Archive dans 1970

La marque de prêt-à-porter Esprit placée en liquidation judiciaire en France

La marque de prêt-à-porter Esprit a été placée en liquidation judiciaire en France, quatre mois après que le groupe a annoncé avoir déposé le bilan pour ses activités en Europe. « L’activité ne peut plus être poursuivie et (…) il n’existe aucune possibilité de présenter un plan de redressement permettant d’apurer le passif », a estimé le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) dans sa décision datée du jeudi 9 septembre et consultée par l’Agence France-Presse (AFP).

Esprit de Corp France, basé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), avait été placé en redressement judiciaire le 18 juillet. « A la date de clôture du dernier exercice social », l’entreprise employait en France 145 salariés et son chiffre d’affaires annuel s’élevait à près de 32 millions d’euros, pouvait-on lire dans la décision de redressement judiciaire de juillet.

La marque était alors présente dans plus d’une centaine de points de vente en France, selon son site consulté en juillet.

Séquelles de la pandémie de Covid-19

Le groupe, basé en Allemagne et coté à la Bourse de Hong Kong, avait annoncé en mai qu’il avait déposé le bilan pour ses activités en Europe, tablant sur une restructuration pour surmonter ses difficultés, liées notamment à la hausse de ses coûts et aux séquelles de la pandémie de Covid-19.

Le dépôt de bilan concerne la filiale Esprit Europe et six autres sociétés allemandes du groupe. Les filiales en Suisse et en Belgique, où Esprit a aussi des magasins, avaient déposé le bilan en mars et en avril.

Cette enseigne de vêtements a été fondée en 1968 à San Francisco par un couple hippie américain, Douglas et Susie Tompkins – également à l’origine de la marque The North Face –, qui vendaient leurs premiers articles en sillonnant la Californie à bord d’un minibus Volkswagen.

Les fondateurs ne sont plus aux commandes depuis longtemps. Le groupe est coté depuis 1993. Son siège est situé en Allemagne à Ratingen, près de Düsseldorf (ouest du pays). Esprit indique être présent dans plus de 40 pays avec 586 magasins.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Habillement : la griffe française Sessùn passe sous pavillon italien

Le Monde

Réutiliser ce contenu

Les salaires réels des enseignants français en milieu de carrière stagnent, selon l’OCDE

Rentrée scolaire dans une école élémentaire, à Nice, en 2023.

Les professeurs ayant plus de quinze ans d’ancienneté, soit près de 70 % de la profession, attendent toujours une revalorisation significative de leurs salaires, qui ont subi un décrochage significatif en quelques décennies. L’édition 2024 du rapport « Regards sur l’éducation », réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et publiée mardi 10 septembre, vient une nouvelle fois étayer leur demande, alors qu’Emmanuel Macron avait promis, lors de sa réélection, en 2022, d’augmenter tous les enseignants de 10 %.

Les salaires réels de ces enseignants chevronnés sont restés stables entre 2015 et 2023, constate l’organisation intergouvernementale. Si les salaires « statutaires » des professeurs de collège ont crû de 15 %, entre 2015 et début 2023 sans l’inflation, cette hausse n’est que de 1 % si l’on tient compte de la montée des prix. Dans le même temps, la hausse réelle des rémunérations s’est élevée à 4 % dans la moyenne des pays de l’OCDE.

L’augmentation est toutefois plus marquée pour les enseignants français en début de carrière : elle est de l’ordre de 5 %, entre 2015 et 2023. « Si la France rattrape son retard sur les rémunérations des enseignants débutants, ce n’est toujours pas le cas pour les professeurs en milieu de carrière », remarque Eric Charbonnier, analyste à l’OCDE. Les enseignants français avec plus de quinze ans d’ancienneté possèdent toujours des salaires plus bas de 16 % en comparaison avec la moyenne des pays de l’OCDE.

« Il nous reste beaucoup à faire »

La ministre de l’éducation nationale démissionnaire, Nicole Belloubet, l’a reconnu lors de la présentation de « Regards sur l’éducation », dans les locaux de l’OCDE, à Paris : « Les données comparatives de rémunérations des enseignants sont encore, au moins pour les milieux de carrière, au désavantage de notre pays. Il nous reste beaucoup à faire pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant », juge la responsable politique.

En septembre 2023, de nouvelles hausses de salaire sont intervenues. Les titulaires débutent désormais à 2 100 euros net par mois contre moins de 1 700 euros en 2020. Les enseignants ayant jusqu’à dix ans d’ancienneté ont perçu 200 euros net supplémentaires et ceux qui affichent plus de quinze ans d’ancienneté ont reçu 95 euros. En parallèle, moins d’un enseignant sur trois a signé un pacte, ce dispositif qui prévoit la rémunération de missions supplémentaires comme le remplacement de courte durée.

Ce chantier des rémunérations des enseignants est donc à l’arrêt depuis près d’un an. En octobre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation nationale, avait jugé, dans un entretien au Monde , qu’il fallait « avancer sur les autres leviers de l’attractivité » du métier d’enseignant. Mais la valse des ministres de l’éducation, entre décembre 2023 et février 2024, puis la dissolution de l’Assemblée nationale ont interrompu toute concertation sur le sujet.

Il vous reste 11.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Aux Etats-Unis, la diminution de l’inflation et la faiblesse des créations d’emplois ouvrent la voie à une baisse des taux

Dans un supermarché Walmart, à Secaucus, dans le New Jersey, le 11 juillet 2024.

La voie est définitivement libre pour une baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed). L’inflation annuelle est tombée à 2,5 % en août, selon les chiffres publiés par le ministère du travail, mercredi 11 septembre. C’est son plus bas niveau depuis février 2021. « Le rapport d’aujourd’hui montre que nous tournons la page de l’inflation », s’est réjoui Lael Brainard, conseillère économique du président, Joe Biden, alors que la hausse des prix avait atteint un maximum de 9,1 % en juin 2022. Hors énergie et alimentation, la hausse reste à 3,2 %, chiffre un peu moins bon qu’attendu. Cela, en raison des prix du logement – location et achat –, toujours élevés après l’envolée post-Covid-19 des prix et celle des emprunts hypothécaires.

Par mois, la tendance est similaire, avec une hausse générale des prix de 0,2 point. Ce chiffre très correct doit être mis en miroir avec ceux de l’emploi, la mission de la Fed étant double : assurer la stabilité des prix et favoriser le plein-emploi. Or le marché de l’emploi se refroidit rapidement. Ainsi, en août, le pays n’a créé que 142 000 postes, après un mauvais mois de juillet (89 000). Conclusion : il est temps de desserrer l’étau sur l’économie nationale.

Les marchés débattent pour savoir si la Fed réduira ses taux, actuellement fixés au-delà de 5,25 % – un record depuis 2006 –, d’un quart ou d’un demi-point à l’issue de la réunion de son comité de politique monétaire, mercredi 18 septembre. Beaucoup d’arguments sont en faveur d’une baisse mesurée d’un quart de point : d’abord, le recul de l’inflation reste fragile ; ensuite, baisser d’un demi-point pourrait faire paniquer les marchés – attestant que la récession se profile et que la Fed est en retard d’une bataille –, mais aussi accentuer la morosité économique, alors que la Réserve fédérale s’emploie, depuis des années, à être prévisible.

Signaux mitigés

De plus, il s’agit de la dernière réunion de l’institution avant l’élection présidentielle de novembre, et son président, Jerome Powell, ne doit absolument pas être soupçonné de mener une politique partisane. Donald Trump l’a accusé ces derniers mois de vouloir baisser les taux afin d’aider les démocrates et a expliqué qu’il voulait, en cas de retour à la Maison Blanche, avoir son mot à dire sur la fixation de la politique monétaire. De la lenteur et de la sérénité, voilà le prix de l’indépendance qui devrait conduire la Fed à privilégier un mouvement prudent. « Une réduction de cinquante points de base n’est probablement plus à l’ordre du jour », écrit Christophe Boucher, directeur des investissements chez ABN Amro.

Il vous reste 51.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Face à la baisse du nombre d’élèves, les scénarios des inspections générales pour supprimer des postes d’enseignants et fermer des classes

Ballon d’essai ou véritables perspectives ? La « revue de dépenses » réalisée conjointement par l’inspection générale des finances et l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche a tout du rapport explosif face à une école en crise.

Daté d’avril mais rendu public en septembre, ce rapport, commandé par Matignon à l’automne 2023, explore différents scénarios pour tirer parti de la diminution du nombre d’élèves dans les années à venir et ainsi supprimer des postes d’enseignants et faire des économies budgétaires. Cette baisse démographique peut « justifier une réduction des moyens d’enseignement », jugent les auteurs.

La publication de ce rapport intervient alors que la préparation du budget 2025, perturbée par le contexte politique, s’avère particulièrement sensible au vu de l’augmentation du déficit des comptes publics. Dans une mise en garde très politique lors de sa conférence de presse de rentrée, fin août, la ministre de l’éducation nationale démissionnaire, Nicole Belloubet, avait elle-même alerté sur la nécessité de sanctuariser le budget de l’éducation nationale, tandis que Bercy cherche des sources d’économie.

Depuis 2017, les moyens de l’éducation nationale « se sont déployés sans que les évolutions démographiques de la population des personnes de moins de 30 ans soient pleinement prises en compte », affirme le rapport. La priorité accordée aux écoles primaires, avec le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 en éducation prioritaire, a conduit à une augmentation des dépenses d’éducation de 9 % pour ce niveau historiquement négligé. La dépense d’éducation reste stable dans le second degré – avec 8 000 suppressions de postes dans l’intervalle – et recule dans le supérieur.

« Optimisations »

Dans le même temps, on compte 404 000 élèves de moins dans le primaire en 2023 par rapport à 2017, tandis que ce nombre a augmenté respectivement de 54 000 dans le second degré et de 245 000 dans l’enseignement supérieur. La baisse du nombre d’élèves commence néanmoins à atteindre le collège. Entre 2023 et 2028, les effectifs scolaires devraient encore diminuer de plus de 480 000 élèves, dont 252 000 à l’école élémentaire et 132 500 au collège, selon les projections de ce rapport.

A travers trois scénarios, les auteurs du rapport soumettent « des pistes de travail » à confronter avec « les réalités de terrain » pour aboutir à des « optimisations ». La première modélisation consiste à identifier au sein des établissements scolaires des classes à effectifs trop réduits par rapport à la moyenne nationale établie par niveau et par type d’établissement (éducation prioritaire ou non par exemple) et à répartir les élèves dans d’autres classes. Cette « rationalisation » permettrait de fermer 600 classes à l’école primaire, entre 1 000 et 1 450 classes au collège, et de supprimer entre 1 380 et 1 820 équivalents temps plein. Ces économies se traduiraient pour les lycées concernés, « soit par une réduction de l’offre d’options ou d’enseignements de spécialité, soit par une réduction des dédoublements de classe », conclut le rapport.

Il vous reste 44.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Comment le vieillissement bouleverse nos sociétés

En mars 2024, le conglomérat Oji Holdings a annoncé qu’il cessait de fabriquer des couches pour bébés dans ses usines japonaises. Il préfère désormais se concentrer sur le marché nettement plus lucratif des couches pour adultes. Toujours au Japon, « Tous mes amis étrangers trouvent que les Escalator sont incroyablement lents, s’amuse Jesper Kroll, un économiste allemand qui vit dans le pays depuis 1985. C’est parce qu’il y a une décennie, de nouvelles règles ont demandé de réduire leur vitesse de 15 %, afin de faciliter la vie des personnes âgées. »

Bienvenue dans notre avenir à tous. Le Japon est le pays le plus vieux au monde, presque 30 % de sa population a plus de 65 ans. L’Italie – deuxième sur le podium – va atteindre le même niveau au milieu des années 2030, l’Allemagne la décennie suivante, et l’ensemble des pays développés y seront au cours de la décennie 2060, selon les projections des Nations unies.

En France, un peu moins touchée par le phénomène grâce à une natalité légèrement supérieure, ce serait plutôt vers les années 2070, même si les estimations sont incertaines. Dans l’ensemble des pays les plus riches, la population a atteint un pic de 1,3 milliard d’habitants et a entamé un recul progressif pour perdre environ 100 millions d’habitants d’ici à la fin du siècle, selon les Nations unies. Au Japon, la population totale recule depuis quinze ans, désormais au rythme de 2 300 personnes par jour.

« C’est d’abord une bonne nouvelle »

Economiquement, ce phénomène démographique, lent mais inéluctable, représente un chamboulement majeur. « C’est d’abord une bonne nouvelle, tient à rappeler Vincent Touzé, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Cela veut dire qu’on vit plus longtemps, y compris en bonne santé. Mais il faut quand même en gérer les conséquences. »

M. Kroll insiste lui aussi sur l’un des aspects positifs : « Au Japon, le rapport de force entre les salariés, moins nombreux qu’avant, et les entreprises s’est retourné. Dans une entreprise comme Mitsubishi, les jeunes suppliaient d’obtenir un poste il y a encore quelques années ; aujourd’hui, ils demandent ce que l’entreprise peut leur apporter. » Les salaires, autrefois purement basés sur l’ancienneté, sont plus régulièrement liés aux performances, et les Japonais changent désormais plus souvent d’entreprise au cours de leur carrière. La participation des femmes au marché du travail a également fortement augmenté. « Mais l’immense point noir, reconnaît M. Jesper, vient des finances publiques. »

Il vous reste 74.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vencorex placée en redressement judiciaire, la chimie grenobloise tremble pour son avenir

La plate-forme chimique du Pont-de-Claix (Isère).

Des centaines d’emplois sur la sellette. Dans la région grenobloise, l’industrie chimique tremble après l’annonce, mardi 10 septembre, du placement en redressement judiciaire de l’entreprise Vencorex par le tribunal de Lyon. « Ce qu’on redoutait depuis avril s’est malheureusement concrétisé », déclare Adrien Poirieux, référent en Isère de la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC)-CGT. Vencorex, dont le siège est à Saint-Priest (Rhône), en région lyonnaise, et l’usine principale au Pont-de-Claix (Isère), près de Grenoble, produit des isocyanates de spécialités, des produits dérivés utilisés dans les peintures et vernis pour les industries de l’automobile, de la construction ou de l’électronique.

L’usine de Vencorex au Pont-de-Claix est, avec 450 salariés, le principal opérateur de la plate-forme chimique qui regroupe des acteurs comme Air Liquide et Seqens, et travaille en lien avec la plate-forme chimique voisine de Jarrie (Isère), notamment avec Arkema à qui elle fournit des sels et du chlore.

Après avoir été régulièrement confrontée à des difficultés sur le marché des isocyanates, notamment après la crise de 2009, Vencorex connaît depuis quelques années un « renversement du marché », explique un représentant de la direction, qui a souhaité garder l’anonymat. « Depuis pas mal d’années, le marché a vu l’arrivée d’acteurs asiatiques », au premier rang desquels Wanhua et Covestro, venant concurrencer Vencorex « à la fois en capacité de production, qui est montée en puissance, et en prix, qui se sont effondrés ».

Crainte d’un « effet domino »

Fondée en 2002, Vencorex est, depuis 2022, détenue entièrement par son cofondateur historique, la compagnie thaïlandaise de pétrochimie PTT Global Chemical, qui a racheté ses parts au suédois Perstorp. Un actionnaire bien loin des enjeux locaux, dont les syndicats soulignent le manque d’investissement dans la diversification des activités mêmes de l’usine, positionnée dans le monoproduit des isocyanates depuis le début.

Même si l’actionnaire a « renfloué régulièrement les caisses », selon le représentant de la direction, et malgré un plan d’économies de plusieurs dizaines de millions d’euros entamé par la direction en 2023, cette fois-ci aura été celle de trop : c’est l’entreprise elle-même qui a déclaré au tribunal sa cessation de paiements, demandant la protection du tribunal pour une durée de six mois.

L’interconnexion entre les différentes entreprises des deux plates-formes chimiques de la région grenobloise, qui regroupent environ 1 000 emplois directs et 5 000 emplois induits, fait craindre aux syndicats un « effet domino ». Les entreprises se fournissent réciproquement des matières premières ou des produits dérivés, et les salariés naviguent pour certains aisément entre les entreprises. Vencorex a d’ailleurs, selon plusieurs salariés interrogés, essuyé de nombreux départs ces derniers mois, à tous les niveaux hiérarchiques, « au point que certaines équipes ne pouvaient pas assurer la sécurité de l’atelier », témoigne un ancien salarié de Vencorex.

Il vous reste 22.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Paris 2024 : à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, des salariés du comité d’organisation en grève

Accueil de l’équipe de volley-ball d’Argentine à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le 23 juillet 2024.

A leur sortie de la navette qui relie les terminaux de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, les voyageurs n’ont pas eu droit à l’accueil souriant des volontaires tout en vert des Jeux olympiques et paralympiques : à la place, des personnes en chasuble CGT leur distribuant des tracts, sous surveillance policière, et les uniformes bleus des salariés du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP).

Six d’entre eux ont débrayé pendant une heure, vendredi 6 septembre, en début d’après-midi, avec le soutien d’une dizaine d’autres salariés qui venaient de finir leur journée. Ces employés occupent tous des postes de « coordinateurs transport » ou « arrivées et départs » (A & D) : en CDD depuis deux ou trois mois, ils orientent les délégations et personnes accréditées vers leurs logements ou sites de compétition.

Ils réclament une prime exceptionnelle pour compenser les horaires importants consentis depuis leur arrivée, ainsi que le paiement de leurs heures supplémentaires, parfois effectuées la nuit. Les salariés rencontrés disent tous avoir travaillé au moins cinquante heures par semaine, parfois bien plus.

Mais comme l’intégralité des salariés du COJOP, ils ne sont pas éligibles aux heures supplémentaires, car leur contrat est au forfait jours : tels des cadres, ils n’ont pas d’horaires définis et sont censés être libres de leur organisation du travail. Seul problème, résume Sarah (le prénom a été changé), coordinatrice : « On nous a imposé un planning avec des horaires fixes, dix heures par jour, debout sans chaise, six jours sur sept, dès notre arrivée. On ne nous avait rien dit de cela lors du recrutement. » « On ne m’a jamais demandé de réfléchir, on m’a demandé des missions d’exécution », relève Rayane, du service A & D.

Remonter les doléances

Depuis plusieurs semaines, comme eux, plusieurs dizaines de salariés se sont réunis dans les nombreux départements que compte le COJOP, notamment sous l’impulsion de la CGT de Seine-Saint-Denis, qui tente d’organiser le mouvement social malgré son absence des instances représentatives du personnel. Seul syndicat élu, la CFDT a également reçu des salariés ces dernières semaines, pour faire remonter leurs doléances. L’inspection du travail suit également le dossier.

Outre le temps de travail, les grévistes racontent leur manque d’information et de formation depuis leur arrivée. Très majoritairement âgés de moins de trente ans, ils ne connaissaient pas leurs droits, ni la définition du forfait jours.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Jeux paralympiques : l’accessibilité du métro parisien en question

Fatigués par deux mois intenses, ils s’estiment aussi floués par rapport aux salariés embauchés par le COJOP avant juin 2024, qui ont pu bénéficier d’une prime de 600 euros. « Nous on ne mérite rien ? On a l’impression que les derniers arrivés sont les moins bien lotis », déplore Rayane.

Il vous reste 37.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’union anticasse des Duralex

Le modèle Picardie à la sortie du four, dans l’usine Duralex, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

Le directeur général de Duralex, François Marciano, 59 ans, physique massif et débonnaire, a une drôle de manie. En pleine discussion, il balance son verre par terre. Avant de lâcher, dans un grand éclat de rire : « C’est pour vous prouver qu’il est incassable. » Le verre, un Duralex évidemment, reste intact. Mais c’est l’entreprise entière qui a failli finir en miettes. Il a fallu une union sacrée entre ouvriers et direction, collectivités locales de bords politiques opposés, Etat et banques pour sauver in extremis ce fleuron industriel français employant deux cent vingt-huit salariés et placé en redressement judiciaire fin avril.

Ensemble, ils ont imaginé sa transformation en société coopérative ouvrière de production (SCOP) ; les salariés sont, depuis le 1er août, les actionnaires majoritaires de leur entreprise. Le 2 septembre, c’est en leur nom que François Marciano, ancien et nouveau directeur, a présenté son projet pour la marque, en s’affichant notamment au côté de Guillaume Gibault, patron du Slip français, lors d’une opération de promotion du « made in France ».

Inventeur du verre trempé, obtenu par un chaud-froid brutal appliqué à la pâte, Saint-Gobain dépose le nom Duralex en 1945, inspiré par la devise latine Dura lex, sed lex (« la loi est dure, mais c’est la loi »), pour vanter, déjà, la solidité de sa vaisselle. Verres, gobelets et assiettes sont produits dans une verrerie installée à La Chapelle-Saint-Mesmin, dans la banlieue d’Orléans (Loiret). Le succès est fulgurant : le gobelet Gigogne (1946) puis le Picardie (1954)
s’invitent sur les tables et envahissent les cantines. Entre le poisson pané et la purée, des générations d’écoliers se lancent « T’as quel âge ? » en scrutant le fond de leur verre, rajeunissant ou vieillissant selon le chiffre inscrit. En réalité, le numéro du moule dont chaque verre est issu.

Francois Marciano, le directeur general de Duralex, à l’entrée de son bureau de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

La marque devient emblématique. Les verres s’exportent dans le monde entier. Aujourd’hui encore, les ventes à l’étranger représentent plus de 80 % du chiffre d’affaires. Mais, dès les années 1990, la concurrence chinoise et la succession de repreneurs aux gestions hasardeuses, voire frauduleuses – Sinan Solmaz, éphémère propriétaire (2005-2008), a été condamné pour abus de biens sociaux et banqueroute par détournement ou dissimulation pour être parti avec la caisse –, menacent régulièrement l’usine. Le dernier en date (depuis 2021), La Maison française du verre, qui détient aussi Pyrex, a justifié devoir jeter l’éponge en arguant de l’envolée des prix de l’énergie.

Il vous reste 67.15% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

US Steel : « la sidérurgie a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté »

Une partie de l’usine Edgar Thomson d’US Steel est visible à Braddock, en Pennsylvanie, le lundi 18 décembre 2023.

Le poison de la division n’épargne aucun secteur de la vie américaine. De la musique à la production d’électricité, à l’heure de la polarisation politique, il faut choisir son camp. Il reste pourtant deux sujets qui transcendent les choix partisans : la peur de la Chine et… l’opposition au rachat d’US Steel par son concurrent japonais Nippon Steel.

En visite électorale en Pennsylvanie, la candidate démocrate à la présidentielle, Kamala Harris, a affirmé que le sidérurgiste américain devait être « dirigé par des Américains et possédé par des Américains ». Ce faisant, elle n’a fait qu’inscrire ses pas dans ceux de son mentor, le président Joe Biden. Du côté républicain, Donald Trump a aussi confirmé qu’il bloquerait ce rachat dès son arrivée au pouvoir.

La sidérurgie, comme les compagnies aériennes, a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté par les pays. La puissance d’une nation se mesurait à la hauteur et au nombre de ses hauts-fourneaux. US Steel est depuis un siècle au cœur de l’aventure capitaliste américaine. Mais comme ce fut le cas en Europe, la production d’acier s’est banalisée avec l’ouverture des marchés et la montée en puissance des grands clients tels que l’automobile et la construction. De restructuration en restructuration, US Steel est devenu un acteur marginal sur le plan mondial et troisième aux Etats-Unis.

Syndicat influent

Nippon Steel promet d’investir 2,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour moderniser l’entreprise. Mais cela ne suffit pas au syndicat United Steelworkers (USW), qui représente 11 000 employés d’US Steel (sur 83 000). Il craint des licenciements dans les bastions traditionnels et s’est ouvertement prononcé pour l’acquisition par le concurrent de l’Ohio, Cleveland-Cliffs. USW, qui s’est diversifié dans l’enseignement et la santé, est très influent. Son président, David McCall, est un soutien et ami de Joe Biden. Et la Pennsylvanie, un Etat-clé pour la prochaine élection.

Pour le symbole industriel et les calculs électoraux, il faut donc s’opposer à l’offensive nippone. Quitte à se fâcher avec son principal allié en Asie et au risque de faire grimper les prix à coups de barrières tarifaires, ce qui pénalisera le reste de l’économie. Le Wall Street Journal a attribué à cette opposition la palme de « l’idée économique la plus stupide de la campagne présidentielle ».

En France, à l’époque de l’OPA de l’indien Mittal sur Arcelor en 2006, on parlait de « grammaire des affaires » pour fustiger l’opération. La bataille de l’acier a changé de vocabulaire, mais pas de sensibilité politique.

France Services : la Cour des comptes appelle à renforcer ces guichets de proximité, essentiels à la cohésion des territoires

Un espace France Services, à Ernée (Mayenne), le 16 novembre 2022.

Les espaces France Services, conçus pour répondre au sentiment de relégation exprimé lors de la crise des « gilets jaunes » dans les territoires confrontés au repli des services publics dans un contexte d’accélération de la digitalisation des démarches, ont-ils tenu la promesse alors formulée par Emmanuel Macron d’offrir à tous les concitoyens « un endroit où trouver réponse à [leurs] démarches de la vie quotidienne » ? Disposent-ils pour ce faire de moyens suffisants et pérennes ? C’est sur ces deux questions que s’est penchée la Cour des comptes dans un rapport évaluatif (2020-2023), rendu public mercredi 4 septembre.

Désormais au nombre de 2 840 en France (antennes comprises), ces lieux d’accueil de proximité proposent, au sein d’un guichet unique tenu par au moins deux agents polyvalents, une aide pour diverses démarches administratives (impôts, retraite, immatriculation de véhicules, prédemandes de titres…). Soit une sorte de « couteau suisse de services », associant désormais onze partenaires nationaux (France Titres, France Travail, La Poste, Caisse nationale d’allocations familiales, Caisse nationale d’assurance-vieillesse, Mutualité sociale agricole, Agence nationale de l’habitat…). A cette offre minimale, dite « socle », peuvent s’ajouter des partenariats locaux propres à chaque structure.

Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, le dispositif repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.). Dans le détail, 58 % des usagers ont plus de 55 ans et la majorité d’entre eux sont des femmes (56 %). Les jeunes sont faiblement représentés. Enfin, 82 % des demandes sont traitées sur place.

Maillage renforcé (doublement du nombre de structures), fréquentation accrue (quoique hétérogène selon les espaces), demandes traitées en augmentation continue (1,17 million en 2020, 9 millions fin 2023), écoute et accompagnement personnalisé… La juridiction de la Rue Cambon salue d’abord un programme qui « satisfait une majorité d’usagers » (plus de 90 %) en même temps qu’il « contribue à la cohésion sociale des territoires ».

« Lieux de sociabilité »

Près de 100 % des espaces se situent à moins de trente minutes de transport, conformément à l’engagement présidentiel. Ils sont majoritairement implantés en milieu rural (63 %) – 18 % sont en quartiers prioritaires de la ville. La Cour salue aussi des résultats supérieurs à l’expérience précédente des Maisons de services au public.

« Les usagers trouvent en France Services une relation de services “humanisée et humanisante” », salue la juridiction, ce qui allège « le fardeau administratif », notamment pour les personnes les plus éloignées du numérique. Par ailleurs, ces espaces sont perçus par nombre d’usagers « comme des lieux de sociabilité », dépassant les ambitions de départ. France Services « a une influence sur le sentiment individuel d’abandon », estime la Cour, ce qui « participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales ».

Il vous reste 56.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.