« L’Insee met à disposition de tous un tableau le plus riche possible du marché du travail en France »
Tribune. Dans une tribune publiée sur le site du Monde vendredi 18 février, consacrée aux statistiques conjoncturelles de l’emploi, l’économiste Florence Jany-Catrice met en cause l’indépendance de l’Insee. Selon elle, l’institut ne met pas à disposition toute l’information dont il a connaissance sur les créations d’emplois, notamment sur la durée du travail : « Le fait que l’Insee ne communique pas sur ce point pose problème à quelques mois de l’élection présidentielle et interroge l’indépendance dont l’institut se réclame tant. »
Or l’autrice de cette tribune pose son diagnostic sur des bases erronées. Elle commente en effet l’« estimation flash » de l’emploi salarié au quatrième trimestre 2021, parue le 4 février, pour déplorer qu’il y manque deux informations : le type de contrat de travail et le temps de travail des salariés. Elle en tire la conclusion générale que l’on ne pourrait rien savoir sur les « vraies » créations d’emploi salarié privé en 2021, qui pourraient être tout aussi bien nulles que de 650 000. C’est heureusement tout à fait erroné.
« Chaque trimestre, des dizaines de milliers de personnes répondent aux centaines d’enquêteurs de l’Insee »
S’il est vrai que la qualité de l’emploi et la durée du travail ne sont pas disponibles au moment des estimations « flash » (et ne l’ont jamais été pour des questions de concept et de source d’information mobilisés), l’autrice ne peut ignorer que toutes ces informations souhaitées sont bien mesurées par l’Insee avec une autre source, « l’enquête emploi ».
Avec cette enquête emploi, chaque trimestre, des informations sur l’emploi, le chômage, la durée du travail, etc., sont collectées grâce aux dizaines de milliers de personnes qui répondent aux centaines d’enquêteurs de l’Insee. Ainsi, les résultats de l’enquête emploi au quatrième trimestre 2021, diffusés vendredi 18 février, brossent le tableau du marché du travail en commentant, outre les évolutions du chômage, toutes les informations souhaitées sur la nature des emplois créés depuis l’avant-crise : la part du temps partiel dans l’emploi, celle du sous-emploi (c’est-à-dire des personnes en emploi qui souhaiteraient travailler davantage), le nombre d’heures travaillées par salarié, le taux d’emploi en contrat à durée limitée (CDD et intérim)…
Un « défi pour la démocratie »
Tout lecteur, économiste ou non, peut ainsi constater que la proportion d’emplois à temps partiel a baissé entre fin 2019 et fin 2021, passant de 18,8 % à 17,6 %, contrairement à ce que Mme Jany-Catrice suppose. Ou que, malgré cette baisse, la durée du travail est moindre au quatrième trimestre 2021 qu’avant la crise, d’environ une heure par semaine en moyenne, pour des raisons bien compréhensibles : la pandémie a multiplié les congés maladie (y compris garde d’enfant, isolement, etc.) ; le chômage partiel a persisté ; les vacances scolaires de Noël ont été plus plus précoces [de trois jours] en 2021 qu’en 2019. Tout cela est cohérent avec l’évolution du nombre d’heures rémunérées, issu de l’exploitation de la toute récente déclaration sociale nominative (DSN), qui fait également l’objet d’analyses régulières dans les publications de l’Insee.
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