« On aimerait faire plus, mais encore faudrait-il que le chiffre d’affaires suive » : face à l’inflation, les patrons en quête de solutions
« Ce n’est pas simple pour les salariés, mais ce n’est pas simple pour nous non plus. » Du Chablisien, où il dirige une petite entreprise de négoce, Olivier Tricon soupire. « Après deux ans à subir le Covid et les difficultés pour trouver des salariés », voilà que l’inflation s’en mêle. Impossible d’y échapper quand on vit et travaille au milieu des coteaux striés de vignes. « Dans nos campagnes, tout le monde se déplace en voiture, tout le monde est tributaire de la hausse des prix du carburant. Alors, j’ai versé la prime Macron, et j’ai pensé à donner 50 euros en plus par mois à mes vingt salariés. Mais avec les charges, ils touchaient 39 euros, et moi ça m’en coûtait 75. Tout le monde était perdant », observe-t-il. Pour ce patron qui a commencé « en bas de l’échelle », pas question pour autant de ne pas faire de geste pour son équipe. Alors, c’est décidé : en juillet, « [il augmentera] tout le monde de 3 %, pour essayer de compenser l’effet de l’inflation sur le pouvoir d’achat. » « Et puis qui sait, ça limitera peut-être les velléités de mes gars de partir ailleurs… »
A Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux, Myriam King, à la tête d’une PME d’une cinquantaine de personnes spécialisée dans l’entretien des bureaux et des parties communes d’immeuble, a le sentiment d’être dos au mur. « Compte tenu du prix des logements à Bordeaux, les gens vont vivre à la campagne, raconte-t-elle. Alors maintenant, certains me disent qu’ils ne peuvent plus venir travailler parce que l’essence est trop chère. On est obligés de céder et d’accorder des augmentations, sinon ils ne viennent pas bosser. »
Vincent Roche, avocat au sein du cabinet Fidere, expert en droit social, le confirme : « Nos clients nous posent de plus en plus de questions sur la manière d’accompagner le pouvoir d’achat de leurs salariés, sans prendre de risque et sans mettre les comptes de l’entreprise en danger. » En sept mois, le smic a été revalorisé trois fois, soit une augmentation de 5,9 % en un an. Les négociations de branche conduites jusqu’à présent se sont traduites par des hausses de salaires d’environ 3 %, contre 1 % ces dernières années. Pas assez, cependant, pour rattraper l’inflation, qui a atteint 5,2 % au mois de mai. « On a déjà augmenté les salaires [début 2022], et il faudrait recommencer », poursuit Mme King, à Mérignac. « Mais moi, les augmentations de tarif auprès des clients, je ne les fais qu’une fois par an. »
« Un niveau d’incertitude vraiment élevé »
A la tête de Lamazuna, une PME qui fabrique des cosmétiques zéro déchet, Laëtitia Van de Walle surveille, elle, avec anxiété la courbe de ses ventes. « On a déjà augmenté tous les non-cadres en les indexant sur l’inflation, et on a compensé la hausse des cotisations des mutuelles. On aimerait bien faire plus, mais encore faudrait-il que le chiffre d’affaires suive. Alors, on renvoie la discussion à octobre, et tant pis si ça râle un peu. » En attendant, la patronne de cette société installée dans la campagne drômoise discute avec ses salariés qui réclament une « prime de covoiturage ». Tandis qu’à Niort, le patron d’une entreprise industrielle s’arrache les cheveux : comment donner un coup de pouce aux ouvriers qui font 60 kilomètres de voiture pour venir à l’usine sans pénaliser ceux qui viennent à vélo ?
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