Procès Fortin : « Gabriel Fortin, avez-vous confiance dans la justice ? − Non, non, non »

Procès Fortin : « Gabriel Fortin, avez-vous confiance dans la justice ? − Non, non, non »

Denis Dreyfus, avocat de la famille Pasquion (à gauche), et Sophie Pujol-Bainier, avocate des parents d’Estelle Luce, dans la salle d’audience de Valence (Drôme), le 13 juin 2023.

De la matinée du jeudi 15 juin, on était sorti asphyxié. Devant la cour d’assises de la Drôme, le chef d’enquête venait d’évoquer les milliers de fichiers − dont certains de plusieurs centaines de pages − exhumés de l’ordinateur de Gabriel Fortin. Quinze ans de rancœur et d’obsessions déversés frénétiquement, jusqu’au triple assassinat et à la tentative d’assassinat de janvier 2021. Et depuis, un mutisme absolu, obstiné, opposé par l’accusé à toutes les questions qui lui sont posées. « Avez-vous quelque chose à ajouter sur ce qui a été dit de votre personnalité ? », lui avait demandé le président, Yves de Franca. « Non. »

A la reprise de l’audience, Gabriel Fortin se lève dans le box, son stylo à la main.

« Toute l’enquête de personnalité a été à charge. Ils ont tous dit que j’étais nul, insubordonné, paranoïaque, psychopathe. »

Le président l’invite à poursuivre.

« Non merci. »

Chacun tente à son tour d’entrouvrir la forteresse Fortin. Me Denis Dreyfus, l’un des avocats de la partie civile, s’approche à pas comptés, tend la main :

« Gabriel Fortin, nous voudrions comprendre. Etes-vous un homme qui a souffert, qui a vécu des injustices ? Et qui a envie de le dire ? »

Silence.

Il griffonne avec frénésie

Son confrère de la partie civile, Me Hervé Gerbi, emprunte un chemin détourné.

« J’ai lu que vous alliez souvent au salon du livre de Nancy. C’est vraiment intéressant, cet aspect de votre personnalité. En 2019, je crois, vous y avez rencontré Abd Al Malik, le rappeur, écrivain et metteur en scène. Voudriez-vous nous parler de lui ?

− Je ne répondrai pas. »

L’avocat général, Laurent de Caigny, tourne autour du box comme le renard cajoleur de La Fontaine au pied de l’arbre du corbeau.

« Gabriel Fortin, ce matin, vous m’avez aidé, vous m’avez corrigé [l’accusé avait consenti à apporter une précision sur une plainte déposée pour… un vol de vélo], et je vous en remercie. Alors j’aimerais que vous m’aidiez encore sur quelques points du dossier. Par exemple, sur votre expérience professionnelle en Allemagne [le premier poste d’ingénieur salarié occupé par l’accusé au début des années 2000]. Il semblerait que vous ayez été heureux, là-bas…

Je ne répondrai pas.

Je comprends très bien. Mais vous avez dit aussi à un moment que les fichiers informatiques versés à votre dossier étaient tronqués… [L’accusé avait dénoncé d’une phrase incompréhensible leur « origine douteuse »] Pourriez-vous apporter des précisions ? Parce que, voyez-vous, c’est important, je ne voudrais pas commettre d’erreurs… »

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LJD

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