L’hôpital se meurt… guéri
Gouvernance. Le système de santé français est malade du succès de la thérapie mise en place depuis vingt ans pour le sauver. Au début des années 2000, les gouvernants s’inquiétaient en effet d’une aggravation potentiellement fatale du déficit de l’Assurance-maladie. On anticipait qu’il passerait de 1 à 10 milliards d’euros entre 2000 et 2010.
Le contexte était à la financiarisation de l’économie, et les gouvernements successifs s’en inspirèrent pour définir le remède : une politique dite de « modernisation » du secteur de la santé. « Moderniser » signifiait rationaliser la production pour traduire de manière méthodique en indicateurs financiers les offres de services, les investissements ou les budgets des hôpitaux. Les établissements de soins devaient devenir économiquement autonomes, à la manière des entreprises.
Pour leur apporter de l’oxygène, leurs modalités de financement furent élargies : la loi de 2003 autorisa des constructeurs privés à prendre en charge leurs investissements immobiliers en échange d’un loyer. L’ordonnance de 2005 tonifia leur autonomie financière en alignant les sources de revenus des secteurs public et privé.
Normes de rationalisation comptable
Les dotations budgétaires furent remplacées par une tarification à l’activité (dite T2A), établie selon une analyse statistique du coût moyen des pathologies traitées. L’équilibre des dépenses par les recettes exigeait des choix de services rentables. Cette semi-privatisation encouragea le regroupement des établissements pour atteindre la taille critique.
Dans cette logique, la fonction de directeur d’hôpital fut créée et la parité instaurée entre les médecins et les gestionnaires dans les instances de gouvernance. Renforcée par la loi de 2009, cette réforme a introduit la distinction qui est classique en entreprise entre l’encadrement administratif et les métiers opérationnels, en l’occurrence les soignants dont le travail fut régulé par les normes de rationalisation comptable dont les gestionnaires sont les garants.
La « modernisation » avait pour principe de limiter l’excès d’offre de services en examinant à la fois leur efficacité thérapeutique et leur soutenabilité économique, l’une et l’autre étant évaluées par des indicateurs. Pour contenir aussi l’excès diagnostiqué de demande de soins, le nombre d’étudiants en médecine fut limité (numerus clausus) à 7 500 par an entre 2010 et 2019. Parallèlement, les lois bioéthiques débattues entre 2004 et 2020 valorisèrent une médecine « moderne » basée sur le résultat clinique, plutôt que sur le soin inconditionnel au patient.
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