« Rendre la sobriété accessible à tous »
Alors que les effets du dérèglement climatique deviennent de plus en plus manifestes, les appels à consommer différemment se heurtent désormais à de fortes résistances. Le Rassemblement national (RN) engrange ainsi des centaines de milliers de voix en fustigeant l’écologie « punitive », son caractère moralisateur, sectaire, liberticide…
Comment expliquer l’intensité de ces résistances malgré la prise de conscience des risques ? Notre hypothèse est que, en réalité, diminuer ses émissions de gaz polluants et de déchets en consommant « moins mais mieux » est aujourd’hui un luxe inaccessible à beaucoup. Pas étonnant si les appels à la sobriété engendrent de la frustration de la colère.
La sobriété, un luxe ? Il est évidemment plus facile d’acheter un appareil électroménager ou un vêtement durables, des légumes bio ou une voiture électrique quand on en a les moyens financiers. Mais la qualité des services publics s’avère déterminante en réalité pour « démocratiser » la sobriété et, à cet égard, les élus, et singulièrement les maires, ont de véritables marges de manœuvre, chacun sur son territoire.
Créer de nouveaux espaces collectifs
On pense naturellement au développement des transports en commun et des pistes cyclables, certes coûteux mais indispensable pour limiter le recours à la voiture individuelle. Les élus peuvent aussi mettre à disposition du public des lieux attractifs, des parcs où prendre du bon temps sans consommer, des jardins potagers qui donnent accès à des légumes sans pesticides. Faciliter l’accès à la culture au sens large participe du même mouvement car les sorties jouent le rôle d’alternatives aux virées shopping et à la consommation d’objets. D’autres pistes, plus nouvelles, peuvent aussi être explorées.
Ne pourrions-nous pas envisager que soient créés dans chaque commune, dans chaque quartier, de nouveaux espaces collectifs, à l’image des médiathèques et de ludothèques, où chacun pourrait trouver et emprunter gratuitement le matériel nécessaire pour réparer, recoudre, entretenir ses objets du quotidien, du grille-pain au chemisier en passant par l’ordinateur ou la machine à laver ?
Dans le cadre de ces « outils-thèques » bâties sur le modèle des « repair cafés » et des tiers lieux qui se multiplient actuellement, les citoyens pourraient aussi être conseillés et formés pour moins gaspiller. Ils diminueraient leurs émissions polluantes, gagneraient en autonomie, tout en économisant, ce qui est un enjeu majeur en période d’inflation. Dans le contexte d’épuisement des ressources qui est le nôtre aujourd’hui, de tels espaces relèvent du service public.
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