Réforme des retraites : « Très tôt, les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans l’économie »

Réforme des retraites : « Très tôt, les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans l’économie »

Comme le secteur des transports, celui de l’énergie (électriciens, gaziers, raffineurs) est aux avant-postes dans la mobilisation actuelle contre le projet gouvernemental de réforme des retraites. Dès le début du XXe siècle, « les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans le fonctionnement général de l’économie », note le spécialiste du syndicalisme Stéphane Sirot, professeur d’histoire à l’université de Cergy-Pontoise.

Pourquoi retrouve-t-on aujourd’hui les salariés de l’énergie aux avant-postes de la mobilisation ?

Electriciens et gaziers ont encore une forte identité professionnelle. Ce sont des métiers à statut. Le statut national du personnel des industries électriques et gazières est une grande conquête sociale de l’après-seconde guerre mondiale [avec le départ anticipé à la retraite, selon la pénibilité des métiers]. Une conquête dont la libéralisation de l’énergie en Europe menace, depuis une trentaine d’années, la pérennité ou le périmètre. Ce statut, comme l’avenir de l’entreprise EDF, suscite une certaine unité syndicale, avec la CGT encore très fortement implantée et combative. Même si elle a reculé, elle demeure la première organisation syndicale [38 % des voix aux élections professionnelles des électriciens et gaziers, en 2019].

Comment expliquer le poids encore important des syndicats dans cette branche ?

Une particularité caractérise les industries électriques et gazières. Pour EDF comme pour GDF, ces deux entreprises nationalisées ont eu pour créateur… l’homme qui était jusque-là dirigeant syndical de la fédération CGT du secteur. En l’occurrence Marcel Paul, alors ministre communiste de la production industrielle dans le gouvernement du général de Gaulle [en 1946]. Cette situation a d’ailleurs longtemps généré des relations sociales particulières, avec une perception de l’intérêt général cristallisant tous les acteurs : l’Etat, les syndicats et les dirigeants de l’entreprise, dont Marcel Boiteux [directeur, puis président d’EDF entre 1967 et 1987].

En quoi le recours à la sous-traitance, très présente dans le nucléaire notamment, influe-t-il sur le champ syndical ?

Il est bien plus compliqué de mobiliser sur un même site des individus dont les entreprises, les conditions de travail, les salaires et les statuts diffèrent. La sous-traitance complexifie considérablement le travail syndical. C’est aussi pour cela qu’existe la revendication d’un statut de l’énergéticien qui pourrait être applicable à tous ceux qui interviennent dans le secteur.

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LJD

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