Sur l’A1, à Templemars (Nord), fin 2017. PHILIPPE HUGUEN / AFP
Le lundi 3 décembre, les 28 ministres des transports de l’Union européenne (UE) ont arrivé à un compromis sur un texte aussi abscons qu’important : le « volet social » du « paquet mobilité ». Il s’agissait de dépoussiérer les règles européennes encadrant les conditions de travail des chauffeurs routiers, notamment de mieux faire respecter le principe du détachement à ces travailleurs très mobiles, et à un secteur connu pour ses abus.
Huit pays, d’Europe de l’Est essentiellement, n’ont pas ont accepté d’endosser le compromis, qui a été adopté à la majorité des 28 : parmi eux, la Bulgarie, l’Irlande, la Hongrie, la Pologne, la Lituanie ou la Lettonie… La Roumanie a préféré s’abstenir, alors qu’elle s’apprête à prendre, pour six mois, la présidence tournante de l’UE, le 1er janvier 2019.
La France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et les Pays-Bas ont réussi à convaincre l’Espagne et le Portugal, aux intérêts pourtant très éloignés, de se désolidariser du « bloc » des « antis ». Après l’acceptation de la révision de la directive sur le travail détaché au début de 2018, c’est la deuxième fois, en quelques mois, que l’Ouest remporte une victoire – relative – face aux capitales de l’Est, au nom de la lutte contre le dumping social.
Huit pays, d’Europe de l’Est essentiellement, ont refusé d’endosser le compromis
La ministre française, Elisabeth Borne, était très déterminée en arrivant au Conseil, lundi matin, insistant sur les « lignes rouges françaises ». Un effet des « gilets jaunes » ? Il aurait été particulièrement délicat pour Paris d’admettre un compromis au rabais, pour une profession très affectée, en France, par la concurrence des transporteurs internationaux.
« Une avancée majeure »
« Au terme de dix-huit mois de négociations, cet accord constitue une avancée majeure pour harmoniser par le haut les droits sociaux des salariés du secteur, pour créer les conditions d’une concurrence plus équitable au sein du marché européen et pour s’assurer, enfin, du bon respect des règles, s’est félicitée Mme Borne, lundi soir. C’est la traduction concrète du combat porté par la France depuis de longs mois pour que le droit du détachement s’applique pleinement au transport routier. »
Cet accord satisfera-t-il pour autant la profession? Par définition, c’est un compromis, et la France – comme d’autres – a dû lâcher du lest. Parmi les principales avancées, Paris, Berlin et la Commission, qui est à l’origine de la proposition législative (en mai 2017), se félicitent d’avoir obtenu l’interdiction du temps de repos en cabine pour les conducteurs, pour leurs périodes de repos hebdomadaires : les transporteurs devront leur payer l’hôtel.
Les compagnies de transport devront aussi leur permettre de revenir dans leur famille et pays d’établissement toutes les quatre semaines, sauf à ce qu’ils prennent deux temps de repos hebdomadaires courts d’affilée : dans ce cas, les conducteurs pourront rentrer chez eux au bout de trois semaines.
Il reste à trouver un arrangement avec le Parlement européen
La France a obtenu l’application des conditions du détachement (même paie pour un même travail sur un même lieu de travail) pour toutes les opérations de cabotage (livraison d’un point à un autre au sein du même pays, pour une compagnie étrangère). Elle a aussi obtenu l’instauration de cinq jours de carence pour le cabotage (si un camion bulgare part de Berlin pour Madrid pour un aller-retour et effectue des opérations de cabotage en France sur sa route, il ne peut en effectuer d’autres dans l’Hexagone qu’au bout de cinq jours).
Enfin, les camions devront être équipés, d’ici à 2024, de tachygraphes de dernière génération (avec GPS et pouvant tracer les livraisons au plus près). Et non d’ici à 2034, comme initialement proposé par Bruxelles. En revanche, les pays de l’Est ont obtenu que les livraisons de type « bilatéral » (d’un pays à l’autre, et retour) soient exemptées du travail détaché, le chauffeur pouvant faire une opération de chargement-déchargement supplémentaire à l’aller et une autre au retour. Ou aucune à l’aller et deux au retour. Et ce, à condition que les camions soient dotés des tachygraphes dernier cri.
Il reste à trouver un arrangement avec le Parlement européen, ce qui n’a rien d’évident. Un compromis en commission Transport avait été élaboré, à la fin du printemps, à Strasbourg, qui allait davantage dans le sens des intérêts de l’Est. Mais il a été remis en question en plénière.
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