Ne plus trahir nos désirs
Livre. « Du berceau au cercueil, on désire être évalué, pour mieux éviter d’exister, pour essayer d’être des machines performantes », constate Miguel Benasayag. Cette tendance n’est pas réservée aux petits employés ou ouvriers, bien au contraire : « Tout le monde est invité, toute sa vie, à se vivre comme un bilan de compétences », estime le philosophe, qui, lors de ses passages à l’université, a pu constater « qu’un tel n’allait pas écrire un article qui ne concernerait pas exactement son domaine, par peur de représailles », et que le doctorat, le postdoc et la carrière sont là pour servir le curriculum, et non les affinités ou les curiosités électives. « Ainsi les gens qui réussissent dans l’élite ne vivent-ils souvent pas non plus : ils font bien attention à fonctionner », regrette l’auteur de Fonctionner ou exister ?
Psychanalyste et chercheur en épistémologie, Miguel Benasayag travaille sur l’hybridation entre le vivant, la culture et les artefacts créés par « le consortium constitué par les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives ». Comment canaliser et accompagner cette hybridation ? Comment ne pas écraser ce qui, du vivant et de la culture, en fait la singularité ?
Dans La Singularité du vivant (Le Pommier, 2017), il proposait un modèle organique permettant de comprendre ce qui, du vivant et de la culture, n’était pas réductible à des machines. Dans son nouvel essai, il s’attelle à identifier cette différence comme ce qui distingue le « fonctionnement » de l’« existence », et dénonce les travers d’une époque où le fonctionnement colonise l’existence, non sans conséquences tragiques.
Sous couvert d’« entertainment », nos sociétés nous habituent de plus en plus à supporter, voire désirer, des vies disciplinées dans un monde numérique, des vies pour lesquelles notre quotidien est préordonné. Alors…
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