Menace du modèle actionnarial sur le climat
Entreprises. Le trésorier d’Etat de la Louisiane (Etats-Unis), John M. Schroder, a annoncé mercredi 5 octobre qu’il retirait tous ses placements publics – soit près de 800 millions de dollars (environ 815 millions d’euros) – du fonds d’investissement BlackRock, l’un des plus importants du marché financier.
La raison invoquée : l’engagement de BlackRock à ne soutenir que des projets neutres en carbone et hors des énergies fossiles. Mais cette décision à contre-courant ne découle pas d’un climatoscepticisme revendiqué. Dans une lettre rendue publique (disponible en ligne), le trésorier d’Etat se réfère avec force au droit des sociétés et à la doctrine actionnariale qu’ils voient comme un pilier de la démocratie.
Il constate d’abord que les citoyens de la Louisiane, qui sont les détenteurs de ces fonds, travaillent « durement » à une économie fondée sur les énergies fossiles. Or, la politique de BlackRock vise à la démanteler. Il rappelle ensuite que selon le droit des sociétés de la Louisiane, les dirigeants des entreprises sont tenus par leurs « fiducial duties », c’est-à-dire par leur obligation de ne prendre en compte que les seuls intérêts de leurs actionnaires, ou de donner la priorité à ceux-ci sur toute autre considération.
Une atteinte aux intérêts et aux droits
Il ajoute, enfin, qu’en démocratie chacun est libre de défendre ses propres valeurs et ne saurait se voir dicter celles-ci par un chef d’entreprise. Ainsi, l’engagement climatique de BlackRock porte atteinte aux intérêts et aux droits des citoyens de la Louisiane, ce qui justifie le retrait total des fonds dont il a la charge.
BlackRock n’a pas manqué de réagir à cette décision, mais sa réponse évite le terrain juridique et retient celui de la rationalité : le fonds exprime le « regret que la Louisiane prive ses citoyens des seuls investissements performants à long terme et garants de leur bien-être ».
Cet affrontement souligne le danger qu’induit le modèle actionnarial de l’entreprise face au péril climatique. Car, au-delà de l’idée que les intérêts des actionnaires doivent être prioritairement défendus, ce modèle suppose que ces derniers peuvent aussi juger rationnellement de leurs intérêts à court et long terme, et qu’in fine, cette liberté est d’essence démocratique.
Prérogatives légales
Dès lors, le trésorier de la Louisiane peut défendre la légalité et la rationalité de sa décision… sans jamais discuter de la réalité du danger climatique ! Car, si cette rationalité est contestée, comme le fait BlackRock, il peut arguer de ses prérogatives légales. Et si ces dernières sont remises en cause, c’est à la démocratie que l’on s’en prend.
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