« Que sait-on du travail ? » : en emploi, l’approche low cost ne paie pas

« Que sait-on du travail ? » : en emploi, l’approche low cost ne paie pas

61,6 %, c’est la part de l’emploi du secteur industriel français qui se trouve dans des filiales à l’étranger en 2017, contre 38,2 % pour l’Allemagne, soulignait France Stratégie dans un rapport remis à l’Assemblée nationale fin 2020. Alors que depuis les années 1990, les gouvernements successifs ont fait le choix de réduire le coût du travail dans l’espoir d’inciter les entreprises à recruter, à garder leurs emplois et ainsi diminuer le taux de chômage, la France est surtout devenue championne de la délocalisation de ses sites de production industrielle.

Le taux de chômage a certes baissé, mais aux dépens de l’emploi qualifié. Les créations d’emplois liées aux allègements de cotisations sociales ont engendré une substitution de travailleurs peu qualifiés à la place de travailleurs plus qualifiés, souligne le chercheur.

L’approche low cost, pour un travail toujours moins cher, n’a pas produit les effets espérés. C’est l’analyse développée par le politiste Bruno Palier dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Sans établir de lien unique de cause à effet entre délocalisation et coût du travail, Bruno Palier constate qu’après trente ans de baisses des cotisations sociales, le marché du travail a été affecté par les délocalisations, l’augmentation de la sous-traitance, l’éviction des seniors durant les périodes de crise et, depuis 2000, par l’intensification du travail. Qualité et conditions de travail se sont ainsi progressivement dégradées.

Une représentation dévalorisée

Pourtant les efforts pour réduire le coût du travail ont été considérables : les exonérations de cotisations qui représentaient déjà 39,8 milliards d’euros en 2017 atteignent aujourd’hui 78,8 milliards, selon le rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale de septembre 2022. Dans l’industrie en particulier, l’heure de travail coûte désormais moins cher en France (40 euros) qu’en Allemagne (42 euros).

L’analyse du chercheur est que le travail n’est ni une marchandise ni une simple ligne comptable et que l’approche « coût » a construit une représentation dévalorisée du travail, passant sous silence l’« atout » qu’il constitue pour les entreprises comme pour le pays.

En conclusion, le chercheur invite à développer une stratégie de la qualité en investissant dans la qualification et la formation des salariés tout au long de la vie, sans craindre leur participation aux innovations et aux décisions.

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LJD

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