Un nouveau groupe de travailleurs sans-papiers des centres de tri des déchets d’Ile-de-France devant les prud’hommes

Un nouveau groupe de travailleurs sans-papiers des centres de tri des déchets d’Ile-de-France devant les prud’hommes

Des travailleurs manifestent devant le centre de tri Veolia du 15ᵉ arrondissement de Paris, le 28 août 2023.

Hind (les salariés ont demandé qu’on ne mentionne pas leur nom de famille), 28 ans, a trié les emballages usagés des centres de tri des déchets d’Ile-de-France chaque nuit de 23 heures à 5 heures jusqu’à son huitième mois de grossesse. Sans-papiers, elle n’a bénéficié d’aucun congé maternité : ce furent trois mois sans solde. Pour demander réparation, elle et douze autres salariés sans-papiers exploités par NTI, une entreprise sous-traitante de Veolia, Paprec, Suez et Urbaser entre 2019 et 2022, ont déposé un dossier devant les prud’hommes de Paris, mercredi 12 juin.

Ils emboîtent ainsi le pas aux onze de leurs collègues qui ont dénoncé cette dérive le 28 août 2023, en occupant symboliquement le centre de tri XVEO Veolia à Paris, avec le soutien de la CGT. Le Monde avait alors révélé les pratiques délétères de cette entreprise sous-traitante, semblant fonctionner comme une agence d’intérim, puisqu’elle envoyait du personnel compléter les équipes de Suez, Veolia ou Paprec. Mais dans des conditions de travail et de rémunération bien moins-disantes. Une enquête de l’inspection du travail est toujours en cours. Et pourrait déboucher sur des poursuites pénales.

« On nous téléphonait pour nous donner les missions au jour le jour. Parfois, je travaillais de 21 heures à 5 heures sur un site, puis j’enchaînais en 6 h 30-14 heures sur un autre », confie Hicham, 35 ans. « Nos cadences étaient plus élevées, les tapis plus rapides et il y avait dessus plus de déchets », témoigne Hind, preuve, selon elle et ses collègues, que des responsables, chez les entreprises donneuses d’ordre, étaient conscients de leur statut de seconde zone. Ce que Veolia, Paprec et Suez démentent fermement.

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« Personne ne vérifiait jamais nos pièces d’identité. Ces gens-là profitent de la situation. C’est comme si nous n’avions aucune valeur, alors qu’on faisait le double ou le triple du travail », déplore Youssef. « Ils sont tous complices. Leur but, c’était juste que le travail soit fait », estime Anes, qui montre les photos d’un bleu de 20 centimètres sous son aisselle après qu’il a chuté d’un escabeau. Les accidents du travail n’étaient jamais déclarés. Aucun n’a jamais reçu de formation à la sécurité.

Une solution aux premiers sans-papiers lanceurs d’alerte

La plupart travaillaient sans contrat, rémunérés 60 euros la journée, 80 euros la nuit. Usés par ces abus, ils ont fini par alerter eux-mêmes l’inspection du travail. Laquelle a orchestré des contrôles coordonnés dans quatre centres de tri franciliens, fin 2022. Les dirigeants de NTI ont liquidé leur société quelques semaines plus tard. Mais plusieurs de ses salariés sans-papiers ont pu continuer à travailler plusieurs mois dans les mêmes centres de tri, en intérim cette fois, prouvent les contrats qu’ils ont montrés au Monde.

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LJD

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