Réforme des retraites : « L’exigence d’indépendance du juge constitutionnel ne saurait admettre des pressions »
Le Conseil constitutionnel focalise tous les regards et il aura rarement été autant au centre de l’attention qu’en cette période. Ce n’est guère surprenant, tant les crispations sur la réforme des retraites furent grandes, au Parlement et au-delà. De surcroît, la bataille ne fut pas que politique, mais aussi juridique, à travers la mobilisation originale et exceptionnelle de nombreux mécanismes constitutionnels. Ainsi, l’attente qui pèse sur la décision du Conseil est importante sur le plan politique et de la destinée de cette réforme, mais elle l’est tout autant sur le plan juridique, car, quoi qu’il décide, elle constituera un précédent.
Cette attente et cette attention confirment, à n’en point douter, que le Conseil constitutionnel se dresse comme un dernier rempart face aux atteintes à notre norme fondamentale et aux droits et libertés qu’elle garantit. Elles ne justifient pas pour autant les multiples spéculations ou autres critiques dont l’institution fait l’objet. Selon un usage que tout juriste serait sage de s’appliquer à lui-même afin de préserver l’indépendance de la justice, une décision de justice ne s’annonce pas, elle se commente.
Si les décryptages, analyses et critiques sont ainsi utiles et nécessaires, ils deviennent plus pertinents lorsqu’ils portent sur l’existant, donc la décision rendue, plutôt que sur ce qui pourrait l’être, à savoir la décision à rendre. Dans ce dernier cas, ils s’apparentent davantage à un plaidoyer, qu’il est plus judicieux de porter devant le juge lui-même que dans l’arène médiatique, car, en s’adressant au premier, on s’efforce de le convaincre, mais, en s’adressant à la société, c’est davantage de pression plutôt que de conviction dont il est question.
Accusation incantatoire
Or l’exigence d’indépendance et d’impartialité du juge ne saurait admettre de telles pressions. Cependant, il s’agit là d’une critique vive et récurrente qui est adressée au Conseil : son manque d’indépendance, son manque d’impartialité, sa politisation. On en voudrait pour preuve le mode de nomination de ses membres, leur absence de formation juridique, leur proximité avec le pouvoir, qu’ils ont parfois exercé. Si, à l’instar de toute institution, voire de tout mécanisme juridique, le Conseil constitutionnel est évidemment perfectible, il ne mérite pas un tel réquisitoire, qui relève davantage de l’accusation incantatoire que d’une motivation fondée et justifiée.
Il est vrai que l’on pourrait attendre d’une telle institution qu’elle soit composée d’un collège de membres dont les compétences sont exemplaires. Faut-il, pour autant, qu’elle ne soit composée que de juristes aguerris ? Si des connaissances en droit sont évidemment nécessaires pour juger de la constitutionnalité de la loi, elles peuvent utilement être complétées par des expertises en matière économique, fiscale, sociale ou politique.
Il vous reste 53.35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.