Licenciement pour inaptitude : que dit la jurisprudence ?

Licenciement pour inaptitude : que dit la jurisprudence ?

Imaginons un salarié souffrant d’un trouble bipolaire. Il décide de taire sa situation à son employeur. Lors d’une crise, il insulte un client. Risque-t-il d’être licencié ? « Ne pas expliquer que son comportement est dû à une maladie peut effectivement l’exposer à un licenciement pour faute », prévient Anne-Sarah Kertudo, de l’association Droit pluriel, qui accompagne les salariés en situation de handicap. Pourtant, son état psychique pourrait ouvrir la voie à un licenciement pour inaptitude, à condition qu’il ait accepté d’en faire part et de se soumettre à un examen de la médecine du travail. « Au sein de l’association, nous sommes favorables au fait d’en parler », commente Anne-Sarah Kertudo. Une décision de la Cour de cassation publiée le 8 février 2023 pourrait même inciter les salariés à faire reconnaître leur inaptitude dans le cadre professionnel.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Handicap au travail : en parler ou pas ?

Dans cette affaire datant de 2017, un salarié alors en arrêt maladie est convoqué pour un entretien préalable en vue d’un licenciement. Quelques jours avant ce rendez-vous, la médecine du travail le déclare inapte à occuper son poste. Mais cette décision n’empêche pas l’employeur de poursuivre sa procédure disciplinaire contre lui et de mettre fin à son contrat de travail pour faute lourde. Après contestation de ce licenciement devant la justice, le salarié vient d’avoir gain de cause devant la Cour de cassation : son employeur n’aurait pas dû le licencier pour faute. « Selon la cour, si le salarié est déclaré inapte, l’employeur ne peut envisager d’autre motif de licenciement que celui de l’inaptitude, analyse l’avocate Maï Le Prat. Et ce, peu importe qu’il ait déjà lancé une procédure disciplinaire antérieurement. »

Autre argument en faveur d’une demande de reconnaissance de l’inaptitude : le licenciement pour inaptitude ouvre plus de droits que celui pour faute. « Il y a davantage d’indemnités et le préavis est plus long », commente Anne-Sarah Kertudo. La procédure n’est pas la même.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Handicap au travail : « J’ai préféré ne rien cacher, je ne voulais pas mentir sur l’origine de mes absences »

Mais, si cette décision de la Cour de cassation est favorable au salarié, elle doit cependant être considérée avec prudence, car toutes ne vont pas systématiquement dans ce sens. Il est important d’avoir à l’esprit que la décision de dévoiler ou non son handicap reste malgré tout très personnelle et ne peut pas s’appuyer sur une certitude juridique. Elle dépend en réalité du contexte particulier dans lequel elle s’inscrit.

Une obligation de reclassement

Il n’en reste pas moins que le droit du travail établit des règles précises en matière de licenciement pour inaptitude. « Lorsqu’un avis est établi par la médecine du travail, l’employeur a une obligation de reclassement, rappelle Mathilde Placer, élève avocate au sein de l’association Droit pluriel. Il suffit de proposer une seule offre d’emploi adaptée pour que l’obligation de reclassement soit réputée satisfaite. » Mais pas n’importe quelle offre. « Un emploi est adapté s’il est approprié aux capacités du salarié, et s’il est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé », précise Mathilde Placer. En matière de reclassement, l’employeur a une obligation de moyens, mais pas de résultat. En clair, il doit essayer mais n’est pas tenu de réussir. Si aucun poste de l’entreprise n’est adapté ou si la médecine du travail établit que le salarié est inapte à tout poste, il peut le licencier.

Il vous reste 46.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.