Management : le chercheur n’est pas un salarié comme un autre
Sous de nombreux aspects, un centre, un institut ou un laboratoire de recherche ressemblent beaucoup à une entreprise. On y trouve une équipe de direction, des outils de production, des objectifs, un budget, des partenaires, des fournisseurs, des clients… Cependant, ils diffèrent sur un point, et pas des moindres : leurs employés sont en très grande majorité des chercheurs et des scientifiques hautement diplômés.
Leur principale motivation est de faire progresser la science en général et le sujet sur lequel ils travaillent en particulier, sans forcément rendre compte de leurs activités, respecter un calendrier ou se préoccuper d’éventuels débouchés commerciaux. Et, même s’ils travaillent de plus en plus souvent en équipe, internationale voire géographiquement éclatée, ils mènent leur carrière personnelle et sont également reconnus individuellement.
Bien sûr, il existe des nuances de temporalité, de finalité, d’évaluation des performances – ou plutôt des résultats – selon qu’il est question de recherche publique ou privée, et en fonction des disciplines. Mener un projet de recherche en physique nucléaire demande d’autres moyens financiers et humains qu’une étude en anthropologie ou en sociologie. La biogénétique progresse grâce au travail d’équipes nombreuses, actives dans le monde entier, qui sont en compétition et qui pourtant échangent et partagent en permanence. Le management de ces équipes impose donc une approche différente de celui d’une direction d’entreprise, d’un service marketing ou de production, pour prendre en compte toutes les spécificités de cet univers.
Les besoins et les aspirations de chacun
« Une équipe de recherche est moins homogène qu’un service commercial ou marketing d’entreprise, où il y a un fort entre-soi, où tous sortent des mêmes écoles de commerce. Le chercheur se différencie d’un collaborateur par la singularité de ses expertises. Il est très important de respecter cette unicité, la grande diversité et l’hétérogénéité des profils. Conséquence, il faut faire un management pour chacun ! », remarque Blandine Thibault-Biacabe, aujourd’hui directrice des ressources humaines de la recherche et de l’innovation du groupe L’Oréal, après avoir été DRH de L’Oréal France. Elle gère actuellement quelque quatre mille collaborateurs, chercheurs et techniciens, dont les deux tiers en France ; les autres se répartissent dans vingt-sept centres dans le monde.
La difficulté consiste à individualiser le management pour prendre en compte les besoins et les aspirations de chacun, tout en maintenant la cohérence de l’équipe et en gardant le cap pour faire aboutir les projets dans les temps et les budgets prévus. « Il faut distinguer recherche et développement, chercheurs et ingénieurs, détaille Chahab Nastar, directeur recherche et innovation au Learning Planet Institute, anciennement Centre de recherches interdisciplinaires fondé par le généticien François Taddei. Le management des équipes de développement ou d’innovation est proche d’un management traditionnel, on dispose de métriques, d’indicateurs, etc. »
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