ? Sans quota ?

Sylvie Boudrillet et Dominique : Pour les filières non sélectives de l’université, le secteur géographique de recrutement est désormais l’Ile-de-France. La réponse est donc oui, les « lycéens de banlieue » (académies de Créteil et Versailles) ont accès aux universités parisiennes, de la même manière que ceux de l’académie de Paris. Pour les filières sélectives (écoles, BTS, CPGE, DUT, infirmiers, etc.), il n’y a pas de sectorisation.

Camille Stromboni : Les lycéens des trois académies franciliennes sont observés comme appartenant au « secteur » de recrutement. L’an dernier, ce n’était pas le cas.

Etudiants étrangers : la polémique continue dans les universités

Une quinzaine d’établissements s’engagent à ne pas imposer la hausse des droits d’inscription, résolue par le gouvernement pour les étudiants extracommunautaires.

Depuis le début de l’année, la liste s’allonge de semaine en semaine. Clermont-Auvergne, Le Mans, Rennes II, les universités de Paris-Saclay… Près d’une quinzaine d’universités ont annoncé qu’elles n’appliqueront pas l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers extra-européens à la rentrée 2019. Une drôle de fronde : pour cela, elles envisagent d’utiliser une possibilité d’exonération existant déjà dans un décret de 2013.

« Si l’augmentation générale des droits d’inscription entre en vigueur, l’établissement utilisera toutes les possibilités réglementaires qui lui seront offertes pour permettre aux étudiants internationaux extracommunautaires concernés de bénéficier du maintien du régime tarifaire actuellement appliqué », s’est ainsi déclarée l’université d’Aix-Marseille, le 18 janvier.

Cette augmentation des droits, annoncée par le premier ministre, le 19 novembre 2018, dans le cadre de sa stratégie d’attractivité des étudiants internationaux, baptisée Bienvenue en France, a donné lieu à un vent de contestation dans la communauté universitaire. Les étudiants extracommunautaires devront désormais verser 2 770 euros en licence – contre 170 euros actuellement – et 3 770 euros en master et en doctorat (contre respectivement 243 euros et 380 euros). En parallèle, le nombre de bourses et d’exonérations doit tripler, passant de 7 000 à 21 000.

Devant l’opposition unanime des syndicats étudiants et enseignants, jusqu’à la Conférence des présidents d’université qui a réitéré, le 10 janvier, sa demande de suspension de la mesure, le gouvernement maintient son cap. Une concertation a certes été ouverte en janvier sur les modalités de mise en œuvre de ce plan visant à améliorer les conditions d’accueil des étudiants internationaux.

 « Devoir d’obéissance et de loyauté »

Mais elle ne porte ni sur le principe ni sur le calendrier de l’élévation des droits, qui doit être inscrite dans un décret à l’issue de la concertation prévue jusqu’à la mi-février, pour s’appliquer dès la rentrée 2019. Sur le terrain des droits d’inscription, seul le sujet de l’augmentation du taux d’exonération que peuvent pratiquer les universités – actuellement fixé à 10 % des inscrits (hors boursiers) – figure dans la feuille de route des discussions.

Signe des tensions actuelles, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a rappelé les universités à leur « devoir d’obéissance et de loyauté ». « En tant qu’opérateur de l’Etat » et « en tant que « fonctionnaires », « il est très important qu’ils portent les politiques publiques décidées par l’Etat », a-t-elle déclaré à une sénatrice qui l’interrogeait sur les universités frondeuses, mercredi 16 janvier.

Un rappel à l’ordre peu apprécié chez les intéressés. « C’est une manière de faire pression difficilement entendable », soutient Nathalie Dompnier, à la tête de l’université Lyon 2, qui fait partie des établissements ayant éclairci leur intention de ne pas répercuter la hausse. « D’une part, nous ne sommes pas hors-la-loi, il n’y a pas pour l’instant de texte contraignant qui encadre cette hausse, souligne l’universitaire. D’autre part, les textes réglementaires qui existent devraient nous permettre d’exonérer tous les nouveaux arrivants pour la rentrée 2019. » Les étudiants étrangers déjà inscrits en France ne doivent pas être intéressés, d’après le ministère de l’enseignement supérieur.

 « Situation confuse »

Le temps presse pour les établissements : à l’étranger, les étudiants internationaux ont jusqu’au 1er février pour remplir leur dossier de candidature en premier cycle. « Nous sommes dans une situation confuse, décrit Joël Alexandre, à la tête de l’université de Rouen, qui s’est lui aussi engagé à exonérer tous les nouveaux arrivants. Les étudiants étrangers sont nombreux à nous interroger, il faut leur apporter un discours clair. »

Pour son homologue tourangeau, Philippe Vendrix, l’augmentation paraît de toute façon « impossible » à mettre en œuvre techniquement. « C’est totalement illusoire, juge-t-il. Sur quels critères pourra-t-on exonérer ? Comment calculer en amont ces pourcentages, sans savoir le nombre d’étudiants qui viendront effectivement à la rentrée ? »

En toile de fond, tous craignent déjà un fort effet d’éviction sur les étudiants internationaux. S’il est encore trop tôt pour communiquer les chiffres des candidatures à l’échelle nationale, d’après Campus France, l’agence de promotion de l’enseignement supérieur français, dans les universités, on regarde les compteurs avec inquiétude. A Paris-Nanterre, où le président, Jean-François Balaudé, a annoncé qu’il n’augmenterait pas les droits pour les étrangers dès la mi-décembre, l’indicateur a déjà viré au rouge : d’après ses chiffres, l’an dernier à la même date, il y avait 4 000 candidatures, elles n’étaient que 1 643, au 25 janvier.

Mais si ces universités attendent pouvoir exonérer tous les nouveaux arrivants à la rentrée 2019, impossible de dire ce qu’il adviendra par la suite. « Il est certain qu’il va être difficile, si cette mesure est entérinée, et que les uns et les autres l’appliquent, de résister longtemps », reconnaît Jean-François Balaudé.

Le plan de préservation de l’emploi de Ford pour l’usine de Blanquefort refusé

Devant l’entrée du site Ford de Blanquefort, le 27 février 2018.
Devant l’entrée du site Ford de Blanquefort, le 27 février 2018. NICOLAS TUCAT / AFP

Cette solution devrait permettre aux syndicats de gagner des semaines supplémentaires pour retravailler une possible reprise pour le site qui emploie 870 salariés.

C’est un répit qu’espéraient strictement les syndicats de l’usine Ford de Blanquefort, en Gironde. La Direction du travail (Direccte) a décidé, lundi 28 janvier, de rejeter le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour l’emblématique site industriel qui emploie 870 salariés, repoussant la perspective de sa fermeture immédiate, a annoncé la préfecture de Gironde.

Cette « décision », a déclaré la préfecture dans un communiqué, « a pour objectif de sécuriser l’ensemble des parties, en pointant la non-conformité de la procédure ». De son côté, Ford s’est contenté de prendre « acte de la décision », sans vouloir faire plus de commentaires.

Le constructeur américain, qui avait éclairci il y a près d’un an sa volonté de se désengager de l’usine de boîtes de vitesses implantée en 1972, avait refusé, en décembre, une offre de reprise de la société franco-belge basée à Strasbourg Punch Powerglide. Cette dernière, pourtant appuyée par l’Etat et les syndicats, portait sur environ 400 emplois.

Le conseil de la Direccte, très attendue, est une étape décisive pour les 870 salariés de l’usine, accrochés à l’espoir d’une reprise. Selon une source gouvernementale, cette décision laisse en effet une quinzaine de jours à Punch pour apporter les éléments qui manquaient encore pour « muscler son offre de reprise ». Punch Powerglide pourrait notamment en profiter pour « produire une ou des lettres d’intention » (de commandes) de constructeurs. Une assurance qui, du point de vue des salariés, se fait attendre.

Pour Philippe Poutou, délégué CGT de Ford, « c’est une bonne nouvelle, ça va obliger Ford à revoir sa copie et à étudier plus sérieusement le projet de reprise par Punch défendu par les salariés ».

La décision de Ford mi-décembre de décliner l’offre de Punch, après des mois d’implication de l’Etat pour trouver un repreneur, avait provoqué une levée de boucliers politiques, locale et nationale, jusqu’au président de la République, qui avait jugé l’attitude du constructeur « hostile et inacceptable ». Une « trahison », avait estimé M. Le Maire.

Il a assuré depuis, début janvier, que « les discussions continuaient » pour convaincre Ford de ne pas fermer l’usine. Discussions sans aucune garantie, convient-on de sources concordantes. Et sur fond d’horloge qui tourne, avec la fin de production à Blanquefort – déjà au ralenti – établie pour fin août 2019.

Le patronat monte le temps de la négociation pour l’assurance-chômage.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, devant l’hôtel Matignon, le 30 août.
Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, devant l’hôtel Matignon, le 30 août. BERTRAND GUAY / AFP
Le ton est monté, ce lundi 28 janvier, autour du bonus-malus : le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) ont arrêté leur participation à la négociation sur l’assurance-chômage. Les deux organisations patronales protestent contre la « détermination » d’Emmanuel Macron à mettre en place ce dispositif réclamé par les syndicats pour lutter contre la précarité.Jeudi, lors de sa réunion avec des citoyens dans la Drôme, le président Macron a réaffirmé sa volonté d’examiner les contrats courts par le bonus-malus. Cette déclaration, en pleine négociation sur l’assurance-chômage, a notamment agacé la CPME. « Tous les efforts menés par les négociateurs pour “déprécariser” les contrats courts ont ainsi été balayés d’un revers de main », a-t-elle déclaré, trois jours avant une nouvelle séance de négociation.

« Le président de la République vient d’intervenir publiquement, semblant indiquer que le bonus-malus se mettra en place et ce, quel que soit le résultat de la négociation », a regretté pour sa part le Medef, qui devait montrer jeudi aux organisations syndicales ses propositions sur la question des contrats courts.

Pour l’U2P ((artisans, commerçants, professions libérales), le document de cadrage adressé par le gouvernement aux partenaires sociaux leur demandait « de se positionner sur cette problématique, sans pour autant imposer la solution ».

Les CDD de moins d’un mois multipliés par 2,5 en vingt ans

Commencée en novembre, la négociation doit prendre fin le 20 février, après avoir été prolongée de deux séances, syndicats et patronat échouant notamment à se mettre d’accord sur un mécanisme qui réduirait le recours excessif aux contrats courts.

En vingt ans, les CDD de moins d’un mois ont été multipliés par 2,5, une source de précarité et un surcoût de deux milliards d’euros pour l’Unédic, qui gère l’assurance-chômage. Le système de bonus-malus consiste à articuler les cotisations chômage de l’employeur en fonction du taux de rupture de contrats de travail. L’idée est de faire varier la cotisation patronale à l’assurance-chômage, actuellement de 4,05 %, en fonction du taux de rupture de contrats donnant lieu à inscription à Pôle emploi – une promesse présidentielle soutenue par les syndicats.

Mais le patronat y est solidement opposé. En novembre, au tout début de la négociation sur l’assurance-chômage, Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, avait assuré qu’un tel système allait « détruire des CDD et des emplois intérim sans pour autant créer de CDI ».

Le 23 janvier, dans le cadre de la discussion, les organisations patronales Medef, CPME et Union des entreprises de proximité (U2P) ont présenté une série de propositions alternatives au bonus-malus pour réguler les contrats courts.

Y figuraient la suppression des délais de carence, un assouplissement du renouvellement des contrats courts ou encore la priorité à l’embauche en contrat court. Certaines propositions ont été jugées floues, d’autres provocantes par les syndicats.

« Une nouvelle fois, on culpabilise les faibles »

Juste avant les annonces faites par la CPME, le Medef et l’U2P, Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, a déclaré, sur RMC/BFM-TV, que « le patronat portera[it] la responsabilité de l’échec » de la négociation sur la réforme de l’assurance-chômage s’il persistait à refuser tout mécanisme de bonus-malus.

Philippe Martinez, son homologue de la CGT, allait dans le même sens sur France Inter : « Du bonus, ils [les employeurs] en ont beaucoup, donc si on pouvait se contenter du malus ça irait mieux », a-t-il ainsi mentionné. Plus généralement, il a critiqué le cadre « contraint » de cette négociation imposée par le gouvernement, qui réclame « 4 milliards d’économies sur le dos des chômeurs ». Et « une nouvelle fois, on culpabilise les plus faibles », a-t-il regretté.

De son côté, Michel Beaugas, le négociateur pour Force ouvrière (FO), a évalué que le patronat prenait « en otage des millions de demandeurs d’emplois sur une position dogmatique ». Il est « très inquiet » que le gouvernement reprenne en main le dossier et impose « une baisse des droits drastique aux demandeurs d’emploi indemnisés ».

« Suspendre, ce n’est pas arrêter », a relativisé Jean-François Foucard, de la CFE-CGC, pour qui la « responsabilisation des entreprises ne peut passer que par des cotisations ». Le gouvernement a imposé aux partenaires sociaux que la nouvelle convention d’assurance-chômage permette entre 3 et 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans.

Bart Gruyaert, ose la relance d’Ascoval

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Bart Gruyaert, président fondateur d’Altifort et repreneur de Ascoval, à Paris, le 31 octobre 2018.
Bart Gruyaert, président fondateur d’Altifort et repreneur de Ascoval, à Paris, le 31 octobre 2018. ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Coactionnaire d’Altifort, l’industriel reprend l’aciérie de Saint-Saulve, en redressement judiciaire depuis janvier 2018. A lui de trouver des clients sur un marché quasi saturé.

« Après le 19 décembre, j’ai passé trois semaines au lit. J’étais vidé ! » Ce jour-là, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a autorisé Altifort à reprendre Ascoval, l’aciérie de Saint-Saulve, dans le Nord, et ses 281 salariés. « Les négociations ont été si compliquées qu’une fois le jugement passé, confie Bart Gruyaert, le copropriétaire du groupe Altifort, tout est retombé. »

Six semaines après, l’industriel flamand est requinqué. Il doit obtenir publiquement les clés d’Ascoval vendredi 1er février. « C’est maintenant qu’il va devoir se révéler pour trouver les clients qu’il a promis », prévient un bon connaisseur du dossier. L’aciérie est un gros morceau, avec un chiffre d’affaires de 135 millions d’euros en 2017, alors qu’Altifort prétends environ 200 millions de revenus.

Surtout, il va devoir trouver des clients pour écouler 500 000 tonnes d’aciers, la capacité de l’aciérie, quand le marché est presque saturé et que Vallourec et Schmolz + Bickenbach, qui achetaient jusqu’à présent sa production, sont désormais de redoutables concurrents. Mais pas de quoi effrayer le quadra. « Pourquoi faudrait-il avoir peur ?, interroge-t-il, mi-janvier, dans les bureaux de son groupe à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Je suis sûr que nous pouvons réussir à trouver les clients pour faire tourner l’aciérie et la forge. Ce sera dur, mais nous nous accrocherons. Et puis, n’oubliez pas. Je viens de Courtrai, en Belgique. Là-bas, nous sommes à la fois travailleurs et têtus. Surtout têtus. Nous ne lâchons rien ! »

« C’est un fonceur, un bosseur »

« Et il a démontré qu’il était résistant face à Vallourec, l’ancien propriétaire, et l’Etat », confirme Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France qui l’a soutenu sur ce dossier. « Il a été courageux, voire téméraire », confirme Philippe Jeannerot, l’administrateur judiciaire qui a supervisé le redressement de l’aciérie. « C’est un fonceur, un bosseur qui ne s’attarde pas sur les petits détails et qui ne regarde pas dans le rétroviseur », déclare Nathalie Delabre, 51 ans, responsable du service achats d’Ascoval qui l’a croisé ces dernières semaines.

Durant les négociations de reprise, Vallourec a refusé d’aider Altifort, tandis que Bercy n’était pas très allant pour le supporter. Le petit groupe de 1 500 salariés, construit en moins de cinq ans, est financièrement fragile. Certains officiels ont plusieurs fois conseillé à l’entrepreneur de se désister, tandis que ses filiales subissaient des contrôles de la part de l’administration. « En interne, on m’a même demandé de laisser tomber », déclare-t-il.

Uber garanti que la rémunération horaire d’un chauffeur est de 9,15 euros net

Rassemblement de chauffeurs de VTC à Paris, le 15 décembre 2016, pour protester contre la hausse des commissions imposées par Uber.
Rassemblement de chauffeurs de VTC à Paris, le 15 décembre 2016, pour protester contre la hausse des commissions imposées par Uber. NICOLAS MESSYASZ / Hans Lucas

Ce calcul, qui est théorique, s’inscrit dans le cadre d’une campagne de transparence de la part de l’entreprise, alors que les syndicats des chauffeurs sollicitent un tarif minimum pour les courses.

Un simple contre-feu ou un réel exercice de transparence ? Alors que son modèle économique est alarmé par la justice française, que les syndicats du secteur des véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC) multiplient les opérations escargot et les grèves pour obtenir la mise en place d’un tarif minimum des courses, Uber, le leader du secteur, publie pour la première fois une étude sur le revenu de ses conducteurs.

La société américaine a calculé qu’un chauffeur qui se connecte à sa plate-forme gagne 9,15 euros net de l’heure pour 45 heures de travail hebdomadaire (la moyenne pour les « non-salariés » dans le secteur du transport). En France, le salaire horaire minimum net est de 7,72 euros pour 35 heures. Pour Uber, il s’agit d’un revenu médian. La moitié des 28 000 chauffeurs qui travaillent avec lui gagnent moins ; l’autre moitié, plus.

Pour arriver à ce résultat, l’étude évalue le chiffre d’affaires horaire médian d’un conducteur d’Uber à 24,81 euros brut, après commission versée à la plate-forme. Une fois retranchés l’ensemble des frais d’un conducteur (véhicule, assurance, carburant, etc.), les cotisations sociales et la TVA, on arrive au revenu net de 9,15 euros.

Plan antifraude

Sur un mois, un chauffeur pourrait donc disposer d’un revenu (avant impôt) de 1 617 euros. C’est mieux que les 1 430 euros de revenu médian des non-salariés dans le secteur du transport, calculé par l’Insee. Ces calculs restent toutefois théoriques, puisque, en moyenne, les chauffeurs VTC ne se connectent à la plate-forme que 27 heures par semaine en France.

Selon FO, plusieurs milliers de chauffeurs rouleraient illégalement et réduiraient ainsi les revenus des chauffeurs légaux.

« C’est effectivement un calcul théorique, car les conducteurs travaillent pour plusieurs applications différentes, confirme Steve Salom, le patron d’Uber en France, mais cela donne de la visibilité aux chauffeurs et aux pouvoirs publics. » En 2017, Jacques Rapoport, le médiateur chargé par le gouvernement de dénouer la crise de l’époque entre plates-formes et chauffeurs VTC, estimait le revenu moyen d’un chauffeur indépendant à 1 700 euros, mais pour 60 heures, « et ce, sans prendre en compte les congés payés ou la couverture santé et retraite ».

Chez les syndicats, le débat est constamment vif sur les revenus réels des chauffeurs, sachant que chacun peut se connecter à une ou plusieurs applications et que ses revenus diffèrent grandement de l’une à l’autre. Pis, avec la loi Grandguillaume de 2016, qui oblige chaque conducteur à obtenir, après examen, une carte de VTC, la fraude a explosé. Selon FO, plusieurs milliers de chauffeurs déplaceraient illégalement et réduiraient ainsi les revenus des chauffeurs légaux.

Evolution de la jurisprudence

En plus d’un plan de lutte du gouvernement contre cette fraude, les différentes fédérations (FO, CFDT) du secteur réclament la mise en place d’un tarif minimum des courses, afin d’améliorer les revenus. Une idée qui passe mal du côté des plates-formes. « Nous souhaitons aider nos chauffeurs, plaide M. Salom. Cela passe, par exemple, par une aide à l’optimisation de leurs revenus. Nous sommes aussi prêts à améliorer leur protection sociale. Nous finançons déjà une assurance et voulons aller plus loin, en adoptant une charte sociale, qui est prévue par la loi sur les mobilités en discussion. Bien que, nous avons besoin d’un cadre juridique stabilisé et protecteur. »

Avec l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, fin 2018, et de la cour d’appel de Paris, début 2019, sur la récupération des travailleurs indépendants de plate-forme en salariés, Uber et les autres applications craignent « le flou juridique actuel ». « Or, la quasi-totalité des chauffeurs souhaitent aujourd’hui travailler sans patron et en tant qu’indépendant », assure M. Salom.

Devant cette situation, le gouvernement devrait, enfin, sortir de son silence. Alors que le ministère du travail réfléchit à un nouveau régime juridique des travailleurs de plate-forme, le ministère des transports doit dévoiler ses pistes de régulation du secteur VTC. Cette semaine, une mission des inspections du ministère des transports et du travail (CGEDD et IGAS) doit remettre ses propositions sur l’équilibre du secteur et toutes les questions liées à sa régulation, dont celles des tarifs.

 

« Depuis trente ans que les travailleurs font le gros dos en espérant que la “destruction créatrice” fasse son œuvre »

JOHN HOLCROFT / IKON IMAGES / PHOTONONSTOP

La bipolarisation du marché du travail, avec d’un côté peu d’emplois très compétents et de l’autre une masse de petits jobs, rend les inégalités insupportables parce qu’elles deviennent irréparables.

Après avoir longtemps fait la claque pour encourager la mondialisation heureuse, le Forum de Davos est aujourd’hui à l’heure des scrupules. Lors de la dernière édition, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a ainsi appelé à apporter des réponses aux inquiétudes des « gilets jaunes » en reformulant leurs interrogations : « Qu’est-ce que va devenir mon job ? Est-ce que j’ai ma place dans cette nouvelle économie ? Est-ce que cette révolution industrielle que l’on nous prédit permettra à mes enfants d’avoir une place dans la société et de réaliser leurs rêves ? »

De Vesoul à Dax (Landes) en passant par Issoire (Puy-de-Dôme), on entend certainement cette peur du déclassement, ce constat que le travail ne paye plus, que l’ascenseur social est bloqué. Que ces préoccupations trouvent un relais au sommet de la station des Grisons est inédit. Mais prendre de l’altitude ne sera pas suffisant pour y apporter des réponses, tant la problématique semble insoluble.

Durant des années, on nous a bercés d’illusions avec la théorie de l’économiste Joseph Schumpeter, selon laquelle la croissance est un processus permanent de création, de destruction et de restructuration des activités économiques. Pour faire court : les mutations sont des mauvais moments à passer pour déboucher in fine sur plus de prospérité.

L’exception qui confirme la règle

Cela fait trente ans que les salariés font le gros dos en attendant que la « destruction créatrice » fasse son œuvre. Mais entre-temps, le mouvement continuel de l’économie s’est ossifié autour de la bipolarisation du marché du travail.

Dans tous les pays développés, les emplois se réunissent aux deux extrémités de ce marché avec, d’un côté, un petit nombre d’emplois très qualifiés à rémunération élevée et dont la productivité bondit grâce aux nouvelles technologies et, de l’autre, des emplois de service, peu qualifiés, plus précaires et à rémunération faible qui, eux, sont toujours plus nombreux. Passer de la seconde catégorie à la première tient aussitôt de l’exception qui confirme la règle. Les inégalités deviennent insupportables parce qu’irrémédiables.

Entre les deux, le champ des carrières s’est atrophié. Sous l’effet du progrès technologique, les emplois automatisables qui, depuis les « trente glorieuses », portaient la classe moyenne, expirent. En vingt ans, leur poids sur le marché du travail dans l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a chuté de vingt points. En France, plus de 150 000 postes de secrétariat et 70 000 postes d’employés de banque se sont volatilisés depuis 1990. Parallèlement, le nombre d’emplois peu qualifiés et moins bien payés a augmenté dans les mêmes proportions. On compte par exemple 90 000 employés de maison de plus ou encore 100 000 serveurs de café et restaurant additionnels.

Congé parental: un pas de plus pour l’Europe sociale

Le président Emmanuel Macron (à gauche) et Jean-Claude Junckers, président de la Commission européenne, devant Parlement de Strasbourg, le 17 avril 2018.
Le président Emmanuel Macron (à gauche) et Jean-Claude Junckers, président de la Commission européenne, devant Parlement de Strasbourg, le 17 avril 2018. Vincent Kessler / REUTERS
Une nouvelle instruction du Parlement européen et du Conseil vise à améliorer l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Jeudi 24 janvier, le Parlement européen et le Conseil (les Etats membres) sont arrivés à un accord sur une nouvelle directive, « relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ». Le texte forme une avancée modeste vers une Europe plus sociale. Sur la base d’une proposition de la Commission datant de 2017, les deux établissements ont validé le principe d’un congé paternité partout dans l’Union, pouvant être pris à la naissance d’un enfant et devant durer « au moins dix jours ». Il devra être rémunéré, au niveau du congé maladie dans l’Etat membre.

Le projet de directive affirme une autre fois aussi un congé parental d’au moins quatre mois, dont deux non transférables d’un parent à l’autre, pouvant être pris jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Il devra lui aussi être rémunéré « à un niveau adéquat », à déterminer dans chaque Etat. Enfin, la directive introduit un « congé aidant » d’au moins cinq jours par an et par travailleur, pour s’occuper d’un proche sans obligation de rétribution en revanche.

Ces arrangements s’appliqueront aux travailleurs disposant d’un « contrat de travail » ou d’une « relation de travail », mais pas aux indépendants.

Congé parental : ce que font les autres pays

Peu de pays ont effectivement expérimenté un revenu parental en tant que tel ; la plupart indemnisent le congé lié à une naissance (congé maternité et/ou de paternité) et aident, plus ou moins généreusement, à la prise en charge d’un enfant en bas âge (congé parental d’éducation). Sept pays de l’Union ne rémunèrent pas du tout le congé parental : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Irlande, la Grèce, les Pays-Bas et Chypre.

La Suède est le pays qui paye le mieux les parents : le congé parental ouvre droit à un revenu de remplacement, correspondant à 80 % du salaire antérieur, pendant les treize premiers mois (les trois derniers mois étant indemnisés environ 500 euros chaque). Le modèle suédois est cohérent avec cette notion de revenu : ce dernier est imposable et, en contrepartie, tous les droits sociaux du bénéficiaire sont maintenus. Il continue à cotiser pour sa retraite, la période de congé est comptabilisée dans le calcul des privilégies liés à l’ancienneté et il bénéficie de la garantie du retour à son poste.

Si le parent au foyer tombe malade, il reçoit une compensation journalière et ses jours de maladie ne sont pas comptabilisés dans le congé parental. Il faut toutefois avoir travaillé au moins huit mois avant l’arrêt. « Les parents ne satisfaisant pas à ces conditions touchent, pour leur part, une indemnité forfaitaire d’environ 18 euros par jour. Les modalités de ce congé incitent donc assez fortement à s’intégrer sur le marché du travail avant d’avoir des enfants », déclare la docteure en sociologie Nathalie Morel. De plus, la Suède a mis en place des mesures incitatives pour pousser les hommes à davantage utiliser le congé : chaque parent est obligé de prendre au moins trois mois pour bénéficier du reste du congé parental.

Même logique en Allemagne : si les deux parents prennent le congé (deux tiers du salaire, plafonné à 1 800 euros par mois), ils ont droit à deux mois supplémentaires. Une « prime aux fourneaux » de 150 euros mensuels avait, en outre, été initiée en 2013 par les conservateurs pour relancer la natalité, mais elle a été invalidée en 2015 par la Cour constitutionnelle qui a jugé que le gouvernement fédéral avait empiété sur les prérogatives des Etats régionaux.

L’Islande a le modèle le plus égalitariste avec un congé parental de neuf mois, dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers partageable entre les deux, avant les dix-huit mois de l’enfant, chaque partie étant perdue si elle n’est pas prise par son destinataire. Il est rémunéré à 80 % pour tout salaire en dessous de 1 260 euros par mois et 75 % pour les salaires supérieurs, avec un plafonnement à 1 890 euros mensuel.

Au contraire d’une conception sociale du revenu parental, et dans une proportion probablement anecdotique, une version néocapitaliste aurait déjà été expérimentée dans la sphère privée : à New York, certaines femmes au foyer toucheraient un « bonus d’épouse » au titre de leur bonne gestion du budget du foyer ou de la qualité de l’éducation soutenue aux enfants et de la capacité de ces derniers à intégrer de bonnes écoles. Les Etats-Unis sont actuellement le seul pays de l’OCDE à ne même pas financer un congé maternité.

Proposition revue à la baisse

L’objectif de la Commission était de progresser la mise en œuvre du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes au travail. Intention louable, mais sa proposition a été sérieusement revue à la baisse, surtout concernant le congé parental. L’institution recommandait que la période non transférable d’un parent à l’autre soit d’au moins quatre mois. Elle indiquait aussi que ce congé parental, ainsi que le « congé aidant » devaient être rémunérés à un niveau « équivalant au moins à ce que le travailleur concerné recevrait en cas de congé maladie ».

Le Parlement européen soulignait lui aussi sur des niveaux de rémunération conséquents, partant du constat que lorsque ces congés sont mal rémunérés, ce sont en priorité les femmes qui mettent entre parenthèses leur carrière professionnelle pour les prendre. Mais au Conseil, près de la moitié des Etats membres, dont la France et l’Allemagne, se sont opposés à des ambitions jugées trop coûteuses.

Emmanuel Macron avait émis des doutes en plein hémicycle européen, lors d’un discours à Strasbourg le 17 avril 2018 : le congé parental ? « J’en approuve les principes, mais c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable », avait déclaré le président français. Sa ministre du travail, Muriel Pénicaud, ajoutait à l’époque : « La France est absolument pour une instruction sur le congé parental ». Mais « ce n’est pas à Bruxelles que l’on doit décider dans le détail comment il doit fonctionner pays par pays ».

Dans l’Hexagone, le congé parental est rémunéré bien en deçà du niveau des indemnisations maladie (moins de 400 euros par mois, contre une moyenne de 950 euros pour les prestations maladie). Et un nombre infime de pères français en profitent : 4 % seulement, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datant de 2016.

Jeudi, l’eurodéputée Verte Karima Delli, membre de la commission des affaires sociales à Strasbourg, a salué comme « un début » le congé aidant, « mais il faut aller plus loin. Dans la plupart des pays de l’Union européenne, les femmes continuent de porter la majeure partie du fardeau ». L’élue a aussi lamenté « le jeu mesquin de la France qui s’est opposée à une meilleure rémunération des congés parentaux ».

Même son de cloche chez Guillaume Balas, eurodéputé membre de Génération.s : « Si nous n’obtenons pas des droits sociaux harmonisés pour tous les Européens, alors le “Triple A” social promu par Jean-Claude Juncker [président de la Commission européenne], soutenu par Angela Merkel [la chancelière allemande] et Emmanuel Macron est une authentique imposture. »

Même si ce nouveau texte n’affirme qu’un socle de droits a minima, le bilan « social » de la commission Juncker n’est pas si médiocre, au regard du peu de prérogatives dont elle dispose en la matière : elle est surtout parvenue à réparer la directive travail détaché. La commission Barroso, elle, n’avait même pas réussi à faire adopter un congé maternité européen.

 

Quand Thales opte pour les méthodes des start-up

Thales développe notamment l’analyse vidéo intelligente appliquée aux transports urbains.
Thales développe notamment l’analyse vidéo intelligente appliquée aux transports urbains. Thales

Le groupe français investit 50 millions d’euros par an dans trois sites de production, à Paris, Montréal et Singapour.

Dans son défilé international, Thales, le géant français de l’électronique, permets une place toute particulière au Canada. C’est là en effet, à Montréal, qu’il a installé son deuxième plus grand centre d’intelligence artificielle, qui regroupe le quart des experts du groupe dans le domaine. Là aussi qu’il a implanté l’une de ses trois « digital factories », ces lieux où le groupe tricolore essaie de repenser ses méthodes de travail en adoptant les usages des start-up.

Fer de lance de cette révolution, Olivier Flous : anciennement à la tête de l’ingénierie du groupe, il porte aujourd’hui une double casquette, chargé à la fois de la transformation numérique de Thales et de présider au destin des « digital factories » du groupe, à commencer par celle de Paris. Avec un budget cohérent, de l’ordre de 50 millions par an.

Olivier Flous n’a pas assez de mots pour célébrer les mérites de ce type d’organisations, à commencer par leur approche du marché. « Dans une boîte comme Thales, nos interlocuteurs traditionnels sont trop souvent nos clients, pas les utilisateurs finaux des produits. Or il y a parfois un écart de perception entre les attentes de ces deux populations. »

Autre caractéristique des start-up louée par Olivier Flous : leur cycle de production très court, dans un mode dit « agile » : une fois un projet lancé, un premier produit abrégé mais fonctionnel est rapidement livrable à l’utilisateur, que l’on fait très vite évoluer, avec de nouvelles versions toutes les trois semaines en fonction des retours du client. A terme, quand le produit arrive à maturité, il a vocation à être réintégré au sein des équipes de la maison mère pour être commercialisé. Les principes de la « digital factory » ont été inscrits dans un manifeste. Celui-ci comprend des règles très opérationnelles telles que se fier aux données plutôt qu’aux opinions – « sinon, c’est toujours le plus gros salaire qui décide », réplique Olivier Flous – ou échouer plutôt que de ne pas essayer.

Avoir les meilleurs talents        

Le manifeste assure aussi une organisation spécifique à la « digital factory ». Chaque projet est conduit par une équipe réduite – une « squad » – d’une petite dizaine de personnes, qui bénéficie de la plus grande liberté. Car pour aller vite, juge-t-on ici, « l’autonomie est plus importante que le contrôle ».

En offrant ces garanties, Thales attends réussir à attirer les meilleurs talents, dans un secteur où tout le monde s’y essaye, et pas seulement « Google ou Facebook », pointe Patrice Caine, PDG de Thales : « Aujourd’hui, beaucoup d’étudiants sortant de Polytechnique ne s’engagent plus vers les carrières classiques que l’on connaissait auparavant. De plus en plus s’orientent vers l’entrepreneuriat. »