Smart France : la coopérative de travailleurs indépendants vacille
« C’est un énorme gâchis. » Responsable de la section syndicale CGT Smart Coop, Aurélien Alphon-Layre résume ainsi l’aventure de Smart France, un modèle de l’économie sociale et solidaire dont l’objet était la protection économique et sociale des entrepreneurs à travers leur salarisation. Pour les artistes, journalistes, formateurs, artisans, webmasters, coursiers, consultants, agriculteurs urbains, etc., Smart se présente comme « la solution idéale permettant de se concentrer sur son travail et de se libérer des contraintes administratives en offrant un cadre juridique, économique, social, humain et sécurisé pour développer son activité ». Tout cela en échange d’une contribution de 8,5 % du prix de vente hors taxes des prestations facturées aux clients. Mais, désormais, le destin de ce groupe coopératif et mutualiste est entre les mains du tribunal de commerce de Lille.
Placée en redressement judiciaire depuis le 22 février, la branche française de cette coopérative européenne de travailleurs indépendants née en Belgique en 1998 n’a pas encore dit son dernier mot. « Il y a un plan social sur la table, explique Emily Lecourtois, directrice générale de Smart France – Grands Ensemble depuis novembre 2021. La procédure de redressement va nous permettre de geler les dettes (1,8 million d’euros) et de les étaler pour laisser un volant de trésorerie et augmenter notre capacité à rebondir. »
Moins optimistes, les soixante-dix salariés de Smart France s’interrogent sur le futur plan de sauvegarde de l’emploi qui pourrait toucher la moitié de l’équipe et sur le montant des indemnités de départ. « On ne sait pas qui va être lourdé ni dans quelles conditions, dénonce Aurélien Alphon-Layre. On nous avait annoncé 4 000 à 6 000 euros d’indemnités supra-légales car Smart France est déficitaire, mais selon les critères d’évaluation de la Dreets [direction du travail] les moyens du PSE doivent s’appuyer sur les moyens du groupe européen, en bien meilleure santé, et dont le chiffre d’affaires est de plus 200 millions d’euros. »
La chute a démarré à l’automne 2020
Les conseils d’administration de Smart Coop et de la Fondation Smart, en Belgique, « déplorent les épreuves de Smart sur le territoire français », mais « la gouvernance des structures a toujours été séparée ». En clair : pas question de mutualiser les moyens financiers du groupe dans cette période difficile. Il faut dire que cette structure considérée comme la plus grosse coopérative d’entrepreneurs salariés d’Europe continue de prospérer dans sept autres pays. « L’esprit coopérative marche très bien en Espagne et en Italie par exemple, note Emily Lecourtois. Mais chez nous, c’est un modèle encore compliqué à faire comprendre. » Et compliqué à adapter aux lois françaises.
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