Les seniors, appelés à travailler plus longtemps

Les seniors, appelés à travailler plus longtemps

Paris, France, le 24 avril 2018. Jean-Paul, 60 ans, en formation dans l'atelier de CAP de l'ameublement dans l'école de la Bonne Graine à Paris. De plus en plus de salariés se détournent d'une longue carrière dans le tertiaire et ont décidé de profiter de plans de départ ou d'opportunités de formations pour s'apprendre à un métier d'art. Un retour aux sources souvent vécut comme une renaissance à l'heure où un nombre grandissant de Français se posent la question du Sens dans le Travail.

EMERIC FOHLEN / HANS LUCAS

Après presque sept ans passés dans une belle agence de communication, Sylvie Heas avait envie de progresser. Elle répond à une offre d’emploi qui correspond à son profil, décroche un premier entretien téléphonique. Au bout de trente minutes d’un échange positif, la recruteuse lui offre de fixer un rendez-vous. Tout se présente pour le mieux. Jusqu’à ce que, soudain, elle réalise que Sylvie Heas n’a pas précisé son âge sur son CV. Elle pose donc la question. A l’annonce de la réponse – 56 ans –, l’échange tourne court. Plus de rendez-vous en perspective. « C’est qu’au-delà de 45 ans, mon client ne veut embaucher personne…. », explique la recruteuse à la candidate interloquée.

C’est l’un des nombreux paradoxes du marché du travail français et une grande difficulté pour la réforme des retraites en gestation. Alors que les individus sont appelés à travailler de plus en plus longtemps, les seniors – entendez par là les plus de 45 ans, selon la terminologie couramment admise dans le monde du travail… – sont les mal-aimés des entreprises et des recruteurs. Selon  l’ADP The Workforce View in Europe, paru début septembre, plus d’un tiers des salariés français estime avoir subi une forme de discrimination au travail liée à son âge.

Voilà pour la perception. L’examen statistique confirme ce sentiment d’inégalité.
Malgré une nette progression depuis une dizaine d’années, due surtout à l’arrêt des cessations anticipées d’activité (préretraites), la situation des seniors sur le marché du travail n’est guère enviable.

Le taux d’emploi des 55-64 ans s’établit à 51,3 % en 2017 en France, un niveau inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne (UE), où il est de 57,1 %. Pour la tranche d’âge des 60-64 ans, le décrochage français est encore plus net : 29,4 % contre 42,5 %. Le taux d’emploi est environ deux fois plus élevé en Allemagne, au Danemark, au Pays-Bas, en Estonie,  en Estonie… Il dépasse même les 60 % en Suède (68 %), en Norvège (66 %) ou en Suisse (61 %)… et atteint 82 % en Islande.

« En France, seul le secteur automobile a fait de réels efforts »

Les Français seraient-ils les champions de la retraite prise le plus tôt possible ? Pas vraiment. En réalité, ce faible taux d’emploi se traduit par une très grande diversité de situations : ni au travail ni à la retraite, les seniors naviguent dans une zone grise, entre arrêts maladie, invalidité ou chômage. « Entre 55 et 64 ans, une part non négligeable des travailleurs passe par l’inactivité », déclare Marion Gilles, chargée de mission au département Etudes, capitalisation & prospective à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

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LJD

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