Plus des deux tiers des actifs de plus de 40 ans ne pensent pas pouvoir travailler jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite
« Comment les 40-59 ans se projettent-ils dans leur fin de carrière ? » L’enquête barométrique du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) « Conditions de vie et aspirations des Français », effectuée chaque année en trois temps (janvier, juin, octobre) depuis 1978, menée en 2023 avec la Fondation The Adecco Group, a été réalisée sur fond de débats sur la réforme des retraites : 3 051 personnes de 15 ans et plus ont été interrogées entre le 13 et le 26 janvier, et parmi elles, 960 actifs de 40 à 59 ans qui se sont exprimés sur leurs préoccupations, leurs objectifs personnels et professionnels de fin de carrière.
Les résultats révélés en exclusivité par Le Monde, mercredi 19 avril, annoncent trois enjeux majeurs pour les responsables des ressources humaines en 2023 : la santé des seniors, le maintien de leur rémunération, et l’anticipation de l’évolution professionnelle des salariés dès l’âge de 40 ans.
Plus des deux tiers (68 %) des actifs de 40-59 ans craignent de ne pas être suffisamment en bonne santé pour tenir jusqu’à la retraite, souligne notamment l’étude. En 2019, le ministère du travail indiquait déjà que 37 % de l’ensemble des salariés ne s’estimaient pas capables de poursuivre jusqu’à la retraite. Au-delà des questions de santé, 52 % redoutent aujourd’hui la fatigue, la lassitude et une perte de motivation, en particulier les cadres.
Les possibles difficultés de santé en fin de carrière touchent davantage les femmes (71 %) que les hommes (65 %), même si elles préoccupent toutes les catégories professionnelles, et plus fortement les ouvriers (72 %) que les cadres (62 %). Ces inquiétudes peuvent s’expliquer par l’importante intensification du travail, ininterrompue depuis les années 2000.
Faible succès de la retraite progressive
Mais pour Sandra Hoibian, la directrice générale du Crédoc, c’est le manque de considération des effets de la tertiarisation qui a mis les femmes en première ligne : « Il y a des taux d’inquiétude importants dans les métiers de service, où la pénibilité psychique et physique est peu prise en compte. Les femmes aux carrières hachées et aux doubles journées sont plus nombreuses dans les métiers de service, du soin et du commerce, où il faut travailler vite, répondre aux sollicitations dans l’heure, et toujours avec le sourire. Leur charge émotionnelle est importante. »
Les actifs de plus de 40 ans sont également nombreux (52 %) à craindre une éventuelle dégradation de leurs revenus en fin de carrière. Ce qui explique, entre autres, le faible succès des dispositifs de type temps partiel ou retraite progressive pour les dernières années d’activité professionnelle, qui se traduiraient par une perte de salaire. Le seul dispositif de fin de carrière qui recueille l’intérêt des actifs interrogés par le Crédoc est une réduction du temps de travail avec maintien des revenus. L’inflation est passée par là.
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