L’inconnue du retour dans l’entreprise des salariés en chômage partiel
Ce restaurateur de Picardie est fataliste. Depuis des mois que son établissement est fermé, il voit avec inquiétude certains de ses salariés, en chômage partiel depuis de longs mois, partir vers d’autres horizons. « L’un de mes cuisiniers a trouvé un emploi dans une collectivité, raconte-t-il. Je ne suis pas sûr de le revoir quand mon restaurant va rouvrir : là où il est maintenant, les horaires sont plus compatibles avec sa vie de famille, il ne travaille ni le soir ni le week-end… » Un cas qui n’est pas isolé : de nombreux salariés ont pris − comme le droit les y autorise − un deuxième emploi pendant la période d’activité partielle et pourraient avoir à choisir entre deux postes à l’issue de la crise. Au risque de tourner définitivement le dos à leur employeur initial.
En région toulousaine, Hellen Citera, gérant d’une dizaine de salles de sport sous l’enseigne Interval, observe avec inquiétude les lettres de démission arriver sur son bureau. Sur une trentaine de salariés, il compte déjà sept départs de commerciaux. « Dans la mesure où leur indemnité de chômage partiel est calculée sur la partie fixe de leur rémunération, et non en incluant la part variable, ils peuvent perdre pour certains jusqu’à 900 euros par mois. Ceux qui trouvent des alternatives s’en vont ailleurs, et je les comprends… »
Olivier Caillait, qui possède plusieurs établissements dans les Alpes, constate de son côté une « certaine lassitude » de la part de ses directeurs d’hôtel ou de restaurant qui ne touchent plus que 84 % de leur salaire. « Ils ont des emprunts immobiliers à rembourser, la scolarité des enfants à payer… La période commence à leur sembler longue. »
Débauchés par d’autres secteurs
Sans compter que, sur les 2,4 millions de salariés qui étaient encore en activité partielle en décembre 2020 − ils étaient 8,4 millions en avril 2020, au plus fort de la crise −, certains ont été débauchés par d’autres secteurs, attirés par leurs compétences.
« Dans nos hôtels, nous avons des chargés d’accueil bilingues ou trilingues, qui possèdent une certaine aisance », raconte Laurent Barthélemy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) Nouvelle-Aquitaine. « Les entreprises d’autres secteurs leur font les yeux doux… parfois avec succès. On ne peut blâmer personne de chercher du travail ailleurs alors que nous n’avons pas de visibilité. »
Les organisations professionnelles du secteur de la restauration et de l’hôtellerie, des clubs de sport ou de loisirs ou l’événementiel reconnaissent l’existence de ce phénomène, tout en étant encore dans l’incapacité de le chiffrer. « C’est une réelle préoccupation », admet Hervé Becam, le président de l’UMIH. « On s’aperçoit que cela ne va pas être si facile que cela de remettre au travail ceux qui auraient vécu cette période », dit-il, pointant en particulier « la catégorie de salariés pour qui travailler le soir ou le week end représente une contrainte ».
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