« On m’a conseillé d’enlever la photo pour cacher que je suis noir » : la France malade de ses discriminations

« On m’a conseillé d’enlever la photo pour cacher que je suis noir » : la France malade de ses discriminations

Manifestation contre les discriminations et les violences policières, à Marseille (Bouches-du-Rhône), en juin 2020.

C’est une histoire française. Celle de Wilfried Mahouto, né près de Bordeaux, qui en dépit de son master en entrepreneuriat, a envoyé des centaines de CV pendant des mois, sans jamais décrocher d’entretien. « On m’a conseillé d’enlever la photo pour cacher que je suis noir, j’ai toujours refusé », confie l’homme, qui a fini par obtenir un poste de directeur d’agence bancaire, grâce au soutien de l’association Nos quartiers ont des talents.

C’est l’histoire de Saïd Hammouche, fils d’immigrés marocains qui, lassé de voir des jeunes comme lui galérer pour trouver un emploi, a créé Mozaïk RH, un cabinet de recrutement alternatif, pour les aider.

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Celle, encore, de Samira (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat), responsable marketing dans l’agroalimentaire. Le jour où elle s’est étonnée de gagner 20 % de moins que ses collègues, malgré d’aussi bons résultats, son manageur lui a répondu : « Pour une fille comme toi, c’est déjà bien d’être là. » « Il voulait dire “pour une fille d’origine maghrébine”, comme si je devais le remercier d’avoir ce poste », dit-elle en soupirant. Mehdi, lui, n’a jamais de retour des agences immobilières, alors que son ami Antoine, avec qui il cherche une collocation près de Lyon, n’a aucun mal à décrocher des rendez-vous. « Je gagne pourtant plus que lui, mais les propriétaires ne veulent pas d’Arabes. »

« La volonté politique fait défaut »

Ce sont des histoires de tous les jours, tristement banales et graves, que les difficultés économiques liées au Covid-19 exacerbent un peu plus encore. « On ne connaîtra l’ampleur qu’a posteriori, mais on sait que les personnes immigrées et d’origine immigrée sont surexposées au risque sanitaire et au chômage, en raison des inégalités qu’elles subissent dans l’emploi, le logement et la santé », s’inquiète Nicolas Kanhonou, qui travaille au Défenseur des droits, l’institution chargée de veiller au respect des droits et des libertés.

Les données publiées par l’Insee à partir des décès enregistrés à l’état civil montrent déjà que la Seine-Saint-Denis enregistre le plus fort taux de surmortalité en Ile-de-France (130 % entre le 1er mars et le 19 avril 2020, contre 74 % à Paris). Cela, en raison des conditions de vie plus précaires, mais aussi de la surreprésentation des immigrés dans les emplois de première ligne et de leur moindre accès à la santé, estiment les chercheurs de l’Institut national d’études démographiques (INED).

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LJD

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