Malgré ses pénuries, Vivarte a déposé plus de 700 000 euros de bonus à ses hauts cadres
Les syndicats dénoncent des primes « écœurantes et aberrantes », alors que le groupe d’habillement connaît une telle crise qu’il est passé fin août aux mains de ses créanciers.
La pilule a du mal à passer parmi les 10 000 salariés de Vivarte. Alors que le groupe d’habillement, dans l’impossibilité de rembourser sa dette de 300 millions d’euros, passe aux mains de ses créanciers, Le Parisien révèle, lundi 9 septembre, que des hauts cadres ont touché près d’un million d’euros de primes exceptionnelles en 2017 et en 2018, auxquelles se sont ajoutées des primes sur objectif de plus de deux millions d’euros.
« Dans le détail, pour 2017, une enveloppe de 523 826 euros de primes exceptionnelles a été répartie entre 31 personnes [de la filiale Vivarte Services, parmi lesquels des directeurs financiers, juridiques, DRH]. L’une [d’elles] a touché 150 000 euros, avance le quotidien. En 2018, c’est 425 879 euros que se sont partagés quatorze personnes [dont 100 000 euros pour l’une d’elles]. »
Des primes qui ont scandalisé les syndicats du groupe, propriétaire des enseignes La Halle et Caroll. « C’est amoral, écœurant et aberrant, même si ce n’est pas illégal », a réagi Jean-Louis Alfred, représentant CFDT. « En trois ans de direction de Patrick Puy, le nombre de filiales est passé de 19 à 3 fin décembre avec la cession de Cosmoparis, le groupe est aux mains des créanciers et les magasins La Halle sont en train de mourir faute de stratégie », ajoute-t-il.
Lundi matin sur Franceinfo, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, avait jugé le versement des primes « inacceptable, hors du temps ». « On est chez les dingues », soulignait-il. « C’est proprement scandaleux, a aussi dénoncé Karim Cheboub, secrétaire adjoint CGT au comité de groupe. On distribue de l’argent au moment où des filiales sont cédées et où des salariés perdent leur emploi. » Claire Vigouroux, coordinatrice groupe pour FO souligne qu’« au même moment on nous annonce qu’il n’y aura que 15 000 euros pour la formation professionnelle ».
Eviter le « débauchage »
De son côté, Vivarte reconnaît comprendre que « le montant des primes versées évoquées dans l’article du Parisien puisse surprendre » mais explique que ces primes récompensent « le talent et l’engagement dont nos cadres ont fait preuve pour mener à bien l’important plan de cessions » mis en œuvre depuis 2017. « Cette prime exceptionnelle correspond à un choix défensif de l’entreprise pour protéger certaines compétences indispensables et éviter qu’elles soient débauchées par des concurrents », s’était également justifié en mars Xavier Guéry, le directeur des ressources humaines, rapporte Le Parisien.
Selon le groupe, les primes exceptionnelles représentent 700 000 euros brut pour les années 2017 et 2018 et non un million (et comprennent des mesures d’accompagnement de plan social chez Vivarte Services). « Ce qui est trois fois moins que les primes annuelles sur objectif (2,1 millions d’euros), sur la même période, que nous versons à l’ensemble des salariés de Vivarte Services (100 personnes en 2018) de façon contractuelle », ajoute le groupe.
En trois ans, le groupe a connu une telle crise qu’il a été contraint de céder la plupart de ses enseignes, dont Chevignon, André, Naf Naf, Kookaï, Pataugas. Et la conjoncture n’est pas pour aider : en France, les ventes d’habillement ont reculé de 2,9 % sur les quatre premiers mois de 2019. En avril, leur chute a flirté avec les 8 % par rapport à avril 2018.