Pour les domestiques à Hongkong, c’est presque de l’esclavage
Plusieurs centaines de milliers de femmes, la majorité indonésiennes ou philippines, œuvrent dans ce territoire « semi-autonome » chinois.
Chaque dimanche, le centre de Hongkong propose un spectacle unique au monde. Dans les jardins publics, les centres commerciaux, au pied des grands hôtels ou à l’entrée des stations de métro, des dizaines de milliers de femmes espèrent patiemment que le temps passe. Elles sont là, assises, sans rien faire, si ce n’est manger, bavarder avec leurs voisines ou utiliser leur téléphone portable, insensibles aux Jaguar, BMW et autres berlines de luxe qui se faufilent dans les rues escarpées de l’ancienne colonie britannique, maintenant territoire « semi-autonome » chinois.
Ces femmes, la plus part voilées, qui prennent bien soin de s’asseoir sur des cartons pour ne pas salir leurs vêtements irréprochables, ne sont ni des manifestantes ni des sans domicile fixe. Juste des domestiques affairées de profiter de leur unique jour de congé hebdomadaire en dépensant le moins possible.
Arrivées d’Indonésie ou des Philippines, elles vivent chez leur employeur et n’ont nul endroit où se retirer au calme. Chaque semaine, pendant une dizaine d’heures, la rue est donc leur seul refuge. Bien sûr, la domesticité est un phénomène qui n’est ni nouveau ni spécifique à Hongkong. Mais ce petit territoire de sept millions d’habitants est l’un des postes avancés d’un nouvel aspect de la mondialisation : les services à la personne.
Avec un PIB par habitant presque identique à celui de la Suisse, les Hongkongais sont riches. Tirant principalement leur fortune de la finance, de l’immobilier ou du commerce international, ils n’ont qu’un goût mesuré pour les impôts et la dépense publique. Pour s’occuper des enfants ou des personnes âgées, ils ne estiment ni les crèches ni les maisons de retraite, mais des domestiques. Les chiffres le certifient : un ménage hongkongais sur huit emploie une domestique ; et même un sur trois dans les familles avec enfants.
Du pain bénit pour les médiateurs
Ni le gouvernement ni les Hongkongais ne voient de faire appel à des domestiques chinoises. Arrivées pour la plupart de la campagne, elles ne parlent pas anglais. Sans estimer qu’une arrivée pesante d’immigrantes du continent pourrait poser des problèmes politiques tant les relations demeurent complexes entre Hongkong et la Chine qui aménagent, selon la définition d’usage, « un pays » mais « deux systèmes ».
Pour garder leurs enfants, les Hongkongais favorisent donc les Philippines, fréquemment diplômées, à l’aise en anglais. Pour prendre soin des personnes âgées, ce sont plutôt des Indonésiennes, capables de se mettre aisément au cantonais, la langue locale. Vu le vieillissement de la population, cette demande devrait exploser dans les années à venir. Les « helpers », comme les appellent les Hongkongais, sont actuellement 370 000. Selon les évaluations du gouvernement, ils devraient être 600 000 – près de 10 % de la population – dans trente ans. Avec une suite directe : Philippines et Indonésiennes pourraient ne plus suffire.