« Télétravail » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

« Télétravail » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

Dans les archives du « Monde », l’occurrence « télétravail » va apparaître plus souvent en un an que durant les quarante années qui ont précédé.

« On se voit demain ?

— Non, je suis en télétravail. »

Depuis un an, qui n’a pas entendu cet échange devenu viral ? Ou l’un de ses multiples variants : « Je travaille à la maison », « Tu peux me joindre chez moi », et, plus technocrate, « Je suis en distanciel » ? Par temps de pandémie, le télétravail s’impose comme une norme, une panacée anti-Covid-19 et une scie de la communication gouvernementale. « Le télétravail sera généralisé partout où cela est possible », prescrit Emmanuel Macron. « Au moins quatre jours sur cinq en télétravail », renchérit Jean Castex, qui fixe la posologie.

Etre ou ne pas être en télétravail. Telle est la question. Elle traverse aujourd’hui comme une évidence tous les bureaux, et seulement les bureaux, ne l’oublions pas, tant il s’agit là d’une controverse métaphysique de ronds-de-cuir. Dans les entreprises de l’économie dématérialisée, même les employés se sont volatilisés. Les couloirs sonnent le creux, les locaux ressemblent à des appartements témoins, les réunions en visioconférence ont tout de discussions entre Houston et la Lune, un rendez-vous à la machine à café nécessite un agenda.

L’âge de la télématique

Bien avant de devenir une obsession de tous les jours, le mot est arrivé subrepticement dans les colonnes du quotidien, le 13 décembre 1979. Gribouillé sur un bon vieux papier journal, il déboule à la dernière phrase d’un article d’Alain Faujas consacré à une innovation technologique, la télématique. Ce dernier terme est encore nébuleux, à l’époque. Il signifie, doit expliquer l’auteur, un « couplage, grâce au réseau téléphonique, d’ordinateurs que les utilisateurs peuvent consulter à distance grâce à un téléviseur ».

L’expression est sortie d’un rapport rendu en janvier 1978 au président Valéry Giscard d’Estaing par un haut fonctionnaire de renom, Simon Nora, et un jeune énarque de 27 ans, major de la promotion Léon-Blum et geek avant l’heure, Alain Minc. Sobrement baptisé « L’informatisation de la société », ce texte passe aujourd’hui pour une des premières tentatives en France de penser le monde numérique. S’il n’utilise pas le mot « télétravail », il en décrit déjà la réalité.

La télématique inaugure l’âge du Minitel, dont les premiers terminaux seront testés en 1980, et lancés sur le marché par les PTT en 1982. Le concept enferme des applications encore très floues. On pressent simplement que le transport massif de données par des câbles informatiques sur de longues distances est lourd de chamboulements pratiques. On hume vaguement la révolution en gestation. « Rêvons », écrit l’auteur en imaginant un PDG pilotant ses salariés à distance depuis un terminal d’ordinateur.

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LJD

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