Quand la sociabilité exigée en start-up finit par écœurer : « Ils ont du mal à comprendre que pour nous, c’est juste un travail, souvent alimentaire »

Quand la sociabilité exigée en start-up finit par écœurer : « Ils ont du mal à comprendre que pour nous, c’est juste un travail, souvent alimentaire »

Une grande partie des personnes interrogées estiment que les bières et autres parties de baby-foot représentent une « politique sociale à moindre coût ».

« Quand je suis arrivée en stage, on était plusieurs jeunes à devenir une bande d’amis et à obtenir un CDI. L’ambiance était bonne, les boss cherchaient à développer cet esprit de petite équipe de bons potes. » Tout allait alors très bien pour Constance (tous les prénoms ont été modifiés), 25 ans, dans sa start-up en technologie de l’information depuis trois ans. Dîners entre collègues, travail le week-end chez son patron, verres le soir… la jeune diplômée d’école de commerce finit par enchaîner les événements de l’entreprise avec appréhension. « Si tu ne viens pas, il y a des projets dans lesquels tu n’es pas intégrée, parce que tu n’étais pas là le soir. J’ai eu par exemple une opportunité qui aurait pu être pour quelqu’un qui était plus en retrait du groupe. Plutôt que de lui donner, on me l’a filée. Ça se fait beaucoup par affinités », raconte la cheffe de projet.

Constance constate qu’il y a un fort taux de rotation. Et ceux qui se font remercier sont ceux qui sont restés hors de ce schéma « bande de potes ». Au bout de deux ans, après avoir travaillé de 9 heures à 21 heures « comme un chien » chaque jour, elle est victime d’un syndrome d’épuisement professionnel non diagnostiqué : « Une fois, je me suis mise à pleurer en parlant du travail. » La jeune femme décide alors d’écouter les signaux de son corps ainsi que les alertes de ses amis en n’allant plus au-delà de ses horaires. Et en ne participant plus aux sorties professionnelles.

« A partir du moment où j’ai pris mes distances, ça a été la descente aux enfers », confie-t-elle. Les dirigeants lui reprochent de s’être isolée du groupe. « On m’a enlevé certaines tâches, on m’a reproché de mettre une mauvaise ambiance », regrette celle qui est devenue « le vilain petit canard ». « Soit t’es in, soit t’es out. Il n’y a pas d’entre-deux. Soit t’es dans le groupe, à fond dedans, dans le partage, soit tu dis stop pour retrouver ta vie à toi », tranche-t-elle.

Une sociabilité forcée de plus en plus dénoncée

Constance est loin d’être la seule à avoir expérimenté cette forme de violence. La sociabilité forcée dans les start-up est de plus en plus dénoncée. Souvent, dans le domaine du numérique, ces petites structures tâtonnent et recrutent de nombreux jeunes en stage, en alternance ou en contrat. La plupart du temps, il s’agit d’une première embauche en sortie d’études, parfois facilitée par des relations communes. Le recrutement se fait beaucoup par le bouche-à-oreille et la recommandation.

C’est de cette façon que Sarah, âgée de 22 ans à l’époque, trouve son alternance dans une entreprise d’événementiel. En afterwork dans l’espace de travail partagé de son petit ami, elle rencontre des employés de plusieurs sociétés. Sa future collègue la recrute alors en tant que cheffe de projet numérique : « J’ai l’impression d’avoir été recrutée grâce à ma sympathie. Elle voulait une copine à qui raconter sa vie personnelle. Mes missions incluaient d’écouter la vie sexuelle de ma cheffe. »

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LJD

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