Pierre-Yves Gomez : « Carlos Ghosn ou la fiction de la logique sans frontières »

Pierre-Yves Gomez : « Carlos Ghosn ou la fiction de la logique sans frontières »

La chute brutale de Carlos Ghosn a stupéfié le monde des affaires. Elle n’aurait pourtant pas dû soulever ceux-là mêmes qui invitent à accueillir avec inspiration la remise en cause permanente des modèles industriels et des avantages acquis. Après tout, que le déséquilibre des postes concerne aussi les dirigeants confirme la réalité d’une économie qui se targue d’être en mouvement perpétuel…

Au-delà de ces aspects, la disgrâce de M. Ghosn s’inscrit en réalité dans une logique banale de compétition pour le pouvoir, notamment lorsque s’ouvre une guerre de succession. Banalité qui donne l’occasion de lever deux illusions sur la gouvernance des très grandes firmes multinationales.

Première illusion : croire que la direction de ces entreprises obéit à une rationalité pure, exempte de passions et d’ambitions privées. Loin d’être établi de manière impartiale pour le service de l’intérêt économique de l’entreprise, le pouvoir de gouverner se désire et se gagne. En vingt ans, M. Ghosn a catalysé par son travail et son charisme un empire industriel devenu le numéro un mondial de l’automobile. A 64 ans, régnant sur près d’un demi-million de collaborateurs dans le monde, il présidait à la fois le groupe multinational et chacune de ses entités nationales : Renault, Nissan, Dacia, Avto VAZ (la marque Lada) et Mitsubishi Motors depuis 2016.

Un coup inévitable

Comme souvent dans les jeux de gérance, la succession d’un tel chef au pouvoir absolu est une fenêtre de tir idéale pour avancer des pions et recomposer les pouvoirs : après Carlos Ghosn, le maître du groupe mondial sera-t-il français, comme Thierry Bolloré, actuel DG adjoint de Renault, ou japonais, comme Hiroto Saikawa devenu DG de Nissan en 2017 ?

Question d’orgueil national autant que d’ambitions privées. Les Japonais supportent mal que Renault possède 43 % de Nissan quand leur société ne détient que 15 % du constructeur français et aucun droit de vote. Les dirigeants japonais sont de ce fait privés de toute possibilité de conduire la stratégie du groupe. Pourtant, en 2017, le chiffre d’affaires de Renault était de 59 milliards d’euros, quand celui de Nissan atteignait 93 milliards. Le résultat net du constructeur français était de 2,5 milliards, contre 6,6 milliards pour la firme japonaise. Nissan contribue puissamment à un empire industriel sans que ses dirigeants ne le gouvernent…

 

Avatar
LJD

1 commentaire pour l’instant

Avatar
houda_B Publié le7:24 - Déc 14, 2018

Le changement de la tête peut changer la stratégie de cette entreprise multinationale mais les résultats nets des pays asiatiques resteraient toujours mieux que celle en France à cause de la main-d’oeuvre moins chère

Laisser un commentaire