Pourquoi gagner toujours plus de temps
Le livre. Le temps se répand, il passe, il s’en va, « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », rappelle Héraclite. Avec le commencement du capitalisme, les anciennes métaphores pour parler du temps cèdent la place à des expressions qui ont trait à la notion de possession et de rentabilité : on perd du temps, on en manque, ou on en gagne, car bien évidemment le temps, c’est de l’argent.
Depuis une vingtaine d’années, un autre type de métaphores a occupé le champ des représentations contemporaines à propos du temps : on parle de contraction, d’accélération du temps. La compression « traduit le fait que de plus en plus de choses doivent être accomplies dans la même unité de temps et l’accélération du temps correspond au sentiment que le temps passe de plus en plus vite, qu’il nous pressure et nous emporte, nous enserrant dans une obligation d’accélérer nous-mêmes toujours plus dans l’accomplissement de nos tâches », analyse Nicole Aubert, directrice de l’ouvrage@la recherche du temps. Individus hyperconnectés, société accélérée : tensions et transformations.
Dans notre société hypermoderne, le temps se vit dans des périodes toujours plus courts. Bien sûr, ce n’est pas le temps réel qui accélère mais nous, pour des raisons d’ordre à la fois technologique et économique, avec « l’avènement d’une économie régie par la dictature du capitalisme financier dont les marchés s’ajustent à la microseconde afin d’anticiper les variations du cours de l’action par des ventes et des achats appropriés », détaille la sociologue et psychologue, professeure émérite à ESCP Europe.
Avoir plus d’argent
Dans le régime économique du capitalisme, l’utilisation des nouvelles technologies n’est pas réservé à libérer du temps pour faire autre chose, mais à gagner toujours plus de temps pour gagner toujours plus d’argent. Cette accélération incessante a une répercussion directe sur le vécu quotidien des acteurs de l’entreprise.
Le bureau ne quitte plus jamais les individus, les cadres se retrouvent en contact continu avec l’entreprise, les univers professionnels et privés se fondent de manière insidieuse, avec les conséquences psychopathologiques qui peuvent en découler. L’entreprise instrumentalise l’individu au service d’objectifs techniques ou financiers qui lui font perdre non seulement son autonomie, « mais aussi, trop souvent, le sens de son action et du travail qu’il accomplit ».
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