Situation de crise à la rédaction de « Livres Hebdo »
Des arrêts maladie en pagaille, des salariés obligés de se médicamenter pour trouver le sommeil, des crises de larmes soudaines… A Livres Hebdo, le mensuel destiné aux professionnels du livre (éditeurs, libraires, bibliothécaires), la vie de bureau tient davantage du désenchantement crépusculaire façon Connemara, le dernier roman de Nicolas Mathieu, que de situation modèle pour ouvrage de développement personnel. Alors qu’une réorganisation hiérarchique était attendue au début du mois, les équipes craignaient qu’elle ne réinstalle leur ancien rédacteur en chef, devenu directeur du développement éditorial entre-temps, dans le poste. De fait, jeudi 10 mars, Fabrice Piault a été rétabli dans la fonction qu’il occupait jusqu’à l’été 2020, faisant redouter le retour d’un management qualifié de « toxique » par plusieurs sources, ainsi que celui d’une liberté éditoriale relative.
Les licenciements intervenus dans le cadre du plan de 2020 font l’objet de huit contestations aux prud’hommes
Dès début juin 2021, quelques jours avant que le sexagénaire ne reprenne le travail après plusieurs mois d’arrêt, la rédaction avait demandé à ses représentants de « faire part de son inquiétude » en conseil économique et social. « Comment se prémunir contre les risques psychosociaux que déclenche son retour à la rédaction ? », faisait-elle demander à la direction. Le plan social qui l’a dévastée au premier semestre 2020, la réduisant de moitié, a laissé chez les huit derniers salariés et la vingtaine de pigistes des souvenirs douloureux. Intervenu dans la foulée, le licenciement pour « agressivité » d’une journaliste, Pauline Leduc, sans qu’elle puisse bénéficier des conditions du plan de départ, avait été vécu comme une injustice. « Nos relations [avec M. Piault] s’étaient brutalement dégradées quand j’ai pris la présidence de la Société des journalistes, raconte la jeune femme. Je ne faisais rien de mal, seulement porter la parole de la rédaction. »
Mise à la porte à son retour de congés maternité, après le premier confinement, elle demande désormais la nullité de son licenciement et espère obtenir une décision qui puisse faire jurisprudence – contrairement aux délégués syndicaux, les membres des sociétés de journalistes ne bénéficient d’aucune protection juridique. En tout, les licenciements intervenus dans le cadre du plan de 2020 font l’objet de huit contestations aux prud’hommes.
Positions inconfortables
La direction d’Electre, propriétaire de Livres Hebdo, s’est résolue à « déclencher une démarche d’évaluation des risques psychosociaux » le 11 janvier dernier. La plupart des réunions destinées à établir ce diagnostic s’étant déroulées « en présence de la personne à l’origine du malaise », selon plusieurs témoins, les salariés n’en attendaient pas grand-chose. Restituée oralement le 10 mars, l’enquête reconnaîtrait une « situation de crise » au magazine, mais pas de faits de harcèlement, par exemple, qui doivent empêcher le travail collectif. « On nous a dit que tout le monde, donc y compris la direction, avait souffert de la situation », indique une source.
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